• Aucun résultat trouvé

L'espace audiovisuel européen: quelques réflexions à propos des instruments de mise en oeuvre

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L'espace audiovisuel européen: quelques réflexions à propos des instruments de mise en oeuvre"

Copied!
20
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

L'espace audiovisuel européen: quelques réflexions à propos des instruments de mise en oeuvre

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, RIEHL, Frédéric

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, RIEHL, Frédéric. L'espace audiovisuel européen:

quelques réflexions à propos des instruments de mise en oeuvre. Annuaire français de droit international, 1989, vol. 35, p. 683-701

DOI : 10.3406/afdi.1989.2925

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41950

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

L'ESPACE AUDIOVISUEL EUPOPEEN : QUELQUES REFLEXIONS

A PROPOS DES INSTRUMENTS DE SA MISE EN OEUVRE

Laurence BOISSON de CHAZOURNES et Frederic RIEHL

Les contours d'un espace audiovisuel européen se dessinent de plus en plus nettement : la télévision transfrontière (1) est devenue une réalité en Europe. De nombreux facteurs d'ordre politique, culturel, économique ainsi que technique ont favorisé l'instauration de cet espace audiovisuel et ont entraîné les États à définir les règles juridiques applicables en ce domaine.

C'est dans ce contexte que la Convention européenne sur la télévision trans frontière (ci-après Convention TV) a été négociée et adoptée au sein du Conseil de l'Europe (2) (3). Elle édicté des règles auxquelles tout service de programme de télévision susceptible d'être reçu dans un ou plusieurs pays autres que le pays d'émission, devra être conforme, et cela quel que soit le moyen technique de transmission utilisé. Ces règles ont essentiellement trait au contenu de la programmation, à la protection de certains droits indivi duels comme le droit de réponse, à la recherche d'objectifs culturels ainsi qu'à la publicité et au parrainage (4).

La Convention TV n'est pas le seul instrument qui a vocation à régir l'espace audiovisuel européen. Il doit aussi être fait mention d'autres régl ementations adoptées au plan universel (5) ainsi qu'au plan européen. Tout efois l'importance que nombre d'Etats ont attaché à l'élaboration et à l'adoption de cette convention ainsi que les références qui lui sont faites dans diverses enceintes politiques conduisent à lui reconnaître un rôle pri mordial dans la consolidation d'un espace audiovisuel européen. A cet égard

(*)Laurence Boisson de Chazouenes, Assistante à la Faculté de droit de l'Université de Genève, Frédéric Riehl, Avocat, Adjoint scientifique au Service de la Radio et de la Télévision, Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (Suisse). (1) Les notions de télévision transfrontière et de radiodiffusion transfrontière seront indi fféremment employées.

(2) Pour le texte de cette convention, voir Revue générale de droit international public, 1989/2, pp. 553-564; un Rapport explicatif a été adoptée en même temps que la convention. (3) La Convention TV a été ouverte à signature le 5 mai 1989. Au 1er mai 1990, l'Autriche, l'Italie, le Liechtenstein, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, Saint-Marin, l'E spagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni, la Pologne et la Hongrie l'ont déjà signée.

(4) Sur cette convention, voir L. Boisson de Chazouknes, La télévision transfrontière dans le cadre du Conseil de l'Europe : enjeux et portée d'une réglementation, AFDI, 1988, pp. 795-806.

(5) Voir K. Nordenstkeng, E. Gonzales Manet, W. Kleinwâchter, New International Infor mation and Communication Order, Sourcebook, Prague, International Organization of Journalists, 1986, 391 p.

(3)

il apparaît intéressant d'apprécier le statut et les rapports de cette conven tion avec d'autres instruments susceptibles aussi de s'appliquer en ce do maine et de souligner les difficultés qui pourraient naître de leur cohabitation.

1 — Le statut et les rapports de la Convention sur la télévision transfrontière et de la Convention européenne des droits de l'homme

Les négociations et l'adoption de la Convention TV ont été mues par la volonté des États européens de se doter d'un instrument qui réglemente

«entre les Parties, la transmission transfrontière et la retransmission de services de programmes de télévision» (6) afin d'assurer le respect de la l iberté d'expression et d'information telle que garantie par l'article 10 de la

Convention européenne des droits de l'homme, qui est «l'un des principes essentiels d'une société démocratique et l'une des conditions de base pour son développement et celui de tout être humain» (7). La Convention TV s'ins crit donc dans le prolongement de l'article 10 et ceci doit être pris en compte lorsqu'il s'agit d'analyser les rapports qu'entretiendront les deux conventions adoptées au sein du Conseil de l'Europe en ce qui concerne les questions de radiodiffusion transfrontière relevant du champ d'application de la Convention TV. Afin d'analyser les rapports des deux instruments, il convient, dans un premier temps, de présenter les circonstances lors des quelles le problème de ces rapports pourrait se présenter.

1 .1 — Les possibilités de recours devant les organes européens de protection des droits de l'homme

La transmission transfrontière et la retransmission de programmes au diovisuels sont susceptibles de provoquer des différends dont les protago nistes pourront être des Etats ainsi que des particuliers. Il pourra alors, selon les circonstances, être fait recours aux mécanismes de règlement des différends que prévoit la Convention TV et à ceux institués par la Convention européenne des droits de l'homme.

Lorsqu'il y aura un différend opposant des États parties à la Convention TV, il ne pourra être soumis qu'aux procédures de règlement prévues par

(6) Article 1 de la Convention TV.

(7) Alinéa 4 du Préambule de la Convention TV; voir aussi l'article 4 de cette même convent ion.

L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme se lit comme suit :

«1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territo riale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire».

(4)

cette convention (8). Ainsi si un différend relatif à l'application de la convent ion ne pouvait être résolu par règlement amiable, les États pourraient de mander un avis consultatif à^ un organe dénommé Comité permanent, composé de représentants des États parties à la Convention TV. Si le dif férend persistait, il est prévu une procédure arbitrale, ce qui entraînerait le prononcé d'une décision obligatoire pour les États parties à ce différend.

Ce sont des procédures que seuls des États peuvent mettre en oeuvre et qui ne laissent pas à un particulier (individu ou personne morale) la pos sibilité d'introduire une requête contre l'État de la compétence duquel ils ressortissent ou contre tout autre État.

Quant aux différends ayant trait à des questions de radiodiffusion trans frontière opposant soit un État partie à la Convention TV à un État non partie à cette convention, soit deux États non parties à la Convention TV, ces différends ne pourraient être portés devant les organes européens de protection des droits de l'homme (Commission européenne des droits de l'homme, Cour européenne des droits de l'homme et Comité des ministres du Conseil de l'Europe) que s'ils avaient pour objet un manquement à l'ar ticle 10 imputable à un État qui n'aurait pas respecté les droits d'un ou plusieurs particuliers relevant de sa juridiction (au sens de l'article 1 de la Convention européenne des droits de l'homme) (9). Les États qui saisiraient la Commission européenne des droits de l'homme feraient en quelque sorte leurs les revendications de particuliers qui ne relèveraient pas de leur ju ridiction. Les autres différends interétatiques devraient être résolus au moyen d'autres mécanismes, juridictionnels ou diplomatiques, que prévoit le droit international.

Pour faire respecter leurs droits dans le cadre d'une procédure internat ionale, une seule possibilité s'offre aux particuliers. S'appuyant sur l'arti cle 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ils pourraient présenter une requête devant la Commission européenne des droits de l'homme à rencontre d'une mesure prise à leur égard en matière de radio diffusion transfrontière par l'État de la juridiction duquel ils relèvent (10).

Il faudrait pour cela que les conditions de recevabilité de cette requête énon cées aux articles 26 et 27 de la Convention européenne des droits de l'homme soient réunies. Ainsi en serait-il de la condition d'épuisement des voies de recours internes ou du caractère non abusif de la requête.

A ce titre il faut se demander si le fait qu'un différend fasse l'objet d'un règlement dans le cadre des procédures prévues par la Convention TV pour rait constituer un obstacle à la recevabilité de la requête individuelle au sens de l'article 27, paragraphe 1 b). En effet, cet article stipule qu'une re quête est- irrecevable si elle a «déjà été soumise à une autre instance inter nationale d'enquête ou de règlement et si elle ne contient pas de faits nouveaux». Il faudrait donc que le Comité permanent et le tribunal arbitral prévus par la Convention TV puissent être considérés comme des instances internationales d'enquête ou de règlement au sens de l'article 27, para graphe 1 b), mais il faudrait surtout que la requête individuelle puisse être (8) Articles 25 et 26 de la Convention TV; voir aussi les articles 19 et 21 de cette convention.

Dans l'Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), la Cour internationale de Justice a fait mention du caractère exclusif du recours à des procédures conventionnelles de règlement des différends lorsqu'elles sont sus ceptibles (9) Sur la base de l'article 24 de la Convention européenne des droits de l'homme. d'être appliquées, Recueil CI J, 1986, p 95, par. 178.

(10) Sur la base de l'article 25 de la Convention européenne des droits de l'homme.

(5)

considérée comme «essentiellement la même» que celle ayant provoqué la mise en oeuvre des procédures prévues par la Convention TV. Or, tant le critère des parties au différend (des Etats pour la Convention TV, un par ticulier et un État pour la Convention européenne des droits de l'homme) que le critère de l'objet de la requête (un différend opposant un État de réception à un État d'émission relatif à l'application de la Convention TV, un différend opposant un particulier à l'État de la juridiction duquel il relève et qui a trait au respect par l'État des droits du particulier issus de l'arti cle 10) conduisent à considérer que la condition de l'article 27, para graphe 1 b) ne pourra pas faire obstacle à la recevabilité d'une requête individuelle en matière de radiodiffusion transfrontière (11).

Ayant fait cas des possibilités de saisine des organes institués par la Convention TV et la Convention européenne des droits de l'homme, il s'agit alors de s'interroger sur les rapports qu'entretiendront l'application de l'ar ticle 10 et l'application de la Convention TV.

1 .2 —L'application de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme au regard de la Convention TV

Un recours ayant trait à la liberté d'expression et d'information dans le domaine audiovisuel pourra donc invoquer un manquement à l'article 10 de la convention des droits de l'homme devant les organes européens chargés de la protection de ces droits. Ceux-ci, au cas où ils seraient compétents, devraient se référer aux normes de la Convention TV. En effet, ainsi qu'il a précédemment été dit, les négociateurs de la Convention TV ont eu pour objectif d'adopter un instrument qui énonce des règles d'application dans le domaine de l'audiovisuel du principe de la liberté d'expression et d'informat ion. On peut considérer que la Convention TV énonce des règles de base dans le domaine de la radiodiffusion transfrontière et que donc l'interpré tation et l'application de la Convention européenne des droits de l'homme devront se faire en accord avec celle-ci (12).

Ces constatations sont conformes à la pratique suivie au sein du Conseil de l'Europe, d'autres instruments s'étant vus accorder le même statut. Ainsi en est-il de la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée en 1981, au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droit de l'Homme ou encore de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des déte nus (Résolution (73)5 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe) au regard de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il (11) En ce sens, T. Opsahl, Ten Years'co existence Strasbourg-Geneva, Protection des droits de l'homme : la dimension européenne, Mélanges en l'honneur de Gérard J.Wiarda, Fr. Matscher et H. Petzold (eds), Kôln, Berlin, Bonn, Mûnchen, Cari Heymanns Verlag KG, 1988, p. 436. (12) Le Rapport explicatif à la Convention TV est explicite sur ce point quand il souligne que «la Convention se présente comme un ensemble de règles de base communes pour un déve loppement harmonieux des services de programmes de télévision transfrontières. Elle confirme la garantie de réception et établit le principe de la non-restriction de la retransmission des services de programmes qui sont conformes à ces règles communes» (par. 31 ). De cela il découle «que les Parties ont la faculté d'appliquer des règles plus détaillées ou strictes que celles de la Convention a l'égard des services de programmes transmis par des organismes ou k l'aide de moyens techni ques relevant de leur juridiction» (par. 32). Cette faculté laissée aux États est expressément re connue à l'article 28 de la Convention TV. Ainsi les Etats peuvent appliquer des règles plus strictes mais ils ne pourront pas appliquer des règles moins contraignantes que celles que la Convention TV énonce.

(6)

sera ainsi fait application du principe d'interprétation auquel la Cour s'est à plusieurs occasions référé, selon lequel «la Convention est un instrument vivant à interpréter (...) à la lumière des conditions de vie actuelles» (13).

Une prise en compte des prescriptions de la Convention TV pourrait être renforcée par l'importance du nombre de ratifications dont elle ferait l'objet mais elle ne pourrait être écartée par le fait que l'État contre lequel est dirigé le recours n'est pas encore partie à la convention ou n'a pas déclaré appliquer la convention à titre provisoire (14).

Le statut qui devrait être réservé a cette convention par les organes européens chargés de la protection des droits de l'homme s'apparentera à certains égards à celui reconnu à d'autres conventions internationales non conclues dans le cadre du Conseil de l'Europe. En effet, la Cour a interprété certaines des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme à la lumière des dispositions de certaines conventions internationales telle la Convention N° 29 de l'O.I.T. sur le travail forcé ou obligatoire (15) ou la Convention de Bruxelles sur l'établissement de la filiation maternelle des enfants naturels (16). En revanche, l'hypothèse selon laquelle une restriction au respect de l'article 10 pourrait se justifier par le respect d'obligations découlant de la Convention TV ne pourrait être envisagée (17). En effet, l'article 10 devra être interprété en fonction de la Convention TV et de la pratique qui en découlera. Et l'interprétation de la Convention TV devra être conforme aux principes de l'article 10. Tout conflit d'interprétation et d'application entre les deux instruments devrait donc être écarté.

Il est à noter que la Convention TV prévoit que d'autres accords relatifs à la radiodiffusion transfrontière ont pu être conclus antérieurement ou pos térieurement à son entrée en vigueur. Pour ce qui est des accords conclus après l'entrée en vigueur de la Convention TV, son article 27 (18) réglemente leurs rapports avec elle. Il s'agit d'accords internationaux conclus entre cer tains États parties à la Convention TV et qui établissent un régime qui pourrait soit étendre la portée de ces règles, soit déroger aux règles découlant de la convention (ces derniers accords ne pouvant qu'être bilaté raux (19) (20). Il parait logique que les organes de protection des droits de (13) Arrêt Tyrer du 25 avril 1978, Série A, n° 26, par. 31; voir aussi Arrêt Guzzardi du 6 novembre 1980, Série A, n° 39, par. 95.

(14) La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée en ce sens en l'affaire Marcks, Arrêt du 13 juin 1979, Série A, n° 31, par. 41.

(15) Arrêt Van der Mussele du 23 novembre 1983, Série A, n° 70, par. 32.

(16) Affaire Marcks, op. cit., par. 20 et 41.

(17) Ainsi que ce fut le cas pour la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, voir Requêtes N° 8348/78 et N° 8406/78, J. Glimmerveen et J. Hagenbeek cl Pays-Bas, Décision du 11 octobre 1979 sur la recevabilité des requêtes, Décisions et rapports, n° 18, p. 206.

(18) L'article 27 (Autres accords ou arrangements internationaux) se lit comme suit :

«1. Dans leurs relations mutuelles, les Parties qui sont membres de la Communauté économique européenne appliquent les règles de la Communauté et n'appliquent donc les règles découlant de la présente Convention que dans la mesure où il n'existe aucune règle communautaire régissant le sujet particulier concerné.

2. Aucune disposition de la présente Convention ne saurait empêcher les Parties de conclure des accords internationaux complétant ou développant ses dispositions ou étendant leurs champs d'ap plication.

3. En cas d'accords bilatéraux, la présente Convention ne modifie en rien les droits et obligations des Parties qui découlent de ces accords et qui ne portent atteinte ni à la jouissance par les autres Parties des droits qu'elles tiennent de la présente Convention, ni a l'exécution de leurs obligations découlant de celle-ci».

(19) Par. 281 du Rapport explicatif de la Convention TV.

(20) Un régime spécifique est prévu pour le droit communautaire, voir infra, partie 2.

(7)

l'homme accordent à ces accords au regard de l'article 10, un statut sem blable à celui qu'ils ont accordé à d'autres conventions internationales non conclues dans le cadre du Conseil de l'Europe. Ils pourront être pris en compte en même temps que la Convention TV quand il s'agira d'interpréter l'article 10. S'il y a conflit avec les principes de l'article 10 tels que spécifiés par la Convention TV, on peut penser que les organes de protection des droits de l'homme feront primer les principes de l'article 10 sur les pres criptions de ces accords.

Les États parties à la Convention TV peuvent aussi être liés par des accords ayant trait à la réglementation de la télévision transfrontière et ayant été conclus antérieurement a l'entrée en vigueur de la Convention TV. Ainsi en est-il, par exemple, du Règlement des radiocommunications de l'UIT. Leur cohabitation avec l'article 10 sera analysée ultérieurement.

Il ressort de l'analyse qui vient d'être faite des rapports de la Convention TV et de la Convention européenne des droits de l'homme que les organes européens de protection des droits de l'homme voient leurs compétences «pré cisées» dans le domaine de l'audiovisuel. Ceci doit-il être interprété comme une tentative des États de redéfinir le pouvoir d'appréciation des organes de protection des droits de l'homme en ce domaine ?

2 — Les rapports de la Convention sur la télévision transfrontière et de la Directive «télévision sans frontière»

Le Conseil des Communautés Européennes (la CEE) a adopté le 3 oc tobre 1989 une directive (ci-après Directive TV), dont le but est, en appli cation du principe de la libre circulation des services, de créer un espace audiovisuel fondé sur le principe de la libre transmission et de la libre ré ception des émissions diffusées dans un État membre vers les autres États membres (21).

Lors du Conseil européen de Rhodes qui s'est tenu en septembre 1988, il a été décidé que le contenu de la Directive TV ne devrait pas s'écarter sans raison des règles de la Convention TV du Conseil de l'Europe. Les dispositions de la Directive TV sont ainsi très semblables à celles de la Convention TV. Toutefois, outre le fait que ces deux instruments se distin guent par leur forme juridique, quelques divergences dans leur contenu sub sistent. Il est intéressant de les analyser afin de mettre en évidence certains problèmes de cohabitation qui pourront apparaître lors de la mise en oeuvre de ces deux instruments.

L'adoption de la directive TV contraint les États membres de la CEE à adapter d'ici au 3 octobre 1991 leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives (22). La Convention TV quant à elle, n'entrera en vigueur que lorsque sept États dont au moins cinq du Conseil de l'Europe l'auront ratifiée (23). On peut donc penser de prime abord que la Directive TV sera appliquée avant la Convention TV; mais ce serait sans tenir compte du fait que la Convention TV permet aux États signataires de l'appliquer provisoi- (21) Directive du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle, JOCE, 17.10.89, N° L 298/23.

(22) Article 25 de la Directive TV.

(23) Article 29, par. 2 de la Convention TV.

(8)

rement de jure (24), voie déjà choisie par la Suisse (25). D'autres États ont déclaré qu'ils l'appliquaient dès à présent de facto (Suède, Pays-Bas par exemple).

L'article 27, paragraphe 1er de la Convention TV énonce les rapports qui seront ceux de la Convention TV et de la Directive TV (26). En effet, cet article contient une clause de déconnexion en faveur de la CEE. Il s'ensuit que seule la Directive TV s'applique à l'égard des matières couvertes par celle-ci. En ce qui concerne les matières non réglementées par la Directive TV, la Convention TV ne s'applique qu'à condition qu'aucune autre règle communautaire ne puisse être invoquée. Quant aux rapports entre États membres et États non membres de la CEE, ils seront régis par la Convention TV. Les divergences portant sur le contenu de la Directive TV et de la Convention TV sont dans ce contexte intéressantes à présenter car elles permettent de montrer quelles pourraient être les difficultés de cohabitation des deux instruments. En effet, il n'est pas sûr que l'article 27 paragraphe 1 de la Convention TV qui a pour objet de régir les rapports entre ces deux instruments soit à même d'aplanir toutes ces difficultés. L'examen du champ d'application de chacune des deux réglementations est à cet égard révélateur.

La Convention TV utilise le terme de «transmission» alors que la Di rective TV parle de «radiodiffusion télévisuelle». Il n'y a pas de grandes différences entre ces deux termes. Il est à noter cependant que les «commun ications de programmes entre entreprises en vue d'une radiodiffusion à l'intention du public» (27) ne sont pas considérées comme une transmission selon la convention TV. Cette différence de terminologie peut s'expliquer en outre par le fait qu'au début des négociations sur la Convention TV, il était question que celle-ci s'applique également à la radio sonore. Dans la prati que, la définition plus large de la Directive TV pourrait avoir pour consé quence que les réseaux de télévision ne soient pas considérés comme un tout contrairement à la Convention TV qui ne prend en compte que le pr ogramme final.

Pour ce qui est de la publicité, la Convention TV est d'application plus large, car elle vise non seulement la publicité commerciale mais aussi la promotion d'une cause ou d'une idée (28). Cette différence avec la Directive TV pourrait dans le domaine flou de la publicité institutionnelle poser quel

ques difficultés d'interprétation pour les radiodiffuseurs. Ainsi la propagande religieuse est exclue de la Directive TV alors que la Convention TV tolère cette forme de publicité. L'article 16 de la Convention TV prévoit des res trictions pour la publicité s'adressant spécifiquement à un autre État partie à la Convention TV : il est prévu que les messaqes publicitaires ne peuvent contourner les règles relatives à la publicité en vigueur dans l'État de ré ception. La Directive TV ne contient pas de disposition semblable, la Commission (CEE) ayant toujours estimé qu'une telle disposition était contraire au Traité de Rome du fait de son caractère discriminatoire.

Pour ce qui est des objectifs culturels, il n'y a en fait pas de différences fondamentales entre les deux textes. Contrairement à ce qui a été dit, aucun

(24) Article 29, par. 3 de la Convention TV.

(25) Déclaration faite le 5 mai 1989 lors de la signature de la Convention TV.

(26) Voir note (18).

(27) Article 1er de la Directive TV.

(28) Article 2 de la Convention TV.

(9)

des deux instruments ne fixe de véritables quotas. Les États se sont fixés le but de réserver une proportion majoritaire du temps de diffusion aux oeuvres d'origine européenne. La formulation des dispositions est souple et laisse une large marge de manoeuvre à l'Etat responsable de la mise en oeuvre des dispositions. En ce domaine, la différence entre les deux instru ments a trait à la définition d'une oeuvre audiovisuelle d'origine européenne.

La Convention TV précise que le critère d'identification est le siège des per sonnes physiques ou morales qui contrôlent la production de l'oeuvre. Cela n'exclut pas le financement extra-européen partiel dans la mesure où le pro cessus de production artistique et technique demeure effectivement contrôlé par des personnes physiques ou morales européennes (29). La Directive TV quant à elle distingue diverses catégories d'oeuvres audiovisuelles d'origine européenne recourant au critère du lieu de résidence des auteurs et travail leurs, au critère du contrôle de la production et de la coproduction ainsi qu'à des critères géographiques. Ainsi,ces différences de critères d'identifi cation d'une oeuvre audiovisuelle d'origine européenne pourraient poser des problèmes. En effet, la Directive TV reconnaît comme oeuvres audiovisuelles européennes des oeuvres provenant de pays du Conseil de l'Europe qui ne sont pas membres de la CEE. La même oeuvre pourra-t-elle être considérée de manière différente suivant l'instrument qui s'y réfère ? Si juridiquement cela peut être admissible, politiquement cela peut être difficilement soute- nable.

La Directive TV recommande aux Etats, dans son article 5, de veiller à ce que les radiodiffuseurs consacrent 10 % du temps d'antenne ou 10 % du budget de programmation à des oeuvres européennes émanant de pro ducteurs indépendants. La Convention TV ne contient pas de disposition de cet ordre. L'absence d'une telle règle contraignante pourra ainsi avantager les radiodiffuseurs de pays membres du Conseil de l'Europe qui ne font pas partie de la CEE. Il ne faut, cependant, pas surestimer cette différence de traitement qui ne saurait constituer une pénalisation des radiodiffuseurs provenant de la CEE.

La question de l'accès du public à des événements majeurs n'est pas traitée dans la Directive TV. De son côté, la Convention TV (30) prévoit que les Parties doivent examiner les mesures qu'elles devraient prendre afin que le droit du public à l'information ne soit pas remis en cause par l'exercice de droits exclusifs en faveur d'un seul radiodiffuseur.

La Convention TV prévoit la possibilité pour les Etats de faire une ré serve ayant trait aux messages publicitaires en faveur de boissons alcooli sées. Les États parties peuvent s'opposer à la retransmission sur leur territoire, de programmes contenant de tels spots publicitaires, dans la me sure où cela n'est pas conforme à leur propre législation (31). Il n'y a pas de possibilité semblable dans le contexte communautaire. Or, il se peut qu'un État membre de la CEE fasse usage de la faculté que lui reconnaît la Convent ion TV. Cette réserve serait-elle opposable aux programmes provenant d'É tats membres de la CEE ?

(29) Voir Rapport explicatif de la Convention TV, par. 60.

(30) Article 9 de la Convention TV.

(31) Article 32, par. 1 de la Convention TV.

(10)

La cohabitation des mécanismes de règlement des différends prévus par chacun des instruments pourrait aussi soulever des problèmes (32). Une même question traitée de façon semblable par la Convention TV et la Di rective TV sera susceptible d'être résolue de manière différente dans le cadre de chacune des procédures. Il faut aussi ajouter que les ressortissants des Etats membres de la CEE ont toujours la possibilité de saisir les organes européens de protection des droits de l'homme de questions ayant trait à l'application de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dans le domaine audiovisuel.

Même si la Convention TV et la Directive TV ont dans leur grande ligne un contenu semblable, un certain nombre de différences subsistent toutefois.

L'une des explications tient à l'orientation plus économique qui a présidé à l'élaboration de la Directive TV, alors que les travaux de la Convention TV ont été axés sur la recherche du respect de la liberté d'information et du pluralisme dans le domaine audiovisuel. Ces différences pourront entraîner des problèmes de cohabitation dans le respect des deux réglementations.

Elles pourraient se résorber au moyen de l'adhésion de la CEE à la Convent ion TV, comme le prévoit l'article 29 de cette dernière. La CEE pourrait ainsi faire valoir son point de vue au sein du Comité permanent et lors de la mise en oeuvre des procédures de règlement prévues par la Convention TV (33).

3 — La Convention sur la télévision transfrontière au regard des négociations AELE/ CEE en vue de l'établissement d'un Espace économique européen (EEE)

Les 14 et 15 mars 1989, les chefs de gouvernement des pays de l'AELE ont décidé à Oslo de favoriser dans toute la mesure du possible la réalisation des quatre libertés fondamentales du Traité de Rome (liberté de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux) dans le but de conclure un accord avec la CEE. A la suite de la rencontre consécutive du 20 mars 1989, entre ministres de l'AELE et de la CEE à Bruxelles, un comité directeur comprenant les deux organisations a réparti les tâches en cinq groupes de travail : liberté de circulation des personnes, liberté de ci rculation des marchandises, liberté de circulation des services et des capitaux, mesures politiques d'accompagnement (protection de l'environnement, etc..) et aspects juridiques et institutionnels.

La commission de la CEE a adressé une liste de sujets qu'elle considérait appartenir à l'acquis communautaire et qui devraient être repris par les pays de l'AELE. Des négociations se sont engagées sur cette base. Le résultat

(32) II est à rappeler que l'article 219 du Traité instituant la CEE stipule que «les Etats membres s'engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l'interprétation ou à l'application du présent traité à un mode de règlement autre que ceux prévus par celui-ci».

(33) La Communauté peut exercer son droit de vote dans lés organismes créés par la Convent ion (art. 20, Comité permanent). Elle dispose d'un nombre de voix égal au nombre de ses Etats membres parties à la Convention et ne peut exercer son droit de vote que lorsque le sujet relève de sa compétence. Afin d'éviter une prépondérance systématique de la Communauté lorsqu'elle vote, la majorité a été fixée au trois quarts dans les cas importants (art. 20, par. 7, art. 23, par. 3).

(11)

des négociations devra aboutir à l'adoption d'un accord consacrant la réali sation d'un Espace économique européen (34).

Les pays membres de l'AELE doivent donc identifier avec la Commission de la CEE ce qui relève de l'«acquis communautaire» et négocier ensuite sur cette base.

Le secteur audiovisuel n'échappe pas à ce processus de rapprochement AELE/CEE. Les questions de radio et de télévision sont traitées dans le groupe liberté des services et des mouvements de capitaux.

Une interrogation préliminaire s'impose. L'AELE, association économi que de libre-échange comme son nom l'indique, a-t-elle la compétence de traiter de questions d'audiovisuel ? Les prestations revêtent une composante culturelle très marquée, ce qui les distingue d'autres services. Doivent-elles alors être traitées dans le même cadre que les banques et les assurances ? La mission de service public qui incombe aux radiodifruseurs et les principes de pluralité, et de protection d'objectifs culturels pourront-ils être pris en compte au mieux ?

Il s'agit aussi de se demander ce qu'est l'«acquis communautaire» en ce domaine. Est-ce la Directive TV, ce que ne manquera pas de soutenir la Commission de la CEE ou la Convention TV ? Plusieurs facteurs militent en faveur de la Convention TV. En effet, celle-ci est antérieure à la Directive TV de la CEE. Dans le cas où la Directive TV constituerait l'«acquis commun autaire», les rapports juridiques entre États parties à la Convention TV devraient alors s'envisager de la façon suivante : les rapports entre les États membres de l'AELE et les États membres de la CEE devraient être gouver nés par l'accord EEE. Il en serait de même pour les rapports entre pays membres de l'AELE. Les rapports entre États membres de l'AELE et Etats qui ne seraient membres ni de l'AELE, ni de la CEE seraient régis par la Convention TV (pour autant qu'ils y aient adhéré). Les rapports mutuels des États parties à la Convention TV et qui ne sont membres ni de l'AELE, ni de la CEE seraient régis par la Convention TV.

On remarque que la Convention TV du Conseil de l'Europe verrait son champ géographique d'application se réduire considérablement. Il pourrait en résulter que le rôle du Conseil de l'Europe dans le domaine audiovisuel soit gravement remis en question. On peut se demander si tous les pays AELE seraient prêts à accepter une telle situation (35). Il est difficile d' imaginer que tous les pays de l'AELE puissent renoncer aux avantages que leur apportent certains aspects traités différemment dans la Convention TV.

Par exemple, comment feront la Suède et la Suisse pour renoncer à une disposition comme l'article 16 de la Convention TV (publicité s'adressant spécifiquement à une seule partie) qui n'a pas d'équivalent dans la Directive TV, alors que les deux pays ont insisté pour que la Convention TV contienne une telle disposition ?

(34) Cette démarche de 1*EEE n'est pas étrangère à la perspective proche du grand marché européen de 1992 qui inquiète un certain nombre d'Etats, d'industriels et d'entreprises non commun autaires. Ces derniers, et plus particulièrement dans les pays nordiques, craignent d'être mis à l'écart et de n'être plus compétitifs. La CEE ne désirant pas dans cette phase de consolidation accueillir de nouveaux membres, elle a imposé aux pays de l'AELE, la négociation de bloc à bloc (CE-AELE).

(35) Voir partie 2, sur les différences de contenu entre la Convention TV et la Directive TV.

(12)

Le fait que les pays de l'AELE puissent devenir parties à un accord EEE qui considérerait comme «acquis communautaire» la Directive TV peut être contesté sous un autre angle. L'article 27 qui a été mentionné anté rieurement traite des rapports de la Convention TV avec d'autres accords internationaux. En son paragraphe 2, il est stipulé que les parties à la Convention TV peuvent conclure des accords internationaux qui complètent ou modifient des dispositions de cette dernière. Les accords qui dérogeraient à la Convention TV ne pourraient être que bilatéraux. L'accord AELE/CEE sera un accord multilatéral. Si la Directive TV y est considérée comme l'«ac- quis communautaire», il se trouverait en porte-à-faux par rapport à la Convention TV. Devra-t-il être considéré comme un accord dérogatoire au sens de la Convention TV ou pourra-t-il bénéficier de la clause de dé connexion prévue pour la CEE ?

4 — La Convention sur la télévision transfrontière dans le cadre de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE)

Dans le prolongement de l'acte final d'Helsinki de 1975, il a été décidé, à l'initiative des pays neutres et non-alignés (N + N) de tenir une réunion de la CSCE consacrée aux problèmes de l'information dénommée Forum de Londres (18 avril - 12 mai 1989). L'agenda de la réunion portait essentie llement sur la diffusion, l'accès et l'échange d'informations et sur les condi tions de travail des journalistes. La composition de la plupart des délégations - diplomates et journalistes - lui donna un aspect particulier. Placé dans le contexte des premières ouvertures de la Glasnost et de la Perestroïka, ce forum a favorisé l'émergence d'un certain nombre d'idées nouvelles rela tive à la coopération Est-Ouest, dans le domaine des médias.

Le domaine de l'audiovisuel ne fut pas traité dans un document distinct mais au travers d'un texte de portée plus générale accepté par la majorité des pays présents. Ce texte dont les auteurs furent des pays membres de l'OTAN, du Pacte de Varsovie et des N + N traite de la liberté d'information et des conditions de travail des journalistes. Il comporte quelques para graphes sur l'encouragement de la coopération et la mise sur pied de pr ogrammes communs dans le domaine de la production audiovisuelle. A cet effet, la délégation soviétique lança l'idée d'un programme pan-européen de télévision par satellite qui transmettrait des émissions d'information prove nant de chaque pays européen permettant aux peuples de mieux se comprend re. Concernant plus particulièrement, les technologies de diffusion en ce domaine, il fut spécifié que «Les États participants envisageront l'adoption de normes communes régissant la diffusion et la retransmission par satellite d'émissions radiotélévisées sur leur territoire, entre autres, en ouvrant à d'autres États participants l'accès à la Convention du Conseil de l'Europe sur la télévision transfrontière».

La nécessaire reconnaissance du principe de la liberté de diffusion et de retransmission fut ainsi consacrée. Il en fut de même du rôle de la Convention TV dans l'élaboration d'un espace audiovisuel européen. Cette référence à la Convention TV souligne l'intérêt des pays de l'Est à son égard.

Elle manifeste aussi très certainement leur crainte d'être exclus de ce champ de coopération culturelle. Symptomatiques furent leurs interrogations sur

(13)

la notion d'oeuvre audiovisuelle d'origine européenne et le temps de diffusion que la Convention prévoit de leur réserver. Or, l'article 10 de la Convention TV n'exclut pas que des oeuvres audiovisuelles provenant de ces pays puis sent être considérées comme des oeuvres d'origine européenne au sens de la Convention TV. Une assimilation semblable est beaucoup moins évidente dans le cadre communautaire.

La Pologne et la Hongrie manifestèrent lors de cette réunion de la CSCE leur volonté de s'arrimer à la politique audiovisuelle du Conseil de l'Europe.

Cette volonté s'est notamment confirmée par la signature de la Convention TV par la Pologne et la Hongrie. D'autres pays européens non membres du Conseil de l'Europe pourraient procéder de la même manière s'ils sont par ties à la Convention culturelle européenne ainsi que l'article 29, para graphe 1 de la Convention TV le prévoit.

Quant aux États qui ne sont pas parties à la Convention européenne culturelle, l'article 30 de la Convention TV prévoit que :

«1. Après l'entrée en vigueur de la présente Convention, le Comité des Mi nistres du Conseil de l'Europe pourra, après consultation des États contrac tants, inviter tout autre État à adhérer à la convention par une décision prise à la majorité prévue à l'article 2O.d du Statut du Conseil de l'Europe et à l'unanimité des représentants des États contractants ayant le droit de siéger au Comité.

2. Pour tout État adhérent, la Convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument d'adhésion près le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe».

Des Etats non européens par exemple, mais parties à la CSCE (les États-Unis et le Canada) pourraient ainsi par ce biais adhérer à la Convent ion TV.

5 — Les rapports de la Convention sur la télévision transfrontière et du droit international des télécommunications

Afin d'analyser les rapports de la Convention TV et du droit interna tional des télécommunications, il faut dans un premier temps se pencher sur la question de la prise en compte par chacun des corps de règles de l'existence de différentes catégories de satellites et des conséquences qui dé coulent de cette distinction.

5-1 — La distinction entre les services de radiodiffusion par satellite et les services fixes de satellite

La Convention TV «s'applique à tout service de programmes qui est transmis ou retransmis par des organismes ou à l'aide de moyens techniques relevant de la juridiction d'une Partie, qu'il s'agisse de câble, d'émetteur terrestre ou de satellite, et qui peut être reçu, directement ou indirectement, dans une ou plusieurs autres Parties» (36). On le constate, toute transmis sion transfrontière et toute retransmission de services de programmes de télévision relèvent du champ d'application de la Convention TV et cela i ndépendamment de la prise en compte des moyens techniques utilisés pour parvenir à cette fin. Le critère d'application de la convention qui a été retenu

(36) Article 3 de la Convention TV.

(14)

est celui de la réception directe ou indirecte des programmes de télévision par le public en général(37), ce qui entraîne que tous les moyens techniques utilisés sont couverts par cette convention (38).

La distinction faite par le Règlement des radiocommunications de l'U nion internationale des télécommunications (UIT) (39) entre un service de radiodiffusion directe par satellite (RDS) et un service fixe de satellite (SFS) n'a donc pas été retenue. Cette distinction réside dans le fait que la trans mission d'un service de radiodiffusion directe par satellite est destinée à être reçue par le public en général alors que la transmission d'un service fixe de satellite n'est en principe accessible au public que par l'intermédiaire d'une station terrestre. Les conséquences de cette distinction consistent en ce que des bandes de fréquences différentes soient attribuées à chacun des services et que leur fonctionnement soit régi au moyen de réglementations différentes.

C'est la fonction originellement attribuée par les États à la transmission par service fixe par satellite qui explique cette distinction. En effet, le service fixe par satellite est destiné à «effectuer toutes sortes de «télécommunicat ions» telles que la transmission des conversations, messages, données, in formations par téléphone, telex, télécopie, etc. qui tombent dans le domaine général des «correspondances internationales» couverts par le «secret des télécommunications» » (40). Afin de garantir le secret des télécommunicat ions, le Règlement des radiocommunications prohibe toute interception de radiocommunications non destinées à l'usage général du public. Une telle interception si elle devait avoir lieu ne pourrait l'être que sur autorisation de l'État compétent. Lorsque les États ont étendu l'utilisation du service fixe par satellite à la transmission de programmes de télévision, il a été prévu que ces mêmes règles s'appliquent. Cela explique qu'au sein de l'UIT, les programmes de télévision transmis au moyen d'un service fixe par sa

tellite «doivent être considérés comme destinés à être reçus uniquement par des stations terrestres situées en des points fixes déterminés et non dire ctement par le public en général» (41). Il résulte de cette situation qu'il ne devrait pas y avoir de distribution, au moyen d'un satellite du service fixe, de programmes destinés à être reçus directement par le public en général et donc en toute logique la question de la réception individuelle ne devrait pas se poser.

Or, à l'heure actuelle les possibilités de réception individuelle de pr ogrammes de télévision transmis au moyen de services fixes par satellite ten dent à se généraliser. La mise en orbite d'une nouvelle catégorie de satellites de télécommunication, les satellites de moyenne puissance (42), l'améliora tion de la qualité des installations individuelles de réception ainsi que le développement de services transmis par satellites à des réseaux câblés ont rendu possible une telle évolution. Il s'ensuit que les différences de nature technique entre les services de radiodiffusion directe par satellite et les ser-

(37) Voir article 2 a) et b) de la Convention TV.

(38) Voir par. 45 et 46 du Rapport explicatif de la Convention TV. Il en est de même pour la Directive TV. (39) Nos 22 et 37 du Règlement de radiocommunications. Voir aussi la Convention interna tionale sur les télécommunications adoptée à Nairobi en 1982.

(40) Affaire Autronic AG, Réponses de l'UIT aux questions du gouvernement suisse, Cour européenne des droits de l'homme, Cour (89) 279, p. 3.

(41) Ibid, p. 6.

(42) Tel, par exemple, le satellite ASTRA.

(15)

vices fixes de satellite s'estompent, que les uns comme les autres peuvent transmettre des programmes de télévision qui pourront directement être re çus par le public (de façon individuelle ou collective). Les négociateurs de la Convention TV ont pris en compte ces développements techniques, ce qui les a conduit à ne pas retenir là distinction faite par l'UIT entre les services de satellite.

5-2 —Le statut de la Convention TV au regard du droit international des télécommun ications

C'est à propos du principe de la liberté de réception et de retransmission tel qu'énoncé à l'article 4 de la Convention TV (43) que se pose la question du statut de la Convention TV au regard du droit international des tél écommunications.

Ainsi qu'il a précédemment été dit, les conditions d'utilisation des sa tellites de télécommunication ont changé et s'apparentent aux conditions

d'utilisation des satellites de radiodiffusion directe. Toutefois leur régime juridique au sein de FUIT n'a pas changé, ce qui implique que la réception et la retransmission des programmes de télévision transmis par service fixe de satellite ne peuvent se faire qu'avec l'autorisation de l'État compétent.

Tout en ne retenant pas la distinction entre services de satellite en v igueur au sein de l'UIT, les négociateurs de la Convention TV ont tout de même pris en considération l'existence du Règlement des radiocommunicat ions de l'UIT. Cela a été l'objet d'un compromis entre les États participant à l'élaboration de la Convention TV dont la transcription se trouve dans le Rapport explicatif de la Convention TV. Il est dit que «le principe selon lequel la liberté de réception et de retransmission est garantie ne vise pas à inhiber les Parties dans l'exercice de leurs politiques générales de distr ibution des fréquences de façon autorisée par d'autres accords» (44). Il semble donc que même si un programme de télévision transmis par service fixe de satellite était conforme aux prescriptions de la Convention TV, un État pour rait en s'appuyant sur la réglementation de l'UIT refuser d'autoriser sa ré ception ou sa retransmission.

Une telle situation suscite des réflexions et remarques. Ainsi des repré sentants des milieux professionnels concernés s'appuient sur l'évolution de la pratique étatique en ce domaine pour mettre en cause la dualité de régime juridique en vigueur dans le cadre de l'UIT et faire valoir sa transformation.

Il est ainsi fait remarquer qu'on assiste «à un changement dans les pays européens des règles concernant la réception individuelle de programmes destinés au public en général, transmis par l'intermédiaire de satellites du service fixe. (...) la plupart des pays européens ont, à des degrés divers et sous des formes variables, prévu la possibilité de ce type de réception» (45).

(43) L'article 4 (liberté de réception et de retransmission) se lit comme suit : «Les Parties assurent la liberté d'expression et d'information, conformément à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et elles garantissent la liberté de réception et ne s'opposent pas à la retransmission sur leur territoire de services de programmes qui sont conformes aux dispositions de la présente Convention».

(44) Par. 84 du Rapport explicatif.

(45) Voir W. Rumphorst, Convergence technique et nouveaux services : problèmes juridiques posés par l'utilisation des satellites pour la diffusion des programmes destinés au public en gé néral, A legal mosaic for global communications, 1st World Electronic Media Symposium, IUT, 1989, pp. 17-20.

(16)

Dans le domaine de la protection des droits d'auteur, la dualité de régime fondée sur la distinction entre satellites de radiodiffusion directe et satellites de télécommunication est mise en cause tant au sein de l'Organisation mond iale de la propriété intellectuelle (OMPI) que par les travaux du groupe d'experts constitué au sein du Conseil de l'Europe pour élaborer un protocole additionnel à la Convention TV sur les droits d'auteur.

Dans ce contexte, les décisions de la Commission européenne des droits de l'homme sont intéressantes à prendre en compte. Cette dernière a été saisie de deux affaires ayant trait au statut de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme au regard du droit international des t élécommunications à l'occasion de faits qui datent du début des années 80 (46). Dans les deux cas elle a fait primer les droits garantis par l'arti cle 10 sur les droits et obligations découlant du droit international des t élécommunications, considérant que les restrictions imposées par l'application de la réglementation de l'UIT à la liberté d'expression et d'information n'é taient pas conformes aux conditions énoncées par l'article 10, par. 2. Si la Cour européenne des droits de l'homme adoptait la même position, cela au rait pour conséquence que la réglementation de l'UIT ne puisse être appli quée que si cette application était conforme aux conditions énoncées par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (46').

Comment se justifierait au plan juridique le fait qu'un instrument de d imension régionale prenne le pas sur une réglementation de dimension uni verselle ? Comment le respect du principe du secret des télécommunications sur lequel s'appuie la réglementation de l'UIT pourrait-il être sauvegardé ? L'application de la Convention TV devrait-elle prendre en compte ces déci sions ?

Les négociateurs de la Convention TV ont posé les rapports de cette convention avec la réglementation de l'UIT en termes de coexistence et non de primauté d'un instrument sur un autre mais et n'ont pas spécifié les modalités de mise en oeuvre de cette coexistence. Or les remarques précé dentes suggèrent que des difficultés sont susceptibles de naître de cet état de fait. Comment devraient-elles alors être résolues ?

(46) La première, l'Affaire Groppera Radio AG et autres c. Suisse porte sur un problème de radio sonore. Est en cause une décision des autorités suisses qui a interdit aux sociétés suisses d'exploitation de réseaux câblés bénéficiant d'une concession d'antenne collective de rediffuser des programmes provenant d'émetteurs qui ne répondaient pas aux exigences des accords inte rnationaux sur les radios et télécommunications. La Commission européenne des droits de l'homme a conclu à une violation de l'article 10. Voir Requête no 10890/84, Rapport de la Commission, adopté le 13 octobre 1988, 71 p. La seconde affaire, l'Affaire Autronic AG c. Suisse, porte sur la question de la réception de programmes transmis par service fixe par satellite. Est en cause une décision suisse selon laquelle la réception à usage privé de transmissions non codées par satellite de télécommunications ne pouvait être autorisée sans l'accord de l'Etat émetteur, cela notamment du fait du caractère confidentiel des télécommunications. La Commission a conclu à une violation de l'article 10 du fait que les restrictions imposées à la liberté d'expression et d'information n'é taient pas conformes aux conditions énoncées par le paragraphe 2 de cet article. Voir Requête n° 12726/87, Rapport de la Commission, adopté le 8 mars 1989, 43 p.

(46') La Cour européenne des droits de l'homme a décidé dans un arrêt rendu le 28 mars 1990 qu'en l'Affaire Groppera Radio AG et autres II n'y avait pas violation de l'article 10. L'Affaire Autronic est pendante devant la Cour.

(17)

6 — Problèmes liés à la teneur économique de certaines dispositions de la Convention TV

Des préoccupations ayant trait a la circulation transfrontière des pr ogrammes de télévision se sont fait jour dans le cadre du GATT et de l'OCDE.

Il a été considéré que les échanges en ce domaine relevait du champ d'ap plication du Code de la libération des opérations invisibles courantes (ci- après, Code sur les invisibles) adopté dans le cadre de l'OCDE. Au sein du GATT, les États-Unis ont engagé des consultations avec des États européens sur la base des procédures de règlement des différends prévues par l'Accord Général. De plus, les échanges de progammes audiovisuels ont donné lieu à des prises de position dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round portant sur les services. Il s'agit de s'interroger sur les incidences de ces

actions sur la mise en oeuvre de la Convention TV.

6. 1 — Les rapports du Code de la libération des opérations invisibles courantes de l'OCDE avec la Convention TV

Le Code des invisibles (47) dont le but est la suppression des restrictions aux transactions invisibles courantes et aux opérations invisibles courantes sur une base non discriminatoire (48), a vu son champ d'application élargi aux oeuvres audiovisuelles (49). En effet, la rubrique «oeuvres audiovi suelles» a été substituée à celle de «films». Sont considérées comme des oeu vres audiovisuelles des «séquences d'images animées éventuellement

accompagnées de matériel sonore» (50). Cette définition ne prend en compte ni le support matériel des oeuvres audiovisuelles ni leur contenu. Il est à noter que le Code sur les invisibles prévoit la possibilité pour les États d'ac corder des aides à la production et d'instituer des quotas de projection (51) et qu'à la différence de la Convention TV, il s'applique aussi au cinéma.

Les rapports de la Convention TV avec le Code sur les invisibles peuvent être abordés de différentes façons. Une disposition du code prévoit qu'aucune disposition de ce code «ne doit être considérée comme modifiant les obliga tions» assumées par un État en tant que partie à un «autre accord multi latéral en vigueur sur le plan international» (52). Peut-on considérer que la Convention TV pourra relever de cette catégorie d'accords ? Si tel était le cas, lorsque les deux réglementations seront applicables, les dispositions de la Convention TV devront l'emporter. Une telle situation pourrait se produire en cas de diffusion de messages s 'adressant spécifiquement à un autre État que l'État d'émission du fait que la Convention TV réglemente cette situation en termes de restriction. Il pourrait en être de même pour la question de la part du temps réservé à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'origine européenne au cas où il pourrait être considéré que les dispositions de la Convention TV ne sont pas conformes aux prescriptions du Code sur les invisibles relatives aux quotas de projection.

(47) Ce code a été adopté le 12 décembre 1961.

(48) Article l,a) et 9 du Code sur les invisibles.

(49) Décision du Conseil de l'OCDE du 8 juillet 1988, C(88) llO(Final).

(50) Ibid.

(51) Selon la terminologie du code.

(52) Article 4 du Code sur les invisibles.

(18)

Les États parties au Code sur les invisibles ont aussi la possibilité de formuler des réserves relatives aux engagements prescrits par le code en ce domaine (53). Le recours à cette faculté pourrait alors évincer les pro blèmes qui naîtraient de la cohabitation du code et de la Convention TV.

La Convention TV est silencieuse sur ses rapports avec des accords tel le Code sur les invisibles. L'article 27 de la Convention TV (54) doit-il être interprété de façon restrictive? Des problèmes liés à cette situation pour raient surgir. Il semble toutefois qu'ils pourraient être résolus par le biais des dispositions du Code sur les invisibles et éventuellement par le jeu des réserves à ce code que certains États auront faites.

6.2 — Le statut des oeuvres audiovisuelles dans le cadre du GATT

Sous le couvert d'une interrogation sur le statut des oeuvres audiovi suelles dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après, GATT) se pose le problème de savoir si les dispositions de la Convention TV qui ont trait au temps de diffusion d'oeuvres audiovi suelles d'origine européenne sont conformes aux prescriptions du GATT.

Cette question a lieu d'être du fait qu'elle a conduit les États-Unis à de mander aux États européens qui avaient au 1er septembre 1989 signé la Convention TV (55) à ce que des consultations soient tenues (56). Faisant suite à l'adoption le 3 octobre 1989 de la Directive TV, les États-Unis ont aussi demandé à la CEE d'entrer en consultations au sujet de cette direc tive (57).

Ces consultations se sont engagées au sujet du contenu de l'article 10 de la Convention TV. Cet article a trait au temps de diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'origine européenne (58) et a été inséré dans la Convention TV dans le but d'assurer le développement et la promotion de l'industrie européenne de production et de coproduction de création audiovisuelle. Il est notamment prévu, à cet effet, que les États veilleront «chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les radiodiffuseurs réservent à des oeuvres européennes une proportion majoritaire de leur temps de diffusion, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité et aux services de télé texte. Cette proportion, compte tenu des responsabilités du radiodiffuseur à l'égard de son public en matière d'information, d'éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés». Il est à rappeler que la Directive TV contient une disposition semblable, hormi le fait que la notion d'oeuvre audiovisuelle ne soit pas définie de la même manière.

Les États-Unis ont interprété cette disposition comme une discrimina tion réalisée à l'endroit de la diffusion d'oeuvres audiovisuelles non euro péennes et se sont interrogés sur son caractère contraignant.

(53) Article 2 b) du Code sur les invisibles.

(54) Voir note (18).

(55) Autriche, Espagne, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse;

voir Focus, Bulletin d'information du GATT, novembre 1989, p. 3. Les quatre pays membres des CEE ont fait valoir que leurs intérêts devaient être défendus par la Commission de la CEE.

(56) Sur la base de l'article XXII, paragraphe 1 du GATT.

(57) Focus, op. cit.

(58) Voir la définition à l'article 2 e) de la Convention TV.

(19)

II faut en premier lieu rappeler que le GATT réglemente les échanges internationaux de produits et que donc les échanges de services sont exclus de son champ d'application. Or tant le Code sur les invisibles de l'OCDE que le droit communautaire (59) ont recours à la notion de prestation de service pour qualifier la diffusion d'une oeuvre audiovisuelle. Il en découle que les États liés par ces instruments considèrent que les oeuvres audiovi suelles sont des services même si nombre de ces États insistent sur la spé cificité de cette catégorie de services (spécificité qui tient à leur caractère culturel, au statut de l'émission d'information, etc.). Les principes du GATT actuellement en vigueur ne peuvent donc être appliqués en ce domaine.

Des prises de position au sein du GATT confirment d'ailleurs ce point de vue. Au début des années 60, les États-Unis firent valoir que les restric tions imposées à la diffusion de programmes audiovisuels d'origine étrangère étaient contraires au respect du principe du traitement national en ce qui concerne la réglementation intérieure (article III, paragraphe 4). Le respect de ce principe doit permettre aux produits importés d'être soumis à un tra itement aussi favorable que les produits similaires d'origine nationale. Ils admirent toutefois que certaines des dispositions de l'article IV du GATT pourraient être applicables. Ce dernier article constitue une exception au principe du traitement national; il prévoit la possibilité d'imposer des re strictions quantitatives au plan interne sur les films cinématographiques impressionnés. Ces restrictions revêtent la forme de contingents à l'écran et leur imposition nécessite le respect de certaines conditions. L'organe plé- nier du GATT - dénommé les Parties contractantes - institua un groupe de travail pour se prononcer sur cette question mais celui-ci ne put parvenir à un accord sur l'applicabilité de ces dispositions à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles (60). Il en fut de même lorsque les PARTIES CONTRACTANTES furent saisies de cette question (61). Le fait que les films cinématographi ques furent considérés par les négociateurs du GATT comme des pro duits (des supports de son et d'image) et le non accord qui résulta des discussions entre les États membres du GATT au début des années 1960 confirment que la question du temps de diffusion d'oeuvres audiovisuelles ne peut être régie par les règles du GATT actuellement en vigueur.

Il s'ensuit que le problème de l'appréciation du caractère contraignant ou non des obligations auxquelles sont assujettis les États en ce qui concerne la diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'origine européenne n'a pas d'incidence sur l'évaluation de la compatibilité de leurs engagements découlant de la Convention TV et de la Directive TV au regard du GATT. On pourrait penser qu'il en serait de même si un accord sur les services venait a être conclu dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round. Beaucoup d'États par ticipant aux négociations invoquent la spécificité culturelle des programmes audiovisuels, ce qui pourrait entraîner une dérogation au respect du principe de non discrimination si un tel principe était considéré comme devant régir le secteur des services. De plus, certains États qui participent aux négocia tions ne veulent en aucun cas qu'il soit envisagé que les programmes au diovisuels relèvent du GATT. A cet égard il doit être souligné que le

(59) 11e considérant du Préambule de la Directive TV; voir aussi l'affaire Sacchi, arrêt du 30 avril 1974, 155/73, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1974, p. 409.

(60) GATT, Doc. L/ 1741 (1962).

(61) GATT, Doc. SR.20/4, p. 46 (1962).

(20)

particularisme des services dits culturels a aussi été pris en compte par l'Accord de libre-échange conclu par les États-Unis et le Canada puisqu'ils sont exclus du champ d'application de cet accord (62).

* *

*

La Convention TV a vocation à être la pièce maîtresse de l'ordre audio visuel européen dont les contours géographiques sont susceptibles d'encore s'étendre. Elle n'est toutefois pas le seul instrument juridique de régulation de cet espace. D'autres réglementations ont pour mission d'asseoir cet ordre audiovisuel dans un espace donné. D'autres constituent des compléments à son édification dans des secteurs spécifiques (63).

Cette étude a eu pour but de présenter le statut et les rapports de la Convention TV avec ces divers instruments en mettant en exergue les pro blèmes susceptibles de se poser. Il est apparu que leur résorption ou leur résolution pourront en partie se faire par le biais des moyens prévus par chacun des instruments. Toutefois certains des problèmes issus de la coha bitation de ces divers instruments juridiques ne pourront être résolus par les moyens dont il vient d'être fait mention. De plus, en certains domaines, une approche globale des problèmes liés à la cohabitation des divers in struments juridiques régissant l'ordre audiovisuel européen sera nécessaire.

Il en sera de même de l'harmonisation de l'ensemble des décisions relatives à l'ordre audiovisuel européen. Le Comité permanent prévu par la Convent ion TV pourrait-il constituer le cadre nécessaire à eet effet, sachant que peuvent y siéger en tant qu'observateurs des Etats qui ne sont pas parties a la Convention TV (64) ?

(62) Article 2005; texte de l'accord in International Legal Materials, 1988, pp. 293-403.

(63) Peuvent aussi être mentionnés par exemple, la Convention portant création de l'Orga nisation européenne de télécommunications par satellite «EUTELSAT» (adoptée à Paris le 14 mai 1982) ou le Traité sur l'enregistrement international des oeuvres audiovisuelles (adopté le 20 avril 1989 dans le cadre de l'OMPI).

Il faut aussi rappeler l'existence de l'EUREKA Audiovisuel dont le principal objectif est le déve loppement d'un marché audiovisuel à l'échelle européenne, voir EUREKA Audiovisuel : Déclaration commune du 2 octobre 1989, adoptée à l'occasion des Assises européennes de l'audiovisuel (Paris, 30 septembre-2 octobre 1989).

(64) Voir article 29, par. 3 de la Convention TV.

Références

Documents relatifs

La difficulté de cette approche minimaliste résidait dans le fait qu’elle appa- raissait incompatible avec les exigences des art. 8 et 14 CEDH, surtout depuis que la Cour avait

« En tout état de cause, il est clair que la détention du requérant dans le centre n’avait pas été « décidée pour son éducation surveillée », et que l’enseignement qui

Cette aptitude dépend de la capacité de discernement (an. 16 CC) et n'im- plique pas le plein exercice des droits civils. De l'article 16 CC, il découle que la capacité de

La Cour européenne des droits de l'homme dans un contexte défavorable..

R EMERCIEMENTS ... XVII T ABLE DES ABRÉVIATIONS ... Les premières inspirations ... L’apport de Hersch Lauterpacht ... Les congrès de l’après-guerre en Europe ... Le Congrès

Elle crée, outre un réseau de promesses individuelles et bilatérales, des obligations objectives qui, selon les termes du préambule, bénéficient d'une garantie collective

De ce fait, dans l’affaire Mazepa et autres, bien qu’il n’existât de tort moral pour les proches prévus dans le droit russe, et même si les enfants de la victime

Le droit allemand a été sanctionné car il ne permettait pas d'accorder un droit de visite au père biologique dont l’absence de vie familiale avec ses enfants était imputable au