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Cellules souches : des nouveaux concepts à la clinique

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Cellules souches : des nouveaux concepts à la clinique

Propos recueillis par Marina Casselyn et Bertrand Kiefer

Karl-Heinz Krause

En 2004, la Suisse votait la loi fédérale léga lisant la recherche sur les cellules souches embryon- naires. En 2012, où en sont les recherches ? Quels sont leurs applications cliniques actuelles et les défis qui restent à relever ? Spécialiste du stress oxydatif dans les maladies neuro dégé- nératives, Karl-Heinz Krause, professeur au Département de pathologie et immunologie, Université de Genève, a fait de ces cellules l’un de ses axes de recherche principaux.

Entretien avec ce professeur pluripotent.

Revue Médicale Suisse

www.revmed.ch

11 janvier 2012

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interview

l’organe d’où elles viennent. Une cellule souche du cerveau ne peut se transformer en cardiomyocyte : elle n’est pas pro­

grammée pour se contracter, cela n’aurait aucune utilité – et serait même catastrophique ! Ensuite, le transfert de noyaux est un concept de moins en moins en vue. S’il a donné de bons résultats chez certains animaux (par exemple Dolly), ce n’est pas le cas chez l’homme. Il est désormais surtout associé à la fraude de Hwang Woo­Suk, ce chercheur sud­

coréen qui prétendait à tort avoir obtenu les premières cellules souches dérivées d’un embryon humain cloné.

Concernant les maladies cérébrales, où en est l’approche par les cellules souches ?

Les résultats sont spectaculaires chez l’animal. Des études très récentes menées par l’équipe de Lorenz Studer 2 ont permis d’améliorer le niveau de différenciation des cellules.

La question reste de savoir à quel moment il s’agit d’im­

planter les cellules : d’un côté, des précurseurs neuronaux trop précoces continuent de proliférer et, de l’autre, des neurones trop différenciés ont du mal à s’intégrer dans le tissu cérébral. Dans le modèle murin de Parkinson, les pré curseurs neuronaux précoces ont des effets thérapeu­

tiques réels, mais qui disparaissent avec le temps. L’autre problème est qu’ils provoquent des tumeurs neuroépi­

théliales.

Avec cette nouvelle stratégie de différenciation des cel­

lules souches pluripotentes humaines en neurones dopa­

minergiques du mésencéphale, les souris sont guéries après douze à seize semaines. Et c’est la même chose pour le rat, chez qui l’ancienne préparation n’avait aucun effet.

Dans le futur, des approches similaires pourraient per­

mettre de soigner des maladies très localisées et bien dé­

finies comme la maladie de Huntington ou celle de Charcot.

Les cellules souches pourraient-elles servir dans des pro- tocoles de traitement anti-âge ?

C’est certainement une fausse piste. Dans le vieillissement normal, il n’existe pas de perte neuronale. Je ne vois dès lors pas comment on pourrait le «contrer» par la greffe de cellules souches.

Quelles sont les autres applications thérapeutiques des cellules souches ?

Le traitement des lésions articulaires limitées chez le jeune sportif grâce à des cellules cartilagineuses est efficace.

Mais il n’apporte pour le moment aucune amélioration dans l’arthrose de la personne âgée. Les travaux sur la création d’os à partir de cellules souches mésenchymateuses de la moelle avancent bien. Il serait logique qu’ils aboutissent à un traitement, car les cellules souches servent à imiter et renforcer un processus naturel. On s’approche également d’une transplantation d’îlots de Langherans grâce à des cellules souches pluripotentes.

La découverte des cellules embryonnaires humaines a soulevé un grand enthousiasme il y a un peu plus de dix ans. Fin 2011, le premier essai clinique en cardiologie vient tout juste de paraître, utilisant des cellules souches adultes.1 Est-ce la fin d’une traversée du désert pour la thérapie cellulaire tantôt portée aux nues, tantôt décriée ? De l’intérieur de la recherche, nous n’avons pas eu cette impression de hauts et de bas, mais plutôt de progression impressionnante, comparable, voire supérieure à celle d’au­

tres domaines médicaux. Mais il faut avouer que les délais annoncés n’étaient pas toujours réalistes, de la part de jour­

nalistes aimant transformer l’espoir en certitude. L’enthou­

siasme exagéré de certains chercheurs a aussi joué un rôle.

Comment ce domaine de recherche a-t-il évolué en sept ans ?

La première percée a été la découverte de cellules sou ches dans des organes où on ne les attendait pas, comme le cerveau, le cœur et les poumons. La plus grande évolution technique est certainement l’arrivée des cellules souches pluripotentes induites, ou «IPS» pour induced pluripotent stem.

Ce sont des cellules somatiques, comme des fibroblastes, que l’on reprogramme grâce à quelques facteurs de trans­

cription, pour les faire revenir à un état non différencié. Elles n’ont pas encore le niveau de qualité des véritables cellules souches embryonnaires, mais elles ont l’avantage d’être autologues et donc de ne pas déclencher de rejet. Dans une dizaine d’années, elles représenteront probablement la principale source de cellules souches pluripotentes.

Quelles pistes de recherche ont été abandonnées ? Principalement celles qui s’orientaient vers une possible pluripotence des cellules souches adultes. Il s’avère finale­

ment que ces cellules ont un rôle limité : celui de réparer

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Revue Médicale Suisse

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11 janvier 2012 Revue Médicale Suisse

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18 janvier 2012

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Adresse

Pr Karl-Heinz Krause

CMU/Département de pathologie et immunologie 1211 Genève 4

Karl-Heinz.Krause@unige.ch

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Est-il risqué d’utiliser des cellules souches provenant

d’au tres organes que celui visé par la thérapie ?

Certains exemples le font penser. Avant la découverte des cellules souches cardiaques par exemple, ce sont celles des muscles squelettiques qui étaient transplantées dans le cœur. Il y a eu des effets positifs, mais au prix d’un taux d’arythmie important. De toute évidence, en termes de canaux ioniques, ces cellules ne parvenaient pas à se dif­

férencier en vrais cardiomyocytes.

Sait-on si le risque de tumeurs est supérieur avec des cellules souches embryonnaires par rapport aux cellules souches adultes ?

Au tout début de l’utilisation des cellules souches em­

bryonnaires, on craignait beaucoup l’apparition de térato­

mes. Grâce à l’évolution des protocoles de différenciation, ils ont quasiment disparu durant ces trois dernières an­

nées. Par contre, ce que l’on observe maintenant, ce sont des tumeurs neuro­épithéliales. Elles compliquent beau­

coup l’entrée dans la phase clinique. Un problème tumoral en cachait donc un autre. Pour le moment, toutefois, il n’existe qu’un seul rapport clinique de tumeur après trans­

plantation de cellules souches adultes.

Certains chercheurs ont avancé l’hypothèse que tous les cancers auraient pour origine les cellules souches des différents organes. Qu’en pensez-vous ?

Il est vrai qu’il existe certaines similarités entre une cellule souche et une cellule cancéreuse. Et, une cellule souche se transforme probablement plus facilement, par quelques mutations, en cellule tumorale qu’une cellule somatique.

Dans certains cancers, il est bien établi que c’est la cellule souche qui devient cancéreuse. Mais il me semble exagéré d’élargir ce concept à l’ensemble des cancers.

La Suisse est-elle bien positionnée dans le domaine des cellules souches ?

Nous ne sommes certainement pas à l’avant­garde. Par­

tout dans le monde existent de grands centres dédiés aux cellules souches, soutenus par des fonds très importants.

En Suisse, il n’y a que très peu de ressources investies dans les cellules souches. Seuls se sont constitués de petits centres virtuels. De plus, les lois suisses réglant l’utilisa­

tion des embryons surnuméraires sont très strictes. Beau­

coup plus que pour les fœtus avortés par exemple, pour lesquels le consentement de la mère suffit. D’un point de vue éthique, cette hyperprotection de l’embryon par rap­

port au fœtus me semble dénuée de sens. Sans compter qu’il faut utiliser les neurones de douze fœtus pour traiter un seul patient souffrant de Parkinson. Et que ce traitement ne fonctionne pas chez tous les malades.

Le chercheur est donc confronté à un système juridique dont il ne saisit pas la logique ?

Oui. Il me semble que plus le système nerveux central est développé, plus la protection éthique doit être impor­

tante. Il s’agit d’un processus graduel. Il n’est pas logique qu’un blastocyste précoce bénéficie de plus de protection qu’un fœtus. Pour obtenir les cellules souches sur lesquel­

les nous travaillons, nous congelons les embryons dans les premières 24 heures. Par une astuce juridique, ils ne s’appellent pas «embryons» mais «œufs imprégnés». Ils

ne jouissent d’aucune protection éthique. Mais si nous le mettons trois jours en culture, nous risquons la prison parce que nous avons «créé la vie». Pour le chercheur que je suis, cette situation est absurde.

Quels sont vos domaines de recherche avec les cellules souches ?

Avec mon équipe, nous suivons trois axes de recherche.

Tout d’abord, nous participons au projet Prometheus, qui regroupe des chercheurs suisses travaillant sur le traite­

ment de la maladie de Parkinson. Ce projet progresse bien, même si la phase clinique reste éloignée : nous l’espérons dans un délai de cinq ans. Nous sommes par ailleurs in­

vestis dans une recherche fondamentale s’intéressant à la différenciation des cellules. Il s’agit d’avancer dans un savoir qui sera utile dans quantité de domaines de la médecine, les cancers en particulier. Enfin, nous nous intéressons à la haute sensibilité qu’ont les cellules souches pour détecter la neuro toxicité : elle se montre très utile pour tester de nouveaux médicaments ou des toxiques environnementaux.

Que pensez-vous du commerce que développent, en Suisse, des banques privées de cellules issues de cordon ombilical ou de dents de lait ?

Dans le cadre d’une utilisation future pour son propre enfant, conserver les cellules de son cordon ou d’une dent de lait n’a pas de sens. La probabilité qu’un enfant déve­

loppe une leucémie est extrêmement faible, et celle que ces cellules souches soient encore vivantes lorsqu’il déve­

loppera une maladie d’Alzheimer se montre, soyons francs, nulle… Sans compter que les IPS progressent tellement vite que ces banques ne sont déjà plus nécessaires. Lais­

sez­moi pour finir plaider une cause : pour le bien de la collectivité – et en même temps celui de leurs enfants – il importe que les parents acceptent de donner le cordon ombilical de leur bébé à une banque de cellules pu­

blique. Ils améliorent ainsi la variété des donneurs. Dans ce domaine, le chacun pour soi ne mène à rien.

Bibliographie

1 Bolli R, et al. Cardiac stem cells in patients with ischaemic cardiomyopathy (SCIPIO) : Initial results of a randomised phase 1 trial. Lancet 2011;378:1847-57.

2 Kriks S, et al. Dopamine neurons derived from human ES cells efficiently engraft in animal models of Parkinson’s disease. Nature 2011;480:547-51.

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