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Henri-Louis Go & Xavier Riondet, Hospitalité en éducation

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Academic year: 2022

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Recherches en éducation 

47 | 2022

Dispositifs et activité en éducation, formation, orientation

Henri-Louis Go & Xavier Riondet, Hospitalité en éducation

Jean-François Dupeyron

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/ree/10509 DOI : 10.4000/ree.10509

ISSN : 1954-3077 Éditeur

Nantes Université Référence électronique

Jean-François Dupeyron, « Henri-Louis Go & Xavier Riondet, Hospitalité en éducation », Recherches en éducation [En ligne], 47 | 2022, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 28 mars 2022. URL : http://

journals.openedition.org/ree/10509 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ree.10509

Recherches en éducation est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Sous la direction de

Henri-Louis Go & Xavier Riondet Hospitalité en éducation

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Jean-François Dupeyron

Maître de conférences HDR émérite Laboratoire « Sciences Philosophie Humani- tés » (SPH), Université de Bordeaux

Référence de l’œuvre

Henri-Louis Go & Xavier Riondet (dir.), Hospi- talité en éducation, Presses universitaires de Nancy - Éditions universitaires de Lorraine, Coll. « Questions d’éducation », 2021, 270 pages, ISBN : 978-2-8143-0584-7

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epuis plusieurs années, l’équipe de recherches Normes & Valeurs (LISEC, université de Lorraine) fait dia- loguer différentes disciplines au sein des sciences de l’éducation, ce qui a déjà donné lieu à cinq productions collectives fort instructives, dirigées successivement par Eirick Prairat (deux fois), Henri-Louis Go (deux fois), Jean-Michel Barreau et Xavier Riondet1. Ce sixième opus est coordonné par Henri-Louis Go et Xavier Riondet, un duo qui a aussi livré en 2020 deux tomes volumineux consacrés à Freinet, publiés chez le même éditeur (PUN- Presses universitaires de Lorraine) sous le titre À côté de Freinet.

Cette fois-ci, c’est la notion d’hospitalité en éduca- tion qui est interpellée par un travail collectif transdisci- plinaire dont la base unitaire est assurée par une ré- flexion philosophique préalable que, selon son habitude, l’équipe a confiée à sa figure tutélaire : Eirick Prairat. Les quinze autres chapitres de l’ouvrage se situent donc en référence directe, ou plus ou moins indirecte, à la pré- sentation de Prairat, qui analyse l’hospitalité comme une des caractéristiques essentielles de « l’Idée d’École ».

Comme il y a habitué ses lecteurs, Prairat découpe clairement et méticuleusement la notion d’hospitalité à partir de son étymologie et du paradoxe premier de l’hospitalité scolaire, qui doit concilier l’inconditionnalité de l’accueil et les rigueurs potentielles de l’obligation de présence et de l’injonction à apprendre. En ce sens, les gestes de l’accueil sont, selon lui, des « commutateurs » qui peuvent « transformer la nécessité de se rendre à l’école en une invitation » (p. 20). Le souci de cette con- version fait que l’hospitalité ne saurait se réduire à l’accueil, puisqu’elle engage la qualité du séjour, autre- ment dit l’habitabilité du lieu scolaire et l’agrément de la vie qui s’y mène. On dira alors avec l’auteur que l’hospitalité est « surtout affaire de pédagogie et d’éthique » (p. 13). Prairat en conclut, dans le sillage de ses travaux antérieurs sur l’éthique et la déontologie professorales, que « le souci de la relation », en dernière analyse, est fondamental dans les métiers de l’enseignement et de l’éducation (p. 30).

Une fois ce cadre posé et bien posé, l’ouvrage pro- pose trois types de contributions, qui structurent trois parties : des discussions philosophiques (sept articles), des investigations historiques (trois) et des illustrations pédagogiques et praxéologiques (cinq). Notons que la netteté de ce découpage ne saurait, ni obérer la com- plémentarité de ces trois champs, ni occulter la com- plexité « métisse » de la plupart des interventions.

1 On peut consulter tous les titres de la riche collection Questions d'éducation et de formation, aux Presses universitaires de Nancy - Édi- tions Universitaires de Lorraine :

https://www.lcdpu.fr/collections/questionsdeducationetdeformati/

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Le travail de Xavier Riondet, par exemple, mène une discussion philosophique dans un cadre éminem- ment historique et archivistique ; de même, la belle contribution de Cécile Lamy sur l’itinéraire de Fernand Deligny pourrait, à la limite, figurer dans chacun des trois ordres du livre. Il ne faut pas s’étonner de ces ap- parentes imprécisions classificatoires : elles expriment en positif le souci d’une réflexion en commun, portent la marque d’une salutaire « contagion » interdiscipli- naire et témoignent de l’inscription des recherches dans une conception « créolisée » des sciences de l’éducation, si cette expression nous est permise. De plus, l’approche générale de l’équipe Normes & Va- leurs ne tient ni aux recherches caméralistes, ni aux travaux simplement quantitatifs ou comparatistes, que leur fréquente « simplicité » rend plus faciles à ranger dans des catégories closes. Il s’agit plutôt ici de penser les questions à partir de leur commune problématisa- tion philosophique et en lien avec le « réel pédago- gique » ; autrement dit, la démarche générale de l’ouvrage nous semble viser la praxis éducative, enten- due comme l’union évolutive et indémêlable de l’action et de la réflexion.

Dans cet horizon de la praxis, les contributeurs abordent l’hospitalité selon quatre angles au moins, selon notre lecture.

Le premier d’entre eux, et non le moindre, con- cerne le lien tendu (ou distendu) entre l’Idée d’École et le Réel scolaire dans sa complexité et dans son histori- cité, autrement dit l’écart entre l’École et les écoles.

« L’École saisie dans son Idée enferme une dimension d’hospitalité », avance Prairat (p. 15). Mais comment franchir la distance entre cette Idée de l’École et la réa- lité des écoles ? Ainsi, comprenant que l’Idée détaillée par Prairat doit fonctionner comme « une fin vers la- quelle il conviendrait de tendre, un horizon, […] un idéal régulateur » (p. 133), Guy Lapostolle décrit la dé- clinaison chronologique des insuffisances de l’hospitalité de l’école républicaine, tour à tour « res- treinte » jusqu’en 1950, « limitée » jusqu’en 1980 (sé- lection, inégalités), puis « variable » depuis lors, sui- vant en cela les trois périodes d’action scolaire étatique décrites par Charlot dans son célèbre article sur « La territorialisation des politiques éducatives » (1994). Sur un même versant critique, Henri-Louis Go recommande de regarder l’école républicaine dans

« son insuffisance », « son égarement » et « son im- pensé », afin de quitter cette « fausse route » menant aux « ratés de l’hospitalité scolaire » (p. 34). C’est alors par une « éthique du désir » – le désir d’ouvrir l’élève au savoir – que l’hospitalité peut s’affirmer comme le cadre même de l’éthique professorale, par-delà l’immuable présent philosophique des définitions et des identités auto-référentes.

C’est une veine similaire qu’exploite Xavier Rion- det : étudier historiquement la cohabitation de « l’idée d’une École ontologiquement lieu hospitalier » avec le

« constat d’une presque inexistence matérielle » de cette idée (p. 49). En effet, dans le fil de ses récents travaux d’habilitation, Riondet passe par les investiga- tions du Groupe Écoles animé par Althusser dans les années 1969-1974 et y puise une analyse critique de la matérialité de l’hospitalité et de l’inhospitalité sco- laires. Si, selon l’Idée d’École, l’École doit s’efforcer de devenir ce qu’elle est, pour Althusser au contraire, l’école capitaliste est bien ce qu’elle doit être : un appa- reil idéologique d’État. Selon Riondet, l’histoire de l’hospitalité éducative républicaine reste donc à écrire dans sa complexité, dans son écart avec le « vœu pieux » idéaliste et en considérant les « marges » et les résistances qui témoignent, malgré tout, du pouvoir transformateur des idées. L’exemple, exhibé par l’auteur, de l’accueil imposé aux élèves sourds-muets sous la Troisième République illustre bien ce phéno- mène : l’état matériel d’une question est toujours le résultat de la rencontre de forces antagonistes.

Le deuxième angle heuristique considère l’hospitalité éducative en lien avec une approche éco- logique ou écouménale du milieu scolaire. C’est alors l’habitabilité de l’école comme lieu de vie qui est l’enjeu des investigations des auteurs. Dans cette op- tique, Frédérique Prot, prolongeant ses travaux sur l’école comme lieu et milieu de vie, croise utilement la théorie mésologique d’Augustin Berque et l’exemple de l’école Freinet à Vence, ce lieu autre conçu comme un milieu paysagé. Dans cette « réserve d’enfants » poétisée, une éducation écologique apte à prodiguer une « science de vivre » fut permise par une « expé- rience écouménale collective » (p. 97). Frédérique Prot en appelle alors à une « recosmisation » de l’espace scolaire pour rendre ce lieu habitable et pour y per- mettre une éducation « soutenable ». Sur la même thématique de construction d’un lieu hospitalier et doué d’habitabilité, Bérengère Kolly déploie avec éru- dition l’exemple des «maisons d’enfants » créées en Italie au début du XXe siècle dans un esprit montesso- rien (Maria Montessori dirigea la première de ces mai- sons, inaugurée en 1907 à Rome). Le concept d’« ambiance » y jouait un rôle important, ce qui fait dire à Bérengère Kolly que « la pédagogie montesso- rienne se fonde sur l’acte même de l’hospitalité » (p. 151) entendue comme l’accueil de l’étranger. Ren- dant alors à l’enfant toute son étrangeté et misant sur l’énergie propre de celui-ci, l’éducateur, loin de s’effacer devant un monde d’objets et de matériels, travaille sa présence, sa posture et son éthique pour devenir une pièce essentielle de cette maison d’éducation si importante pour le projet de formation

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d’une personne : « de la maison viendra la personne » (p. 151).

Remontant plus avant dans l’histoire, Anne Ruolt braque le projecteur sur le concept de maisonnée (oίkos) « comme prototype d’hospitalité éducative » (p. 161), à partir des publications des époux Guizot dans les Annales de l’éducation (1811-1814). L’oίkos (espace privé, familial, intime) y était étudié comme le modèle possible de l’hospitalité scolaire, à la diffé- rence de la polis (espace public, politique, imperson- nel), peut-être moins hospitalier pour les enfants mais qui inspira la forme scolaire en France. Anne Ruolt fait alors remarquer avec pertinence que la piste de la maisonnée a été suivie par les écoles primaires nor- diques, qui veillent à ce que l’enfant se sente à l’école

« comme la maison ».

Un troisième angle réunit des contributions discu- tant de l’idée même d’hospitalité, soit autour du texte de Prairat, soit autour de l’inconditionnelle hospitalité derridienne. Cécile Lamy étudie ici la limite vers la- quelle peut (doit ?) tendre l’hospitalité éducative quand elle s’adresse à des enfants « différents » et ju- gés « irrécupérables ». Pour cela, elle revient sur l’expérience vécue par Fernand Deligny, notamment avec l’enfant mutique qu’il appelait Janmari. Écœuré par le mépris scolaire et institutionnel envers ce type d’enfants, Deligny avait fini par renier le métier d’éducateur, se positionnant donc en négatif d’Itard.

Sa posture se rapprocha alors de celle, non interven- tionniste, des ethnologues : dans l’observation de ces enfants différents, il n’eut plus d’autre projet que celui de permettre aux jeunes d’être loin des hôpitaux, loin des traitements visant à les soigner, pour les laisser vivre, tout simplement. C'était là le choix éthique de l’hospitalité absolue accordée à l'autre : « celle qui se passe du langage, qui n’attend pas de réponse, qui ne pose pas de question » (p. 196) et qui ne se règle pas sur l’injonction à faire des « progrès éducatifs ».

Laurent Muller a lui aussi choisi de rejoindre le con- cept d’hospitalité à partir d’un motif particulier : l’accueil du nouveau-né, qu’il voit comme une entorse historique à l’hospitalité due au nouveau-venu, à l’étranger, à l’être fragile. Trop souvent – cela a été théorisé il y a plusieurs décennies – la naissance s’est accompagnée d’une « violence éducative ordinaire » (au sens donné par Olivier Maurel). S’appuyant sur Le- boyer (p. 128-129), Laurent Muller recommande alors de subsumer la réception technique du nouveau-né sous une hospitalité marquée du signe de « l’amour » :

« Sans amour, vous ne serez qu’adroit » (Leboyer, Pour une naissance sans violence, 2008, p. 152). Parallèle- ment, la discussion sur l’hospitalité est menée par Emmanuel Nal en référence à un de ses aspects parfois négligés : les gestes de la séparation (prendre congé, raccompagner, savoir s’effacer pour rendre à l’autre sa

liberté). Or, le rituel et la pratique de la séparation sont encore de l’hospitalité, ce que savent en principe les enseignants de l’école maternelle. À ce sujet, Nal ex- hibe de façon éclairante l’usage grec antique de la tes- sère d’hospitalité (p. 67) et pose une question aux forts enjeux éthiques : « Qu’est-ce qui fait signe dans l’hospitalité ? » (p. 68)

En alimentant la discussion, voire la saine dispute (disputatio), sur l’hospitalité présumée de l’école laïque, Gérard Fath avance que la notion d’hospitalité éducative mise en avant par Prairat est « un puissant opérateur philosophique » (p. 114) qui en appelle, se- lon lui, à choisir l’option praxéologique plutôt que la virtuosité aporétique. Regrettant le déclassement et la dénaturation de l’accueil laïque, Fath propose une

« clinique » de cet accueil, en misant conjointement sur l’exigence éthique laïque (allier la valeur donnée à l’universel au devoir reconnu envers le singulier) et sur une « pensée en commun » ouverte à la diversité et à l’énigme anthropologique de l’étrangeté. L’hospitalité éducative laïque doit donc se déployer « entre éthique et heuristique ».

Enfin un quatrième groupe de contributeurs pose la question de l’hospitalité comme une question pé- dagogique ou didactique. On apprécie ici que l’équipe du séminaire de recherches ait conservé la bonne ha- bitude de donner la parole à des doctorants et à de jeunes chercheurs, et que ceux-ci, souvent inspirés par les figures des Freinet (ou de Deligny en ce qui con- cerne Cécile Lamy), aient livré des contributions vivi- fiantes et particulièrement liées au réel pédagogique.

Outre les textes d’Anne Ruolt et de Laurent Muller (voir supra), c’est aussi le cas de Jean Astier qui, à par- tir de l’école maternelle, interroge la tension entre les fonctions institutionnelles et la salutaire conversion éthique de l’enseignant aux gestes de l’hospitalité. Il en déduit une définition de forme revendicative : une école est hospitalière « dans la mesure où, démocra- tique, elle accueille chaque sujet, adulte et enfant, et lui permet de contribuer dans sa singularité à l’enrichissement culturel de la communauté éduca- tive » (p. 225). Cet accueil démocratique suppose, se- lon lui, des conditions matérielles telles que la « bonne santé psychique » des adultes, dont on peut craindre aujourd’hui qu’ils ne soient malmenés dans leurs mé- tiers par la révolution éducative néolibérale. Ainsi, pour que l’école de la Nation maintienne son ambition dé- mocratique et « un haut niveau d’humanité dans les relations aux enfants et à leurs parents » (p. 239), c’est toute une résistance à l’ordre établi qu’il s’agit de con- cevoir afin de préserver une forme de morale frater- nelle de l’hospitalité.

Relevons aussi la qualité de l’offre pédagogique déployée par Thibaut Bouchet-Gimenez, qui propose une « éducation en mode mineur » conforme à la vo-

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lonté de commutation de « l’obligation d’instruction en une invitation à se cultiver », telle qu’exprimée par Prairat. La pratique pédagogique d’enquête nommée le « jeu de l’instant », tout en laissant deviner une fa- miliarité entre Freinet et Dewey, réhabilite ainsi l’enseignant comme « homme (femme) du métier », responsable d’un apprentissage hospitalier expurgé du temps régulier, pur et technicisé propre au « mode majeur » et utilitaire de la pédagogie. Selon des pré- occupations qui nous paraissent assez proches, Jean- François Manil avance pour sa part l’exemple de la

« pédagogie du Chef-d’œuvre ». En effet, « le versant pédagogique de l’hospitalité » (p. 199) s’ancre dans la pratique, semence d’une possible utopie éducative.

Cela nécessite l’élaboration continue d’une grammaire pédagogique qui soit un élément moteur au sein d’une « culture hospitalière scolaire » (p. 207). C’est à cette culture que peut contribuer, selon Manil, la pé- dagogie du Chef-d’œuvre.

Il appartient à un chercheur très chevronné – Re- naud Hétier – d’aborder la question de l’hospitalité sous l’angle de la pensée du care et d’illustrer ses pro- pos avec le support des contes merveilleux. Ceux-ci mettent parfois en scène la question de l’hospitalité de façon suggestive (p. 213), au sein d’une sagesse popu- laire qui montre comment aborder la rencontre d’un être vulnérable auquel il faut faire bon accueil, même si des surprises, voire des désagréments, sont à at- tendre par la suite. C’est alors en termes de disponibi- lité, de soin et d’attention que les contes transmettent, à leur façon, un modèle utile en éducation.

C’est en « invité », probablement accueilli avec hospitalité, que le psychanalyste Norbert Bon livre l’épilogue de ce beau travail collectif. Ce faisant, il rap- pelle que « la situation de souffrance des personnels de l’Éducation Nationale » (p. 257) ne fait inévitable- ment que compliquer la question de l’hospitalité sco- laire. Mobilisant la notion lacanienne de « parlêtre », il décrit alors la tâche et le pari de la psychanalyse :

« créer et maintenir les conditions pour que [le sujet endormi] puisse se réveiller quand tout, aujourd’hui, l’incite à se rendormir » (p. 269). On ne saurait mieux dire ce que bien des chapitres de l’ouvrage ont suggé- ré : pas d’hospitalité sans présence accueillante, pas d’accueil scolaire réussi sans enseignant « bien dans son métier ». Et même : pas d’hospitalité, plus d’école…

Disons pour conclure que la richesse et la vérité de ces contributions permettent d’éclairer sous diffé- rentes dimensions le paysage conceptuel de l’hospitalité éducative : dans l’écart entre l’Idée et la matérialité, dans son incarnation comme habitabilité écologique de l’école, dans les déclinaisons de son sens et dans ses formes pédagogiques. L’objet de ré- flexion a donc été exploré avec une réelle efficacité

heuristique, et sans perdre de vue l’horizon indépas- sable de la praxis éducative ; c’est bien là ce que l’on peut attendre d’un séminaire de recherches et d’une publication pluridisciplinaire estampillée « sciences de l’éducation». Regrettons toutefois que l’édition ne propose pas de présentation du parcours et des tra- vaux de l’ensemble des participants, afin de mieux si- tuer ceux-ci dans ce champ de recherches.

Quoi qu’il en soit, différents types de lecteurs, de l’étudiant au professionnel en passant par le chercheur universitaire, pourront tirer profit des chapitres de l’ouvrage. Afin de poursuivre la discussion, chacun pourra même, selon nous, explorer les difficultés rési- duelles qui nous restent peut-être « sur les bras » après la lecture.

Première difficulté : si l’hospitalité éducative est pensée comme similaire à l’hospitalité due à l’étranger, alors cela semble dire que l’enfant, par principe, n’est pas chez lui à l’école, car celle-ci, en dernière analyse, est et demeure la maison des adultes, ceux-ci devant,

« éthiquement », y accueillir l’enfance comme étrange- té. Ne faudrait-il pas aller plus loin et explorer l’hypothèse d’une école qui soit aussi, d’emblée et par principe, la maison commune de tous ses usagers ? À ce compte-là, les enfants seraient eux aussi habilités à accueillir les adultes dans leur école (pourquoi uni- quement l’inverse ?). Plus exactement, la qualité de la vie scolaire commune à tous serait l’enjeu éducatif et pédagogique central – l’accueil épisodique des nou- veaux-venus (par exemple, en cours d’année) n’étant qu’un moment particulier parmi d’autres. En priorisant – légitimement – la question de l’hospitalité, ne mi- nore-t-on pas partiellement la question peut-être plus fondamentale de la co-construction de la vie com- mune ?

La deuxième difficulté découle de la première : la question de la propriété et des usages communs des lieux d’éducation n’a pas été posée, alors qu’elle est au cœur de la réflexion contemporaine sur les communs et sur le Commun. Trop souvent en effet, le débat sur l’école publique tient pour acquis que celle-ci ne sau- rait être autre chose que la manifestation unilatérale de l’action de la puissance publique, à savoir l’État et ses compléments territoriaux. Mais, justement, une marge de progression sur la qualité de l’hospitalité scolaire ne pourrait-elle pas se situer dans le dévelop- pement complémentaire d’une culture des usages communs, par laquelle la responsabilité de l’école se rapprocherait des réquisits de la démocratie ? Pour trouver la forme qui lui correspond, la démocratie doit-elle, ou ne doit-elle pas, se faire plus participative au niveau scolaire ? Il nous semble que la question de l’hospitalité pourrait ouvrir sur ce débat. « Faites comme chez vous », dit l’énoncé-programme de l’hospitalité : cela vaut certes quand vous venez chez

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« moi », mais cela vaut-il encore quand nous nous re- trouvons tous « chez nous » ?

On le voit : l’ouvrage est stimulant et suscite des questionnements nouveaux. Par sa lecture, on rejoint tout aussi bien la hauteur idéelle que les aspérités ma- térielles, et on évolue tout aussi bien dans le futur des utopies esquissées que dans un présent au sein du- quel l’école, il faut bien le dire (nonobstant les ana- lyses d’Alain), conserve « le sérieux du monde », ce qui la rend souvent inhospitalière aux vaincus de la com- pétition scolaire.

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