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Le système de refinancement des activités : le cas des activités agricoles a travers la production du charbon de boispp. 9-29.

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LE SYSTEME DE REFINANCEMENT DES ACTIVITES : LE CAS DES ACTIVITES AGRICOLES A TRAVERS LA

PRODUCTION DU CHARBON DE BOIS.

THE SYSTEM OF REFINANCEMENT OF THE ACTIVITIES : THOSE OF THE AGRICULTURAL ACTIVITIES THROUGH

THE PRODUCTION OF THE CHARCOAL.

KOUADIO Amani Augustin Université Félix Houphouët Boigny

Institut d’Ethno-Sociologie (IES)

RESUME

La présente étude a pour objet d’analyser dans une perspective socio- anthropologique, les différents facteurs explicatifs de l’adoption de la production du charbon de bois par les populations de la sous-préfecture de N’douci. À partir, des observations directes et participantes, ainsi que des entretiens de groupes et d’entretiens individuels libres jusqu’à saturation auprès de producteurs, l’étude montre que le choix de la production du charbon de bois, a permis aux producteurs non seulement de faire face à leurs problèmes financiers, de financer leurs activités agricoles et non agricoles, mais aussi de conserver leur prestige social, de revaloriser et de se construire de nouveaux rapports sociaux.

Mots-clés : financement agricole, microfinance, charbon de bois, revalorisation du statut social, revenu du producteur.

ABSTRACT

this study analyzes in a socio-anthropological perspective, the various explanatory factors(mailmen) of the adoption of the production of the charcoal by the populations of the sub-prefecture of N’douci. To leave, direct and participating observations, as well as conversations(maintenances) of groups and free individual interviews until saturation with producers, the study shows that the choice of the production of the charcoal, allowed the producers not only to face their money troubles, to finance their agricultural and not agricultural activities, but also to keep(preserve) their social prestige, to revalue and to build itself of new social relationships.

Key words : agricultural financing, microfinance, charcoal, appreciation of the social status, come back from the producer

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INTRODUCTION

Le processus d’ajustement structurel engagé en Afrique au milieu des années 80, avec l’objectif de passer d’une économie dominée par les acteurs publics à une économie régie par le marché, a été long et douloureux (M.

BRADLEY, 2001). Cette politique d’ajustement structurel, en contraignant les gouvernements et les Etats africains à se désengager des différents secteurs d’activité, laissait un vide à combler dans le milieu rural puisqu’elle a occasionné la disparition de la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) en 1990 et de la Banque Nationale d’Épargne et de Crédit (BNEC) en 1998. Cette politique mit ainsi fin au financement de l’agriculture par les structures financières agissant au compte et pour le compte de l’Etat. Or, le financement de l’agriculture assure la poursuite et le développement de la production agricole, mais aussi permet de promouvoir les mutations techniques et structurelles nécessaires au développement rural (CALABRE, 2006). En Côte d’Ivoire, le financement agricole constituait une urgence puisque l’agriculture demeure le moteur de la croissance économique depuis 1960 et selon les données récentes, elle occupe la majeure partie de la population active (66 %) et contribue pour 25 % au PIB et 40 % aux recettes d’exportation (DGDI, 2012). Ce financement du secteur agricole est en plus important puisqu’il permet d’améliorer cette performance, à travers la modernisation de l’agriculture. La finalité de cette modernisation étant d’accroitre la productivité agricole, de sorte à augmenter les revenus des paysans à terme et a accéléré la marche vers la réduction de la pauvreté.

En remplacement de l’Etat, les institutions de microfinance vont tenter d’investir le milieu rural et d’assurer le financement du secteur agricole puisque la demande des ruraux est très forte en matière de crédit tant pour l’agriculture proprement dite que pour les autres activités para-agricoles ou extra-agricoles ; car les banques et établissements financiers qui octroyaient le crédit ou par lesquelles il transitait se sont rapidement désengagées, ce qui s’est traduit par la raréfaction du crédit ou de son renchérissement (WAMPFLER et MER- COIRET, 2002).

A partir de ce moment, le financement du secteur agricole en Côte d’Ivoire est pratiquement laissé aux seuls soins des institutions de microfinance et au système de financement décentralisé. Les banques commerciales ou les banques classiques avec leurs conditionnalités rigides (frais d’ouverture de compte s’élevant à cinquante mille francs CFA minimum, dépôt minimum de vingt cinq mille francs, des dossiers à fournir dont la constitution n’est pas aussi aisée pour les populations paysannes, etc.) ne sont pas accessibles

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aux populations dont les revenus sont faibles et dont la capacité d’épargne ne dépasse pas dix mille francs par versement. Les microfinances constituent donc une opportunité pour ces populations laissées de côté par le système bancaire classique. Seulement, quelques années après la présence des institutions de microfinance en milieu rural, ces IMF ne parviennent pas à assurer le finance- ment de l’agriculture, freinant du coup l’accès des paysans au service financier (KOUADIO, 2009). Analysant les facteurs explicatifs de ce phénomène, la conférence internationale de Paris en 2005 a identifié cinq spécificités du milieu rural qui constituent des obstacles au financement du milieu rural. Ce sont (i) la dispersion territoriale et l’éloignement qui rendent couteux l’accès aux services financiers, (ii) le niveau de revenu et l’importance dans la plupart des pays, de la pauvreté rurale ; (iii) l’importance des risques climatiques, économiques et sociaux, auxquels sont confrontées les activités rurales et leur financement ; (iv) le caractère saisonnier des activités, la relative «spéculation» des activités et le risque «covariant» qu’elle induit ; (v) la faiblesse du «capital social» en milieu rural et «la culture du crédit» induite par les antécédents institutionnels en matière de crédit. A ces cinq facteurs, il faut ajouter la perte de confiance de la part des paysans en toute institution financière du fait de l’accès difficile des services financiers par ceux-ci (KOUADIO, 2009). Face à l’inaccessibilité des services financiers des institutions de microfinance et des banques classiques par les paysans, trouver d’autres systèmes de financement s’avère capital pour ceux-ci. Ainsi, pendant que les populations de Lakota1 s’adonnent à la vente de forêt (KOUADIO, 2009), celles de Boussoukro2, Kodimasso3 et Bodo4 depuis l’année 2000 ont trouvé comme système de financement, la production du charbon de bois et chaque famille de ces trois localités a adopté le charbon de bois comme système de refinancement de leurs activités agricoles et non agricoles au point où les structures financières ont désormais très peu d’intérêt

1- Lakota est une ville située dans le sud ouest de la Côte d’Ivoire, dans la zone administrative appelée le sud Bandama. Lakota est une zone dont la végétation est constituée de forêt dense et où les populations comme dans bien d’autres régions de la Côte d’Ivoire s’adonnent à la vente constamment de la forêt pour la résolution de certains problèmes financiers.

2- Boussoukro est un village de l’ethnie Abbey dans la sous-préfecture de N’douci à 109 kilomètres de la capitale économique Abidjan sur l’autoroute du nord. ville située à environ cent vingt kilomètres de la capitale économique Abidjan, dans le sud de la Côte d’Ivoire dans la région administrative appelée la région du Bandama. Cette zone est une zone forestière qui a une grande production de charbon de bois mais également connue pour sa production d’ananas.

3- Kodimasso est également un village de l’ethnie Abbey de la même sous-préfecture de N’douci.

Kodimasso sur le même axe que Boussoukro et est séparé de Boussoukro d’environ un Kilomètres.

4- Bodo également est village de la sous préfecture de N’douci sur l’axe Abidjan Yamoussoukro à 109 kilomètres sur l’autoroute du nord.

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pour elles, au moment où l’Etat ivoirien met en œuvre le Programme National d’Investissement Agricole (PNIA)5.

Face à cette situation, nous nous interrogeons sur les facteurs explicatifs de l’adoption de la production du charbon dans le financement des activités agricoles de la population au point de faire fi de tout autre système de finance- ment. Comment les populations arrivent-elles à financer leurs activités à partir de cette production de charbon ?

Notre hypothèse est qu’au-delà de l’aspect financier que leur procure la production du charbon de bois, cela permet aux producteurs de garder leur statut au sein de la communauté et de leur garantir le prestige social.

L’objectif général de cet article est d’analyser dans une perspective socio- anthropologique, les différents facteurs explicatifs de l’adoption de la production du charbon de bois par les populations de N’douci principalement celles des villages de Boussoukro, de Kodimasso et de Bodo.

La méthodologie mise en œuvre est un ensemble d’enquêtes de terrain dans l’ensemble des trois villages. L’approche adoptée est principalement qualitative, constituée d’entretiens de groupe et d’entretiens individuels libres.

Ces entretiens ont porté sur la production du charbon et ses implications au niveau financier, cela en relation avec les motivations des producteurs.

La méthode utilisée pour l’analyse des résultats est la méthode compré- hensive de Max Weber. Cette méthode a permis de mettre en lumière les motivations des acteurs dans la production du charbon de bois.

I- DESCRIPTION DE LA FABRICATION DU CHARBON

Dans cette description, les principaux acteurs, notamment les producteurs et acheteurs de charbon ont un vocabulaire approprié et utilisé par les acteurs de la filière. Nous les définissons pendant la description des différentes étapes de la fabrication du charbon de bois.

5-Le PNIA est un programme du gouvernement ivoirien en partenariat avec l’Union européenne, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) pour le financement du secteur agricole sur la période 2010 - 2012. L’objectif général de ce programme est d’atteindre une croissance agricole de 8,9% pour assurer la sécurité alimentaire et une réduction de la pauvreté de 50% à 16% d’ici l’horizon 2020″. Le programme élaboré en juillet 2010 est évalué à 2002,818 milliards de franc CFA soit 4,0057 milliards de dollar sur la période de cinq ans.

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I.1- L’achat de l’essence

La première étape consiste à acheter l’essence. Selon ce qu’on possède on achète un certain nombre de litre d’essence. La quantité d’essence varie parfois de deux litres à cent litres. Pendant l’entretien libre que nous avons eu avec K.A.F, 32 ans, producteur de charbon disait ceci : «avant de faire ton charbon, tu achètes d’abord de l’essence. Tu achètes la quantité de litres d’essence que tu veux faire. Cela peut aller de 02 litres, trois, quatre jusqu’à 100 litres. C’est quand tu as acheté ton essence que tu passes à autre chose.»

I.2- L’abattage et le tronçonnage des bois

Après l’achat de l’essence, l’on fait appel à un tronçonneur pour abattre les bois choisis pour la fabrication du charbon. Le tronçonneur accompagné de son «apprenti» fait tomber les arbres qui ont été préalablement débarrassés des herbes et de tout ce qui pourrait gêner le travail du tronçonneur. Lorsque le nombre d’arbres à abattre n’est pas important, après l’abattage, on tronçonne directement les arbres abattus.

Photo 1 : Abattage et tronçonnage d’arbres. (source : notre enquête, 2012) Si la quantité d’essence est importante au delà de cinq litres, le tronconnage ne se fait pas le même jour. Un jour est consacré à l’abattage des arbres et plusieurs autres jours pour le découpage des arbres en morceaux. Cette étape peut durer de deux à plusieurs jours selon la quantité de litre d’essence. Le scieur utilise environ cinq litres d’essence en une journée.

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I.3- L’assemblage

Lorsque le scieur a achevé son travail, le propriétaire rassemble les mor- ceaux découpés au lieu choisi pour la fabrication du charbon. Il se fait généra- lement aider pour ses amis et ses connaissances. Lors de l’entretien libre que nous avons eu avec B.K.S ,42 ans et producteurs de charbon, il nous a laissé entendre ceci : «après le tronçonnage, il faut maintenant pousser6. Chaque jour tu vas pousser un peu soit seul, quand les morceaux ne sont pas gros.

Mais si au contraire, les morceaux sont volumineux, tu te fais accompagner par quelqu’un pour que celui-ci t’aide à pousser. Tu peux encore inviter plusieurs personnes pour le faire. Généralement c’est ceux qui font jusqu’à cent litres qui invitent plusieurs personnes à les aider à pousser.».

I.4- Le montage ou la construction du four ou de la meule

Dans le langage des charbonniers la construction du four est appelé mon- tage. Parmi les procédés de carbonisation qui existent (la carbonisation en marmite métallique, les fours en maçonnerie, les cornues et les mules) seule la meule est utilisée par les producteurs de la région. Pour la construction du four, l’expression employée est «le montage». ainsi lorsqu’ils disent on va faire montage cela signifie qu’ils vont pour la construction de la meule. Le procédé consiste à monter les morceaux de bois en les superposant les uns sur les autres jusqu’à obtenir un four ou une meule parfaitement construite. On place les morceaux des plus gros aux plus petits.

Photo 2 : Four en construction

6- Pousser consiste à faire rouler les billes ou les morceaux de bois découpés en forme circulaire à l’aide de ses bras jusqu’au lieu choisi pour construire la meule.

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Photo 3 : (source : notre enquête 2012)

Lorsque cette phase est achevée, on recouvre le four ou la meule de petits morceaux de bois et des petites branches, de brindilles puis de feuilles mortes de préférence de cacaoyer ou de riz. Cela permet au feu de s’allumer vivement.

Photo 4 : Four en finition (source : notre enquête, 2012)

Photo 5 : four achevé (source : notre enquête, 2012)

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I.5- «Le lancement» ou la fermeture de la meule

Lorsque le «montage» ou la construction de la meule est achevée, on passe au «lancement». Le «lancement» consiste à recouvrir la meule de terre en prenant soin de la recouvrir préalablement d’herbes.

Photo 6 : Une meule recouverte de terre (source : notre enquête, 2012) Le «lancement» ne se fait pas seul. De même que le «montage», le «lance- ment» ou la fermeture de la meule se fait avec l’aide des parents, des amis et connaissances. Pour faire un «lancement», on peut demander l’aide d’environ dix à vingt personnes. Malgré le nombre important de personnes qui vient au

«lancement», cela peut durer plusieurs jours surtout lorsque la terre est sèche et la meule est d’un volume important. Le lancement est terminé si toute la meule est recouverte de terre. On prend soin de recouvrir la partie supérieure appelée «le dépôt», d’une bonne dose de terre. Cela permet à la meule de ne pas se percer7 lors de sa carbonisation. A la base de la meule, on perce des trous d’aération avec des morceaux de bois appelés «échappement». Ces échappements permettent de diriger le feu pendant la carbonisation.8

7- Lorsque la partie supérieure de la meule n’est pas bien recouverte de terre, il se crée un ou plusieurs orifices pendant la carbonisation. Cet orifice doit être immédiatement fermé de feuilles fraiches et de terre au risque de transformer le charbon en cendre. Lorsque ce phénomène survient on dit dans le jargon des charbonniers que le four est percé.

8- Selon la direction qu’on veut donner au feu, on ouvre ou on ferme les orifices d’aération. Lorsqu’on veut que le feu soit vif sur un côté, on enlève les échappements de ce côté-là. Quand tous les bois du côté ouvert sont complètement carbonisés, on referme les trous d’aération avec les échappements ou de la terre.

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I.6- La mise en feu et la surveillance

Après la construction de la meule et sa couverture de terre, on attend généralement la pluie9 pour y mettre le feu. Cette étape achevée on passe à la surveillance du feu pendant la carbonisation du bois. Cela dure une à deux semaines selon que la meule est d’un volume important et selon que les bois sont frais ou secs. Ce temps peut varier. Lorsque les morceaux de bois sont frais et volumineux, la carbonisation complète peut aller jusqu’à quatre semaines.

Durant ce temps, vous passez la nuit autour de la meule à attendre. Il faut redoubler de vigilance pendant ce temps et ne pas dormir profondément, car en dormant, le four risque de se «percer» et le charbon transformé en cendres.

I.7- L’extraction du charbon

Lorsque la carbonisation est terminée, la fumée passe d’une couleur noirâtre et intense à une couleur claire et fluide puis elle se raréfie. Dans le langage charbonnier on dit que «le charbon est cuit». On attend alors le refroidissement de la meule pour commencer l’extraction du charbon.

Photo 7 : Extraction de charbon (source : notre enquête, 2012)

Avant l’extraction du charbon, on prend soin de puiser une quantité importante d’eau pour l’extinction du feu. A l’aide d’un râteau, on ouvre un coté de la meule et on extrait le charbon. Dans le langage des charbonniers, l’extraction du charbon est appelée «tirer le charbon». On peut extraire le charbon seul, à deux ou à trois.

9- Lorsqu’il pleut sur la meule, et la terre qui la recouvre est humide cela favorise une bonne et rapide carbonisation du bois.

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Lorsqu’on est seul, on retire du four les braises puis on éteint le feu. A deux, on se partage les tâches. Pendant qu’une personne retire les braises du four, l’autre éteint le feu. Lorsqu’il y a trois personnes, deux personnes se chargent de retirer les braises et la troisième personne se charge de l’extinction du feu.

I.8- La mise en sac

Après l’extraction du charbon, on le laisse refroidir pendant au moins une demie journée voire une journée entière afin de s’assurer que le feu est complètement éteint. Cela permet d’éviter que le feu ne se rallume après le remplissage des sacs.

Lorsque le charbon est refroidit, on passe à sa mise en sac. Deux sortes de sacs sont utilisées. Les petits sacs d’une capacité de cinquante kilogrammes environ et les gros sacs d’une capacité de cent vingt kilogrammes environs. Les préférences des producteurs est le gros sac appelé dans le jargon des charbonniers «GMA10».

La production s’évalue en nombre de «GMA».

Photo 8 : Cinq sacs GMA remplis de charbon. (Source : notre enquête, 2012)

II- LES CARACTÉRISTIQUES SOCIOÉCONOMIQUES DES PRODUCTEURS

Dans l’activité de la production du charbon de bois, il y a essentiellement les hommes. Cela se justifie par le travail pénible de cette activité. Depuis l’abattage des bois jusqu’à l’extraction du charbon en passant la surveillance

10- Le GMA est l’abréviation de Grand Moulin d’Abidjan. Les sacs GMA sont les sacs sortis de cette entreprise. Et l’expression a été utilisée pour la première fois, par le premier intermédiaire traitant dans la commercialisation du charbon de bois. Celui-ci avait dit au producteur qui devrait lui fournir le charbon que je vais t’acheter des sacs du Grand Moulin d’Abidjan quand je serai en ville. Depuis ce jour, les gros sacs ont pris le nom de GMA dans la région.

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du feu, la chaine des activités n’est pas aisée. Cette difficulté liée à l’activité de production du charbon, fait qu’elle reste essentiellement masculine. Cependant, on retrouve quelques rares productrices dans l’activité. Ces productrices sont pour la plupart des veuves qui sont détentrices d’une portion de terre. Dans ce cas, elles ne produisent pas le charbon elles modes. Le mode de production dans ce cas, s’apparente à celui décrit par Karl Marx (1859) dans le système de production capitaliste et qui permet d’accroitre le capital de production. En effet, les femmes détentrices de terres acquises soit par héritage, soit par don, mettent à la disposition des jeunes capables de produire le charbon, les bois et les moyens de production. Ces jeunes disposant de la force de production vont donc utiliser ces moyens pour la production du charbon. Le charbon ainsi produit est mis à la disposition des femmes qui détiennent les moyens de production.

L’âge des producteurs de charbon de bois varie de 11 à 70 ans, voire plus avec une majorité de producteurs qui ont un âge compris entre 20 et 45 ans.

Avant cette tranche d’âge, les enfants de 11 à 20 ans environ, se mettent ensemble pour la production du charbon de bois. Dans ce cas, les bois choisis pour la production, sont ceux qu’ils peuvent abattre à l’aide de leur machette.

Entre 45 et 60 ans, on produit également en groupe. Soit avec un ami, soit avec ses enfants. Au-delà de 60 ans, le système est le plus souvent le même que celui des veuves retrouvées dans la production.

Au regard de ce qui précède, il convient de signaler que toutes les couches sociales se retrouvent dans la production du charbon de bois : hommes et femmes, enfants, jeunes, adultes et vieux. Ainsi, le charbon revêt un intérêt particulier aux yeux de la population.

III- LES SOURCES DE FINANCEMENT ET LES DEPENSES RATTACHEES A LA PRODUCTION DU CHARBON DE BOIS

III.1- Les sources de financement

Il y a trois sources de financement dans l’activité de production du charbon de bois.

III. 1.1- Les fonds propres

La première source de financement de la production du charbon est le finan- cement sur fonds propres. Toute personne qui dispose d’un peu de ressources financières pour faire face aux dépenses, finance lui-même son activité.

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III.1.2- solidarité amicale

La seconde source de financement de la production du charbon est le financement par une tierce personne. Trois types se rencontrent dans cette deuxième source de financement. Le premier type est le financement par don.

Une personne peut décider d’aider un jeune qui n’a pas les moyens à sortir de son état de dépendance en finançant l’activité de production de bois. Il met alors à sa disposition les moyens de production pour la production du charbon s’il dispose des ressources matérielles qui sont la force de travail et du bois pour la production. Le deuxième type de financement par une tierce personne est le financement par les vieilles personnes. Dans ce cas, comme nous l’avons dit plus haut, elles mettent à la disposition de certains jeunes qui peuvent faire la production, les moyens de production que sont les finances et le bois pour la production. À la fin du travail, la production est remise au propriétaire des biens de production et le partage se fait après la vente du charbon selon le principe de la division par trois. Le propriétaire des moyens de production prend alors les deux tiers de la production et le producteur prend quant à lui, le tiers. Le troisième type de financement par une tierce personne est le finan- cement par les salariés. Les salariés tels que les instituteurs, les infirmiers et autres fonctionnaires apportent aux jeunes le financement nécessaire pour la production du charbon. Le producteur lui apporte les bois qui seront utilisés pour produire le charbon. Après la vente, le financier retire les dépenses et le reste est divisé en deux entre les deux partenaires.

III.1.3- L’agriculture contractuelle

La troisième source de financement est l’agriculture contractuelle qui est une forme de financement intégré de chaîne de valeur, par laquelle un acheteur plus haut dans la chaine fournit du financement à un producteur plus bas dans la chaîne.(YARRI KAMARA et al 2011). Ici, dans le système, le financement se fait par l’intermédiaire traitant ou l’acheteur du charbon.11 Dans ce cas, après la vente du charbon, l’intermédiaire traitant ou l’acheteur récupère uniquement son argent et le reste revient au producteur.

11- L’intermédiaire traitant est celui qui récupère le charbon après la production. Il le commercialise aux abords des routes. C’est seulement après la commercialisation qu’il vient donner la part du producteur. L’acheteur lui vient et achète directement la production pour aller lui la vendre en détail en ville.

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III.2- Les dépenses liées à la production du charbon

Les premières dépenses sont relatives à l’achat de l’essence qui servira à effectuer l’abattage et au tronçonnage des arbres. Le nombre de litres d’essence varie entre deux litres et cent litres. Ce qui revient à raison de sept cent francs (700 FCFA) le litre d’essence à mille quatre cents francs (1400 FCFA) à soixante dix mille francs (70 000 FCFA). Après l’achat de l’essence, les deuxièmes dépenses sont relatives à l’abattage et tronçonnage des bois.

Le tronçonneur reçoit la somme de deux mille francs (2000 FCFA) par litre d’essence et sa nourriture journalière qui s’élève à environ 1000 FCFA. Ainsi, les dépenses liées à l’abattage et tronçonnage des arbres peuvent aller de cinq mille francs (5000 FCFA) à deux cents vingt mille francs (220000 FCFA) par séance de production. Les troisièmes dépenses sont relatives aux dépenses de nourriture lors de l’assemblage des morceaux de bois, lors de la construction de la meule, lors de sa couverture de terre et enfin lors de la surveillance du feu12. Si ceux qui viennent aider le producteur lors des séances de l’assem- blage, de la construction de la meule et de la fermeture de la meule ne sont pas rémunérés, le producteur doit néanmoins assurer la nourriture et prévoir de la boisson et parfois de la cigarette pour les fumeurs. Certains producteurs peuvent dépenser en moyenne cinq mille francs (5000 FCFA) pour la journée au cours de ces séances. En plus de cela, il faut prévoir environ pour ceux qui ont encore de l’argent, dix mille francs (10000 FCFA) à trente mille francs (30000 FCFA) pour le temps que dure la surveillance du feu. ainsi de manière générale, les dépenses peuvent être évaluées de dix mille francs (10000 FCFA) à trois cents dix mille francs (310000 FCFA) environ. Certains producteurs se contentent souvent du minimum de dix mille francs (10000 FCFA) pour commencer la production. Dans ce cas, ils font seuls les travaux jusqu’à la couverture de la meule de terre. C’est souvent seulement en ce moment qu’ils sollicitent l’appui de quelques personnes.

Le tableau suivant donne de manière générale les dépenses liées à la fabrication de charbon de bois dans ces localités.

12- Lors de la surveillance du feu, vous dormez à côté de la meule jusqu’à carbonisation de celle-ci.

Pendant ce temps, vous ne pouvez rentrer à la maison. Ainsi, vous devez prévoir tout ce que vous allez consommer pendant cette période.

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Quantité d’essence en litres

Prix de l’essence en F CFA

Revenu du scieur en FCFA

Dépenses liées à la nourriture du scieur en F CFA

Autres frais pour la production en FCFA

Total en F CFA

2 1400 4000 1000 2600 10000

4 2800 8000 1000 4200 15000

5 3500 10000 1000 10000 24500

10 7000 20000 1000 10000 38000

15 10500 30000 2000 10000 52500

20 14000 40000 3000 10000 67000

25 17500 50000 3000 10000 80500

30 21000 60000 4000 10000 95000

35 24500 70000 4000 20000 118500

40 28000 80000 4000 20000 132000

45 31500 90000 4000 20000 145500

50 35000 100000 5000 25000 165000

55 38500 110000 5000 25000 178500

60 42000 120000 5000 25000 192000

65 45500 130000 5000 25000 205500

70 49000 140000 7000 25000 221000

75 52500 150000 7000 30000 239500

80 56000 160000 8000 30000 254000

85 59500 170000 8000 30000 267500

90 63000 180000 9000 30000 282000

95 66500 190000 9000 30000 295500

100 70000 200000 10000 30000 310000

Sources : tableau réalisé à partir des données recueillies sur le terrain

Généralement les dépenses se situent dans cet ordre. Mais peuvent également variées en fonction du producteur et de sa capacité financière.

Ainsi, certains peuvent voir à la hausse les frais liés aux autres dépenses de production tandis que d’autres peuvent les diminuer et se contenter du minimum dans la production.

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IV- LA PRODUCTION DU CHARBON ET LA PROFESSION- NALISATION DE L’ACTIVITE DE PRODUCTION

IV. 1- La production du charbon de bois et le revenu des producteurs

La production s’évalue en nombre de sacs. Ainsi pour deux litres d’essence, certains producteurs affirment avoir entre dix et quinze sacs «GMA» de char- bon. Pour les grands producteurs, ceux qui font autour de cent litres d’essence produisent trois cents à trois cinquante «GMA». Au niveau de la production, les équivalences que nous faisons ne sont pas de manière objective. Plusieurs facteurs qui rentrent dans la production peuvent contribuer à diminuer ou à augmenter la quantité de sacs de charbon produit. Ainsi, avec par exemple quatre litres d’essence, vous pouvez espérer avoir vingt à vingt cinq voire trente sacs. Mais contrairement à cela, obtenir moins que ça. Malgré tout cependant, comme le souligne K.A.D 36 ans, producteur de charbon de bois, «avec le charbon, vous retirez toujours ce que vous investissez. Même si votre marge de bénéfice n’est pas aussi importante comme vous l’espériez, vous retirez toujours votre capital investi». de même, certaine production peuvent aller jusqu’au delà de vos espérances. C’est ce que fait remarquer D.K un autre producteur de charbon quand il dit : «l’an passé13, j’ai fais un four de douze litres14 et à ma grande surprise, j’ai obtenu quatre vingt douze GMA, depuis ce four, je n’ai pas encore eu une telle production.».

La production terminée, les producteurs le confient à un acheteur ou à un intermédiaire traitant. Tout compte fait, que ce soit l’acheteur ou l’intermédiaire traitant, le sac GMA est acheté au prix de deux mille cinq cents francs (2500 FCFA) et le petit sac à mille deux cents francs (1200 FCFA). C’est donc en fonction de cela que le producteur calcule son revenu. Au regard de ce qui précède, certains producteurs peuvent atteindre environ sept cents mille francs (700000 FCFA) par meule exploitée quand d’autres se contentent de vingt mille.

13- L’enquête a été menée en Août 2012, donc l’an passé, sous entend l’année 2011.

14- Faire un four de douze litres se comprend dans le langage des producteurs de charbon, douze litres d’essence ont été utilisés pour l’abattage et le tronçonnage des arbres. Ainsi donc, de même que la production s’évalue en nombre de sacs, le four, lui s’évalue en quantité de litres d’essence. Le producteur, avant même de commencer à couper les arbres, dit : «je vais ou je veux faire un four de telle quantité de litres d’essence». Utiliser donc deux litres d’essence revient à un four de deux litres, quatre litres d’essence revient à un four de quatre litres et ainsi de suite.

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IV.2- De l’apprentissage à la professionnalisation de l’activité de production

Avant les années 1990, la localité de Tiassalé ne produisait pas de char- bon. L’activité principale était l’agriculture avec les produits de rente tels que le cacao, le café, l’ananas, les produits vivriers comme la banane, l’igname et le riz. C’est en 1996 que les premiers guinéens se sont installés dans la région. C’est également en cette année que les localités de Boussoukro, de Kodimasso et de Bodo ont reçu elles aussi leur premier guinéen producteur de charbon de bois. Ainsi pendant cette période, c’était seulement les guinéens qui produisaient le charbon. Ceux-ci achetaient le bois avec les populations au prix de quarante mille francs l’hectare. Pendant les travaux, ils louaient les services de certains jeunes du village en raison de mille francs la journée de travail. Ceux-ci, ont pu donc apprendre les techniques de la production du charbon pendant ces journées de travail. Petit à petit, ils ont acquis de l’expérience et ont commencé eux aussi à partir des années 2000 à produire du charbon.

Avec les différentes fluctuations des prix des matières premières que sont le cacao et le café, ajouter à cela, les difficultés d’accès des services financiers bancaires, les populations ont jugé opportun de se tourner vers la production du charbon comme source de financement de leurs activités. En cela, A.P.D disait : «si le charbon n’était pas arrivé, on se demande bien ce que nous serions devenu sans aucune autre source de financement». Le charbon est donc un palliatif au déficit de financement que connaissent les milieux ruraux.

Aujourd’hui, l’ensemble de la population de ces localités s’adonnent à cette activité. Certains mobilisent la cellule familiale, d’autres le ménage et d’autres encore le font individuellement. Il peut donc arriver que dans une famille, chaque homme fasse la production de charbon. Aujourd’hui, de l’apprentis- sage, cette activité est devenue l’activité principale des populations. Certains font un four à chaque trimestre à cause des travaux qui sont pénibles. Les plus endurants font entre neuf à douze fours par année. Ceux-ci font donc un four par mois. Pendant qu’ils surveillent le feu d’un four, ils abattent en même temps les arbres et préparent les fours à venir.

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VI- DE L’ECONOMIQUE A LA CONSTRUCTION SOCIALE DE L’ACTEUR

VI.1- Maintien et valorisation du statut social

La production du charbon de bois a favorisé une certaine catégorisation des individus en paresseux, courageux, une acquisition de la notoriété, la revalorisation du statut social et la solvabilité des producteurs.

En effet, la production du charbon dans les villages de Boussoukro, Kodi- masso et de Bodo a dépassé la valeur économique pour adopter une valeur sociale. Les populations se représentent socialement en fonction de la produc- tion du charbon. Désormais, sont considérés comme paresseux et fainéants ceux qui ne sont pas capables de faire un four au moins dans l’année. À l’inverse, sont considérés comme courageux, ceux qui produisent constam- ment du charbon de bois dans l’année. Le charbon permet aux populations surtout aux producteurs d’avoir de la notoriété et un prestige social auprès des autres. Il participe ainsi à la revalorisation du statut social car il vient résoudre plusieurs problèmes. Lors du focus group que nous avons eu, D.K.P 43 ans disait ceci : «lorsque ma belle mère était morte, je venais de terminer deux fours. Cela m’a permis de prendre en charge les funérailles et d’éviter le honte. Sans cela, je me demandais bien ce que j’allais faire.». K.N.P 36 ans, un autre producteur abordant dans le même sens disait ceci : «quand notre père était mort, la famille s’est réunie et a évalué les dépenses. Et le chef de famille nous a dit, pour les funérailles de votre père les dépenses s’élèvent à cinq cents trente mille francs (530000 FCFA) combien vous ses enfants prenez vous dans tout cela ? et nous lui avons répondu que nous pouvons tout prendre parce que chacun de nous avait fait un four ou était entrain de faire un four.

Cela nous donnait la possibilité d’enterrer notre père dignement même sans l’intervention de quelqu’un».

Le charbon est devenu aussi une source de garantie sociale pour les producteurs. Ils sont devenus solvables et peuvent bénéficier de crédit lorsqu’ils sont confrontés à un évènement brusque et que la production du charbon n’est pas encore achevée pour que le charbon soit commercialisé. Le simple fait qu’un producteur soit entrain de couper des arbres, de les tronçonner, de construire la meule ou de la recouvrir de terre suffit pour qu’une personne qui dispose de moyens vous accorde un crédit sans trop de tracasseries. De même, les enseignants acceptent certains élèves en classe quand les parents sont entrain de faire du charbon. Selon O.T 41 ans, et producteur de charbon de

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bois, le directeur de l’école primaire a accepté son fils en classe parce qu’il était entrain de faire du charbon. Il dit en substance : «pendant la rentrée des classes j’étais encore au campement, il a suffit que je vienne expliquer cela au directeur pour qu’il accepte mon fils. C’est quand j’ai vendu le charbon que je suis venu régler». Ainsi au-delà de l’aspect économique, le charbon favorise un autre type de rapport dans la construction sociale de l’individu entre les membres de la communauté. Ce rapport se caractérise par le respect, la considération, la valorisation de l’individu et du son statut, et l’affirmation sociale de l’être. En plus, le charbon est comme un palliatif au déficit de structures financières pour le financement des activités agricoles. Lorsque le besoin de financement se fait sentir, le recours immédiat est la production de charbon. Il a pu permettre à certains d’assurer la rentrée scolaire en remplacement du crédit scolaire, à d’autres de commencer une activité rémunératrice de revenu telles qu’une boutique, un kiosque à café, d’ouvrir une salle de jeu vidéo et à d’autres encore de s’offrir un permis de conduire. Les activités agricoles ne demeurent pas en reste. En effet beaucoup ont pu étendre leur exploitation agricole grâce au charbon. Ceci par l’achat d’intrants, par l’entretien de l’exploitation à l’aide d’une main d’œuvre journalière ou saisonnière. L’activité de production de charbon a donc une portée significative auprès des populations en termes de services offerts à celle-ci. Le charbon combine en même temps les valeurs de services financiers et de revalorisation du statut social. Les services financiers parce qu’il permet de se constituer une épargne pour un futur investissement et d’avoir du crédit dans les périodes difficiles. Revalorisation du statut social parce qu’il permet au producteur au-delà de l’aspect économique d’entretenir d’autres types de rapports sociaux. Lesquels rapports sont basés sur la valeur de l’être humain, sur la considération et sur la base de la confiance dans les rapports de créancier et débiteur.

VI.2- Consolidation des rapports existants et création de nouveaux rapports sociaux

La production du charbon de bois a permis une consolidation des rapports existants et la création de nouveaux rapports sociaux. Le financement de l’activité de la production est l’élément catalyseur de la consolidation et de la création de ces différents rapports. La consolidation concerne deux catégories d’acteurs. Il s’agit des producteurs et des acheteurs. En effet, il se crée une certaine fidélisation et une confiance entre producteurs et acheteurs (acheteurs proprement dits et intermédiaires traitants). Cette fidélisation et cette confiance dans les rapports expliquent le fait que les intermédiaires traitants qui ne paient

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pas au comptant continuent de recevoir les productions. Les clients de ceux- ci maintiennent les relations avec les intermédiaires même s’il faut attendre quelques jours de plus au risque même de la perte de la production pour recevoir leur argent. Cela a créé également une relation d’assistance entre les partenaires. Par exemple, lorsque le producteur est en deuil, il est assisté de l’acheteur dans ces moments d’épreuves et de douleur. L’acheteur intervient pendant les obsèques même si rien ne lui a été demandé. La consolidation des rapports s’observe également entre les coproducteurs dans le cadre du partenariat entre les vieilles personnes à qui appartiennent les moyens de pro- duction (argent et bois) et les jeunes producteurs. Il se crée entre ceux-ci une relation de parenté. Les jeunes considèrent désormais les vieilles personnes comme parentes même s’il n’y a aucun lien de parenté biologique entre eux.

En ce qui concerne la création de nouveaux rapports, cela s’observe également au niveau de deux catégories d’acteurs que sont les producteurs et les détenteurs des biens de production15. En effet, les personnes qui financent sans contre-partie les activités de production des jeunes. Les jeunes dont les activités sont financées par des tierces personnes sont redevables à ces dernières. Cela met en œuvre un principe de réciprocité qui se traduit par une reconnaissance morale ou une dette morale du producteur envers son créancier. Cette dette morale crée de nouveaux rapports entre les partenaires. La dette est donc la logique structurante qui anime, à l’arrière-plan de l’échange des dons et des contre-dons, la relation entre un dona- teur qui, de ce fait, est en position de créancier et un donataire qui, de ce fait, est en position subordonnée de débiteur, contraint d’honorer tôt ou tard la dette ainsi contractée. Ainsi, bien loin d’exprimer cet «idéal» égalitaire que d’aucuns attribuent avec plus ou moins de candeur aux sociétés africaines «traditionnelles», la logique de la dette présuppose et implique, au contraire, des rapports intrinsèquement hiérarchiques (Marie, 2002). Le donateur devient pour le producteur une personne digne de respect. Le financement de la production du charbon de bois par le don devient donc un élément fondamental dans la construction des rapports entre le donateur et le producteur.

CONCLUSION

L’objectif de cette contribution était d’analyser dans une perspective socio- anthropologique, les différents facteurs explicatifs de l’adoption de la produc- tion du charbon de bois par les populations de N’douci à travers les villages de Boussoukro, de Kodimasso et de Bodo. Cet objectif a été possible grâce

15- Les biens de production concerne ici les finances et les arbres pour la production du charbon de bois.

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à une méthodologie constituée d’entretien libre et de focus group ponctuée d’une observation directe. Cette méthodologie a permis d’obtenir les résultats suivants : la production du charbon de bois a permis aux producteurs non seu- lement de faire face à leurs problèmes financiers (scolarité des enfants, soins de santé des membres de la famille, funérailles, mariage, etc.), de financer leurs activités agricoles (achat d’intrants, entretien des exploitations agricoles, etc.) et non agricoles (création de salle de jeux vidéo, financement de permis de conduire pour les jeunes, etc.), mais aussi de conserver leur prestige social, de revaloriser et de se construire de nouveaux rapports sociaux. Ainsi, au- delà de l’aspect financier que la comporte la production du charbon de bois, celle-ci constitue un moyen d’affirmation de l’individu par la conservation et la revalorisation de son statut social.

Au plan de la connaissance scientifique, cet article est une contribution à la connaissance des problèmes de financement des activités agricoles et les systèmes de refinancement de l’agriculture. Cela permet de comprendre que les systèmes de financement traditionnels, loin d’être inefficaces et dépassés dans les systèmes de financement agricole, permettent aux populations rurales de résorber leurs difficultés financières du moment en attendant des mécanismes et structures adaptés au milieu rural et capables d’assurer effectivement le financement du secteur agricole.

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Références

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