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JULES ROMAINS, TEMOIN ET VISIONNAIRE

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JULES ROMAINS

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JULES ROMAINS, T E M O I N ET VISIONNAIRE

On ne saurait trop se réjouir de la célébration des grands anni- versaires. C'est là l'occasion de fêter d'illustres personnages, de les honorer, de se rapprocher d'eux par la pensée, de reconsidérer leurs ouvrages, de les regarder de plus près, ce qui souvent entraîne surprises et découvertes. C'est aussi l'occasion de mesurer leur rayonnement, leur actualité, de constater, grâce à eux, que le génie, quand génie i l y a, demeure toujours présent, quels que soient les mœurs et les modes, les mentalités et les goûts.

Dans ce domaine, l'année 1985 nous aura comblés. Que de commémorations ! Quatrième centenaire de la mort de Ronsard, centenaire de la mort de Victor Hugo, centenaire de la naissance de François Mauriac, d'André Maurois, de Jules Romains. Et j'en passe...

Jules Romains. Un nom imposant, monumental, qui suscite l'idée d'une grande œuvre. Laquelle ne le dément pas. Par ses proportions déjà, n'est-elle pas celle qui domine, avec les vingt- sept volumes des Hommes de bonne volonté, tout notre XXe siècle ? Aucun autre écrivain ne tenta aussi ambitieuse entreprise. C'est la cathédrale du roman français.

Mais ce n'est pas, bien sûr, ce « record » qui fait de Jules Romains l'écrivain que nous admirons. Ce qu'il y a de remarqua- ble chez lui, et de tout à fait exceptionnel, c'est qu'il sut exceller dans chacun des genres qu'il aborda au cours de sa vie. La plupart des autres écrivains ne s'affirment que dans l'un d'eux, quand ils ne s'y cantonnent pas par prudence ou incapacité d'en

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sortir. Tel romancier tente quelques incursions sur la scène, mais n'y obtient que des succès modestes, qui ne suffisent pas à le consacrer véritablement auteur dramatique. Tel autre, dans sa jeunesse, s'adonne à la poésie, mais on le voit vite délaisser les vers pour la prose, et c'est là qu'il fait carrière.

Rien de pareil avec Jules Romains. L u i aussi commence par faire œuvre de poète en publiant à dix-neuf ans l'Ame des hommes ; mais, loin de se détourner par la suite de cette voie, il ne cesse d'y persévérer tout au long de son existence et il y imprime si fort sa marque qu'on le regarde comme un novateur, un initiateur, et l'on a pu dire, en lui rendant justice, qu'ils étaient nombreux « les poètes modernes des diverses écoles, et parmi les plus grands, qui ont reçu quelque chose de Jules Romains sans toujours reconnaître leur dette (1) ».

Au théâtre, Jules Romains, est-il besoin de le rappeler, sut pareillement s'imposer. Knock n'est pas seulement « le triomphe de la médecine », c'est aussi le triomphe d'un auteur dramatique.

Durant l'entre-deux-guerres, Lise Jules-Romains le mentionne dans son délicieux et précieux livre de souvenirs qui vient de paraître (2), il était l'un des « trois grands >, avec Bernard Shaw et Pirandello, les plus joués en Europe. Aujourd'hui encore, Knock, Donogoo, Monsieur Le Trouhadec saisi par la débauche, Volpone remportent le plus vif succès et leur auteur est salué comme un classique. Un classique dont, cependant, certaines œuvres seraient à redécouvrir : Cromedeyre-le-Vieil, en particu- lier, créé par Jacques Copeau sur la scène du Vieux-Colombier au mois de mai 1920.

Mais c'est plus encore dans la création romanesque, semble- t-il, que Jules Romains donne toute sa mesure, sans toutefois trahir l'auteur dramatique et le poète qu'il est aussi authentique- ment. Tout au plus pourrait-on regretter que l'imposant et superbe massif des Hommes de bonne volonté ait quelque peu rejeté dans l'ombre — ou, du moins, dans la pénombre — ses autres romans. Exception faite, toutefois, pour les Copains, dont la juvénile et contagieuse alacrité ne cesse de divertir les généra- tions successives. En revanche, Mort de quelqu'un, publié en 1911, mériterait d'être plus en lumière. Souhaitons que sa réédi-

(1) Robert Sabatier, dans le tome VI de son Histoire de la poésie française (Albin Michel).

(2) Lise Jules-Romains : les Vies inimitables (Flammarion).

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don, qu'on nous dit prochaine, en soit l'occasion. Les lecteurs qui, alors, découvriront ce bref récit seront surpris de sa modernité et constateront que, là également, Jules Romains fut un novateur.

A redécouvrir aussi la trilogie de Psyché, nouvellement réim-

André Bourin chez Jules Romains, à Grandcour (août 1960)

primée (3). Son premier tome, Lucienne, obtint en 1922, au premier tour de scrutin, le nombre de voix nécessaire pour remporter le vingtième prix Goncourt, mais une réflexion de

(3) Jules Romains : Psyché : Lucienne, le Dieu des corps, Quand le navire... Un volume (« Folio », Gallimard).

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Rosny aîné, disant que « l'auteur était trop connu », l'écarta de la compétition, et, au tour suivant, ce fut le Martyre de l'obèse, d'Henri Béraud, qui l'emporta.

Les Hommes de bonne volonté ne sont pas seulement un roman. Un roman fourmillant d'aventures et de personnages inoubliables. Ils nous offrent en outre une peinture vivante, colorée, contrastée, de ce que fut, sous ses multiples aspects, la société pendant un quart de siècle, alors que l'Europe du xix* siècle s'écroulait, épuisée, dans les convulsions de la Pre- mière Guerre mondiale et que tentait de s'édifier un monde nouveau qui, aujourd'hui encore, est loin d'être parvenu à son achèvement.

De cette mutation gigantesque, Jules Romains fit le sujet de son livre. Tout grand romancier est un témoin et un vision- naire. L'auteur des Hommes de bonne volonté montra, par cette œuvre, qu'il était l'un et l'autre. Témoin de son temps, i l apporte aux historiens contemporains et futurs une somme de docu- ments pris sur le vif, à travers lesquels ils pourront mieux percevoir le vrai visage de ces années cruciales. Ils en saisiront mieux la sensibilité, les aspirations, les illusions, les bonheurs et les souffrances, comme l'a démontré le récent colloque qui s'est tenu, le mois dernier, à l'Ecole normale supérieure (4).

Visionnaire, il nous fait participer à sa conception unanimiste de cet univers en formation, où l'individu se voit de plus en plus supplanté par les groupes sociaux dont, dès sa dix-huitième année, il eut la révélation qu'ils possédaient une âme collective.

Cette révélation de la « vie unanime » allait orienter son œuvre tout entière : celle du poète comme celle de l'auteur dra- matique et du romancier, et l'imprégner de ce « spiritualisme laïque » dont parlait récemment Alain Peyrefitte sous la Cou- pole (5). Ce « spiritualisme laïque » mériterait une longue étude.

Notons simplement ici qu'on en relève l'empreinte jusque dans les titres de plusieurs ouvrages de Jules Romains, depuis l'Ame des hommes et Odes et Prières jusqu'à Retrouver la foi et Saints de notre calendrier (des saints qui ne figurent pas au martyro-

(4) Colloque des 13 et 14 novembre sur le thème : Jules Romains face aux historiens contemporains.

(5) Lors de la séance publique annuelle des cinq académies, le 22 octo- bre dernier, Alain Peyrefitte, délégué de l'Académie française, rendit hom- mage à trois grands écrivains centenaires : François Mauriac, André Maurois et Jules Romains.

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loge !), en passant par les Hommes de bonne volonté, bien sûr.

Leur auteur fut toute sa vie à la « recherche d'une église » (encore le titre d'une de ses œuvres !), d'une « foi » pour les hommes de son siècle, comme si, selon la remarque de Jean Dutourd, « l'athéisme, qui est un choix de l'esprit, ne descendait jamais jusqu'aux dernières profondeurs du cœur humain ». Que cette quête n'ait pas abouti, que cette espérance ait été déçue ne doit pas nous empêcher de prendre, à la faveur de cette haute aspiration, conscience de la vocation de Jules Romains et de la signification profonde de son œuvre. Qu'elles ne nous empêchent pas non plus d'y trouver un viatique pour l'avenir.

C'est à mieux nous en pénétrer que cette célébration du centième anniversaire de la naissance de Jules Romains nous invite. Instamment.

A N D R E BOURIN secrétaire général de la Société des amis de Jules Romains

« L E S V I E S I N I M I T A B L E S » Souvenirs de Lise Jules-Romains

Des souvenirs. Non des mémoires. Des souvenirs dont la spontanéité, le naturel, la ferveur, la drôlerie sont le propre de l'auteur. Lise Jules-Romains écrit comme elle parle. D'où la chaleur, la vivacité de ce livre (1) qui révèle le vrai visage de Jules Romains, nous le montre dans sa vie quotidienne, dans son comportement familier. Il fallait être ce témoin privilégié que fut Lise Jules-Romains, partager pendant près de quarante années ses bons et ses mauvais jours, pour brosser un portrait aussi fidèle, aussi vivant d'un écrivain qui ne se livrait pas volontiers.

Homme discret, distant, voire secret, Jules Romains n'était pas de ceux qui se complaisent aux épanchements, aux confessions.

Il ne faisait réellement bonne figure qu'à ceux qu'il estimait. Le sourire qu'il leur adressait alors, l'attention qu'il leur portait, étaient incomparables. Il avait le culte de l'amitié, mais ce culte était exigeant et s'il eut de vrais amis, le nombre en fut toujours limité. A u public, il ne se livrait pas.

(1) Flammarion, 384 p.

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L'ouvrage de Lise Jules-Romains n'en est que plus précieux.

Il est nourri de petits faits vrais, d'anecdotes, de propos, de réflexions qui nous font vivre dans l'intimité de Jules Romains.

Son titre intriguera peut-être. Que sont donc ces « vies inimita- bles » ? Que cela signifie-t-il ? Ceux qui ont lu les Hommes de bonne volonté se rappelleront certaine conversation de Jallez expliquant à son ami Jerphanion que se créer une « vie inimi- table », c'est faire en sorte qu'aucune minute ne soit vécue mollement, qu'aucune place ne soit laissée « à la retombée sur

Jules et Lise Romains, dans leur appartement parisien

soi-même ». C'est, en somme, se fabriquer un « dionysiaque léger ». Lise Jules-Romains ne prétend pas avoir vécu ainsi que son mari chaque heure de leur existence commune dans cette atmosphère de « dionysiaque léger ». Chagrins, déceptions, tragé- dies ne leur furent pas épargnés. Mais « dans le traitement de catastrophes de format réduit », Jules Romains excellait et jamais il ne céda à la pesanteur ou à la maussaderie. Ce qui n'excluait pas, bien sûr, le sérieux. « On n'écrit pas les Hommes de bonne volonté, et le reste, note Lise Jules-Romains, si on n'est pas sérieux. »

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Lire les Vies inimitables, c'est apprendre comment Jules Romains vivait à Paris et à la campagne, comment s'écoulèrent ses années d'exil volontaire aux Etats-Unis puis au Mexique, quels voyages autour du monde il entreprit, comment il visitait une ville, quelle fut son action au P.E.N. Club dont il fut le président international au moment de la guerre, comment il se comportait au cours des répétitions de ses pièces, ou à l'Académie qu'il avait longtemps dédaignée en dépit des appels pressants de Paul Valéry : « Venez, lui disait celui-ci. Je m'ennuie là-dedans, tout seul. Rejoignez-moi. Nous leur ferons des blagues ! »

A l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Jules Romains, maintes manifestations ont été organisées à travers la France : à Paris, au Puy, à Saint-Julien-Chapteuil où il naquit le 26 août 1885, à Nice où il connut la douceur de vie, à Tours et à Saint-Avertin où il composa la plus grande partie des Hommes de bonne volonté. Autant d'hommages chaleureux, solennels. Celui que constituent les Vies inimitables est d'une autre nature. C'est celui d'une mémoire fidèle (fidèle dans tous les sens du terme) et dont le témoignage nous livre un Jules Romains tel qu'en lui-même enfin la vérité le change.

A . B.

L A SOCIETE DES AMIS DE JULES ROMAINS, dont le président est Jean d'Ormesson, a son siège social à Paris, 56, rue de Boulainvilliers, 16e.

Elle publie quatre fois par an un bulletin et chaque année un Cahier contenant une correspondance, des textes inédits ou diverses études sur l'œuvre de Jules Romains.

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