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NOUS, ET LES AUTRES. Souvenirs d'un tiers de siècle avec JEAN de BOSCHÈRE EDITIONS DU CENTRE AURILLAC

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Academic year: 2022

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NOUS, ET LES AUTRES

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ELISABETH d'ENNETIÈRES

NOUS,

ET LES AUTRES

Souvenirs d'un tiers de siècle avec JEAN de BOSCHÈRE

EDITIONS DU CENTRE

— AURILLAC —

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Il a été tiré 50 exemplaires hors commerce

sur Alfa Mousse Navarre numérotés de 1 à 50 et 450 exemplaires sur Alpa constituant l'édition originale.

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JEUNESSE

C'est à la demande de quelques amis de Jean de Boschère que je me décide à écrire mes souvenirs, c'est aussi parce que je crains que certaines erreurs commises par quelques critiques deviennent des réalités et pourraient ainsi fausser l'histoire. Quant à émettre un jugement — d'u moins le mien — sur les œuvres littéraires et artistiques de Jean de Boschère, une certaine pudeur intellectuelle et sentimentale m'en empêche, je laisserai cela à la compétence de ceux qui étudieront son œuvre et à ses héritiers littéraires. Je me contenterai donc d'écrire mes souvenirs, ceux qui m'ont été racontés et les miens propres. Ils sont nombreux, souvenirs d'un tiers de siècle de collaboration constante.

La première erreur concerne la date de naissance de Jean de Boschère. Il est né à Uccle (Brabant) le 5 juillet 1878, et non en 1881 comme on l'a écrit quelquefois. C'est son frère Jacques qui est né en 1881, également en juillet et à Uccle. Il était donc facile de confondre Jean et Jacques, l'initiale des deux prénoms étant la même.

Pour parler utilement des œuvres de Jean de Boschère, faire la part de la réalité, de l'imaginaire, de l'art, il me semble nécessaire de parler du milieu où il est né, a vécu, et qui, forcément a influé sur la destinée du poète, de l'écri- vain, de l'artiste.

J'ai donc dit que Jean de Boschère était né à Uccle. Qu'y faisaient ses parents, je l'ignore. Je n'ai connu la famille qu'en 1920. Elle habitait alors aux environs d'Anvers d'où

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le père était originaire, l'endroit portait le joli nom de Vieux-Dieu.

Ce père, Charles de Boschère (Bosschère avec deux S à l'état civil) était un être délicieux, grand botaniste, confé- rencier, parlant dans la plupart des pays d'Europe, y com- pris la Russie. Les fleurs étaient sa passion, il s'occupait d'elles plus que de sa nombreuse famille. Certes, il aimait ses enfants car il était extrêmement bon ; il les laissait agir à leur guise, riait de leurs jeux qui quelquefois provoquaient des désastres, ainsi lorsqu'il leur prenait envie de jouer aux pompiers et de lancer des seaux d'eau du premier étage d'ans la cage d'escalier, mais il ne les interdisait pas.

La mère, de santé fragile, ne sortait jamais. C'était une grammairienne enragée, les repas se passaient en discus- sions sur les règles de grammaire, et comme elle tenait à prouver son opinion, petit à petit, la table se couvrait de dictionnaires, d'encyclopédies, de lexiques, de grammaires.

etc.

Les enfants : Je crois qu'il y eut une fille ou un fils mort en bas âge ; puis naquit une fille, elle s'appelait Marie, elle est, malheureusement née défigurée par un bec-de-lièvre.

Je parlerai d'elle plus loin. Puis vint Jean qui fait l'objet de mon récit, et Jacques qui vécut en Chine au temps où Claudel y était, ensuite deux filles, Luce qui épousa un homme de science allemand qui, pendant la guerre de 1914, l'abandonna avec deux enfants, et la petite dernière, Lise, enfant malingre qui, d'après les médecins, ne devait pas vivre. Ceci une fois établi, on s'occupa très peu de cet enfant, que ce soit de sa santé, de ses vêtements, de son instruction, puisqu'elle devait mourir !... Elle s'est éteinte à l'âge de 74 ans !...

Maintenant que j'ai établi les liens de cette famille peu banale, je ne vais plus m'occuper que des seuls souvenirs concernant Jean de Boschère.

Il a donc grandit dans un milieu qu'il n'est pas exagéré de qualifier de loufoque, sans aucune discipline morale ni

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religieuse ; il vivait dans un trou qu'il avait creusé dans le jardin où cependant lui, élevé par des parents athées et hostiles à toute religion, avait placé, pour embellir son antre, un petit Saint Roch en porcelaine. Où l'avait-il trouvé ? et pourquoi l'avait-il gardé ?... Déjà enfant, il vivait en soli- taire, malgré l'amour qu'il vouait à sa sœur aînée et à sa mère. C'était un enfant difficile, qui semblait toujours être en état de révolte, peut-être se jugeait-il incompris des siens ou bien se sentait-il l'enfant « qui (n'est pas comme les au- tres » et qu'il a décrit plus tard dans Paris-Clair obscur sous le titre « La marque secrète ». D'avance il se cabrait contre tout en ayant cependant un moment d'enthousiasme lorsque, ne sachant encore ni lire ni écrire, on l'installait, un crayon dans sa petite main devant une feuille de papier blanc. Il la divisait en carrés, approximatifs bien entendu, dans chacun d'eux il lançait un trait informe pour nous, mais qui pour lui représentait un cheval au galop, puis il remplissait le carré suivant et ainsi de suite ; en dessous de chacun d'eux, il traçait quelques petits « bâtons » qui devaient représenter de l'écriture. Dans son subconscient d'enfant sentait-il déjà que le texte et l'illustration se complètent lorsqu'ils repré- sentent une même pensée conçue par un même auteur, comme il l'a écrit plus tard ?

En grandissant, il devint un écolier plutôt médiocre, à cause de cet état de révolte, de refus qu'il ne dominait pas.

Il apprenait difficilement ce qui lui était imposé ; par contre, il lisait beaucoup et parvint ainsi à acquérir en plus des programmes scolaires, une culture très étendue qui plus tard à l'âge d'ad'ulte se complètera par une culture étran- gère, celle des pays dont il parlait la langue.

Son père lui fit aimer la nature, il aimait les fleurs, les plantes, il acquit ainsi une réelle science botanique, ce que l'on constatera plus tard, dans ses livres de nature. Les oiseaux l'intéressaient, surtout ces pigeons qu'il voyait, autour de lui, entrer et sortir de leur habitat, revenir vers leur maître après un long vol.

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C'est dans cet esprit qu'il visita les serres d'un horti- culteur qui contenaient une extraordinaire collection d'or- chidées. Ce collectionneur de fleurs très rares à cette époque, vit un jour de 1896 ou 97, un jeune homme — c'était Jean de Boschère — dessiner et peindre à l'aquarelle, les orchi- dées de ses serrés. Il fut émerveillé. Une commande d'aqua- relles de toutes ces fleurs merveilleuses fut faite au jeune artiste qui là, gagna son premier argent.

Allait-il commencer une carrière de peintre ? Il avait d'abord à faire son service militaire ; là, la chance lui sourit, il obtint de faire partie d'un bataillon universitaire qui lui permit d'entrer à l'école d'es Beaux-Arts à Anvers.

C'était en 1898. Je sais peu de choses d'e cette époque dont Jean de Boschère parlait comme d'un temps heureux. Il apprenait surtout les rudiments pratiques du métier, par exemple qu'on ne se servait pas, comme il l'avait cru étant enfant, d'huile de table pour fabriquer ses couleurs. Aux Beaux-Arts d'Anvers, il fut un très bon élève ; sa personna- lité se manifestait par la hardiesse de ses dessins, de ses couleurs, que ses professeurs ne pouvaient admettre et pour le punir de ses initiatives — de sa personnalité en somme — il était renvoyé à la classe des plâtres afin de « se nettoyer les yeux » disaient ses maîtres.

Déjà au temps des Beaux-Arts, Jean de Boschère connais- sait Max Elskamp, il l'avait rencontré plusieurs fois lors- qu'il n'était qu'un enfant et que Max Elskamp était d'éjà un homme. C'était son aîné de 16 ans. Cette différence d'âge était alors trop grande pour créer une amitié, il ne pouvait y avoir de la part du jeune homme qu'admiration et respect pour son aîné ; le temps seul en amenant une matu- rité d'esprit chez le jeune homme pouvait combler cette différence d'âge et créer une amitié qui devint vraiment fraternelle vers 1908. Ce que les deux amis avaient en com- mun, c'était leur amour pour la ville d'Anvers qu'Elskamp n'a pour ainsi dire jamais quittée et qu'il a tant chantée dans ses poèmes. Pour Jean de Boschère, sortant des Beaux-Arts,

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il devait naturellement être attiré par les œuvres d'art de cette ville et ce qu'il ressentait, il voulait le dire. Son premier livre, les Edifices anciens, décrit minutieusement les édi- fices très bien conservés de cette riche époque espagnole en Belgique. Ce livre fut publié en 1907 à Anvers par Buschmann, le successeur d'e Plantin. A ce premier livre succéda, la même année, une étude sur Quintin Matsys, pu- bliée chez van Oest à Bruxelles. Le même éditeur publia en 1909 son étude très détaillée sur la Sculpture anversoise aux xve et XVI siècles.

Ces livres sur l'architecture ou sur les peintres anciens semblent avoir servi de mise en train, servi à déblayer des chemins menant vers des horizons plus vastes, vers, rien de précis encore, toutefois, une tendance se dessine, elle alla vers une expression plus personnelle, vers cette poésie ignorée de lui-même, mais qui cependant d'éjà se manifeste, d'abord dans ses articles publiés dans les Visages de la Vie en 1909 et 1910, puis dans ses deux romans poétiques : l'un Beâle-Gryne qui parut en 1909 et aussi Dolorine et les Ombres édité en 1911 par l'Occident à Paris. Ces deux ouvra- ges se rapportent à l'époque symboliste, ils représentent aussi, dit Samuel Putnam dans « The World of Jean de Boschère », une poésie super-réaliste donc déjà Surréaliste.

Beâle-Gryne semble avoir eu un certain succès puisque une traduction russe a paru à Moscou en 1914. Mais le plus beau livre de cette époque du symbolisme est certainement Dolorine et les Ombres. Son ami Jacques Rivière dans la lettre que je transcris et qui est datée de Paris 25 février 11 (onze) ne nomme pas l'ouvrage dont il parle, s'agit-il de Dolorine ou de la Nef de Rubis ou de Sainte Sophie perdue ; ces deux derniers manuscrits inédits qui appartiennent maintenant à l'Académie royale de langue française à Bru- xelles ; ou encore des Métiers divins qui seront publiés par « l'Occident » en 1913 ? Jacques Rivière dit :

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Cher Ami,

J'ai un peu honte de n'avoir pas encore répondu à votre lettre. L'envoi de vos images vient raviver mes remords, en même temps qu'il me donne une nouvelle joie. Vraiment j'aime beaucoup votre fantaisie d'imagier. Ma femme est ravie de posséder ces dessins ainsi isolés et me charge de vous en remercier.

Je comprends très bien ce que vous me dites dans votre lettre de l'impression que vous a produit Claudel. Moi, je connaissais le symbolisme. Mais je crois que la rencontre de cette poésie a été aussi violente pour moi que pour vous.

Il est évident que Claudel aura été la stupéfaction de notre génération et restera un des plus grands poètes de l'huma- nité. Cependant je crois que le prendre pour modèle n'est pas sans danger. Il est si démesuré qu'il rend vertus ses défauts mêmes et que tout lui est permis. D'ailleurs je ne pense pas qu'il engage à l'obscurité. Je le trouve merveil- leusement clair et logique. Il faudrait insister plus qu'on ne le fait sur le côté logique de Claudel, sur la façon arti- culée et distincte dont il pense.

D'ailleurs croyez bien que si certaines obscurités de votre livre me gênent, c'est que je vous crois capable de les faire disparaitre dans une œuvre nouvelle et que je sens en vous de quoi les dépasser. Sinon elles me seraient indiffé- rentes. Je les accepterais.

Je crois de toutes mes forces non seulement qu'il faut songer au lecteur mais même qu'il ne faut songer qu'au lecteur. On n'est soi-même intéressant, je ne dis pas en tant que pareil, mais certainement qu'en tant que communicable.

Et voyez les grands esprits, ceux qui ont le plus de force et d'originalité. A quoi se sont-ils employés, sinon à transmet- tre, à se donner. Pascal, Stendhal, Dostoïevsky — Dostoïev- sky — si l'on en croit l'Idiot — ne pouvait pas se trouver dans une société sans immédiatement livrer tout ce qu'il

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avait de plus cher et de plus secret, et ceci toujours avec l'air de s'excuser, de demander pardon, il doutait d'être intéressant.

Cher Ami, ne voyez ici que des réflexions que me suggè- rent vos réflexions sur l'obscurité et je vous livre pour que vous en fassiez ce qu'il vous plaira d'en faire.

Ecrivez-moi et pardonnez-moi mes silences. Je suis abso- lument surmené. Il faut me croire. Oui je vous conseille

« l'Occident ». C'est de beaucoup ce qu'on fait de mieux en France.

Signé : Jacques Rivière.

C'est ici, dit encore Samuel Putnam, que commence vraiment l'œuvre de Jean de Boschère. Valéry le consacre artiste et écrivain dans une lettre servant d'introduction à cette monographie dont je viens de parler. La voici :

Je vous remercie, Monsieur, de cette double démonstra- tion gracieusement donnée Beâle-Gryne, par l'outil ambigu, la même plume singulière qui, de page en page, mène la parole se fuir ou parfois directement fait voir, dans une différente magie, un instant de l'allulsion murmurée de l'autre côté.

Tantôt je vois latéralement ; tantôt j'entends à la canto- nade, cette œuvre. Le lire, le voir se composent, comme se touchent et s'échangent subtilement les événements tout incomparables de nos sens.

Cette possession de plus d'un art m'enchante, aussitôt qu'elle est véritable ; j'aime vous remercier d'un envoi si précieux et si pur dans sa rare duplicité.

Signé : Paul Valéry.

Par contre, Francis Jammes était très inquiet en ce qui concerne Dolorine et les Ombres au point d'écrire à son auteur le 15 novembre 1911 :

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Aurillac. — Imprimerie du Cantal.

Dépôt légal 4e trimestre 1967.

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