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Des legs pour la bonne cause

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Texte intégral

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Par Fanny Bijaoui

Des legs pour la bonne cause

La Fondation du protestantisme reçoit les legs de personnes soucieuses de donner une partie de leur héritage à des causes sociales, environnementales ou culturelles.

Reconnue d’utilité publique, la Fondation du protestantisme a été créée en 2001 à l’initiative d’une vingtaine d’institutions protestantes.

Son objectif : favoriser en France ou à l’étranger, les projets éducatifs, sociaux, humanitaires ou culturels des institutions protestantes françaises. Elle a donc la possibilité de créer des fondations individualisées. « Ce sont des fondations

“abritantes” qui permettent à des particuliers ou à des institutions de faire des collectes, de protéger le patrimoine mobilier et immobilier et de soutenir des projets, assure Elsa Bouneau, sa directrice. Les produits du capital qui est placé chez nous servent à soutenir des causes variées. Depuis 2001, l’organisme a créé 55 fondations. Nous avons la possibilité de délivrer des reçus fiscaux permettant la défiscalisation de l’ISF, ce qui n’est pas le cas des associations. »

C’est aussi par le biais des fondations individualisées (dont la fondation Réforme) que l’organisme reçoit les legs de personnes souhaitant donner une grande ou une petite partie de leur patrimoine. « Le legs se prépare en amont car il faut que le testament soit bien rédigé et qu’il respecte les exigences légales sur des questions de réserve héréditaire. En la matière, beaucoup de choses sont possibles, sauf de déshériter ses enfants », indique Elsa Bouneau.

Legs inattendus

Si l’on a un enfant, sa « part réservataire » est de la moitié de l’héritage, pour

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deux enfants, c’est un tiers chacun, et pour trois enfants 75 % de la succession.

Les enfants ont donc des droits sur la succession et le léguant ne dispose pour sa libre attribution que de la quotité disponible. « Nous ne rencontrons pas les familles, mais les légataires eux-mêmes. Cela peut être une personne seule ou un couple avec qui l’on identifie s’ils veulent faire un legs de patrimoine ou des donations d’usufruit avant leur mort. Nous avons ainsi reçu un couple sans enfant qui nous a donné la valeur de sa maison. Une fois qu’ils seront décédés, nous bénéficierons immédiatement de leur logement. »

À en croire Elsa Bouneau, si beaucoup de testaments émanent de protestants, d’autres arrivent de façon très inattendue. « Les sommes que nous percevons peuvent aller de 100 euros à plusieurs centaines de milliers d’euros. Des personnes qui ont eu une carrière professionnelle importante et qui n’ont pas d’enfants ni d’héritiers peuvent par exemple donner 400 000 euros de maison et 400 000 euros de patrimoine. » Et d’ajouter que le conseil de la Fondation se réserve le droit de refuser un legs s’il est grevé de dettes.

À noter

Pour tout renseignement, contacter :

elsa.bouneau(at)fondationduprotestantisme.org 01 44 53 47 24.

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Par Laurence Bouchez

Comment traiter de la laïcité sans la nommer ?

Comment faire du « vivre ensemble » ? L’exemple de l’île de la Réunion, au travers d’un documentaire du photojournaliste Reza : Reza et le futur du monde.

La Cité des Arts, le 15 novembre 2016 à Saint-Denis, île de la Réunion. Philippe Bonhomme, réalisateur, présente en avant-première son film documentaire sur le reporter photographe Reza Deghati, nommé ambassadeur de l‘île et venu en visite à la rencontre de la vie cultuelle.

Une heure de bonheur. Une mosaïque de couleurs, une palette de religions qui se côtoient et se fréquentent, vivent en harmonie, dans une ambiance où l’on respire une humanité vraie. C’est l’exemple réunionnais que Philippe Bonhomme a souhaité partager avec le monde entier et dire que le vivre ensemble est possible.

Ce film qui sortira peut-être sur une chaîne de télévision nationale (et dont on trouve la bande-annonce sur YouTube) est une promesse, « une petite bougie », comme aime dire Reza, pour lutter contre l’individualisme.

Alors que la Réunion est reconnue au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses pitons, ses cirques et ses massifs, Reza, qui a voyagé dans une centaine de pays, sait que la véritable richesse de cette île se trouve dans le cœur des hommes. Et à l’heure de la méfiance et de la peur constante de l’Autre, ce temps de partage redonne de l’espoir. Plusieurs communautés religieuses ont accueilli Reza – dont la paroisse protestante de Saint-Denis représentée par le pasteur Charles Bossert – et la simplicité avec laquelle chacun parle du vivre ensemble comme d’un liant entre les hommes est touchante de générosité.

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À la fin du documentaire, le temps du débat donne la parole au public qui ne cesse de délivrer des messages de félicitations et d’encouragements. Et puis, un enseignant demande comment s’inscrit la laïcité dans ce film et pourquoi ce terme n’a pas été cité une seule fois tout au long du film. Il rajoute alors que le 9 décembre célèbre la journée de la laïcité. Un silence s’installe puis le réalisateur explique que la laïcité n’a peut-être pas besoin d’être nommée pour exister.

Perte de sens

Du grec ancien « laikos », ce terme signifie peuple. Le cœur même de cette valeur sacrée s’inscrit donc au sein des peuples et des moyens que nous nous donnons pour vivre en harmonie. Mais qu’en est-il du sens et de son message réel au sein de l’école ? Le devoir de laïcité est répété à longueur de temps à nos élèves au risque qu’il perde peut-être son essence même. « C’est la séparation de l’Église et de l’État », explique un collégien qui a bien appris sa leçon. Un autre élève l’a compris comme « une interdiction de parler de sa religion »… L’Observatoire de la laïcité décerne même un « Prix de la laïcité de la République française » afin de saluer des initiatives pour la « promotion de la laïcité ».

Mais, dans les faits, qu’en est-il ? La laïcité ne deviendrait-elle pas une espèce de concept de plus en plus flou et, à notre insu, un peu rigide ? Peut-être même une notion abstraite qui opposerait « laïcité » à « religions », presque un sujet tabou ou réservé aux intellectuels. Certains laïcs tombent aussi dans la radicalité et deviennent allergiques à toute forme de religiosité. Comment se recentrer et se questionner sur cette question au regard de ses relations avec son voisin, sa camarade de collège, son collègue de travail ? Comment se remettre en question pour avancer ensemble sans avoir peur de poser une question par crainte qu’elle soit suspicieuse, déplacée, gênante car elle traite de convictions religieuses ou de laïcité ?

Si l’on souhaite penser la laïcité comme ciment entre les peuples, ne faudrait-il pas arrêter de nier la personne en tant que « sujet cultuel » et accepter l’idée selon laquelle il est permis d’échanger sur des questions religieuses, y compris dans le cadre scolaire afin de communiquer et de mieux se comprendre ? Et ce, sans attendre le cours de philosophie en classe de terminale où la question de la religion est enfin explorée au titre de raisonnement et de libre arbitre. Des espaces de discussion libre où le dialogue interreligieux serait possible avec des

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intervenants formés à cette mission… Ne serait-il pas le défi de la laïcité à l’école

?

Si la « promotion de la laïcité » est un enjeu sociétal, Reza et le futur du monde gagnera tous les prix. Ce film à visionner en 2017 est un bon outil pédagogique pour travailler autour de cette thématique de la laïcité sans que ce terme soit nommé une seule fois dans le film… Sa réussite ne se niche-t-elle pas là ?

Par Pierre de Mareuil

Matthieu 1,18-25 : Dieu écrit droit avec des lignes courbes

“Ce dont Matthieu veut nous parler, c’est de libération, non pas tant politique, mais une libération des péchés.”

Matthieu commence son évangile en situant « Jésus qu’on appelle le Christ » comme aboutissement ou accomplissement d’une longue succession de générations. Elle nous dit l’histoire de la relation entre Dieu et les hommes qu’il appelle. En évoquant des noms, et donc des récits, l’évangéliste nous rappelle que cette histoire traverse l’humanité et qu’elle n’est pas rectiligne. Les mentions, par exemple, de la « femme d’Uri » ou de « l’exil à Babylone » soulignent la

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permanence du choix de Dieu malgré les errements des hommes. Et le récit de la naissance du Messie se situe dans la continuité d’une histoire sainte bien sinueuse !

Certes, il ne s’agit pas de projeter la morale bourgeoise du XIXe siècle sur l’évangile (et encore moins sur l’Évangile !). Fiançailles et épousailles n’avaient certainement pas grand-chose à voir à l’époque avec les traditions qui se sont développées plus tard. Ici tout comme quelques versets plus hauts, Joseph est présenté comme « l’homme » (vv. 16 et 19) soit l’époux de Marie qui elle-même est présentée à deux reprises comme sa « femme » (vv.20 et 24). Matthieu prend donc bien soin de souligner la légitimité de leur union. Il la présente pourtant comme non consommée. La grossesse est donc louche. La décision de Joseph de répudier sa femme, même de façon juste et discrète, est bien signe de la suspicion. Cependant, ce qui est surtout mis en évidence ici, c’est l’initiative et l’action divine « par le fait de l’Esprit saint » et au travers de l’intervention de « l’ange du Seigneur ».

À tel point qu’on ne sait plus très bien ce qui est le plus louche, la grossesse ou la décision de répudiation…

Pour autant, pas de jugement moral ici. Au contraire, l’intervention divine révèle l’espoir du salut. À la crainte de Joseph, l’ange oppose l’annonce de la délivrance des péchés. Non que la moralité soit totalement absente de l’idée de péché (cf.

David et la femme d’Uri déjà évoqué), mais ce n’est pas de cela dont il est question ici. Ce dont Matthieu veut nous parler, c’est de libération, non pas tant politique (quoique la triple mention de Babylone au début du chapitre puis du roi Hérode, dès le verset qui suit notre texte, laisse penser que cette dimension n’est pas non plus tout à fait étrangère à l’évangile), mais une libération des péchés, c’est-à-dire que Dieu rectifie la sinuosité du chemin de sa relation avec l’homme.

Il n’en fait pas pour autant une autoroute ! La suite de l’évangile nous montre Jésus traversant la sinuosité de l’histoire et de la vie des hommes. En lui, Dieu ne la survole pas. Jamais il ne cherche à s’en extraire. Au contraire, il vient l’habiter, la vivre avec nous et la guérir. En quelque sorte il épouse notre histoire et la réalité de nos vies avec tout ce qu’elles ont d’errances et d’espérances. Voilà la bonne nouvelle de l’Emmanuel, Dieu avec nous. Dieu, avec nous continue à écrire droit avec les lignes courbes de nos vies.

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L’Évangile du dimanche

Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit saint.

Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret. Comme il y pensait, l’ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient de l’Esprit saint ; elle mettra au monde un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Tout cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l’entremise du prophète : La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous.

À son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui. Mais il n’eut pas de relations avec elle jusqu’à ce qu’elle eût mis au monde un fils, qu’il appela du nom de Jésus.

(traduction NBS).

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Par Frédérick Casadesus

Un Parti socialiste plus divisé que jamais

À quelques jours du début de la primaire de La Belle Alliance populaire, l’impression de division se trouve renforcée par la multiplication des candidatures, au moins sept à ce jour.

Il ne faut pas se moquer des télé-crochets : certaines carrières brillantes en sont issues et les voici qui s’incrustent dans la vie politique. Après la compétition de la droite et du centre, la primaire de La Belle Alliance populaire va commencer. Il s’agit en vérité de sélectionner le candidat du Parti socialiste et des groupuscules qui l’appuient.

La liste des prétendants ne cessant de s’allonger, il est permis de s’interroger sur les raisons d’un tel embouteillage. Est-il raisonnable de se déclarer candidat quand on sait que l’on n’a peu de chance d’accéder à la magistrature suprême, sans parler des compétences qu’une telle charge exige ? Au sujet de la droite aussi la question s’était posée. Mais le refus de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron de participer à cette compétition, la désignation de Yannick Jadot comme candidat d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) réduisent le champ de la primaire socialiste et rendent ces multiples candidatures un peu dérisoires.

Analyse d’un combat délétère.

Lancer sa carrière

Les experts nous invitent à la prudence. « L’inflation du nombre de candidatures est un phénomène général, observe Paul Bacot, professeur émérite de sciences politiques à l’université de Lyon. Dès que l’on ouvre la porte aux ambitions, les gens se précipitent ; alors que l’élection présidentielle constitue le pivot de notre vie publique, tout le monde veut y participer. » De tout temps, la fonction présidentielle a fasciné les ambitieux. Le processus de la primaire a simplement renforcé la tendance.

Grâce aux radios, à la télévision, quiconque a le droit de concourir devient

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vedette. « Le cas de Jean-Frédéric Poisson l’a montré, remarque Paul Bacot. Les trois débats télévisés ont transformé cet élu de droite assez discret en personnalité que l’on reconnaissait dans la rue, que les journalistes interviewaient pour un oui ou pour un non. Étonnez-vous que les responsables politiques de gauche aient l’envie de donner un coup de pouce médiatique à leur carrière… » La liste définitive des candidats n’est pas arrêtée. Marie-Noëlle Lienemann a renoncé, mais alors qu’il tente de faire revenir Emmanuel Macron dans le jeu, Jean-Christophe Cambadélis a refusé que Pierre Larrouturou, Bastien Faudot et Sébastien Nadot, représentant respectivement Nouvelle donne, le Mouvement républicain et citoyen et le Mouvement des progressistes, puissent y participer.

« Tout le monde veut en être, mais la primaire de la gauche, ça n’est pas open bar », a déclaré le premier secrétaire du PS, dans une dénégation triviale.

D’une façon spectaculaire, ce désordre trahit l’abaissement de la fonction présidentielle. Synthèse de la monarchie, de la république et du bonapartisme, la Ve République a donné l’essentiel (pas la totalité) du pouvoir exécutif à un personnage dont le peuple souverain est censé reconnaître les qualités incomparables.

Querelles personnelles

« Sans verser dans la nostalgie, nous voyons bien que l’image de la présidence de la République est détériorée, déplore Olivier Ihl, professeur à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble. Pour la plupart des acteurs politiques, elle est tombée si bas qu’ils ne voient pas pourquoi ils n’auraient pas le droit de l’exercer. Cette évolution touche d’autant plus le PS que son candidat naturel a renoncé. » La légitimation populaire ne couronne plus les candidats charismatiques, mais les plus habiles. François Hollande aurait dit jadis :

« Maintenant que Jacques Chirac a été élu président, chacun peut l’être. » Cette petite blague se retourne contre lui.

Le PS disposait en 2012 de tous les leviers du pouvoir : majoritaire dans les départements, les régions, à l’Assemblée nationale et au Sénat, son ancien premier secrétaire à l’Élysée, ce parti de gouvernement a presque tout perdu.Le président sortant renonce et ne demeurent à l’avant-scène que des querelles personnelles.

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La rivalité qui sépare aujourd’hui le trio Vals-Montebourg-Hamon remonte à la fin du mois d’août 2014, quand le premier a décidé de se séparer des seconds qui l’avaient aidé à devenir Premier ministre ; la candidature de Vincent Peillon se nourrit de sa mise à l’écart, lorsque Manuel Valls, au printemps 2014, a remplacé Jean-Marc Ayrault. « Il est évident que l’absence de leadership au sein du Parti socialiste pèse beaucoup dans la diversité de ces démarches, estime Olivier Ihl.

Le désordre programmatique dans lequel cette formation s’est enferrée depuis vingt ans se révèle : aucun travail de fond n’a été mené pour savoir de quelle manière adapter le socialisme aux nouvelles formes de travail, à la mondialisation. » Et l’historien de considérer le PS comme un mouvement politique en voie de décongélation, qui prend conscience de l’urgence au pire moment de son histoire. Au moins la primaire de La Belle Alliance populaire pourrait-elle favoriser cette clarification idéologique…

Mais, pour beaucoup, la configuration des débats risque d’encourager la confusion. « La primaire est une épreuve difficile, analyse le philosophe Bernard Reber. Faut-il s’adresser au cœur de l’électorat de son parti, ou bien jouer la carte du rassemblement le plus large, au-delà des militants, c’est-à-dire séduire les sympathisants, voire les citoyens qui ne sont pas de gauche mais qui vont venir voter ? Cette incertitude, on l’a vu pour la droite et le centre, oblige à des contorsions programmatiques. » Ils ne seront pas trop de sept pour surmonter l’obstacle.

Un débutant qui suscite l’engouement

Emmanuel Macron, les bras en croix, la voix dans les cintres, a terminé son meeting dans un état second. Mais il a quand même attiré plus de quinze mille personnes le 10 décembre dernier. Le succès de ce rassemblement contrastait d’autant plus avec la réunion de La Belle Alliance populaire qu’il n’était composé, selon ses organisateurs, que de bénévoles venus par leurs propres moyens. « Emmanuel Macron peut séduire des électeurs socialistes désorientés, des centristes sensibles à son absence de marqueur idéologique, estime Olivier Ihl,

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professeur à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Comme autrefois Valéry Giscard d’Estaing, cet homme jeune incarne une transgression sans risque, aimable et mesurée. »

Cela peut-il suffire à le faire gagner ? Le philosophe Bernard Reber note que ce candidat qui se dit moderne refuse la seule innovation du moment : la primaire.

Pour le reste… Bien malin qui peut prédire l’avenir. « Sa démarche reste fragile, observe Paul Bacot, professeur émérite à l’université de Lyon. Il manque d’expérience, y compris par la technique oratoire. Il ne pourra percer que si le candidat socialiste élu fin janvier développe des thèses opposées aux siennes. » Un ovni peut voyager loin.

À lire

Une enfance en quatrième République souvenirs d’un apprentissage politique Paul Bacot

L’Harmattan 132 p., 15 €.

Par Nathalie Leenhardt

Un agenda et un almanach pour

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rythmer le temps

Les almanachs, des outils utiles pour accompagner l’année.

Une année qui s’en vient signe l’arrivée d’une autre et de ses indispensables agendas. De ministres ou d’artistes, sur deux pages par semaine ou une par jour, il en existe de toutes sortes. Ces objets du quotidien n’ont pas été définitivement évincés par leurs concurrents électroniques, ce dont je me réjouis. Quant aux calendriers, j’ai pour ma part un petit penchant pour ceux des facteurs au charme incroyablement démodé – comment parviennent-ils à perdurer ? – ou mieux encore aux éphémérides aux dessins d’humour d’un autre âge…

Parmi ceux reçus à la rédaction, il y a bien sûr l’agenda de La Cause, dont le petit format, la couverture solide et la publication de versets permettent de rythmer l’année en prières, jour après jour. Et il y aussi ces deux almanachs venus d’Alsace-Lorraine.

Le premier est distribué par l’UÉPAL (Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine). Bilingue, il est édité par la Société évangélique de mission et coûte 5,80 euros. Il s’ouvre sur la rose à cinq pétales avec le cœur marqué par la croix, qui était le sceau de Martin Luther et ce mot d’ordre : « Ainsi parle le Seigneur : Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. » C’est tout à la fois un agenda où noter ses rendez-vous, un annuaire dans lequel figurent tous les noms et les adresses protestants, un recueil de textes, sur l’année Luther, bien entendu.

Le second, appelé Almanach Sainte-Odile, nous été envoyé par un abonné, Georges Hauptmann. Réalisé par le diocèse de Strasbourg, il est en partie consacré à l’histoire de la Réforme et raconte notamment la vie d’une grande personnalité protestante, Juste parmi les Nations, Adélaïde Hautval, déportée à Auschwitz et à Ravensbrück. L’archevêque de Strasbourg, Jean-Pierre Grallet, s’il refuse de parler de « jubilé » pour cet événement qui signe une fracture, invite cependant, dans l’éditorial, à relire l’Histoire.

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À noter

Agenda La Cause 2017 Année Luther, 13 €.

Par Antoine Nouis

Les déclinaisons de la chasteté

Compte-rendu de La chasteté n’est pas ce que vous redoutez, de Jean-Eudes Tesson.

L’auteur est conseiller conjugal et familial. Il aborde le terme de la chasteté dans le sens le plus large du terme : « Est chaste toute personne qui ne cherche pas à mettre la main sur autrui ou qui ne permet pas à autrui de mettre la main sur elle… Est chaste une personne qui considère les autres et elle-même comme sujet et non comme objet. » La chasteté est à distinguer de la continence sexuelle, elle ne se présente pas comme une loi, mais comme une qualité de l’agir humain.

La chasteté s’oppose à la transparence obligatoire qui est totalitaire, et à l’immédiateté qui veut tout, tout de suite. Elle rappelle qu’il faut de la patience et une juste distance pour établir une relation harmonieuse. À partir de cette définition, l’auteur déploie sa lecture de la chasteté dans les différentes relations.

Le partenaire comme un don

Dans le rapport de chacun à sa propre personne, la chasteté induit d’accepter sa finitude et à s’octroyer un minimum de bienveillance. L’Évangile ne nous invite-t- il pas à nous aimer nous-mêmes ?

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Dans le couple, la chasteté consiste à considérer le partenaire comme un don.

Cette approche s’oppose à la fusion dans laquelle les différences sont abolies et à l’instrumentalisation qui réduit l’autre au désir qu’il procure.

Dans les familles, dans les relations de travail, dans l’amitié et même dans la spiritualité, la chasteté évoque l’intériorité et la recherche de la juste distance.

En ce qu’elle consent à la distance, elle est une autre façon d’exprimer le respect absolu dû à toute personne. Derrière un terme qui appartient au vocabulaire moral, c’est toute une école de comportement qui se trouve dans ce beau mot de chasteté.

À lire

La chasteté n’est pas ce que vous redoutez Jean-Eudes Tesson Médiaspaul, 2016 142 p., 14 €.

Par Pierre Desorgues

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Les nouvelles ambitions de la Chine

Si Donald Trump semble revenir sur le concept de « Chine unique », celle-ci cherche à conforter son emprise économique.

Donald Trump a sans doute déjà franchi une ligne rouge diplomatique avant le début effectif de son mandat présidentiel. Interrogé sur la chaîne, proche du parti républicain, Fox News, le prochain hôte de la Maison Blanche a menacé de revenir sur le principe de la « Chine unique » que Pékin impose à tout pays qui entretient des relations diplomatiques avec elle. Cette formulation empêche toute indépendance formelle de l’île de Taïwan, séparée politiquement du continent depuis 1949 et que Pékin souhaite réunifier au reste de la Chine. « Je ne sais pas pourquoi nous devons être liés à une politique d’une Chine unique, à moins que nous passions un accord avec la Chine pour obtenir d’autres choses », a-t-il estimé.

Le nouveau président américain, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain, avait déjà écorné ce principe de la « Chine unique » début décembre, en prenant un appel téléphonique de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, au grand dam de Pékin. Pierre Picquart, spécialiste de la Chine contemporaine à Paris-VIII, ne s’offusque pas de cette provocation diplomatique. « Trump le dit très clairement.

Il veut renégocier et remettre à plat les différents traités qui régissent le commerce mondial et notamment le commerce entre les États-Unis et la Chine.

C’est un homme d’affaires qui montre les muscles avant d’entamer des négociations qui s’annoncent sans doute difficiles », estime le chercheur.

Tensions dans le Pacifique

Jean-Vincent Brisset, ancien attaché militaire français à Pékin et spécialiste de la Chine, se montre prudent : « Il est très difficile de savoir ce qui va se passer.

Nous nous basons sur un tweet rapportant une conversation téléphonique avec la présidente taïwanaise et sur deux ou trois phrases dans une interview télévisée.

L’homme ne possède pas encore les codes en usage de la diplomatie et il n’est pas entré en fonction. Mais on sent qu’une rupture stratégique dans la région Pacifique, au profit de la Chine, pourrait se mettre en place. »

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Donald Trump, paradoxalement et malgré ses propos sur la « Chine unique », semble moins dans la contestation du leadership chinois dans la région Pacifique.

La politique d’endiguement américain de la puissance chinoise est remise en cause : « Le candidat Obama et sa future secrétaire d’État Hillary Clinton prônaient dès 2008 un plus grand engagement de leurs pays en direction du Pacifique. Cela a été mis en place assez rapidement, surtout sur le plan militaire.

Une base militaire a été créée en Australie. Des renforts ont été envoyés aux Philippines et à Singapour. Un vaste traité de libre-échange transpacifique, excluant la Chine, a été signé le 4 février 2016. Ces efforts et ce traité sont remis en cause par le futur président des États-Unis », note l’ancien attaché militaire français.

Donald Trump ne croit pas à cette politique d’endiguement de la puissance chinoise. « Trump et une partie de ce que sera la nouvelle administration républicaine ont tout simplement pris conscience que la Chine sera la première puissance économique. Ils ne veulent pas s’épuiser dans une contestation du leadership chinois sur le Pacifique. La victoire de Hillary Clinton aurait sans doute avivé à nouveau des tensions. L’ancienne secrétaire d’État aurait pu encore renforcer la présence américaine dans une région déjà très militarisée. Trump n’est pas sur cette option. Il estime que les États-Unis qui resteront une grande nation n’ont pas à régir les affaires du monde », estime Pierre Picquart.

Entre les États du Pacifique, les tensions sont fortes. En mer de Chine orientale, elles sont dominées par les revendications sino-nippones sur les îles ou plutôt les rochers Senkaku. En mer de Chine du Sud, sur les Paracels, les Spratleys et d’autres zones de récifs, les revendications sont multiples et croisées entre Vietnamiens, Philippins et Chinois.

La Chine constitue-t-elle pour autant une menace militaire pour ces États de la zone Pacifique ? Jean-Vincent Brisset, sans nier ces tensions territoriales, liées à la montée de la puissance militaire chinoise ces dernières années, ne croit pas à une réelle volonté du pouvoir de Pékin d’entrer dans une logique d’affrontement avec les États-Unis et ses alliés du Pacifique.

« Xi Jinping, le président chinois, agite le chiffon du nationalisme sans vraiment y croire dans un pays qui traverse actuellement un ralentissement économique et qui a vu ses exportations chuter. Le pays, pour assurer et maintenir son développement économique, va devoir développer son marché intérieur », estime

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Jean-Vincent Brisset.

Pierre Picquart penche également pour l’hypothèse d’un pouvoir chinois intransigeant dans son discours, mais plus pragmatique dans les faits : « La Chine a été occupée par les Japonais, puis humiliée par les puissances occidentales au XIXe siècle. Il peut y avoir un sentiment de revanche. Ce sentiment se traduit-il par une agressivité militaire et diplomatique ? Je ne crois pas. La Chine revendique des territoires, notamment en mer de Chine du Sud. Un jugement de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye a rejeté toutes les revendications territoriales de la Chine dans cette zone. Pékin a engagé des discussions bilatérales, notamment avec les Philippins, même si la Chine ne reconnaît pas le jugement de la Cour de La Haye. »

« L’ancienne classe dirigeante autour de Jiang Zemin ou même de Hu Jintao, dans les années 1990 et 2000, ne percevait pas la Chine comme une puissance essentiellement régionale. Les choses ont un peu changé. La Chine est une puissance pacifique et asiatique », estime pour sa part Jean-Vincent Brisset.

Recherche de la prospérité

« Elle se perçoit comme une puissance qui a des ambitions globales, mais ces ambitions passent aujourd’hui par des partenariats et ces partenariats sont surtout axés sur des questions commerciales. Le rationalisme et la recherche de la prospérité constituent les principes du confucianisme. La diplomatie chinoise entend nouer des relations avec les grandes régions mondiales dans ce sens et a intégré plus rapidement que les États-Unis que le monde était aujourd’hui multipolaire. Elle n’est pas dans une logique unipolaire.

» Ce pays a des ambitions au niveau mondial, mais n’a pas celle de régir le monde et les relations internationales à lui tout seul. Et cette puissance se veut pacifique.

La Chine, ces dernières années, n’a jamais été impliquée dans une coalition militaire. Elle est de plus en plus influente économiquement en Afrique. Pékin organise aujourd’hui des sommets Chine-Afrique pour discuter commerce et négoce. Elle n’intervient pas militairement sur ce continent, contrairement à la France », note Pierre Picquart.

Pékin joue un peu le même rôle en Asie centrale. La « nouvelle route de la soie » est un projet chinois visant à augmenter les transports vers l’Europe par le

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développement d’infrastructures ferroviaires et la construction de nouveaux tronçons d’autoroutes à travers l’Asie centrale. Il faut aujourd’hui au moins un mois pour acheminer par mer des marchandises depuis Shanghai. L’idée est de diviser par deux ce temps de trajet via cette nouvelle route de la soie. Les sommes engagées se chiffrent à plusieurs milliards de dollars.

« Dans cette optique, la Chine a noué des partenariats avec de nombreux États d’Asie centrale, notamment en Afghanistan où Pékin investit dans les infrastructures du pays et soutient indirectement la lutte contre le terrorisme », souligne Pierre Picquart. Une première liaison ferroviaire relie la ville allemande de Duisbourg à Chongqing dans l’ouest de la Chine en douze jours.

À lire

La Chine :

une menace militaire ? Pierre Picquart

éd. Favre 232 p., 19 €.

Par Claire Bernole

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Être chrétien en Chine

Être chrétien en Chine suppose d’intégrer les codes à ne pas transgresser.

La Chine est connue pour la sévérité de son régime à l’égard des religions.

Pourtant, c’est bien dans ce contexte-là qu’un réveil général a eu lieu et c’est le christianisme qui en bénéficie le plus depuis 25 ans environ, principalement côté protestants. Si cette croissance a tendance à se tasser, une dynamique certaine subsiste. Fenggang Yang, sociologue et professeur à l’université de Purdue (États- Unis), avance un scénario selon lequel la Chine pourrait devenir, en 2035, le premier pays chrétien au monde avec 247 millions de protestants.

Pour l’heure, les statistiques sont aussi peu nombreuses que peu fiables. Pour donner un ordre d’idée, le réseau Aide aux Églises dans le monde (AEM) cite le chiffre de 130 millions, donné en 2007 par le directeur de l’administration nationale chinoise des Affaires religieuses.

Association patriotique

Cela sous-entend-il que le gouvernement assouplit sa politique à l’égard des communautés religieuses ? Ce serait beaucoup dire. D’autant que la Chine est vaste, très peuplée, et qu’une grande diversité de cas de figure coexiste.

Notamment en raison de l’attitude des dirigeants locaux et de l’histoire passée.

Néanmoins, de manière globale, on peut avancer que l’État allège quelque peu son joug.

« On a passé la période du maoïsme triomphant où on était persécuté », affirme Régis Anouil. Ce qui fait dire au rédacteur en chef d’Églises d’Asie que « la liberté de culte est assez réelle, mais s’exerce dans un cadre contraint ». Un propos qui éclaire bien l’ambiguïté des témoignages recueillis dans une église chrétienne de Shanghai.

Liu Yi, par exemple, dit ne pas se sentir oppressée par le gouvernement et libre de vivre sa foi. Cependant, cette femme de 45 ans espère qu’un jour le gouvernement autorisera les chrétiens à construire librement leurs bâtiments et à organiser de même des églises de maison.

En pratique, il existe une ligne rouge, connue de tous, à ne pas franchir. « La

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société peut s’organiser comme elle veut, mais tout doit avoir un lien avec le Parti. Il en va de même pour les entreprises, y compris les entreprises étrangères », explique Régis Anouil. En principe, à chaque religion reconnue par l’État (bouddhisme, taoïsme, catholicisme, protestantisme, islam) correspond une association patriotique qui sert de courroie de transmission entre le Parti et les Églises. Le véritable problème commence à se poser si l’une ou l’autre de ces Églises revendique son indépendance ou cherche ouvertement à évangéliser.

« Les chrétiens ont une prétention à agir sur la société à travers l’Évangile. Or, le pouvoir ne tolère pas qu’il y ait une voix indépendante de son contrôle. Les Églises peuvent exister, mais doivent être contrôlées et contrôlables par le parti

», résume Régis Anouil.

Ce qui engendre un certain nombre de divisions au sein de la communauté catholique. « La structure hiérarchique de l’Église fait que la question du rapport au pouvoir se pose plus rapidement que chez les protestants », ajoute-t-il.

Croix détruites

Manifester une quelconque volonté d’indépendance par rapport au pouvoir peut se payer très cher. « Les punitions possibles sont nombreuses et horribles. Les méthodes de torture ont pour but de détruire le corps, mais aussi la volonté et l’esprit de la personne », pointe Tom Waper, chargé de projet auprès d’AEM.

L’ONG Portes Ouvertes, qui soutient les chrétiens persécutés dans le monde, relaie des informations tout aussi peu réjouissantes : croix détruites sur des bâtiments non officiels et droits de l’homme en régression constante.

Si le joug s’allège pour certains, il pèse encore bien lourd pour d’autres. Ce à quoi s’ajoutent pour certains la discrimination ordinaire, sociale et professionnelle, et une surveillance étatique accrue ces dernières années, « y compris lors de services de culte dans des Églises officielles et de la population chinoise en général », souligne Tom Waper.

Messages codés

Autre image de son ambivalence, la Chine est le pays qui imprime le plus de bibles au monde. Certes elle en exporte beaucoup, mais en vend aussi sur son

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territoire. Cependant, impossible d’en acheter une dans une librairie classique.

Comme pour trouver une Église ou un groupe d’étudiants chrétiens, il faut avoir des contacts, faire partie d’un réseau ou capter les messages codés, tel que :

« Joseph donne rendez-vous à Marie ce soir à telle heure et à tel endroit. »

Dans un tel contexte, l’évangélisation et la formation des pasteurs constituent deux défis majeurs que les chrétiens ne relèvent pas sans se mettre en danger.

Les Églises officielles ont leurs séminaires, les autres « suivent plutôt le modèle du Nouveau Testament où des hommes et des femmes inspirés prennent le leadership et se consacrent au service de leur communauté », décrit Tom Waper.

En dépit des risques encourus, la demande de formation est grande, notamment dans les actions auprès de la jeunesse.

« Parler de l’Évangile à quelqu’un de moins de 18 ans est officiellement illégal.

Mais cela ne veut pas dire que les Églises ignorent la jeune génération. Même les three-self-churches, les communautés de l’Église protestante officielle, dirigées et contrôlées par le Parti communiste, ont leurs activités secrètes à l’attention de leurs jeunes », assure Tom Waper.

Par Nathalie Leenhardt

Trêve hivernale – L’édito de Nathalie Leenhardt

Alors que nous cheminons vers la fête de Noël et la fin de l’année 2016, éclairés dans nos rues par une avalanche d’illuminations (de plus en plus économes en énergie, enfin…), comment ne pas mesurer à quel point nous marchons sur une

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ligne de crête ? Comment, sauf à choisir le déni total ou l’aveuglement complet, ne pas réaliser combien est étroit ce sentier qui va du sourire aux larmes, de l’espérance au pessimisme le plus noir ?

Tantôt, en effet, nous lisons avec bonheur l’entretien donné par Michel Serres à Réforme. À sa suite, nous voulons croire que notre époque est plus douce que les précédentes puisque seul 0,3 % des décès sur la planète sont dus aux guerres et la violence. Au miroir du temps long, « nous sommes dans un monde spécialement paisible », nous disait il y a peu cet homme né en 1930.

Mais ces paroles à peine lues, l’âme un tant soit peu réchauffée, voici que tombent les dernières nouvelles : un attentat particulièrement meurtrier dans une église copte, au Caire ; un autre à Istanbul ; l’épidémie de choléra et la vague de malnutrition, provoquées par l’ouragan Matthew, qui ravagent la région de la Grande Anse, en Haïti ; la situation épouvantable du Sud-Soudan. Et puis, bien sûr, Alep, « tombée » sous les bombes et la férule du régime de Bachar el-Assad.

Là encore, des images insoutenables, trop souvent vues, cette colère immense, cette envie de n’en plus rien savoir et ce désir d’agir…

Comment tenir bon face à tant de détresses au loin, mais aussi au plus près ? Le décalage entre les vitrines des magasins et les mendiants des rues éclate au visage. Chaque soir, à la porte du journal, cette jeune femme qui étend le même matelas, son bébé sous le bras…

Et dans le même temps, la joie d’aller célébrer l’Avent avec la famille de migrants syriens accueillis dans ma ville.

Alors, se dire qu’être chrétien, croyant, protestant, c’est peut-être simplement passer des larmes au sourire…

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Par Claire Bernole

Start-up cherche Église pour cohabiter

À Lyon, Polygones accueille aussi bien des « coworkers » que les cultes d’une communauté évangélique et crée des liens culturels, sociaux et spirituels.

Des murs en pierres et des poutres apparentes, deux pièces lumineuses et une petite cuisine avec, au fond, une salle dédiée aux enfants : dans le quartier du Vieux Lyon, de tels lieux feraient un appartement au cachet certain. Mais l’espace Polygones, tout en proposant une atmosphère familiale, est bien plus que cela. À cette heure, en pleine semaine, les premiers arrivés occupent la moitié des 17 places disponibles. Sur un bureau nomade ou un box fixe offrant un espace de rangement personnel sécurisé, chacun a sa place.

Changement d’ambiance chaque dimanche, à 17 h : l’une des pièces est louée par une communauté évangélique protestante qui y célèbre son culte. Une vingtaine de personnes du quartier ou des proches environs fréquentent cette paroisse atypique. Les unes parce qu’elle est désormais la plus proche de chez elles, les autres parce que c’est l’occasion de renouer un lien ancien avec l’Église.

Un local à vocation multiple

Des temps de prière ouverts au public sont également proposés tous les jours, à 7 h et à 18 h. Le mobilier en bois roule et se replie au gré des usages. La salle de jeux, avec tapis, coffre à jouets et tables de dessin, sera alternativement mise à la disposition des enfants des auto entrepreneurs et autres professionnels qui partagent l’espace et de ceux qui viennent assister au culte.

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Timothée Pomier connaît bien les lieux, où il est graphiste la semaine et pasteur le dimanche. Si Polygones a vu le jour, c’est grâce à sa rencontre fortuite avec Diane del Papa.

Alors qu’il réfléchit à une implantation d’Église dans ce quartier prisé par les particuliers mais délaissé par les commerces, cette étudiante en commerce international de 21 ans pense business plan. Lui a 28 ans, il est papa de trois enfants. Grâce au soutien de Raphaël Anzenberger, coach du Centre de formation régional des implanteurs du CNEF, le projet d’assemblée dans l’arrière-salle d’un pub du coin va mûrir et se muer en une cohabitation entre espace de travail partagé et Église.

« C’est un mariage de raison, une formule gagnant-gagnant », résume Raphaël Anzenberger. Les écritures comptables restent distinctes et l’un ne finance pas l’autre. En plus de cette double vocation, Polygones peut aussi accueillir des rendez-vous clients, des expositions, des concerts et autres événements. Une salle supplémentaire a été aménagée en sous-sol et équipée d’un système de visioconférence. Il est possible de louer tout ou partie des locaux. Dernièrement, ils ont servi de loge de tournage pour le prochain film de Florence Foresti.

Dans ce cadre refait à neuf, sobre et feutré, la seule trace visible d’une activité spirituelle reste la pile de bibles près des canapés design qui délimitent l’espace détente. Comme les magazines chez le médecin. Timothée Pomier confie dans un sourire que cela engendre des discussions si improbables en d’autres lieux qu’il faut se discipliner pour reprendre le travail. Sans parler d’évangélisation – le mot ne serait pas approprié – l’identité chrétienne est assumée auprès des « coworkers ».

La moitié d’entre eux a connu l’endroit par le réseau évangélique et l’autre, grâce au référencement sur les sites de bureaux partagés. « Nous sommes aussi visibles sur les réseaux sociaux, donc nous n’attirons pas que les chrétiens », souligne Diane del Papa, directrice de Polygones.

Aucun certificat de baptême n’est donc exigé, aucune présence au culte requise, pour faire partie des occupants du lieu ! L’idée est bien d’être ouvert à tous pour faire vivre et grandir le projet de départ. Une façon de contribuer à redynamiser ce quartier, pittoresque mais un peu oublié, et de participer à son développement culturel et social, sans exclure le spirituel.

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Dans ce contexte, l’éclosion de Polygones ne pouvait guère passer inaperçue. Elle a été préparée de longue date. D’abord en menant une réflexion avec les services d’urbanisme de la ville afin que le projet réponde au mieux aux besoins de la population. Puis l’équipe fondatrice a pris contact avec les paroisses alentour pour s’annoncer et commencer à tisser du lien.

Concept innovant

Au terme des travaux, qui ont duré trois à quatre mois d’été, le voisinage n’a donc pas été surpris de découvrir un rez-de-chaussée sans point commun avec le restaurant indien qui l’avait précédé.

Polygones, une structure à taille humaine qui se veut tout sauf une usine, a su trouver sa place entre ces vieux murs, dans le quartier et auprès des riverains. En tant que communauté évangélique, elle s’ajoute aux 15 autres Églises qui existent à Lyon intra-muros.

Raphaël Anzenberger rappelle que la demande est forte. En France, une Église évangélique ouvre tous les dix jours. Les projets tels que celui de Polygones, qui n’est pas le premier du genre mais reste un concept innovant, constituent une réponse originale face à ce développement rapide et aux modes de vie actuels.

Références

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