• Aucun résultat trouvé

LA VIDÉO EN LIGNE COMME OUTIL DE COMMUNICATION POLITIQUE EN EUROPE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "LA VIDÉO EN LIGNE COMME OUTIL DE COMMUNICATION POLITIQUE EN EUROPE"

Copied!
24
0
0

Texte intégral

(1)

LA VIDÉO EN LIGNE COMME OUTIL DE COMMUNICATION POLITIQUE EN EUROPE

Patrícia Dias da Silva

NecPlus | « Communication & langages » 2015/1 N° 183 | pages 59 à 81

ISSN 0336-1500

DOI 10.3917/comla.183.0059

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2015-1-page-59.htm ---

Distribution électronique Cairn.info pour NecPlus.

© NecPlus. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(2)

L’Europe sur les réseaux sociaux

PATRÍCIA DIAS DA SILVA

La vidéo en ligne comme outil de communication politique en Europe

Cet article a pour but de comprendre les pratiques de communication poli- tique en ligne, en particulier celles qui s’appuient spécifiquement sur la vidéo en ligne téléchargée sur des sites tels que YouTube. L’attention est portée sur le cas spécifique d’EU Tube, la chaîne de la Commission européenne lancée en 2007.

Gérer la vidéo en ligne n’est pas plus facile pour la Commission européenne qu’elle ne l’est pour les acteurs politiques nationaux européens, qui ne sont pas particulièrement créatifs quant au con- tenu mis en ligne. D’autant que certaines options comme les commentaires sont peu utilisés. De nombreux chefs d’État et de Premiers ministres européens, comme la Commission européenne en 2010, ont même bloqué les commentaires, ce qui semble indiquer le désir de contrôler les interactions discursives alors que la promotion du dialogue est pourtant inscrite dans les documents officiels stratégiques.

Mots-clés : conversation, vidéo en ligne, YouTube, Commission européenne, Union européenne, cyberdémocratie, EU Tube, médias sociaux, politiques publiques , communication politique

INTRODUCTION

Pour décrire la relation assistée par ordinateur en- tre le gouvernement et les citoyens, les concepts de

« démocratie électronique » et de « gouvernement électronique » ont pris de l’importance à la fois dans les recherches académiques et dans les politiques publiques.

La démocratie électronique est devenue un concept générique qui regroupe des pratiques en ligne distinctes, même si elle est centrée sur la façon dont la technologie peut améliorer les formes de démocratie participative1, notamment en favorisant le dialogue et le débat. Depuis l’expansion des blogs, on considère que c’est surtout le Web social qui a créé des règles du jeu équitables en matière de communication en donnant aux citoyens un moyen de s’exprimer2.

L’augmentation significative du débit, la quasi-omniprésence d’outils pour enregistrer des images et la simplification du montage vidéo ont permis le développement exponentiel de la production et du partage de vidéos en ligne. La place occupée par YouTube en tant que deuxième moteur de recherche en ligne, après Google, a été considérée comme un signe de la

1. Thomas Zittel, “Political communication and electronic democracy.

American exceptionalism or global trend?”,inFrank Esser, Barbara Pfetsch (dir.),Comparing Political Communication. Theories, Cases and Challenges, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 231-250.

2. Florence Millerand, Serge Proulx, Julien Rueff (dir.),Web Social.

Mutation de la communication, Québec, Presses de l’université du Québec, 2010.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(3)

centralité de l’image et de l’adaptation des pratiques à cet environnement. Par suite, l’une des transformations les plus importantes du paysage en ligne du début du XXIesiècle est associée au passage d’un Web basé sur le texte à une toile dominée par l’image. Nous assistons à une seconde accélération du « tournant iconique », qui rappelle le déplacement précédent du pouvoir de la presse vers celui de la télévision3.

Cet article a pour but de contribuer à la recherche dédiée aux pratiques de communication politique en ligne, en particulier celles qui s’appuient spécifiquement sur la vidéo en ligne téléchargée sur des sites tels que YouTube.

Ainsi, la première section de ce papier présente les étapes du développement de la communication politique sur YouTube et les études scientifiques qui ont tenté de comprendre et d’analyser ce développement. La deuxième section détaille le contexte de la création de la chaîne de YouTube de la Commission européenne – EU Tube – et analyse les deux premières années de cette chaîne. Enfin, la troisième section se concentre sur les polémiques et les interactions avec et entre les usagers pendant cette période. Dans ces deux sections, nous mentionnerons également d’autres chaînes et leurs vidéos – comme celles du Parlement européen et de plusieurs leaders européens –, qui feront ainsi l’objet d’une discussion comparative.

MÉTHODOLOGIE

L’étude de la chaîne EU Tube porte sur l’organisation rhétorique du discours (images visuelles et textes verbaux) en identifiant des thèmes clés, des techniques de persuasion, des difficultés et des contradictions. Cette approche s’accompagne d’une méthodologie compositionnelle qui porte principalement sur le contenu de l’image4. Dans le cas d’images animées, l’organisation spatiale, temporelle et sonore des images est prise en compte. Cette analyse est complétée par des considérations sur la production des vidéos, notamment sur l’origine du matériel et des technologies impliquées. Enfin, l’audience est appréhendée du point de vue des pratiques sociales des spectateurs. Afin de contextualiser les vidéos étudiées, d’établir des liens narratifs et de reconstruire le dialogue public, d’autres vidéos, sites, pages en ligne de blogs et de médias d’information sont analysés. Les études pionnières conduites par les ethnographes de YouTube sont riches d’enseignement.

Cette approche méthodologique est d’ailleurs mobilisée pour étudier toutes les chaînes et les vidéos dont il est question dans cet article.

Communiquer la politique sur YouTube

Depuis son lancement en 2005, YouTube s’est tourné progressivement vers la politique. En témoignent la création d’une chaîne et d’un blog dédiés à ce domaine et la mise en place de partenariats avec les médias et les organisations internationales en lien avec les principaux événements politiques. Un an à peine après son lancement officiel en 2005, YouTube consacre une chaîne dans le format

« blog vidéo » aux discussions politiques, Citizentube ; celle-ci est également

3. Jürgen Habermas,Europe: The Faltering Project, Cambridge, Polity, 2009.

4. Gillian Rose,Visual Methodologies: An Introduction to the Interpretation of Visual Materials,Londres, Sage, 2002.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(4)

complétée par un blog classique5. Dans le magazine trimestriel sur le journalisme Nieman Reports, le blogueur vidéo Steve Grove, qui est aussi à cette époque l’éditeur de la catégorie « Actualités et politique » de YouTube, met en exergue les mérites du potentiel politique de YouTube. Tout d’abord, Grover annonce la fin de la médiation ou, en des termes beaucoup plus convaincants, l’émergence d’un environnement médiatique dans lequel « des citoyens moyens peuvent alimenter une nouvelle méritocratie dans les médias politiques »6. Selon lui, les frontières d’espace et de temps ne seront plus pertinentes, faisant écho aux descriptions des médias électroniques par McLuhan. Enfin, il observe le caractère interactif de YouTube, avec ses commentaires, réponses, évaluations et partages. Le blogueur vidéo prévient les organes de presse que la vidéo en ligne est en train de remodeler la scène médiatique politique, voire la politique elle-même. S’ils choisissent de l’ignorer, c’est donc « à leurs risques et périls »7. Cette description des retombées positives de la vidéo en ligne s’inscrit dans la perspective de l’éloge de la société de l’information et de la démocratie électronique.

À l’image des deux débats qui ont associé CNN et YouTube en 2007, avec la participation des candidats démocrates (en juillet) et républicains (en novembre) dans le contexte des primaires des élections présidentielles américaines de 2008, certains partenariats sont considérés comme « offrant un niveau d’engagement de l’audience, avec des possibilités d’expériences actives et passives »8. Ces débats sont reconnus comme une étape importante dans les relations entre YouTube, les médias, les responsables politiques et les citoyens. Fin 2010, l’entreprise YouTube elle-même met en avant les deux événements sous forme d’une frise chronologique proposée dans le matériel mis à disposition des journalistes dans sa « salle de presse » électronique. Cette collaboration entre deux icônes du pouvoir des médias, CNN et YouTube – anciens vs nouveaux médias –, est décrite comme

« une tentative de naviguer sur les relations instables et “nouvelles” entre ces différents systèmes médiatiques »9. Ce modèle est ensuite appliqué à d’autres cas.

YouTube crée YouChoose08, en rassemblant les vidéos officielles des candidats et en s’associant avec PBS, le réseau de télévision publique américain. En donnant une structure à des pratiques détectées en 2006, YouTube et PBS encouragent les citoyens américains à se filmer et à télécharger la vidéo de leur vote.

L’année 2008 et ses événements politiques peuvent être considérés comme un tournant en matière de politique sur YouTube, y compris en ce qui concerne son statut en tant qu’objet d’étude pour les universitaires. La vidéo en ligne et le cycle

5. Dans un « blog vidéo » (aussi connu comme « vlog »), les publications sont uniquement constituées de vidéos. La chaîne et le blog de YouTube n’ont plus été alimentés après 2012.

6. Steve Grove, “YouTube: The Flattening of Politics”,Nieman Reports, 62, 2008, p. 28-30.

7.Ibid.

8. Steve Grove, “YouTube: The Flattening of Politics”, art. cit.

9. Henry Jenkins, “Why Mitt Romney Won’t Debate a Snowman”,inJonathan Gray, Jeffrey P. Jones, Ethan Thompson (dir.),Satire TV: Politics and Comedy in the Post-Network Era, New York, New York University Press, 2009, p. 189.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(5)

des élections américaines de 2008 font l’objet d’un colloque l’année suivante10. Le numéro spécial deJournal of Information Technology & Politics paru à l’issue de cette rencontre scientifique contient des articles sur les différents aspects des vidéos des campagnes pour la Présidence11, le Sénat américain12et le Congrès13. Un essai est consacré à la stratégie digitale d’Obama, qui s’appuie sur un cadre théorique au centre duquel on trouve le concept de démocratie électronique14. La revue inclut notamment deux articles méthodologiques : l’un dédié aux collectes de données assistées par logiciel sur YouTube15et l’autre au discours inaugural de la conférence donné par l’universitaire spécialisé dans la recherche sur Internet, Richard Rogers16.

Bien que YouTube se focalise sur la politique américaine, le site tente également d’élargir son champ d’observation et d’action à d’autres pays et à des organisations internationales comme le Forum économique mondial. « La question de Davos » est un projet commun entre YouTube et le Forum économique mondial ; les membres de YouTube sont invités à répondre à la question suivante : « Si les pays, les entreprises ou les gens pouvaient faire une seule chose pour rendre le monde meilleur en 2008, quelle serait-elle selon vous ? ». Les vidéos ayant reçu le plus grand nombre de votes sont présentées au rendez-vous annuel de 2008 à Davos. En Espagne, le site YouTube s’associe à RTVE en demandant aux électeurs espagnols de poser leurs questions, avec, semble-t-il, un certain succès : dans la dernière vidéo mise en ligne sur la chaîne Elecciones 08, RTVE indique avoir reçu plus de 600 vidéos et 13 000 votes sur des questions qui ont ensuite été sélectionnées et remises aux candidats à l’élection du Parlement espagnol. L’année suivante, YouTube assure la promotion de Questions pour l’Europe, une chaîne créée en collaboration avec Euronews mise en place lors des élections du Parlement européen en 2009, qui

10. Le colloque sur YouTube sur les élections de 2008 aux États-Unis, organisé par Stuart Schulman et coprésidé par Michael Xenos, a eu lieu les 16 et 17 avril 2009 à l’université d’Amherst dans le Massachussetts.

11. Journal of Information Technology & Politics, 7, 2010. Voir les articles : Scott H. Church, “YouTube Politics: YouChoose and Leadership Rhetoric During the 2008 Election”, p. 124-142 ; David Karpf,

“Macaca Moments Reconsidered: Electoral Panopticon or Netroots Mobilization?”, p. 143-162 ; LaChrystal Ricke, “A New Opportunity for Democratic Engagement: The CNN-YouTube Presidential Candidate Debates”, p. 202-215 ; Scott P. Robertson, Ravi K. Vatrapu, Richard Medina, “Online Video ‘Friends’ Social Networking: Overlapping Online Public Spheres in the 2008 U.S. Presidential Election” p. 182-201; Kevin Wallsten, “‘Yes We Can’: How Online Viewership, Blog Discussion, Campaign Statements, and Mainstream Media Coverage Produced a Viral Video Phenomenon”, p. 163-181.

12. Robert J. Klotz, “The Sidetracked 2008 YouTube Senate Campaign”, Journal of Information Technology & Politics, 7, 2010, p. 110-123.

13. Girish J. “Jeff” Gulati, Christine B. Williams, “Congressional Candidates’ Use of YouTube in 2008:

Its Frequency and Rationale”,Journal of Information Technology & Politics, 7, 2010, p. 93-109.

14. Cheris A. Carpenter, “The Obamachine: Technopolitics 2.0”,Journal of Information Technology &

Politics, 7, 2010, p. 216-225.

15. Chirag Shah, “Supporting Research Data Collection from YouTube with TubeKit”, Journal of Information Technology & Politics, 7, 2010, p. 226-240.

16. Richard Rogers, “Internet Research: The Question of Method—A Keynote Address from the YouTube and the 2008 Election Cycle in the United States Conference”,Journal of Information Technology

& Politics, 7, 2010, p. 241-260.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(6)

demande aux citoyens de formuler leurs questions à destination des candidats sous format vidéo.

De nombreuses études analysent le rôle (ou l’absence de rôle) que les réseaux sociaux et YouTube jouent dans les campagnes électorales du monde entier, comme par exemple les élections de mi-mandat aux Philippines17, les élections nationales en Finlande18, les élections locales en Norvège19, les élections municipales en Israël20 et les élections présidentielles en Corée du Sud21. Aux Philippines, les chercheurs estiment que les vidéos de campagne n’ont pas de visibilité sur YouTube, tandis que les résultats d’études en Finlande, en Norvège et en Israël montrent que YouTube n’a eu que peu d’impact sur les différentes campagnes.

Enfin, malgré les promesses portées par les élections de 2002 en Corée du Sud, les élections de 2007 se sont révélées décevantes en matière de démocratie électronique.

Nous disposons d’autres exemples, comme l’étude canadienne sur les élections de 2007 en Ontario qui évoque le « faux » site et le compte YouTube dans lequel l’un des partis procède à une satire de son adversaire22. Nous pouvons également mentionner un article relatif aux élections françaises, portant plus spécifiquement sur les relations entre l’image construite par les candidats eux-mêmes dans le cadre de leur propre campagne et celle élaborée sur YouTube et Dailymotion par les électeurs23. En ce qui concerne cette dernière, les vidéos observées sont essentiellement des parodies (du candidat, de son style ou de sa campagne) dont le ton est plus négatif que positif. L’auteur souligne également que les candidats perdent le contrôle unilatéral de leur image, car celle-ci dépend dorénavant de l’interaction entre les productions officielles et les créations des membres de YouTube.

Néanmoins, une analyse de la vidéo de soutien à Obama en 2008, intitulée Yes We Can - Barack Obama Music Video, s’appuyant sur le cadre théorique de l’agenda-settinget de l’agenda-building, défend l’idée selon laquelle les vidéos politiques virales résultent « d’une interaction complexe et multidirectionnelle

17. Kavita Karan, Jacques D. M. Gimeno, Edson Tandoc Jr., “The Internet and Mobile Technologies in Election Campaigns: The GABRIELA Women’s Party During the 2007 Philippine Elections”,Journal of Information Technology & Politics, 6, 2009, p. 326-339.

18. Tom Carlson, Kim Strandberg, “Riding the Web 2.0 Wave: Candidates on YouTube in the 2007 Finnish National Elections”,Journal of Information Technology & Politics, 5, 2008, p. 159-174.

19. Øyvind Kalnes, “Norwegian Parties and Web 2.0”,Journal of Information Technology & Politics, 6, 2009, p. 251-266.

20. Azi Lev-On, “YouTube Usage in Low-Visibility Political Campaigns”, Journal of Information Technology & Politics, 9, 2011, p. 205-216.

21. Yeon-Ok Lee, “Internet Election 2.0? Culture, Institutions, and Technology in the Korean Presidential Elections of 2002 and 2007”, Journal of Information Technology & Politics, 6, 2009, p. 312-325.

22. Zachary P. Devereaux, “Torytube.ca and the Ontario 2007 Election: The Web 2.0 Politics of Embedded Political Video”, (présentée àPolitics : Web 2.0. An International Conference,Royal Holloway, University of London, 17-18 Avril 2008).

23. Galia Yanoshevsky, « L’usage des vidéoblogs dans l’élection présidentielle de 2007. Vers une image plurigérée des candidats »,Mots. Les langages du politique, 2009, p. 57-68.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(7)

entre les actions des utilisateurs d’Internet, les blogueurs, les membres des campagnes et les journalistes »24. Certaines vidéos, qui mettent au jour les faiblesses des politiciens et présentées en exemples pour montrer que les citoyens peuvent influencer les résultats électoraux par l’intermédiaire de YouTube, se sont en réalité avérées être l’œuvre d’opposants aux candidats incriminés25. De plus, même si YouTube offre de nombreuses vidéos amateurs, ce sont les programmes de télévision et les vidéos musicales qui sont devenus les plus populaires26. Concernant les vidéos politiques, certaines organisations professionnelles comme Associated Press semblent très présentes, voire dominer ce champ précis de l’activité médiatique sur YouTube27.

Les personnalités politiques et les institutions ont ainsi commencé à instaurer leurs chaînes sur le site. Nous allons à présent nous intéresser à la façon dont la Commission européenne est apparue sur YouTube et a utilisé la plateforme pour élargir sur Internet sa stratégie de communication.

Communiquer l’Europe sur YouTube

Comme ses décisions et ses opérations manquent d’intelligibilité et que les citoyens ne peuvent interagir directement avec elle, l’Union européenne (UE) a souvent été accusée de souffrir d’un « déficit démocratique »28. Bien que des changements institutionnels aient été apportés pour renforcer le rôle des citoyens et améliorer la transparence dans le processus politique européen, ce sentiment n’a pas faibli, en raison notamment de la persistance d’un « déficit de communication »29.

Celui-ci a été reconnu par les institutions européennes et considéré comme un obstacle majeur à l’intégration européenne. En 2005, l’année où YouTube a été lancé, la direction générale de la Communication (DG COMM) de la Commission européenne (CE) a encouragé l’utilisation d’Internet pour rapprocher les citoyens et les institutions de l’Europe ainsi que les représentants officiels de l’UE. Sous la responsabilité de Margot Wallström, également vice-présidente de la Commission européenne (2004-2010), la DG COMM a présenté une série de documents politiques, comme par exemple le Plan d’action de la Commission relatif à l’amélioration de la communication sur l’Europe, qui fait valoir l’importance d’Internet comme moyen de communication pour l’UE et ses instances dirigeantes.

LeLivre blanc sur une politique de communication européenne,paru ultérieure- ment, reconnaît que les stratégies de communication précédentes sont restées en retard dans le champ des transformations touchant l’UE et ont, par conséquent,

24. Kevin Wallsten, “‘Yes We Can’”, art. cit., p. 165.

25. David Karpf, “Macaca Moments Reconsidered”, art. cit. ; Toby Miller, “Cybertarians of the World Unite: You Have Nothing to Lose but Your Tubes!”,inPelle Snickars, Patrick Vonderau (dir.),The YouTube Reader, Stockholm, National Library of Sweden, 2009, p. 424-440.

26. Toby Miller, “Cybertarians of the World Unite”,op. cit.

27. Albert L. May, “Who Tube? How YouTube’s News and Politics Space Is Going Mainstream”,The International Journal of Press/Politics, 15, 2010, p. 499-511.

28. Jürgen Habermas,Europe, op. cit.

29. Philip Schlesinger, “A Cosmopolitan Temptation”,European Journal of Communication, 22, 2007, p. 413-426.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(8)

creusé la distance avec les citoyens. Le livre blanc évoque un « sentiment de désaffection » attribué au « développement insuffisant d’une “sphère publique européenne” permettant au débat européen de se déployer », au sentiment des citoyens de ne pouvoir faire entendre leur voix ainsi qu’à l’absence d’un forum visible où de tels débats pourraient prendre place30.

En 2007, le documentCommuniquer sur l’Europe en partenariatpart de ces constats. Il préconise le développement de ladite sphère publique européenne en proposant la création de « voies transfrontalières qui encouragent le débat et le dialogue sur des questions d’intérêt commun, tout en reflétant l’ordre du jour européen »31. Une politique d’intégration des différents médias est proposée, tandis que les nouvelles technologies obtiennent une place importante dans les politiques de communication. À cet égard, deux formes d’action sont évoquées : transformer le site EUROPA et, au-delà de ce site Internet, encourager les acteurs à

« participer davantage à des entretiens et à des discussions sur d’autres sites »32. Le document Communiquer sur l’Europe par l’internet – Faire participer les citoyens, paru à la fin de 2007, précise ces initiatives dans le cadre d’une nouvelle stratégie relative à Internet en partant du principe que la Commission doit

« adopter la culture Internet et les opportunités de communication en ligne »33. La Commission européenne,viala DG COMM, décide donc qu’il est nécessaire de discuter avec le citoyen là où il est, là où la discussion est censée avoir lieu.

L’objectif est ainsi de répondre au problème de l’absence de la Commission dans la sphère digitale, ses activités sur le réseau étant essentiellement réduites au portail EUROPA34. C’est ainsi que le forum de discussion en ligne « Débattez de l’Europe » est mis en place. Des blogs créés par les commissaires européens et les directeurs des représentations de la Commission sont également mis en place tandis que EU Tube, la chaîne européenne sur YouTube, est lancée.

La version anglaise de la chaîne EU Tube (voir figure 1) est lancée sur YouTube le 29 juin 2007. Quelques mois plus tard, la commissaire européenne Margot Wallström se félicite de son succès. Dans un communiqué de presse, il est ainsi précisé que la chaîne « a reçu plus d’un million de visites et le nombre de vidéos visionnées depuis son lancement il y a moins de trois mois s’élève à près de 7 millions »35. Les chaînes en versions française et allemande sont lancées la même année. Les documents officiels vantent les prouesses de la chaîne : « la création récente de la chaîne spécialisée EU Tube sur YouTube a été un premier pas réussi vers l’amélioration de la visibilité de la Commission dans l’environnement

30. COM (2006) 35 final,Livre blanc sur une politique de communication européenne, CE, Bruxelles, 1/2/2006, p. 5.

31. COM (2007) 568 final,Communiquer sur l’Europe en partenariat, CE, Bruxelles, 3 octobre 2007, p. 10.

32. Ibid., p. 12.

33. SEC (2007) 1742,Communicating about Europe via the Internet. Engaging the citizens,CE, Bruxelles, 21 décembre 2007, p. 3.

34. Ibid., p. 12.

35. Commission européenne (2007) « EUtube atteint le million de visites », communiqué de presse, 15 octobre, à l’adresse : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-07-1498_fr.htm.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(9)

Figure 1 : La chaîne EU Tube (version anglaise). Capture d’écran du 11 août 2011.

Source : YouTube

Internet. EU Tube a atteint avec succès une nouvelle audience et a suscité de vifs débats sur l’UE ainsi que sur les activités et les politiques de la Commission »36.

En juin 2009, les trois versions de la chaîne correspondant aux langues de travail de l’UE sont opérationnelles : EU Tube en anglais (dont le slogan estSharing the sights and sounds of Europe), en français (« Une communauté de sons et d’images ») et en allemand (Europa erleben in Bild und Ton). En revanche, le portail EUROPA adopte une stratégie différente qui présente certains documents dans toutes les langues officielles de l’UE (même si une grande partie de l’information publiée sur le site est uniquement en anglais, ou complétée éventuellement d’une ou deux autres langues). Sur EU Tube, la version anglaise est également prédominante, et ce depuis la création de la chaîne, aussi bien sur le plan du contenu que sur celui des interventions des utilisateurs. C’est dès lors elle qui sera au centre de cette analyse.

Lorsque l’anglais n’est pas la langue originale, les vidéos sont soit doublées, soit sous-titrées, sauf dans le cas de German favorite qui fait référence à une vidéo populaire sur la chaîne allemande. En d’autres termes, on compte trois situations différentes : l’anglais est déjà la langue parlée, la langue est doublée en anglais, la

36. SEC (2007) 1742, p. 12.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(10)

Figure 2 : Évolution de la publication des vidéos sur EU Tube de juin 2007 à juin 2009 (avec indication de la valeur moyenne). Source : YouTube

langue est sous-titrée en anglais. Dans certains cas, en particulier pour les vidéos les plus courtes, aucune langue n’est parlée. Seuls apparaissent à l’écran quelques mots en anglais mentionnant le nom du programme, le domaine politique ou la sphère de sensibilisation.

Un nombre considérable de vidéos de cette chaîne a été publié avant son lancement officiel. Comme nous pouvons l’observer sur la figure 2, les pics relatifs aux tendances de publication des deux premières années correspondent à quatre périodes différentes : 1. le premier anniversaire de la chaîne, avec la mise en avant d’une rétrospective de vidéos ; 2. la fin de l’année 2008 : bien qu’elles portent sur des thématiques différentes, dix vidéos ont été publiées le même jour ; 3. la publication d’une série spéciale de 16 vidéos sur le changement climatique intitulée YOU control climate change(décrite ci-dessous) ; 4. le dernier pic coïncide avec le deuxième anniversaire, mais cette fois-ci, aucune référence directe à la date n’est mentionnée.

Plusieurs vidéos sont parfois publiées ensemble en fonction du thème et/ou du domaine d’intervention de la Commission européenne. À la série de vidéos consacrées au changement climatique s’ajoute une autre série, dédiée quant à elle aux modifications du règlement sur l’itinérance (Receiving a call abroad,Receiving a call abroad– une deuxième vidéo portant le même titre –,Roaming prices slashed, Mobile roaming prices in Europe capped). Toutes ces vidéos sont mises en ligne le 14 juin 2007, avant le lancement de la chaîne et le changement de la législation relative à l’itinérance. Une autre série est dédiée aux déplacements en Europe et s’intituleTravelling in Europe. Les différentes vidéos qui la composent valorisent plusieurs aspects :The Euro,Pet passports,Driving licence and car insurance,Fewer or no border controls, Your mobile phone, Your health insured abroad,Shopping abroad,You have rights as an air passenger. Elles ont toutes été mises en ligne le

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(11)

Figure 3 : Nuage de mots des vidéos publiées sur EU Tube entre juin 2007 et juin 2009, la taille des caractères indique la fréquence (créé sur http://www.wordle.net).

Source : YouTube

27 novembre 2008. Il ne s’agit là que de quelques exemples représentatifs du type de vidéos publiées par la Commission européenne.

Si l’on analyse toutes les vidéos mises en ligne entre juin 2007 et juin 2009 et que l’on retire les références propres (comme EU Tube ou Europe), il apparaît clairement que les questions environnementales et relatives au changement climatique sont prédominantes (climate apparaît 37 fois, environment 36). Ces sujets font partie des compétences de la Commission européenne, même s’ils peuvent dépasser le cadre strictement européen. Ceci apparaît encore plus clairement dans le nuage de mots (dont la taille est associée à la fréquence d’usage) présenté ci-dessus (voir figure 3). En 2009, ce sujet est très présent du fait notamment de l’organisation de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Copenhague la même année. Margot Wallström est directement impliquée dans une initiative lancée en novembre 2007, « La route vers Copenhague », qui vise à encourager la participation citoyenne dans des travaux préparatoires, à la fois en ligne et hors ligne. Sa fonction précédente en tant que commissaire à l’environnement (1999-2004) est mentionnée sur le site dédié et peut aider à comprendre la prédominance de ces problématiques sur EU Tube (sous la DG COMM).

Si l’on s’intéresse désormais à la durée des vidéos, on constate que les premières sont plus longues que les plus récentes. En 2007, la vidéo la plus longue dure 29 minutes et 4 secondes, ce qui contraste avec celle de 2008 qui dure seulement 4 minutes et 4 secondes. Dans la première moitié de l’année 2009, la plus longue vidéo approche les quinze minutes. Mais elle constitue une exception, car presque toutes les vidéos publiées cette année-là n’excèdent pas les deux minutes. Toutefois, une analyse plus approfondie montre que ce constat est d’une certaine façon trompeur. Si les vidéos présentent des différences et que les plus récentes ont tendance à être plus brèves, la durée des plus anciennes est parfois liée à des erreurs dans leur production. Les vidéos les plus longues, comme Europe leads the fight against climate change(13 minutes et 43 secondes) ouLife Long Learning

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(12)

Figure 4 : Plans fixes de la vidéo d’EU TubeThe Reform of the Common Market Organisation for Sugar.

Source : YouTube

programme(29 minutes et 57 secondes), sont plus courtes de moitié. Elles intègrent en effet des répétitions : passé un écran noir, les mêmes images apparaissent, mais sans son, on n’entend ni narrateur, ni doublage, ni musique ajoutée.

Les premières vidéos publiées sur la chaîne de la Commission européenne existaient déjà avant sa création. Pendant les deux premières années, il est ainsi difficile d’identifier celles qui sont spécialement conçues pour EU Tube. La plupart des contenus adoptent le format de vidéos d’entreprise et ressemblent beaucoup à des messages promotionnels, comme le montre la figure 4 ci-dessus. Plusieurs éléments sont à signaler : la présence d’une musique de fond, l’utilisation exclusive de l’anglais et l’introduction de génériques.

Ces contenus semblent confirmer les études qui prétendent que les vidéos financées par le gouvernement sur YouTube remplacent les brochures explicatives qui étaient traditionnellement réalisées sous format papier par des agences officielles37. Pourtant, certaines vidéos ressemblent davantage à des rapports de terrain, donnant le sentiment d’une expérience vécue, sans musique de fond ni générique, montrant des techniciens sur place, utilisant plusieurs langues.

Au cours des deux premières années, la Commission européenne a légèrement réajusté les vidéos postées, notamment sur le plan de leur style général et de leur durée. Cela a conduit à une augmentation du nombre de clips courts, à l’image des publicités télévisées et des vidéos adoptant le même format stylistique et temporel.

Les vidéos deviennent également plus humoristiques et sont souvent plus animées.

Ces dernières présentent l’avantage de transcender les barrières linguistiques en substituant à la parole la langue universelle du dessin animé.

37. Elizabeth Losh, “Government Youtube. Bureaucracy, Surveillance, and Legalism in State- Sanctioned Online Video Channels”,inGeert Lovink, Sabine Niederer (dir.),Video Vortex Reader:

Responses to YouTube, Amsterdam, Institute of Network Cultures, 2008, p. 112.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(13)

À titre d’exemple, la série YOU control climate change!inclut 16 animations presque toutes mises en ligne le 6 juin 2009. La description de chaque vidéo de la série publiée sur EU Tube est la suivante : « Les adolescents des 21 États membres de l’UE s’expriment sur le changement climatique ». Cette même phrase introduit les vidéos sur le site Internet de la Commission européenne dédié aux problématiques du changement climatique. Les vidéos sur EU Tube redirigent d’ailleurs les utilisateurs vers ce site38. Bien qu’il soit possible d’ajouter des sous-titres en plusieurs langues directement sur YouTube, les vidéos ne sont sous-titrées qu’en anglais, à l’exception, bien sûr, des vidéos qui mobilisent déjà cette langue (voir la vidéo de « Gauthier » en figure 5).

Gauthier, Anglais Daniel, Slovaque

Lotta, Finlandaise Maria Inês, Portugaise

Figure 5 : Exemples de la sérieYOU control climate change!. Source : YouTube

Toutes les vidéos sont très courtes (entre 23 et 28 secondes) et se ressemblent beaucoup : présentation de l’adolescent (prénom, âge et nationalité), puis partage de sa meilleure astuce « pour combattre l’un des plus grands défis environnementaux actuels » (comme l’indique également la description discursive de chaque vidéo). La portée humoristique de ces vidéos, décrites par la DG Environnement comme « amusantes, rafraîchissantes et dynamiques »39, repose sur l’association originale entre un visage authentique et un ensemble de corps découpés dans du papier. Par ailleurs, les objets de la vie quotidienne sont mêlés à des tissus à motifs et des dessins animés. Les adolescents anglais et slovaques

38. Ces vidéos sur YouTube font partie d’une série plus vaste lancée dès mai 2006 par le président de la Commission José Manuel Barroso et le commissaire à l’Environnement Stavros Dimas. Donnant un cadre à la production des vidéoclips, leLivre blanc sur l’adaptation au changement climatiqueest publié en avril cette année-là et ensuite se tient du 23 au 26 juin la Conférence de la Semaine verte « Agir et s’adapter» de la CE.

39. DG Environnement (2009)EU Environment Policy Brief - 04. Commission européenne.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(14)

Figure 6 : la chaîne du Parlement européen. Capture d’écran du 3 mars 2011. Source : YouTube

ont conclu leur vidéo par une remarque amusante en associant les pratiques respectueuses de l’environnement à un succès romantique.

L’arrivée du Parlement européen sur YouTube (figure 6) est très différente des premiers mois d’EU Tube. L’équipe en charge de la communication Internet du Parlement européen mise dès le début sur des vidéos humoristiques plus courtes, du même type que précédemment décrites. La chaîne du Parlement européen est créée à l’approche des élections de 2009, et elle est liée à celle d’EU Tube. Ses trois premières vidéos visent à promouvoir le vote. La stratégie adoptée est la parodie et l’adoption de techniques de marketing viral, une approche considérée comme utile pour accroître la portée des messages organisationnels. Burgess définit

« le marketing viral » comme « la tentative d’exploiter les effets du réseau, du bouche-à-oreille et de la communication Internet afin d’inciter un très large nombre d’utilisateurs à faire passer “volontairement” des “messages” de marketing et des informations sur les marques »40.

Ces « vidéos virales » font référence à la sérieAt the polling station, dans laquelle une femme effrayée, des voleurs de banque et des coureurs cyclistes professionnels

40. Jean Burgess, “‘All Your Chocolate Rain Are Belong to Us?’ Viral Video, Youtube and the Dynamics of Participatory Culture”inGeert Lovink, Sabine Niederer (dir.),Video Vortex Reader: Responses to YouTube,op. cit., p. 101.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(15)

se rendent tous à un bureau de vote alors qu’ils se trouvent dans « une situation pressante ». Bien que les institutions européennes41 et des rapports externes42 affirment que ces vidéos ont été très bien reçues sur Internet et dans d’autres médias, le chiffre avancé d’un demi-million correspond au visionnage conjoint des trois vidéos, dont la parodie d’un film d’horreur (la première à avoir été mise en ligne) qui représente plus de la moitié des consultations. Le chiffre d’un peu plus de 300 000 vues est très loin de la description de la viralité telle que définie par l’OCDE : « être vu par plus d’un million de personnes en un temps relativement court »43. Comme pour les autres types d’élections mentionnées dans la première partie de cet article, l’importance de la chaîne du Parlement européen, du moins en termes quantitatifs, s’avère ici également limitée. Dans ces vidéos de campagnes électorales, le terme « viral » reflète davantage une intention de performance que la réalité.

Ce sont les élections et les campagnes qui sont le moteur des vidéos politiques en ligne et qui favorisent la créativité, comme en témoigne l’apparition de plusieurs

« vidéos virales ». À cet égard, les vidéos les plus originales du parti travailliste norvégien sont produites pendant la période de campagne de 2009 et postées sur la même chaîne. Durant cette période d’expérimentation, le parti lance des appels à la créativité audiovisuelle des citoyens, essaie une approche plus narrative et connecte entre eux les différents réseaux sociaux numériques. Ainsi, il est demandé aux citoyens, sur la chaîne YouTube du parti, de poser des questions sur Twitter44. Une fois les élections remportées, le type de discours et d’apparitions publiques redevient plus commun. De même, la chaîne YouTube associée à Nicolas Sarkozy n’a pas été opérationnelle entre la campagne de 2007 et la campagne de 2012 ; de plus, elle n’a pas été remplacée lors de son mandat par une chaîne dédiée à la présidence française45. La description de la situation postérieure aux élections reflète une tendance observée lors du cycle des élections américaines de 200846.

Débattre l’Europe sur YouTube

Dans une perspective semblable à celle qui a accompagné la naissance et le développement des sites Internet de partis politiques47, les personnalités politiques, les gouvernements et les institutions prennent conscience qu’il peut être intéressant pour eux de créer une chaîne sur YouTube pour publier directement leurs

41. DG Communication (2009)Annual Activity Report. 1erjanvier - 31 décembre 2009. Parlement européen.

42. Wojciech Gagatek,The 2009 Elections to the European Parliament. Country Reports, Florence, European University Institute, 2010 <https://cadmus.eui.eu/handle/1814/13757>.

43. OCDE,Participative Web and User-Created Content. Web 2.0, Wikis and Social Networking,Paris, OCDE, 2007, p. 24.

44. Par exemple,Spør Jens (période sur Twitter : septembre 2009).

45. La figure 8 montre une des vidéos de la campagne de 2007. Aucune des vidéos de cette époque n’est dorénavant accessible.

46. Albert May, “Who Tube?”, art. cit.

47. Carlos Cunha, Gerrit Voerman, “The Digitalization of the West European Party Systems:

Public Policy and Administration”,inAri-Veikko Anttiroiko (dir.),Electronic Government: Concepts, Methodologies, Tools, and Applications, Hershey, IGI Global, 2008, p. 3819-3837.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(16)

Figure 7 : Message d’avertissement pourFilm lovers will love this. Capture d’écran du 11 avril 2011.

Source : YouTube

informations, disposer d’un outil interactif ou simplement développer sur Internet leurs relations publiques. Mais dans chacun des cas, les efforts entrepris sont balbutiants. Lors de la mise en place des sites Internet des gouvernements européens, ceux-ci n’étaient presque tous que des versions améliorées de la brochure institutionnelle ; de la même façon, sur les sites Internet personnels des membres du Parlement, les nouvelles opportunités de communication ne sont pas complètement exploitées48. À la fin de la première décennie des années 2000, les chaînes des personnalités politiques européennes et des gouvernements ressemblent davantage à des archives destinées à la télévision et YouTube. Elles sont essentiellement mobilisées comme outils de diffusion, mais ne sollicitent que très marginalement l’interactivité avec les utilisateurs.

Les « vifs débats » et les millions de vues de la chaîne EU Tube annoncés en octobre 2007 par la Commission européenne sont le fait d’une seule vidéo, la plus commentée sur EU Tube durant les deux premières années (Film lovers will love this (figure 7)). Toutefois, les nombreuses visites dont profite la vidéo s’accompagnent de jugements très défavorables. Comme cette dernière montre des scènes explicites à caractère sexuel, une limite d’âge est finalement fixée. Des familles catholiques polonaises aux conservateurs britanniques eurosceptiques, de nombreuses voix expriment leur mécontentement face à cette vidéo49. Or,

48. Thomas Zittel, “Political communication and electronic democracy”,op. cit.

49. Nicola Smith, “Gasps All Round over the EU’s Dirty Movie”, The Times (RU), 1erjuillet 2007 <http://www.timesonline.co.uk/tol/news/uk/article2010500.ece>. En 2011, Joventut Socialista de Catalunya a essayé d’encourager de jeunes Catalans à voter en publiantVotar és un plaer. Cette vidéo, qui recourait à l’humour et aux insinuations à caractère sexuel, a reçu d’intenses critiques de tous les milieux politiques, commeFilm lovers. . ., plus centrées sur les aspects controversés que sur le message politique.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(17)

les commentaires publiés sur YouTube n’en témoignent pas immédiatement : en parcourant les commentaires, on constate que ces derniers semblent faire l’objet d’une forte modération. En effet, certains utilisateurs se disent surpris d’être les premiers à commenter une vidéo qui a pourtant été déjà visionnée par un certain nombre de personnes (du type « Waouh ! Plus de 280 vues et je suis le premier à faire ce commentaire ???? »). La discussion est malgré tout largement polarisée, et bien que certains utilisateurs apprécient l’approche plus légère adoptée par la Commission dans la vidéo, c’est surtout l’indignation qui domine. La vidéo est ainsi jugée pornographique : les internautes la déplorant regrettent la façon dont

« l’Europe gaspille l’argent des taxes ».

Des vidéos controversées comme celle-ci ou celle, plus récente, intituléeScience:

It’s a girl thing! (publiée en juin 2012), qui, à la suite de nombreuses plaintes, a été retirée par la Commission, ont gagné en visibilité du fait des vives critiques dont elles ont été l’objet. Toutefois, les représentants officiels des institutions européennes continuent à vanter leurs mérites et les présentent comme des succès dans la mesure où elles ont généré audience et commentaires50.

De plus, les propos virulents (flaming) et les messages polémiques (trolling) ont réussi d’une certaine manière à entraver la discussion sur la chaîne d’EU Tube, en particulier pour les nouveaux arrivants. Dans le commentaire d’un billet publié sur le blog de Margot Wallström51, au sein duquel elle évoque la chaîne européenne sur YouTube, un utilisateur se plaint de ce problème :

Selon mon expérience personnelle avec le forum d’EU Tube, je trouve qu’il attire des personnes au niveau moins élevé et peu courtoises. J’ai été insulté, calomnié et traité de tous les noms sur ce forum. Le niveau d’intelligence est faible et fermer le forum améliorerait l’ambiance d’EU Tube.

Néanmoins, un autre utilisateur indique qu’il s’agit peut-être d’une perception injustifiée :

[en s’adressant au premier utilisateur], il y a des gens agréables sur EU Tube. Mais je suis d’accord avec vous dans une certaine mesure en ce qui concerne le langage utilisé. Toutefois, certains y participent depuis longtemps et les « insultes » sont en fait des plaisanteries entre eux. Je reconnais que les nouveaux venus, de ce que j’ai pu apercevoir, ont parfois reçu des commentaires très durs.

En dépit d’une explicitation, sur EU Tube, des règles contre le discours xénophobe ou incitant à la haine, et plus globalement contre les propos agressifs, contrôler les commentaires s’avère difficile pour la Commission européenne. Le modérateur intervient rarement sur le forum dans la page de présentation d’EU Tube et lorsqu’il prend part à la discussion, c’est principalement en réponse à des accusations de censure (qui sont d’ailleurs niées). Des changements dans la

50. Meghna Sachdev, “Harsh Reviews for European Commission Video Aimed at Closing Science Gender Gap”,ScienceInsider, 2012, <http://news.sciencemag.org/scienceinsider/2012/06/harsh-reviews- for-european-commi.html>.

51. Wallström, Margot, “Prague in winter dress and the naked truth about EUTube”, blog de Margot Wallström, 9 janvier 2009, <http://blogs.ec.europa.eu/wallstrom/prague-in-winter-dress-and- the-naked-truth-about-eutube/>.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(18)

Figure 8 : Exemples de vidéos avec des commentaires désactivés. De gauche à droite et de haut en bas :Mads Mikkelsen—Let your voice be heard!(EU Tube), « Discurs [sic] sur l’adoption des

modifications du Traite » (Barroso),World AIDS Day 2010(Number10gov) et « Sarko Ho Ho » (NicolasSarkozy). Captures d’écran du 2 mars 2011.

Source : YouTube

Commission Barroso en 2010 semblent avoir eu un impact sur l’attitude adoptée à l’égard des commentaires publiés sur YouTube : le forum est définitivement supprimé et les commentaires de certaines vidéos mises en ligne les premiers mois sont désactivés, y compris ceux qui sont associés aux vidéos encourageant la participation citoyenne.

Ne pas permettre les commentaires de vidéos est une pratique couramment utilisée par les personnalités politiques et les organisations politiques sur YouTube : c’est le cas du précédent président de la Commission européenne, du Parlement européen mais aussi des responsables nationaux de gouvernements et ce, même pendant les campagnes électorales (voir figure 8). En ce sens, l’étude des pratiques médiatiques sur YouTube n’est pas sans rappeler l’activité communicationnelle des hommes politiques sur leurs blogs : l’interaction réelle se situe bien en deçà de ce qu’ils nomment les « idéaux normatifs de conversation »52.

Avant YouTube, les blogueurs ont déjà dû faire face au trolling, flaming et aux spams sur leurs blogs. C’est la raison pour laquelle certains suppriment les commentaires tandis que d’autres contrôlent les publications. Néanmoins, l’utilisation des options de gestion des commentaires n’est pas sans conséquence :

52. Stephen Coleman, Giles Moss, “Governing at a Distance—Politicians in the Blogosphere”, Information Polity, 13, 2008, p. 7-20.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(19)

elle induit une diminution du « volume potentiel global de la sphère de commentaires »53. Depuis les premières années de YouTube, les adeptes de ce site sont réticents aux « mécanismes de correction », afin de conserver leur liberté de parole et l’accès à des critiques constructives54. Les décisions gouvernementales, relatives à la désactivation des commentaires, sont considérées comme une entrave aux discussions démocratiques et peuvent provoquer une réponse très négative.

Comme l’a montré Hess55, en interdisant la publication de commentaires sur sa chaîne, le bureau gouvernemental aux États-Unis a conduit les usagers à rediffuser la vidéo sur YouTube et ainsi permettre aux internautes de la commenter. La discussion a dès lors revêtu un ton plutôt négatif.

La présence politique sur YouTube n’a pas répondu aux attentes telles que définies dans les rapports officiels, dans la mesure où le site ne s’est pas transformé en un forum qui rassemblerait les citoyens autour des questions européennes.

Lorsque les interventions d’utilisateurs sont nombreuses, elles sont liées à une controverse, qui regarde moins le contenu des sujets que les choix formels adoptés, en particulier lorsque les vidéos sont porteuses de connotations sexuelles.

Une grande partie du contenu des vidéos en ligne n’est qu’une réutilisation de productions télévisuelles. Dans de nombreux cas, les chaînes ne publient guère plus qu’une collection d’apparitions publiques : ceci apparaît clairement dans le cas de la présidence portugaise ou de la famille royale britannique. Même si le président Cavaco Silva s’adresse directement aux utilisateurs en ligne lors du lancement de la chaîne et même s’il est possible de suivre les préparatifs d’un mariage royal en détail, nous sommes encore très loin d’un engagement citoyen tel qu’il est annoncé dans les plans d’action. Les possibilités d’interaction sur YouTube telles que les décrit Steve Grove ne semblent pas favoriser d’elles-mêmes le « débat et le dialogue » entre les élus et les citoyens, objectif pourtant explicite des documents stratégiques.

Cet échec est attribué au mode de communication choisi par les gouverne- ments : ces derniers adoptent le « modèle traditionnel du fournisseur/producteur d’informations face au client », alors que les citoyens souhaitent quant à eux le

« dialogue »56. De plus, comme Dominique Cardon l’a souligné, les pratiques politiques des utilisateurs d’Internet sont imprédictibles et ceux-ci opposent une résistance notable au principe d’un « débat sur commande ». En réalité, de telles initiatives ont contribué à alimenter la déception et à décourager la mobilisation et la motivation des citoyens57. Une telle réticence à s’engager dans une communication bilatérale peut donc résulter de l’impression qu’il ne s’agit que d’une simulation de dialogue. En effet, dans une conversation dite authentique, les citoyens peuvent interrompre et leurs questions ne peuvent être ni résumées ni

53. Gilad Mishne, Natalie Glance, “Leave a Reply: An Analysis of Weblog Comments”, inThird annual workshop on the Weblogging ecosystem,Edinburgh, Scotland, 2006.

54. Patricia Lange, « Commenting on Comments », art. cit.

55. Aron Hess, “Resistance up in Smoke: Analyzing the Limitations of Deliberation on YouTube”, Critical Studies in Media Communication, 26, 2009, p. 411-434.

56. María Bakardjieva,Internet Society: The Internet in Everyday Life, Thousand Oaks, Sage, 2005.

57. Dominique Cardon,La démocratie Internet: promesses et limites,Paris, Seuil, 2010.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(20)

sélectionnnées. Par conséquent, bien que le dispositif encourage la participation, le processus est entièrement géré par l’élu, le candidat ou l’institution politique.

Ainsi, son image « reste dialogique sans être dialogale.Dialogique, car elle intègre l’autre dans son propre discours mais pasdialogale, puisqu’il n’y a pas de véritable échange. »58

Comme le scepticisme relatif à la participation des citoyens a des racines culturelles très profondes, le processus peut être long et des changements sont toujours possibles. Selon Gabriel Tarde, la parole a d’abord été utilisée pour émettre des monologues, bien avant les conversations : « [l]e dialogue n’est venu qu’après, conformément à la loi d’après laquelle l’unilatéral précède toujours le réciproque »59. Si la communication politique sur les sites de vidéos en ligne ne suit pas cette direction, elle ne pourra pas contribuer à lutter contre le manque de communication européenne et le déficit démocratique, ni à changer les perceptions négatives à l’égard des personnalités politiques et le projet européen.

CONCLUSION

Les institutions politiques rencontrent des difficultés pour se départir de leur image négative. Elles sont en effet accusées de manipuler l’opinion publique et d’organiser leur propagande avec les fonds publics60. De telles accusations ont une longue histoire et il est indéniable que la communication institutionnelle de l’Union européenne poursuit et a toujours poursuivi des fins politiques.

Du temps de Jean Monet, « l’information était une façon de promouvoir le projet politique (la création d’une union politique entre les pays) qui se cachait derrière les premiers règlements énergétiques »61. De nos jours, les documents européens fournissent classiquement à leurs destinataires un ensemble d’informations, mais ils associent également les politiques de communication en ligne au développement de l’insaisissable sphère publique européenne, en plus de la dissémination d’information. Pour les acteurs institutionnels et politiques de l’Union européenne, remplir de tels objectifs ne revient pas à manipuler l’opinion publique. La commissaire Wallström a défendu la DG COMM contre les attaques d’un groupe de réflexion conservateur suédois en affirmant : « Notre tâche [. . .]

est de stimuler le débat et la discussion sur différents thèmes européens qui nous concernent tous. Ce n’est pas de la propagande, le but est de renforcer la démocratie. »62

Cela étant dit, il ne peut exister d’interactions si les institutions européennes se contentent d’encourager le débat sans s’y engager et sans répondre aux contribu- tions des citoyens, comme ce fut le cas lors d’expériences précédentes de forums de

58. Mots mis en évidence dans la version originale, Galia Yanoshevsky, « L’usage des vidéoblogs dans l’élection présidentielle de 2007 », art. cit., p. 63.

59. Gabriel Tarde,L’opinion et la foule[1901], Paris, PUF, 1989, p. 46.

60. Aron Hess, “Resistance up in Smoke”, art. cit.

61. Olivier Baisnée, “The European Public Sphere Does Not Exist (At Least It’s Worth Wondering. . .)”, European Journal of Communication, 22, 2007, p. 498.

62. Traduit des citations dans le journal en ligneEUobserver<http://euobserver.com/news/28505>.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(21)

discussion mis en place par des gouvernements locaux du Royaume-Uni63. De plus, la possibilité de moduler la publication des commentaires, bien qu’elle soit utilisée pour contrôler la possible monopolisation du débat par des forces perturbatrices, est souvent perçue comme une atteinte à la liberté d’expression. Les options de gestion des commentaires peuvent affecter le pluralisme des opinions et posent question, quant au rôle du modérateur : est-il un participant, un animateur ou, comme cela est souvent le cas, un « policier » ? Coleman et Blumler nous rappellent l’importance des « compétences de modération » qui peuvent aider à faire entendre les voix silencieuses64.

Malgré les efforts de l’Union européenne pour essayer de s’adapter aux médias numériques, en particulier aux médias sociaux, celle-ci doit satisfaire à un ensemble de règles qu’elle ne définit pas elle-même et qui sont celles de dispositifs distincts. YouTube, Facebook, Twitter, ces sites déterminent tous leurs propres conditions d’utilisation. De façon générale, la manière dont la Commission européenne gère sa chaîne YouTube est similaire à celle des responsables politiques nationaux européens en la matière. De fait, le contenu mis en ligne n’est ni très créatif ni original, et l’interactivité est limitée. Cela a été observé pour les partis politiques britanniques : « [ils] ont sauté dans le train du Web 2.0 mais ils freinent et tirent sur les rênes afin de rendre leur traversée plus confortable »65. Cette utilisation des médias sociaux, hésitante et contrôlée, a des conséquences sur la façon dont les citoyens acceptent leur présence dans ces espaces digitaux. Les vidéos formelles n’ont pas vraiment réussi à capter l’attention des auditeurs de YouTube, ni à donner une image favorable des personnalités politiques. Les changements de style qui visaient à « adopter la culture Internet » n’ont pas eu le succès escompté. Seul l’humour semble pouvoir attirer l’attention lorsqu’il vise à railler les personnalités politiques, en les prenant au dépourvu ou en procédant à leur satire.

Selon Akhil Gupta, une organisation transnationale comme la Commission européenne rencontre des difficultés à cultiver une « communauté imaginée », dans la mesure où, contrairement aux nations, elle ne dispose pas de la couverture médiatique nécessaire à sa représentation. Au XXIesiècle, ce panorama change, avec l’avènement de « nouveaux espaces audiovisuels européens »66. Un site Internet comme YouTube pose un défi de communication aux institutions européennes et aux personnalités politiques : ces derniers persistent à essayer de comprendre le fonctionnement et la gestion des médias numériques, mais, souvent, sans modifier en profondeur leurs relations avec les citoyens.

63. Scott Wright, “Design Matters: The Political Efficacy of Government-Run Online Discussion Forums”,inSarah Oates, Diana Owen, Rachel K. Gibson (dir.),The Internet and Politics: Citizens, Voters and Activists, Londres, Routledge, 2006, p. 80-99.

64. Stephen Coleman, Jay G. Blumler,The Internet and Democratic Citizenship: Theory, Practice and Policy,Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 174.

65. Nigel A. Jackson, Darren Lilleker, “Building an Architecture of Participation? Political Parties and Web 2.0 in Britain”,Journal of Information Technology & Politics, 6, 2009, p. 248.

66. Erik O. Eriksen, “Conceptualising European Public Spheres. General, Segmented and Strong Publics”,inJohn Erik Fossum, Philip Schlesinger (dir.),The European Union and the public sphere: a communicative space in the making?, New York, Routledge, 2007, p. 23-43.

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(22)

Bibliographie

Baisnée Olivier “The European Public Sphere Does Not Exist (At Least It’s Worth Wondering. . .)”,European Journal of Communication, 22, 2007, p. 493-503

Bakardjieva María,Internet Society: The Internet in Everyday Life, Thousand Oaks, Sage, 2005 Burgess Jean, “‘All Your Chocolate Rain Are Belong to Us?’ Viral Video, Youtube and the Dynamics of Participatory Culture”,inGeert Lovink, Niederer Sabine (dir.),Video Vortex Reader: Responses to YouTube, Amsterdam, Institute of Network Cultures, 2008, p. 101- 109

Cardon Dominique,La démocratie Internet: promesses et limites, Paris, Seuil, 2010

Coleman Stephen, Blumler Jay G.,The Internet and Democratic Citizenship: Theory, Practice and Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 2009

Cunha Carlos, Voerman Gerrit, “The Digitalization of the West European Party Systems: Public Policy and Administration”,inAnttiroiko Ari-Veikko (dir.),Electronic Government: Concepts, Methodologies, Tools, and Applications, Hershey, IGI Global, 2008, p. 3819-3837

Dias da Silva Patrícia, « Le Langage Politique de YouTube : Créativité et Subversion »,in Proulx Serge, Garcia José Luís, Lorna Heaton (dir.),La contribution dans l’univers des médias numériques. Pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel, Québec, Presses de l’université du Québec, 2014, p. 77-89

Dutton William, Peltu Malcom, “Reconguring government-public engagements: Enhancing the comunicative power of citizens”,OII, Forum Discussion Paper, 2007

Gervais Jean-François, « L’émergence de La Vidéo Sur Le Web : Facteurs et Contextes », Documentaliste – Sciences de l’information, 47, 2010, 30-33

Gupta Akhil, “The Song of the Nonaligned World: Transnational Identities and the Reinscription of Space in Late Capitalism”,Cultural Anthropology, 7, 1992, p. 63-79 Habermas Jürgen,Europe: The Faltering Project, Cambridge, Polity, 2009

Hess Aron, “Resistance up in Smoke: Analyzing the Limitations of Deliberation on YouTube”,Critical Studies in Media Communication, 26, 2009, p. 411-434

Jenkins Henry, “Why Mitt Romney Won’t Debate a Snowman”,inJonathan Gray, Jones Jeffrey P., Ethan Thompson (dir.),Satire TV: Politics and Comedy in the Post-Network Era, New York, New York University Press, 2009, p. 187-209

Karpf David, “Macaca Moments Reconsidered: Electoral Panopticon or Netroots Mobiliza- tion?”,Journal of Information Technology & Politics, 7, 2010, p. 143-162

Koskinen Kaisa, “Social Media and the Institutional Illusions of EU Communication”, International Journal of Applied Linguistics, 23(1), 2013, p. 80-92

Lange Patricia G., “Commenting on Comments: Investigating Responses to Antagonism on YouTube”,Annual Conference of the Society for Applied Anthropology, Tampa, Florida, 2007

Losh Elizabeth, “Government Youtube. Bureaucracy, Surveillance, and Legalism in State- Sanctioned Online Video Channels”,inLovink Geert, Sabine Niederer (dir.),Video Vortex Reader: Responses to YouTube, Amsterdam, Institute of Network Cultures, p. 111-124 May Albert L., “Who Tube? How YouTube’s News and Politics Space Is Going Mainstream”,

The International Journal of Press/Politics, 15, 2010, p. 499-511

Miller Toby, “Cybertarians of the World Unite: You Have Nothing to Lose but Your Tubes!”, inSnickars Pelle, Vonderau Patrick (dir.),The YouTube Reader, Stockholm, National Library of Sweden, 2009, p. 424-440

Millerand Florence, Proulx Serge, Rueff Julien (dir.), Web Social. Mutation de La Communication, Québec, Presses de l’université du Québec, 2010

Monaco James,How to Read a Film: The World of Movies, Media, Multimedia: Language, History, Theory, Oxford, Oxford University Press, 2000

© NecPlus | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

Références

Documents relatifs

Le test de concordance, conçu pour ex- poser les participants à des tâches de la vie professionnelle réelle dans toute leur complexité et vérifier dans quelle mesure leurs

Il lui manque 12 € pour s’acheter une paire

Il pose une pierre sur la première marche d’un escalier, 2 sur la deuxième, 3 sur la troisième et ainsi de suite.. Quand il a fini, il compte

Marmoleum Striato FR offre une palette de couleurs neutres avec des tons chauds et des tonalités de gris allant de la plus claire à la plus foncée, lui conférant un aspect naturel

- Le lien qui unit Odette à Rudy est un lien filial (mère/fils). 0,5 point par personnage. 1 point pour le lien évoqué. 1 point pour une raison justifiée. 3) Le changement

Pour les maîtres d’ouvrage, la confronta- tion directe avec l’hétérogénéité des acteurs concernés par les projets qu’ils défendent, confrontation systématisée

▪ Utiliser les techniques des enquêtes CAWI pour détecter les répondants douteux (moins de 5% de répondants éliminés dans l’enquête Community Life) :. ▪ Tests

Ainsi, ce détail (qu’est le rapport entre le commentaire et le discours à propos de l’expérience) aurait pu passer inaperçu, mais une analyse fine et systématisée des traces