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CAHIERS DU CINÉMA N 20 REVUE DU CINÉMA ET DU TÈLÊCINÉMA FÉVRIER 1953

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CAHIERS

DU CINÉMA

N° 20 • REVUE DU CINÉMA ET DU TÈLÊCINÉMA • FÉV RIER 1953

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NOUVELLES DU

CINÉMA

Une scène J e THE ©REATEST S H O W O N EARTH (Sous le plus grand chapiteau du m onde) le nou vea u film en t e c h n i c o l o r d e C e c i l B.

DeMiMe. On r e c o n n a î t (e n l 'a î r ) Betty H u t t o n et, assis à d r o i te , J a m e s S t e w a r t , c o s t u m é en clown ( ParqmounfJ.

SUEDE

• Alf Sjôberg p répare son treizième film.

Son douzième film, commencé en mars 1952, en est au montage final. Il s’agit de Barabbas, dram e biblique, réalisé d’après un rom an de P a r Lagerkvist et dont Ulf Palme interprète le rôle principal. Son nouveau film est l’adap­

tation d ’un drame historique d ’Auguste Strindberg : « E rik XIV », qui fut joué avec beaucoup de succès au Théâtre Royal de Stockholm en automne 1950 avec Ulf Palme qui reprendra son rôle clans le film avec comme partenaire UUa Jacobson, la jeune

• Un autre drame de Strindberg : The' Crown Bride, sera porté à l’écran par Arne Mattsson.

ITALIE ‘

• L ’Homme, la bête et la vertu, d’après Pirandello, aura pouf interprètes Viviane Romance, Toto et Orson AVelles.

• Rossellini racontera dans Duo les aven­

tures d’un couple d’étrangers en Italie. Les étrangers seront Ingrid Rergman et George Sanders.

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Yvonne De C a r l o e s t fa v e d e f t e , a v e c Rock H ud s on d o SCARLET A N G E L (Une fille à Bagarres), film e n T e c h n i c o l o r d e Sïdney S alk ow q u e p r é s e n t e n t les c i n é m a s C a m é o , Les Im ag es , M o n t e - C a r l o e t Rttz (Universal-inter- natîonal) .

• Renato Castellani est allé jusqu’en Irlande choisir ses interprètes pour Roméo et Juliette qui sera réalisé en couleurs à Vérone et à Sienne. Castellani cumulera dans cette entreprise les fonctions d’adaptateur, de metteur en scène et d ’architecte-décorateur.

mais la publicité de ces producteurs dans son quotidien du matin Daily Express qui tire à plus de quatre millions d ’exemplaires.

Cette mesure contre la dictature de la publi­

cité coûte à Lord Beaverbrook un budget annuel d ’environ 250 millions de francs.

ANGLETERRE

• Les producteurs de films américains à Londres ont retiré leur publicité à L ’Evening Standard et au Sunday Express en alléguant le ton de certaines des critiques de films parues dans ces journaux. Lord Beaverbrook, propriétaire de ces deux journaux, a décidé, p ar mesure d[e rétorsion, de refuser désor­

ALLEMAGNE

• Veit Harlan, réalisation de La ville dorée et du Juif Süss, n’est plus interdit.

Il a tourné à Capri une comédie intitulée Tu ne te connais pas.

• Hans Albers revient au théâtre en jouant Liliom sur les scène américaines.

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F r é d é r i c M a re h e t Mildred Dunnock d a n s DEATH O F A SA LES M AN (La mari d'un commis vo yageur), e x t r a o r d i n a ir e t r a g é d i e c i n é m a t o ­ g r a p h i q u e r é a l i s é e p a r Laslo Bene dek d ' a p r è s la p i è c e d 'A r t h u r Miller (Production Stanley Kramer pré sentée par C olum bia).

FRANCE

• Jean Grémillon choisira à Rome les p a r ­ tenaires de Micheline Presles pour L ’Amour d ’une femme, qu’il va tourner sur un scéna­

rio de René Wheeler.

• Sacha Guitry portera sans doute à l’écran N ’écoutez pas Mesdames avec tous les créateurs de la pièce. Le théâtre en conserve

— à ne pas confondre avec le « théâtre filmé » genre Les Parents Terribles — a la vie dure.

• Comme nous l'avions déjà annoncé, il

Spaak, les dialogues de Spaak et le début du tournage est fixé à fin février.

• La jeune suédoise Ulla Jacobson, révé­

lée par Elle n’a dansé qu’un seul été, a été pressentie pour être, en F rance, l ’interprète de Le Dortoir des grandes, de H enri Decoin.

• Au printemps, Jean R enoir tournera en France un scénario qu’il a tiré de la nou­

velle de Tourgueniev, Premier Amour. Le film sera en couleur, aura deux versions, une française, une anglaise. In terp rète p rin c i­

pale : Danièle Delorme. T itre possible : Les

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C A H I E R S D U C I N É M A

K F V U £ M E N S U E L L E OU C I N É M A ET DU T É L É C J N É M A

146, CHAMPS-ELYSÉES, PARIS (8e) - ÉLYSËES 05-38

RÉDACTEURS EN CHEF : L0 DU C A, J. DONIOL-VALCROZE ET A. BAZIN

TOM E III

DIRECTEUR-GÉRANT : L. KEIGEL

N° 20 FEVRIER 1953

SOMMAIRE

C e s a r e Z av at ti ni . . . . G e o r g e s C h a re n s o l . . Mich el D o r sd ay J e a n Mttry ...

XXX ...

M a rc e l L’H e r b i e r . . XXX ...

H e r m a n G. W e î n b e r g XXX ...

LES FILMS :

J a c q u e s Rivefte ...

J e a n - L o u i s T a l l e n a y ...

Michel Do rsd ay ... ..

Lotie H. Eisner ...

M.D., M.T., D.V., A. e t A.B.

Salut à C h a p l i n ... ... 4 N a iss a n c e d'un f i l m ... 5 M iso g y n ie du cin é m a am éricain ( f i n ) ... 1 0 Thomas H. Ince, premier dram aturge d e l'écran ( I f ] , 2 0 N o u v e lle s du C in ém a ... 3 0 M arcel L'Herbier co n clu t ... 33 R echerche du Cin ém a (Tribune d e la F.F.C.C.) . . . . 3 4 Lettre d e N e w York ... 3 8 Notre e n q u ê t e sur la critique (Les auteurs) ... 41

*

Un n ouveau v is a g e d e la pudeur (Un été pro d ig ieu x ). 49 P agnol a v a it raison (Manon des Sources) ... SI S o le ils d o Bunuel (Subîda a l C/e/o, Suzana) , ... 54 A la s e c o n d e vision (Der Yerlorene) ... 57 N o t e s sur d 'autres films (Elle e t moi, M . Denning

Drives North, i t Growns on trees, Le G rand Concert, Lone Star, Il camino d élia sperania, The Mask o f Dîmifrios, The Planter's W H e ) ... 60

Fl ore nt Kirsch J . D.-V.

F.L...

Le Prix C a n u d o ... 62 Livres d e C iném a (« M . Carné » d e B. G. Landry). 63 La Revue d e s Revues ... ... 6 4

Les photographies qui illustrent ce numéro sont dues à l'obligeance de : Gaumont, Métro Goldwyn Mayer, A. Pressburger, Fox, Paramount, Jean Mitry, Universal, Argos Films,'Lo Duca, Columbia, Pro- cinex, Altolaguire, J. Arthur Rank Organisation, Victory Films, Artistes Associés, Hoche Production.

Les artic le s n 'e n g a g e n t q u e leurs a u t e u r s - Les m anuscri ts son t re n d u s

Tous droits ré sem s - Copyright Ly LES ÉDITIONS DE L'ÉTOILE, 2 5

,

Bd Bon ne- N ouvelle, PARIS (2e) R. C. Seine 326.525 B.

NOTRE COUVERTURE

A n n a M a g n a n i d a n s LE CARROS SE D'OR, n o uv ea u film en c o u l e u r d e J e a n Renoir, q u e p r é s e n t e n t en exc lusivité

« Le Paris » e t « L'Ol ym pi a » (H oche Production-Panaria Films d i s t r i b u é p a r C o ro n a ).

S

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Cesare Zavattini

SALUT A CHAPLIN

Lors de son récent passage en Italie

,

Charlie Chaplin a été reçu au Centre Expérimental du Cinéma

,

à Rome. Au nom de tous ses camarades

,

Cesare^'avattini lui a souhaité la bienvenue en termes que nous croyons intéressant de reproduire ici.

Monsieur,

J ’ai le très grand honneur de vous offrir, au nom du cinéma italien, cet album où précisément, sur rinitiative du Cercle Rom ain du Cinéma, m etteurs en scène, écrivains, critiques, acteurs, musiciens et décorateurs ont tenu à apposer leur signature pour vous témoigner une fois encore leur dévouement.

Monsieur Chaplin, dimanche soir vous avez dit que parler pour être ensuite traduit c’est comme faire boire du café réchauffé. Nous aurions voulu, nous aussi, trouver une manière de vous exprimer nos sentiments plus directe et moins solennelle que celle-ci. E t précisément parce que nous sommes vos compagnons de travail, nous aurions voulu vous convaincre, par exemple, que nous vous admirons plus et mieux que ne savent faire les autres. Mais comment y parvenir...? Dans ce concours d ’admiration, nul ne réussit à se classer premier. Car tout le monde arrive bon premier. Il ne reste donc q u ’à dire, en brodant autour d ’une phrase qui vous appartient, q u ’il ne faut pas désespérer de Tavenir du monde si tan t d ’hommes divers et souvent m êm e hostiles entre eux tombent d’accord pour vous aimer et vous comprendre.

Monsieur Chaplin, vous avez dit que le cinéma italien est clair, simple, humain, épris de vérité. Toutes vos œuvres, la première autant que la dernière, reflètent également clarté, simplicité, hum anité, désir de vérité. Aussi puis-je vous dire que, nous tous, vous avons toujours considéré comme notre m aître...

avec quelque chose de plus.

Vous avez dit aussi : Ce qui im porte est que le cinéma serve la vérité. L a vérité est la connaissance de la réalité; il ne faut donc pas avoir peur du ciném a dès lors qu’il sert ce principe ; il faut remercier le cinéma qui, chaque jo u r davantage servant ce principe qui vous est cher, prend sa responsabilité d’instrum ent de culture. Car dans le monde il y a des millions d ’hommes qui, seulement p ar une conscience plus précise de la réalité, peuvent enfin atten d re des autres hommes compréhension et justice.

Cher Chaplin, cher Chariot, revenez bientôt parmi nous, revenez en Italie, venez revoir notre peuple qui vous aime. V otre passage a été trop bref.

Mais l’hum ble clown — ainsi que vous vous êtes appelé — nous laisse, à nous

« gens du cinéma », une lumineuse indication : sa gloire est avant to u t fille de cohérence.

( r r a d . de L o D u c a ).

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Georges Charensol

NAISSANCE D ’UN FILM

Sous le titre « René Clair et Les Belles-de-Nuit », G. Charensol va publier, dans la collection Septième Art, une étude où il s’eff orcera de situer le 22e film de René Clair dans Vœuvre de cet heureux auteur. Dans le chapitre que nous publions G. Charensol nous révèle les conditions imprévues dans lesquelles naquit la pre7iiière ébauche du scénario des Belles-de-Nuit.

Si, après l’achèvement de cliacun de ses films, René Clair, échappant à l’euphorie du studio, se retrouve en face de ses inquiétudes, cette échéance était plus lourde encore qu’à l’ordinaire quand, à la fin de 1949, il eut présenté La Beauté du Diable.

En effet» après cinq armées passées à Hollywood pendant la guerre, il avait voulu reprendre contact avec la France par une œuvre où se conjugueraient son amour de Paris et l’expérience sentimentale d’un homme de cinquante ans. Le Silence est d’or répondait exactement à ces désirs et constituait, de plus, un juste hommage à ces pionniers du cinéma q u’il avait découverts au début du siècle, au « Gab Ka », un cinéma des Boulevards, et envers lesquels il n ’a jamais renié ses dettes.

On fit, discrètement, au Silence est d ’or, le reproche d’être une oeuvre facile car l’idée de demander à Mauriac d’écrire un roman rose ne viendrait à personne ; de René Clair, en revanche, on attend qu’il se renouvelle sans cesse.

C i'd c s s u s : R ené C lair, C i-contre : s u r le p la te a u des B e lle s-d e -N u it,

De clos : M a rtin e C arol.

P a r l a n t : René C lair.

E c o u ta n t : G é ra rd P liilipe ,

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Il ne fut pas insensible à ces remarques et se tourna vers un « grand mythe », celui de Faust. Dans son oeuvre, La Beauté du Diable, est plus insolite par son apparence que p ar son fond dans lequel on rencontre bien des idées qui lui sont chères. Mais elles sont présen­

tées sous une forme si inhabituelle que beaucoup né reconnurent pas dans ce film le René Clair qu’ils aimaient. Après l’avoir amicalement supplié de sortir de ses thèmes et de ses cadres familiers, nous étions prêts à lui faire le reproche d’avoir trop bien suivi nos conseils. Il se trouvait donc, à cette époque, dans une incertitude d’autant plus grande qu’il avait le légitime désir de rem porter un succès public, dans un m étier où une demi-réus­

site commerciale peut avoir de fâcheuses coïncidences même sur les carrières les plus glo­

rieuses ■— Renoir et Carné ne l’ignorent pas.

Son seul objectif précis était alors de faire un film gai, par opposition à cette Beauté du Diable, d’une grande richesse mais de toutes ses oeuvres celle dont son légendaire sou­

rire est le plus exclu. Lui qui, avec ce film et, bien avant, avec À nous la liberté, a si fortem ent contribué à engager le cinéma dans la voie du social, n ’entendait délivrer, cette fois, aucun « message ». Il souhaitait reprendre ce rôle d’amuseur qu’il a si brillam m ent assumé dans la plupart de ses ouvrages. D’ailleurs n ’est-ce pas encore une fonction sociale que celle qui consiste à distraire, à divertir, à nous contraindre d’oublier la dure réalité qui de toute part nous cerne comme elle cerne le Claude des Belles-de-Nuit ? Comme lui, nous désirons souvent nous réfugier dans le monde du rêve .pour échapper à la condition hum aine. E t ce rêve éveillé que nous faisons dans la salle où l’on projette le film nous voudrions que jamais il ne p rît fin. Nous nous trouvons dans la situation que décrit si bien Casanova quand, sous les plombs de Venise, un indiscret compagnon vient le tirer de son sommeil.

René Clair souhaitait donc tourner un film comique et il désirait le situer au pays du merveilleux, dans le domaine des songes. Enfin, et pour compliquer encore sa tâche, il voulait retrouver la veine du Million et trouver un sujet de comédie musicale.

Ces intentions semblaient, a priori, contradictoires et tenter de les concilier était une redoutable entreprise. Toute l’année 1950 se passa, pour lui, en vaines tentatives. Au long de sa carrière il a accumulé d’innombrables sujets de films. Il possède même des scénarios entièrem ent terminés et qu’il ne tournera jamais.

Il se plongea dans ces vieux papiers. Il esquissa vingt projets nouveaux. Rien, dans tout cela ne correspondait exactement à ce qu’il cherchait, aussi est-ce avec une satis­

faction un peu lâche qu’il accueillit la proposition que lui fit son ami Norman Krasna, alors chef de la production RKO, de venir étudier les projets qu’il désirait lui sou­

m ettre.

En acceptant d’aller passer quelques semaines en Amérique, René Clair était sans illusions. Il était rentré en Prance en 1945 avec trop de joie pour avoir le désir de retra ­ vailler à Hollywood. P ourtant cette demande lui fournissait un prétexte à s’accorder u n sursis dans le travail décevant auquel il se livrait depuis des mois. Peut-être aussi, au fond de lui-même, gardait-il le secret espoir que l’Amérique allait lui fournir le scénario qu ’il cherchait désespérément.

Cet espoir fallacieux se réalisa, en effet, mais nullem ent dans les conditions qu’il aurait pu prévoir. S’il ne fit à peu près rien à Hollywood que revoir des amis et liquider des affaires personnelles; si aucun sujet magique ne passa à sa portée, en revanche quand il en revint, il avait un thèm e bien à lui et qui ne devait rien à personne.

P arti pour les Etats-Unis afin d’oublier ses soucis et bien décidé à prendre deux ou trois mois de vacances, René Clair trouva à New-York le sujet des Belles-de-Nuit. Com­

m ent ce phénomène se produisit-il ? De la façon la plus simple : m ontant la 5e avenue afin de se rendre à un déjeuner où des amis l’attendaient, le postulat se présenta à lui tel, ou presque, que nous le voyons aujourd’hui sur l’écran. Dès la prem ière m inute il ne douta que ce sujet vainement cherché, il l’avait enfin trouvé. I l se rendit donc au restaurant,

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G é r a r d P h i l i p e et Giiia LoIIo- h r i g i d a d a n s l ’cpisodc « a f r i ­ c a in » d e L e s B e lle s-d e -N u it d e René C lair.

s’excusa de ne pouvoir rester, remonta dans sa chambre d’hôtel, p rit une feuille de papier à lettre et écrivit ceci :

New-York 18 avril 1951 en montant la 5e avenue une idée d’ïN TO LE R A N C E comique

Sur la feuille que je recopie il inscrit quelques semaines plus tard : Pascal : le roi et le cordonnier.

Allusion à la pensée de Pascal dont il ne retrouvera le texte exact que lorsqu’il sera rentré à Paris et dans laquelle d’ailleurs il n’est question que d’un Artisan. La voici :

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Si vous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les

;objets que nous voyons tous les jours. E t si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est roi, je crois qu’il serait presque aussi heureux qu’un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu’il serait artisan.

Si nous rêvions toutes les nuits que nous sortîmes poursuivis par des ennemis, et agités par ces fantômes pénibles, et qu’on passât tous les jours en diverses occupations, . comme quand on fait voyage, on souffrirait presque autant si cela était véritable, et on

appréhenderait de dormir, comme on appréhende le réveil quand on craint d’entrer dans de tels malheurs. Et en effet, il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité.

Mais parce que les songes sont tous différents, et qu’un même se diversifie, ce qu’on y voit affecte bien moins que ce qu’on voit en veillant, à cause de la continuité, qui n ’est pourtant pas si continue et égale qu’elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n’est rarement, comme quand on voyage et alors on dit : « Il me semble que je rêve; » car la vie est un songe un peu moins inconstant.

Biaise Pascal — Pensées.

Revenons à cette journée du 18 avril 1951 qui restera, je crois, une date dans la carrière de René Clair. Il est là au 12e étage de l’Hôtel Pierre et il rem plit les deux feuillets que voici :

L ’idée générale : le vieux temps c’était beaucoup mieux. On se plaint du présent. On désespère de Vavenir. Mais n’en a-t-il pas toujours été ainsi ?

Un homme, Paul, désespéré par notre époque. A tous les étages de sa maison tout va mal. La vie augmente, les impôts, les bruits de la guerre, la bombe atomique, etc... Vive­

m ent au lit. Oublier.

Son travail, tous les embêtements. Sa vie privée (marié ou fiancé) ne va pas mieux.

Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux en finir ? Suicide manqué.

I l s’intéresse à l’histoire (étudiant, professeur). E t le soir il rêve. Une vie se crée qu’il retrouvera chaque soir. Il quitte ses amis en hâte. On l’attend : c’est l’action de son ou de ses rêves qui Vattendent.

3 ou 4 histoires du passé (décors synthétiques) qu’il retrouve au point où il s’est arrêté la veille.

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E t pendant que les embêtements s’accumulent dans les aventures qu’il vit la nuit, sa vie réelle semble s'améliorer. I l voit tout d’un œil plus serein. A présent même il craint de s’endormir de peur de retrouver ses embêtements du rêve. Il essaie de passer la nuit dehors. On l’arrête. Il s’endort en prison avec deux ivrognes que son rêve {la Terreur) effraie. Il se réveille ravi d ’être à l’époque actuelle.

Passer d ’une aventure à l’autre en se trompant de costumes, d’un siècle à Vautre se poursuivant... Mélanger les quatre histoires et aboutir à un final simultané. Il épouse les quatre héroïnes, mais il est triste. il s’est donné tant de mal pour si peu de bonheur. Il ne les aime pas. Celle qu’il aime il ne sait pas qui elle est. Il voudrait dormir (dans son rêve) la retrouver. Hélas, elle ne naîtra que dans deux siècles. I l s’éveille. C’est la petite du début qui est auprès de lui —- même banc, même scène, il pleut à verse « comme il fait beau aujourd’hui ».

FIN Et sur le feuillet suivant :

Les 4 époques : 1900 — le romantisme — la Révolution — les Mousquetaires.

Plus tard il notera :

Première idée du scénario : la ligne générale est tracée mais ni le caractère et le métier du héros, ni le milieu ni le lieu de l’action ne sont fixés.

C’est exact, pourtant ce prem ier état contient avec la plus grande exactitude les lignes du film définitif. Certains détails subsisteront tout juste déplacés comme les cri­

tiques sur notre époque que René Clair a finalement mis dans la bouclie du « Vieux Monsieur », ou le faux suicide conservé sous la forme de la crainte qu’éprouvent les amis de Paul — devenu Claude. Dans l’ensemble tout ce que nous verrons sur l’écran se trouve dans ces quelques lignes griffonnées pour fixer une idée venue à l’auteur en se promenant un m atin de printem ps à New-York.

Il semble donc que, ensuite, tout aurait dû être aisé. Ce serait mal connaître celui qui pourrait prendre lui aussi comme devise : « Faire difficilement des choses faciles ».

L’étude des notes, des ébauches, des projets, des indications de tous ordres que le hasard m ’a livrés, me m ontre que, durant des mois, il aura tendance à s’éloigner de sa prem ière idée. Si ce que, d’un jet, en quelques instants* il a griffonné à Nevv-York, nous le retrouverons sur l’écran, une année entière s’écoulera en m arche et en contre-marche jusqu’à ce que le scénario prenne sa forme définitive.

Georges Ch a r e n s o l.

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Michel Dorsday

MISOGYNIE

du cinéma am éricain

II

J ’ai essayé de voir ce que le ciném a am éricain actuel m e sem b lait avoir socialem ent de plus caractéristique : ex p rim er une form e de décom position des structures. II n ’est pas p a ra d o x a l d y trouver encore â ’étonnan tes traces de beau té m ais to ujo u rs dans ce qu’elles possèdent de critique. D ’u n e g r a n d e p o r­

tée révolutionnaire, les films de M ankiewicz ou d’H uston n e s ero n t b ie n tô t pas au tre chose que des feu x d’artifices, des dém onstrations qui n e d éb o u ch en t su r

rien. fcvT

Il nous fa u t ce soir re p re n d re co ntact avec leurs dém ons fam iliers. N ous vîmes ceux-ci, to u r à tour, tra d itio n n elle garce, épouse accap areu se ou m ère tu télaire dont les je u x m ystificateurs, nous l’av o n s'd it, étaien t im p ito y ab lem en t

(13)

mis au jour. Mais ce n ’est pas im p u n ém e n t que l ’on h abitue son esprit à des m éand res aussi subtils. A l ’excès des m auvaises forces qui les avaien t b ri­

més, les démystifiés allaient rép o n d re p a r l ’excès. P u isqu e cette parcelle de liberté leur était offerte, ils allaient, sans limites, en profiter com m e ces enfants qui sortent de pension et que l’on laisse seuls devan t la tentation. La misogynie n ’était plus le thèm e d ’un complot. E lle était devenue u n a r t de vivre, dont Mankiewicz, également, fu t le g ran d prêtre. Elle s ’im m isça dans la m o in dre historiette. Elle fu t générale. E t il n ’est m êm e pas sû r q u ’elle ne soit pas m a in ­ ten an t une sorte de conform ism e d o nt AU about Eve serait le chef-d’œuvre.

Eve nous est donnée com m e un an im al doux et inoffensif qui se rév élera p o r­

tant les pires maléfices qui firent chasser A dam du n a tu rel paradis. Ce n ’est pas sans intention que j ’ai écrit : nous est donnée, car elle n e ch an gera pas, car nous ne p ou rron s pas la changer; Eve, nous le devinons dès les prem ières images, va, d ’un pas sûr, vers le triom p h e que nous savons inéluctable. Il n e s’agit plus alors de lu tte r contre elle m ais de la h aïr. Il s’agit de fa ire p é n é tre r cette h aine en nous de telle façon que nous ne puissions plus m e ttre su r un visage de

De la m iso g y n ie tionsidércc co m m e u n des B e au x -A rts. P l u s q u ’u n e te n d a n c e é p h ém ère, C h a p lin crée u n e m y th o lo g ie . (C h arlie C h a p lin et M a rth a Raye d a n s M o n sie u r V e rd o u x ).

Il

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fem m e que cette hain e ou (si le jeu n ’en v a u t pas la chandelle) la plus sim ple sottise. (Il est caractéristique que la seule fem m e absolum ent sym p a th iq u e du film» l’épouse du d ram aturg e, en fasse l ’aveu : « Je n ’ai jam ais été très fine et très intelligente. »)

Nous n e nous lam entons plus : il nous reste le sarcasme. Si la m iso­

gynie de Mankiewicz avait p u se tein ter d ’affection et d ’un certain charme*

elle n ’est plus qu ’u n rire âp re et féroce : la d u p erie d’Eve réussit a d m ira ­ b lem ent et en face d’elle (dont il joue du p ré n o m avec malice) il a p ein t u n m erveilleux m onstre qui, après s’être révélé, est doucem ent re n tré en lui-m êm e p o u r go û ter avec calm e un bonheur quotidien, la belle farce ! Com édienne d an s sa vie et fem m e ténébreuse, com édienne s u r l ’écran, com édienne dans le th é â tre de cet écran, Bette Davis in carn e beaucoup p lus q u ’un personnage car l’on ne sait bien tô t plus su r quel p la n se placer, le relief est celui de la vivacité quo­

tidienne, toutes les affabulations vaines : B ette D avis n ’est plus en représenta­

tion, la m isogynie nous a am ené à v o ir les ficelles de la mythologie fem elle d ’Hollywood. Mankiewicz se déchaîne : le m o n stre h u rle et m ord, fro tte ses jam b es dans d ’éternelles excitations, crach e sa h aine. L ’hom m e peu t faire sem ­ b la n t de fu ir. Il re v ie n d ra haletant. Tous les hom m es reviendront. Ils a u ro n t beau eux-m êm es se déchaîner, donner des gifles su r des lits d’hôtel, ils sero nt pris, l ’histoire se te rm in e ra sans qu’ils aient le b e a u rôle, m êm e ceux qui s’en v an ten t : le féroce critique p â lit de rage, de jalousie, de désir, d ’am our dev an t Eve. Car — et c’est là toute l ’im p o rtan ce de la nouvelle leçon — s’ils recon­

naissent, s’ils savent désorm ais q u ’ils sont dupés, trahis, bafoués, foulés au x pieds, ils ne p euvent néanm oins éch app er au destin qui les désire tels. L e u r excès finit en haine, et cette haine, définitivem ent les attache et les soumet.

D ans la société p aran o ïaq u e où vivent ces êtres privés de liberté, il n e le u r reste p lus q u ’à se laisser déchirer p a r de fa u x problèm es ou à m ourir.

C’est d’ailleurs ce que fe ra le je u n e h o m m e aigri du S unset B oulevard de Billy AVilder. Comme il était n a ïf aussi de cro ire q u ’il p o u rra it s’éch a p p er p o u r aller ten d rem en t cultiver la p âq uerette. P lu s explicitem ent encore que dans AU about Eve, deux mythologies voisines et c o m m u n e s p a r bien des points se m o n tren t ici, celle d’Hollywood q ue le lo in tain visage de G loria Sw anson personnifie, celle du m a tria rc at, qui ab o u tit à cette m isogynie carnassière qui ne p eu t finir que p a r la p ein tu re d’une folie exaspérée et rugissante qui conduit

au m eurtre.

C’est la leçon d’une im puissance d ev ant la m o rt ou la dég rad atio n de l’homm e. Si celui-ci veut s ’échap per il n e lui reste q u e la p etite p o rte : celle de service. E ncore fau t-il q u ’il ait une âm e à toutes épreuves et p rête aux am bi­

guïtés. E ric von Stroheim, le lo u rd aristocrate, se tra n sfo rm e donc en v alet et cache sous son visage inv ariab lem ent m a rq u é p a r son génie, un m ép ris et une iro n ie sans lim ites bien sûr, et c’est im p o rtan t, m ais dans les gestes p ré ­ cis et glacés nous devinons la passion, une passio n incroyable q u ’il sait peut- être m éprisable, m ais définitive. Que p eu t bien fa ire alors m épris et iro n ie ? N ’est-ce pas l’alibi de la révolte ? Celle-ci est devenue im possible à tout ja m a is p o u r cet hom m e-là : sa passion l’a soumis, il a fini p a r en accepter les lois, p a r com poser avec elle, p a r s’en délecter avec le sado-m asochism e des époques qui m eurent. Son entreprise, dès l’origine, était vouée au suicide, et il n ’est pas si sû r q u ’il n e l’ait pas v o ulue ainsi. L a m o rt d u jeu n e H olden était au fond moins im p o rtan te : W ild e r l’a m ise au d éb u t de son film, elle est fatale. Il n ’y a pas ici place p o u r la sincérité, eût-elle, u n instant, existé. S u n set boulevard, film où les rôles se confondent, eut u ne im m ense audience que

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H u m ilia tio n v ic to rie u se de la fem m e qui p le u r e m a i s p a r ses c ris a c q u ie r t u n tr io m p h e d é r is o ir e et e m p o is o n n a n t. (Anne B a xte r et George Sandfers d a n s Eue de J . M a n k ie w ic z ).

d ’autres films, plus précis encore, n’eu ren t point. Je n ’en veux p re n d re comme D*

exemple que le Great Gatsby, d’EIliot Nugent, qui dans son histoire nous ram ène vingt ans en arrière. Histoire d’un gangster élégant qui, lassé de la lutte où il fit une c a rrière fulgurante p o u r une im m ense fortune, misogyne et serein, se fait construire, tel H earst-Kane, un a b ra c a d a b ra n t ch âteau dans lequel il ne désire plus que les hom m ages et le silence. Gatsby-Alan L ad d s’identifie, très précisém ent, à la société où il vit : m an q ue de travail, de confiance, â p re té du gain de tous les au tres qui la fit se re je te r vers les m é­

thodes cruelles que l ’on nous donne — avec une audace dont il f a u t rem ercier Nugent com me représentatives, com me obligatoires, seules vraies et h ab i­

tuelles de cette société. On com mence p a r nous p ein d re un Gatsby triom ­ phant, à qui rien n ’est refusé. Mais se jo in d ro n t au je u deux péronnelles exquises, deux fem m es d u m eilleur monde. Gatsby retro u v e ra p o u r l ’une d’elles une passion oubliée, une passion qui bien tô t le p r e n d ra to u t entier. P o u r cette femme, il se v eu t libre, il va donc re je te r ce q u ’il fu t ju s q u ’alors p o u r lui la bonne loi. En acceptant la prison dans une affaire où il n ’est pas coupable, où il sauve la je u n e fem m e p a r son acceptation, il se révolte. La soum ission eut ju stem en t été de co m b attre avec les m au v aises armes. D evan t cette sincérité tout à coup mise au jo u r et affirmée, d ev ant cette liberté, la fem m e se révèle pernicieuse et lâche. G a rd a n t l’alibi de la b o n n e conscience, elle l’am ène p a r un fatalism e d on t elle est la g ran d e p rêtresse au x yeux b an d és p o u r se refu ser à voir, à une m o rt absurde, hors de p ro p os semble-t-il, mais, p o u r elle, com­

bien norm ale. Il n ’y a pas de place p o u r ceux qui se découvrent un g ra n d cœ ur soudain. Gatsby p e rd m êm e, en m ou rant, le bénéfice de sa subite liberté. Il n ’y a p o u r le savoir et le ra p p e le r vingt ans plus ta rd que les deux confidents sortis de la tragédie grecque qui su r l a tombe, où l’autom ne m êle des regrets pâles, réciten t des sentences.

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Si cette m isogynie ab o utit à u ne métaphysique, elle f u t aussi u n clim at q u ’Otto P rem in g er n e devait pas négliger dans Am bre. D ans la p e in tu re q u ’il fit de L in da D arnell, la misogynie, adm irative d ’ailleurs, était u n g ra n d m otif de jouissance : il flagellait l ’héroïne, la to rtu rait dans son corps et d an s son âm e et ne la q u ittait que lasse et résignée à toutes les m élancolies. Il p ren ait bien garde d’au tre p a r t de n e jam ais, dans son attaque, flétrir l’ap p aren ce esthétique de la belle L in d a qui, dans le baquet d’eau savonneuse ou dans les détritus de sa prison, en robe de serv an te ou en robe de duchesse, gaie ou triste, conservait u n e p e a u de pêche et un bras joli. Il y av ait d éjà n a tu re l­

lem ent le froid so urire de George S anders p ou r s’en m oquer. F ro id so u rire et re g a rd sans pitié. Le visage du com édien semble fa ire la synthèse du nouveau type d’homm e. Il est r a r e de n e pas le découvrir là où u n e fem m e doit être ad m irée et battue. Ses y eu x se pen ch en t ju sq u ’aux films de série. D ans son éternel rôle de deus ex machina^ il tire les ficelles, il fa it m o n ter vers lui qui ne p eu t s ’en p asser les coquettes et les tendres. Gomme il le fit dans le film in ju stem e n t passé inaperçu, car il fourm illait de bizarres enseignem ents : I can get it for you whole sale (Vendeur pour dames) de Gordon D ouglas. Celui-ci a le m é rite de poser le problèm e dans le m onde du travail. Mais il le pose sans le résoudre. (Si ce n ’est p a r u ne solution particulière, donc inefficace).

Toute différente de la Shelley W in ters d’iln american tragedy, qui v eu t vivre tout sim plem ent heureuse, Susan H ayw ard veut arriver. (Cette notion déjà fausse le problèm e, le restrein t à une question d’am bition). Le film n ’en est pas moins u n exem ple très curieux et très am bigu p u isq u ’il définit et défend la position des fem m es dans les affaires am éricaines (tout en les attaq u an t) m ais seulem ent su r le p la n du biologique, du sentiment. L a p ré p o n d é ra n c e des fem m es dans les affaires, p rép on d éran ce d’ailleurs souvent exagérée, nous am ena q u an tité de com édies ironiques. (For piease a lady — Pour plaire à sa belle — de C larence Brown, est je crois la dern ière en date de celles-ci sorties à Paris.

B a rb a ra Stanw yck y tr a ita it de h a u t le beau Gable m ais b ien sû r finissait p a r succomber). Même si ces thèm es concernent quelques privilégiés (pour rép o n d re à une éventuelle objection sociale), la grande m asse s’identifie rap id e m e n t à ces rêves. Un film m êm e fu t le d ram e de cette inadaptation : Ville haute, Ville basse ; Àva G ard n er cherch ait u n g ra n d am our et une bo n ne conscience, p ro ­ m en an t son beau visage im passible au reg ard de rem o rd s et d’envie.

Quittons les fem m es désabusées u n instant et revenons vers les petites filles qui n ’échap pen t pas au clim at général- Si l’on excepte les père, m ère et g ra n d ’m ère de la fu tu re m a riée (nous eûmes droit à u n e série de ce genre), il y a les petites filles en m a l de le u r jeunesse. Souvenons-rîous de la Je a n n e C rain de L etter to three W iw es. Mais elle en était au stad e second. P o u r toutes les Shirley Tem ple, les M argaret O’Brien adolescentes et lénifiantes, com bien d ’im ages qui nous aient donné les clefs p o ur une âm e de je u n e fille am éri­

caine ? Aucune, ou p resq u ’aucune. (Alors que c’est u n thèm e fav o ri en F rance.

Vieux rêve de la ren co n tre d’une M arie Baschkirtseff). Je n ’ai à la m ém o ire que le souvenir d ’une com édie récentequi, sous l ’anodin, cach ait une g ran d e âp reté (comédie fo rt m a l réussie d’ailleurs), E lo p em en t {Enlevez-moi, Monsieur) d’H enry Koster. A nne F rancis, jeu ne fille de tous les jo urs, p u r p ro d u it d’une civilisation m écanique et sans cœur, essayait d’y d éco u vrir le chem in de son destin. V oulant aim er, il lui était donné d’apercevoir que l ’am o u r suppose la liberté. E t elle n ’était p a s libre. P ou rq uo i ? Elle n ’a u ra it su le dire. Elle sen­

ta it confusém ent que vivre suppose u n apprentissage alors qu'on lui offrait u n m onde tout fait, et m a l fait, avec des sentim ents au x p a u v re s m esures de ce m onde. E lle finissait — elle aussi — p a r accepter m ais rap id em en t, p a r bribes, elle nous avait dévoilé une p a r t de la tragédie. Il y avait alors u n e

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M isogynie « f r a p p a n t e » : R o b e rt T a y lo r et J a n i n e D arcel d a n s W e s ïw a r d the.

W o m e n (C onv oi de fe m m e s ) de W .A . W e h n u n .

ressem blance entre elle et l ’E lisabeth Taylor de Place in the sun (de Georges Stevens), qui revient su r les bancs d ’école ap p ren d re à rire après avoir cotoyé le pire dram e et pris dans celui-ci, m alg ré elle encore, sa p a r t de respo n sabi­

lité et de mal. Comme celui de la m ère, le thèm e de la jeunesse n ’est encore qu’esquissé, car si nous revenons aux fem m es que h an ten t les am ours im pos­

sibles, nous nous trouverons en pleine atm osphère d’exaspération. Mon propos ne peu t avoir là de conclusion, il est actuel. Dans S u d d e n Fear (Le m asque arraché) de D avid Miller, Jo an C raw ford lentem ent, très lentem ent, m onte un long escalier en ten d an t vers l’hom m e un m asque suppliant, des yeux qui prient avec bassesse dans l’attente du plaisir. Même dans la p eu r, elle réclam e au fond la soumission. Jo an C raw fo rd est vouée au m alheur, à la solitude, com me si le destin de toute fem m e am éricaine lui était voué. Vous pouvez, comme moi, lui . p ré fé re r le m erveilleux petit visage de chat de Gloria G raham e, m ais il fau t vous atten d re alors à toutes les perfidies. B ientôt aussi, à cause d u m écanism e q u ’elle a elle-m êm e déclenché, Gloria, au d éto u r de la route, ne p eu t que m ourir. Ce ne sera plus dans la n u it basse qu’un cad avre sans regard.

Alors que, dans les ciném as des p ays de l ’Est, l’on nous m o n tra it dans l’essor du peuple la fo rm atio n de types de fem mes nouveaux, où l ’égalité était établie avec l’h o m m e su r des bases nouvelles, su p p rim a n t p a r le fa it tous les problèmes capitaux, alors que ces fem m es assuraient enfin au sein de la com ­ m u n au té leu r destinée propre, i a misogynie du ciném a am éricain devait avoir su r les films occidentaux u n e influence p rép o n d éra n te dont je ne v o u d rais tr a ­ cer ici que les lignes de force. Mais il fa u t p ren d re garde. La fem m e en repré­

sentation cinématographique, si l ’on p e u t dire, ne se sép are p as du jo u r au lendem ain (en ad m ettan t m êm e que ce soit possible) d’une tradition. Elle a toujours été porteuse — p a r delà sa sexualité n atu relle — d ’une fo rm e d ’éro- tisme liée, p a r exemple, dans les pays d’essence religieuse, au concept de la faute. Les ciném as scandinaves d ev aien t très précisém ent —■ et m a in te n an t

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encore — s’insérer dans cette tradition, ce qui leu r fit oublier la fem m e de n o tre temps. (Et cela m algré l’abondance des cas de filles-mères, d ’avortem ents, de m aladies vénériennes des films suédois p a r exem ple). L’archétype en reste, bien que déjà ancien, le très beau Dies iræ de C ari D reyer. E n F ran ce, p a r contre, cette érotism e avait p ris ou des form es sadiques (la p etite fille m angée p a r le g ran d m éch ant loup — Anouilh nous d o n n ait avec dix ans de re ta rd D eu x sous de violettes) ou des form es galantes d ’un x v i i i 6 u n peu v ain et un peu pâle. Mais p assa le vent de fronde. On vo ulu t m o n tre r les dents. On voulut fa ire la critiq ue des péronnelles. On ne réussit q u ’à faire, sous la co nd u ite des Jeanson de m auvais goût, de m édiocres m o is. On avait oublié que toute critique suppose une étude de stru ctures et il n ’y a pas de films français actuels po u r étu d ier ces structures (exception faite p o u r ceux de P agliero). L a critiqu e fu t donc superficielle et irréfléchie, p o ur ab ou tir à A dorables créatures. Mais dans cette m isogynie simpliste, Y école française des m ercan tils avait découvert un filon jad is abandonné aux spécialistes, la pornographie. On s’en d o n na à cœ ur joie. On déshabilla — sans se dem ander si cela co rresp o n d ait à des exigences form elles — les com édiennes qui ne dem an d aie n t q u ’à se laisser faire, avec l’alibi de l ’art. (Les cartes postales aussi sont dites artistiques). D ’adorables créatures au Fruit défen d u c’est une profusion de fesses, de cuisses, de seins, de pubis et de lèvres, que ces m essieurs tapotent, scru ten t avec une rag e sénile et un sadism e p rim aire et im puissant. De temps en temps, p o u r r a s s u re r l ’As­

sociation des fam illes, un Guy Lefranc fait Elle et Moi où la critiq u e n ’est q u ’un rid icu le badinage qui ne mène à rien. E n aucun cas cette m isogynie ne p ren d en F ran ce les form es d ’une révolte.

Alors q u ’en G rande-B retagne où la leçon am éricaine trouvait p e u t-ê tre un terrain plus proche du sien, elle est devenue un thèm e capital, dans u n e atm os­

phère traditionnelle, h au te en couleur, où les fem m es sont un peu fro id es et étouffent vite leurs brusques passions. La com édie anglaise en fourm ille. Le chef- d’œ uvre en est l’étonnant Noblesse oblige. V alerie Hobson p erm et to ut p ou rv u que D ennis P rice y m ette les formes. Jo an G reenw ood est l’innocence perfide et larv aire. Mais toutes deux s’ingénuent — ch arm an te s v am p ires — à s’acca­

p a re r le héros. On garde de cette subtilité des résonnances qui sont p ro fon d es et durables m algré l’enjouem ent. Plus âp re se fa it déjà l ’énigm atique Madeleine de D avid Lean. Plus influencé, féroce enfin est, com m e La F e m m e en question, The B ro w n in g version (L'O m bre d ’un ho m m e) d ’A nthony Asquith. J e a n K ent n ’y p e u t avoir le bénéfice d’aucune sym pathie. Elle a m ené p a r sa fa u te (est- ce entièrem ent p a r sa faute ? Il y a l’esquisse d’u n e critiqu e sociale q u a n d elle p a rle de sa fam ille, du collège) une vie d ’un dérisoire p ru d e m m e n t caché. E lle n ’a su être ni à la m esure du dram e de l ’époux, ni in sp ire r l’am ant. E lle n e peut m êm e p as goûter les délices frelatés d’une déchéance : il lui fa u t p a ra ître . Le m a lh e u r veut qu’elle soit p a r sa m échanceté, la petitesse de son âm e, sa m esquinerie sentim entale, im p ard o n n ab le : c’est u n type atroce et im p u d iq u e.

Cette im p u d e u r est po u r nous une im m ense révélation. L ’iro nie et le m ép ris sont ici dévolus à Nigel P a trick qui am orce u n e révo lte p o u r s’a tta c h e r l’am i­

tié du m a r i douloureux.

De toutes ces tendances mêlées, l ’Italie devait se tro u v e r préservée. Il y a dans le ciném a italien un im m ense am our, une confiance sans cesse m en acée m ais to u jo urs retrouvée. C’est peut-être la cause de son oubli de Vhistoire d ’a m o u r. C ar il n ’y a plus d ’histoire d’am our. T o u t n a tu re lle m e n t les y eu x de C arm ela ren co n tren t ceux d’Antonio. Il s’agit alors de lutter. T o u t est a m o u r, m ais il fa u t vivre, cela suppose dans le régim e de la m isère u n d u r co m bat où hom m es et fem m es seront solidaires. Un seul ne p a rtic ip a p o in t — m o m en ­ tan ém en t — au concert général, il eut la. chance d ’être m a rq u é du sceau mys-

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Visage traditionnel du cinéma anglais : Trevor Howard et Cêlia Johson, les amants éphémères de Brief Encounter de David Lean, savourent une joie simple ; mais un visage plus secret se révèle avec The Browning Version d ’A nthony Asquith : devant Nigel Patrick méprisant, Jean Kent s’humiliera

vainement dans l’attente des caresses qui lui seront refusées.

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D en n is P ric e d a n s N o b le sse Oblige, où R o b e rt Hamei* e x p rim e u n e c in g la n te m y so g y n ic a v ec u n h u m o u r glacé.

térieux de la grâce et du génie. Michelangelo Antonioni fit Cronaca di un amore, qui est certes une histoire misogyne, m ais j ’avoue n e p as en te n d re ainsi ce triste récit. L a dam e de la Chronique qui est L ucia Bose p e u t bien être cruelle, Massimo G irotti p eu t bien l’abandonnei\ nous n ’auro ns ja m a is p o u r elle nulle ironie, n u l m épris, quoi q u ’elle fasse. N otre ad m iratio n , n o tre ad o ra­

tion resteron t vivantes. Lucia Bose règne su r ces m ystérieuses h éro ïn es de la Renaissance que nous berçons d an s notre cœ ur secret. '

E tran g e voyage q u e nous fîm es à travers les déchirem ents de l’âm e, voyage intem porel p a rm i les m auvais rêves qui nous firent su ccom b er com m e ces fem m es langoureuses que nous aim âm es peut-être trop. Mais cette réserv e était hâtive : le ciném a am éricain nous ap p rit les sources de n o tre volonté de sui­

cide, nous sûm es nous en apercevoir et le rejeter. Il nous restait, il nous reste Tam onr. Un am o u r coquet et tro ub le peu t-être p o u r ces h éro ïn es m alheu reuses, m ais si joli... A m our joli, berce nos cœurs. S’ils fu re n t q uelquefois en déroute, ne le u r en gardons pas ra n c u n e : ils nous ont ju stem en t ap p ris à aim er, ce que les A m éricains de n o tre tem ps avaient oublié. G ardons-nous b ie n de suivre ceux-ci su r le m auvais chemin, gardons-nous bien de succom ber sous la p in - up girl qui sent la p h a rm a c ie et lé coca-cola, gardons-nous bien d ’écouter celles qui nous veulent in d u ire en tentation p a r Pam bition et p a r l ’argent, aim ons les filles chattes q u i fo n t l’a m o u r p o u r de l’am ourt Que les n o u v e a u x écrans nous soient doux. Il f a u t à n o tre temps u n nouvel érotism e — H itchcock l’a com pris qui n ’est am éricain que p o u r l’apparence — un érotism e qui n o us p e rm e ttra de d écouvrir un jo u r, libérée du fa tra s psychologique d érisoire d ’u ne civilisation qui a abouti su r nos écrans fran ça is à la p o rn o g rap h ie, u n e fem m e tout aussi am biguë car telle est son essence, m ais p lu s claire et _plus vive, et dont les p a rfu m s seront moins violents m a is com bien p lu s sub­

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tils, une fem m e comme l’eut aim ée S tendhal. C’est la grâce que je souhaite au cin ém a fran ça is qui peu t bien être là à l ’origine d ’une trad itio n d’im ages rem arq uab les.

D éjà, en réaction à l'im m onde, se précisent les désirs. Mina de Vanghel nous est offerte dans un écrin serti de p ierres bleues et de diam ants. Nous som m es loin de la misogynie du ciném a am éricain, m ais je doute q u ’il puisse y avoir p o u r nous offrir Mina d ’autres soleils que ceux de F ran ce ou d’Italie, d ’autres b ru m e s que celles d ’A llem agne ou d e L ondres en autom ne, d’autres rêves que ceux des poètes de la rigueur et de la finesse. Mina, stendhalienne ressuscitée p a r Maurice Clavel, vous eûtes le m iracle du visage d’Odile Versois, Mina toute em portée, toute exclusive q u i vouliez vivre u n g ran d am our sans faille, Mina redécouverte su r l’écran noir, vous m ’avez redonné la confiance abandonnée. P o u r vous, je com prends que Monsieur de L arçay se perde. Je com prends q ue R u p p ert après la déb au che et l’ennui souffre avec dignité du m a l de vo tre refus. M ademoiselle de Vanghel, dans le film si ingénieux et si beau, vous avez pris un peu la figure de l’Europe. C’est à vous que je dédie­

ra i mes p h rases cruelles. Sur un air de Mozart, su r l’eau irrisée d’un lac, vous avez su n e pas accepter avec une p u d e u r enfantine et des éclats enfantins aussi, vous avez deviné que S tendhal vous eût reconnue et ten d rem en t aim ée, m algré son air sceptique. Odile Versois vous donnait sa bouche allem ande et son reg ard d’italienne. Vous avez aim é M onsieur de L arçay : puissions-nous nous en souvenir et ne pas m ourir. Puissions-nous toujours rêver de vous au bo rd du lac dont les eaux ont p e rd u le ro m a n tism e p o u r retro u v e r la pureté, puissions-nous toujours nous souvenir de vous et en ten dre m ystérieusem ent la v o ix : « M adem oiselle de V anghel m o u r u t avec des grâces timides.., »

Mi c h e l Do r s d a y

« C’é ta it u n e â m e tr o p a r d e n te p o u r se c o n te n te r d u ré e l de l a vie... ».

O d ile V ersois et A la in Cuiiy d a n s M in a de V anghel de M a u ric e Clavel et M a u ric e E a rr y .

I?

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Jean Mitry

THOMAS H. INCE

Premier dramaturge de Técran*

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Le succès rem p o rté p a r ,Judith de Béthulie et p a r quelques films eu rop éen s de long m étrage, n otam m ent Quo V a d is , devait lui p e rm e ttre — co m m e à Griffith — de p asser de deux à q u atre, puis à six bobines (1.200 à 1.800 m.), p a rta n t, d’ab o rd er dès sujets plus étoffés.

E n 1914 il réalisa les trois films q u i fu re n t peut-être les plus im p o rta n ts de sa carrière : The W r a th o f Gods {La Colère des Dieux), The Bcdtle o f G ettysburg {Le Désastre) et The T yp h o o n (L ’h o n n eu r Japonais). Mais il d u t b ie n tô t a b a n ­ d on n er la m ise en scène et, u n e fois la T riangle constituée, en ju ille t 1915 (8).

il se consacra p resq u e exclusivem ent au contrôle des films to urnés p a r les m etteu rs en scène de son groupe.

D epuis 1912 il était arrivé à d o n n er une unité rem arq u ab le à sa p ro d u c ­ tion qui avait u ne orien tatio n p récise et ré p o n d ait à une esthétique déterm inée.

Il était donc to u t désigné p o u r cette tâche, co n trairem en t à G riffith q u i fu t toujours un cré a te u r individuel et qui, à la Triangle, s’est occupé d av an tag e de ses p ropres films que du tra v ail de ses collaborateurs.

P e n d a n t toute l’activité de la Triangle-K ay Bee Ince n e dirigea p erso n n elle­

m e n t que d e u x films : The D espoiler {Châtiment) et Civilisation. E n c o re celui- ci fut-il to urné en collaboration avec R eginald Barker.

Aussi bien ceux qu’on lui a ttrib u e g énéralem ent dans les « H istoires du C iném a » n e sont-ils pas de lui. Ils fu re n t seulem ent exécutés sous sa d irec­

tion (9).

(*) Voir dans notre numéro 19 de janvier 1953 le début de cet article extrait d’une étude faite pour « La Cinémathèque Française » et à p araître dans L e Bu l l e t i n d e l a Re c h e r c h e In t e r n a t i o n a l e d u Fi l m.

(8) Voir note n° 3 en fin d’étude.

(9) Sauf La Conquête de VOr (A Sister of Six), réalisé p ar Sidney F ranklin (groupe Griffith) qui ne doit rien à Ince et L ’Auberge du signe du loup (Her fighting chance), film étranger à la production Triangle. Réalisé p ar Edwin Carewe et produit p a r la Jacob Photoplay celui-ci fut distribué p ar Mutual en août 1917 puis édité en F rance p a r Aubert qui avait quelques films de la Triangle. DJoù confusion. Ajoutons que la majeure p artie des films de la Triangle fut éditée en F rance p ar Charles Mary (1917), puis p a r l’Eclipse (1918- 1920). Quelques-uns p ar A.G.C. et p a r Aubert (1918-1920).

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Certes, Ince doit être tenu p o u r responsable, dans une larg e m esure, d e le u r v a leu r ou de le u r originalité. Mais en a rt — et au ciném a plus que p a rto u t ailleurs — il y a de la m arge en tre la conception et rexécution, en tre une directive, une indication, voire un o rd re reçu, et la m anière de le produire.

Si à la Kay Bee Ince p ré p a ra it m inu tieu sem en t et revoyait le travail de ch a­

cun, ce ne fu t que dans la m esu re où ses .collaborateurs n ’étaien t encore que des d ébutants ou des réalisateurs m a l rom pus à cette form atio n spéciale q u ’il exigeait d ’eux. A la T riangle ils avaien t acquis u ne expérience suffisante. De p lus Ince ne pouvait plus vérifier, corriger, ra b â c h e r le travail sim ultané de sept ou h u it m etteurs en scène qui réalisaien t des films au trem ent im p o rtants q ue ceux de 1912 ou 1913. A d a te r de ce jo u r il ne les a plus tenus p o u r de sim ples exécutants. Loin d ’étoufïer ou de réd u ire leu r p ersonnalité à un m o ­ dèle unique, fût-il le sien, il a to ujo u rs cherché au con traire à développer le u r caractère propre, non seulem ent en leu r laissant libre cours, m ais en le u r pro p o san t toujours ce qui ré p o n d ait le m ieux à l’expression de le u r tem ­ p éram en t. Sa direction, au reste, n ’a ja m ais été celle d ’u n p a tro n qui com m ande m ais celle d ’u n m aître qui conduit.

Si nos historiens avaient vu au m oins cinq ou six. films de cette p ro d u c­

tion d o n t beaucoup p a rle n t en toute ignorance de cause ils se seraie n t aperçu q u ’en dehors de l ’unité in térieu re qui est le fa it de Thom as Ince il y a a u ta n t de styles différents que de réalisateu rs et, p a r exem ple, aussi p eu de ra p p o rts en tre un film de R eginald B ark er et un autre de Charles Miller q u ’a u jo u r­

d ’h u i en tre ceux de Joh n F o rd et de Mankiewicz.

*

Il ap p a ra ît donc clairem ent q u ’il est difficile d’analyser l’œ uvre de T h o m as Ince sans étu dier p o u r a u ta n t celle de ses prin cip au x collaborateurs.

T h o m a s II. Ince (to u rn a n t la m a n iv e lle ) d irig e B illie B u rk c d a n s Pcijffu, co m édie écossaise p o u r la q u e lle liu-e a v a i t f a it c o n s tru ir e , à Los Angeles, u n v illa g e entier.

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L a m ise en scène n ’a jam ais été p o u r lui q u ’un problèm e seco n d aire et ce n ’est pas su r ce plan, co n trairem en t à Griffitb, q u ’il s ’est m anifesté de faço n personnelle. Son m érite fu t davantage celui d ’un m a ître ayant su o rg a n ise r et co n du ire l ’œ uvre de ses disciples à p a r tir de principes très stricts d o n t il f u t l’in itiateu r.

On p a rle ra it donc im p ro p rem en t d’un « style » à son égard si le style d ’u n e œ uvre est davantage dans sa fo rm e que dans son esprit, mais o n p o u r ­ r a it p a r le r d ’une esthétique qui caractérise toute sa production et la f a it v o ir com m e a u tan t de m anifestations diverses orientées vers un m êm e but.

Il s’agissait p o ur lui d’établir une sorte d’équilibre entre la fo rm e et le fond, entre les moyens d’expression et les nécessités dram atiques du thèm e, en im p o sa n t à celui-ci des valeurs et des exigences semblables à celles de la d ra m a tu rg ie classique.

T o u t en d ép artag ean t la construction th é â tra le et la construction c in é m a ­ to g rap h iq u e su r le p la n form el, Ince, en effet, devait tenter d’identifier le u rs conditions internes, de les relier l ’une à l ’autre, de je te r un pont encore in c e r­

ta in et p récaire entre deux form es d ’a rt a p p are m m e n t contraires, trop so u v en t confondues p a r une fréq u en te in terv ersion à l ’écran de leurs moyens respectifs.

E n d’autres term es, Ince s’éloigne de la m ise en scène théâtrale d a n s le m êm e tem ps q u ’il fait appel à la d ra m a tu rg ie com m e source d ’une s tr u c tu re qui échapp era totalem ent à tout aspect et à toute fo rm e théâtrale sp e c ta c u ­ laire*

Ainsi, le fait ap p are m m e n t le p lus objectif, le plus direct, le -plus réel, n ’est ja m a is chez lui que l’élém ent sensible d ’une construction p rém éd itée. II est m oins saisi p o u r sa v aleu r réaliste ou son in térêt docum entaire q u e p o u r ce q u e l’on en p eu t tire r de signification.

L ’œ uvre de T hom as Ince — qui p e u t être considérée com me c o m p lém en ­ ta ire de celle de Griffith — a p p a ra ît donc comme une sorte de « th é â tr a li­

sation » du réel au m oyen du réel lui-m êm e.

E n in sistan t su r le rôle conditionnel du milieu, su r la couleur locale, en fa isa n t resso rtir les caractères p a rticu liers de la contrée dans laquelle l’actio n se déroule et les sentim ents souvent fru stes m ais puissants qu’elle exalte, In ce attein t à une poésie qui sem ble avoir été le b u t de son entreprise. C ar la poésie devient, dans ses films, Pâm e m ê m e du d ram e dont elle est fonction.

Elle le dépasse, grâce à u ne sorte de jaillissem en t et d ’exaltation ly riq u e q u e l’on p eu t croire due en g rand e p a r tie à cette constante in terp réta tio n d u d é tail qui est le fo nd em en t de son langage, sa m a n ière à lui d 'ex p rim er ou de sug- , gérer les sentim ents ou les idées.

Il serait inexact de dire que Th. In ce s’est achem iné dê la fo rm e v ers le fo n d m ais, com m e il suivait Griffith, le problèm e de la création s’ést posé p o u r lui d’une façon tout à fa it différente. A cceptant une form e donnée, n e ch erc h an t p o in t à la p arfaire, il n e co n sid érait les moyens mis à sa dispo si­

tion q ue p o u r au ta n t q u ’ils lui p e rm e tta ie n t d’exp rim er et de signifier c la ire ­ m e n t p a r le seul secours de l’im age anim ée.

E n 1914, m algré les apports de Griffith, l’au teu r de films ne d isp o sait p a s d ’élém ents suffisants p o u r tra d u ire des psychologies. D u moins il n e s a v a it p as encore les utiliser à de sem blables fins et le public n ’était pas, lui n o n plus, apte à les recevoir. Les m o in d res rem ous de conscience n é ce ssitaie n t Tem ploi d e n o m breu x sous-titres explicatifs. Or, illu strer p a r des im ages des- . criptives des sous-titres qui seuls fa isa ie n t avancer l ’action, ce n ’était pas, d e

toute évidence, fa ire du cinéma.

Ince devait donc se contenter de situ atio ns claires et d’idées g én éra les au risq u e de p a ra ître un peu som m aire. Mais il lim ita le sous-titre à u n rô le in d i­

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