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La date de valeur d'une opération bancaire est la date à laquelle s'inscrit en compte cette opé-

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ollrnal 25novembre1995 114e année - N° 5778

Bureau de dépôt : Mons X Hebdomadaire, sauf juillet/août

des ribunaux

Editeurs :

LAR CIER,

rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES

Edmond Picard (1881-1899) - Léon Hennebicq (1900-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dai (1966-1981)

LES DATES DE VALEUR EN DROIT BELGE

Dans son arrêt du 10 janvier 1995 (1), la Cour de cassation française (ch. comm.) réitère sa jurisprudence (2) condamnant, sur base d'une absence de cause, le régime dit des dates de valeur.

La France est ainsi le deuxième pays de l'Union à sanctionner une telle pratique puisqu'en Alle- magne, la Bundesgerichtshof avait déjà, dans - son arrêt du 17 février 1989 (3), mis en cause la validité des dates de valeur, sur pied toutefois d'une autre notion, à savoir celle de clause abusive.

A l'heure où les institutions communautaires tentent d'assurer une plus grande transparence des conditions de banque applicables aux vire- ments transfrontaliers (4), on ne peut rester in- différent à ces jurisprudences dont l'un des grands mérites est d'inciter à une clarification des relations banques-clients (5).

Le manque de transparence dans le rapport ban- quier-usager peut d'ailleurs être tenu pour une des principales causes de la forte mobilisation des consommateurs français ( 6) contre la mé- thode des dates de valeur (7).

(1) Cass. fr., 10 janv. 1995, publié ci-après, p. 767;

adde, D., 1995, n° 15, p. 229 et note Ch. Galvada;

pour un résumé de l'arrêt: R.E.D-C., 1995, p. 69, obs. L. Levy et E. Petit; pour un commentaire de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 1991, à la base de la décision susmentionnée de la Cour de cassation, voy. obs. J.-L. Rives Langes, Rev.

dr_ banc. et de la bourse, 1992, n° 29, p. 29.

(2) L'arrêt de principe en la matière est, en effet, un arrêt antérieur, à savoir celui du 6 avril 1993, J_C.P., Il, 1993, n° 22062, p. 212, note J_ Stoufflet, « La pratique des dates de valeur à 1' épreuve du droit des obligations ».

(3) Voy_, pour un commentaire en français, C. Witz,

«Les dates de valeur en droit allemand», Les dates de valeur ont-elles un avenir ? Aspects juridiques et économiques, séminaire de Lyon, 31 mars 1994, Centre interprofessionnel de recherche en droit ban- caire, p. 59; M. Dusseaux, « Vers une harmonisation européenne des conditions de banque ? », Rev_ dr_

banc. et de la bourse, 1990, n° 18, p. 77.

. (4) Voy_ la proposition de directive concernant les virements transfrontaliers du 18 novembre 1994, J.0.C.E., 17 février 1994, n° C 360/13 et avant elle, la Recommandation de · 1a Commission du 14 f é- vrier 1990 concernant la transparence des condi- tions de banque applicables aux transactions finan- cières transfrontalières, J.O.C.E., 15 mars 1990,

n° L 67/39. ·

(5) J. Stoufflet, op. cit., p. 213.

(6) Voy. Dossier banques, « 29 banques au banc d'essai», Cinquante millions de consommateurs,

Quel client n'est, en effet, pas surpris lorsqu'au lendemain d'un versement de salaire, il s'aper- çoit que son compte est « dans le rouge » ou encore, lorsqu'il se voit réclamer par la banque un intérêt sur un compte, au solde constamment positif en capital, mais parfois négatif, en va- leur.·

Dans l'espoir qu'un débat sur la légitimité des dates de valeur s'amorce en Belgique, nous préciserons d'abord la notion de date de valeur.

Au départ de la jurisprudence française, les dates de valeur seront ensuite confrontées au droit général des obligations. Dans l'ordre juri- dique belge, les dates de valeur semblent ainsi difficilement critiquables sur Je terrain de la cause ou de l'objet du contrat. Par contre, les dispositions issues du droit de la consommation et, plus particulièrement, celles relatives aux clauses abusives, à l'obligation d'information et au taux annuel effectif global constituent des instruments appropriés de sanction des dates de valeur. Enfin, ces dernières peuvent également être mises en cause sur pied de la notion de pratique concertée. La question de la validité des dates de valeur en droit de la concurrence connaît d'ailleurs un regain d'actualité depuis la récente décision des comptes chèques pos- taux (8) d'adopter, en cette matière, la même méthode que les banques.

I. -LANOTI DE VALEUR

La date de valeur d'une opération bancaire est la date à laquelle s'inscrit en compte cette opé-

1994, n° 278, p. 22, spéc. 32; voy. aussi, « Bien dresser sa. banque », même revue, févr. 1987, p. 32;

en Belgique, voy. « Banques : c'est arrivé près de chez vous », Budget et droits, juin 1995, n° 121, p. 21.

(7) Cabillac et Teyssie, obs. sous Versailles, 17 janv.

1992, Rev. trim. dr. comm., 1992, p. 839, spéc.

p. 840.

(8) La pratique des dates de valeur n'était aupara- vant pas appliquée sur les comptes postaux. Voy.

notam. l'arrêté royal du 13 novembre 1984, modi- fiant notamment l'article 104 de l'arrêté royal du 12 janvier 1970 portant réglementation du service pos- tal, M.B., 18 déc. 1984, p. 15807.

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ISSN 0021-812X

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so 1 RE

1 Les dates de valeur en droit belge,

par A. Thilly ... 753 1 Expropriation pour cause d'utilité publique

- Compétences concurrentes du juge de paix et du Conseil d'Etat - Article 6.1 de la C.E.D .H. - Articles 10 et 11 de la

Constitution - Articles 13 et 160 de la Constitution - Expropriation - Exclusion de la compétence du Conseil d'Etat dès la saisine du juge de paix - Situation exceptionnelle

(Cour Arb., 22 juin 1995, observations de _ D. Lagasse) ... 764 1 Prévenu - Jugement par défaut - Opposition - Délai - Article 187 du Code d'instruction criminelle - Disposition impérative

(Cass., 2e ch., 9 mai 1995) ... 766 1 Banques - Opérations - Date de valeur -

Intérêts - Taux annuel .

(Cass. fr., comm., 10 janvier 1995) ; .. 767 1 Détention préventive - Maintien - Faits

punissables

(Cass., 2e ch., 14 décembre 1993) .... 767 1 Conseil d'Etat - Procédure - Recevabilité -

Acte confirmatif

(Cons. Etat, 3e ch., 30 juin 1995,

observations de F. de Visscher) .•... 768 1. Exequatur - Décisions prononcées par les

juridictions syriennes - Exécution en Belgique - Article 570 du Code judiciaire - Vérification du fond du litige - Droits de la défense - Caution judiciaire

(Bruxelles, 9e ch., 2 février 1995) .... 769 1 Aménagement du territoire, de l'urbanisme

et du patrimoine - Code wallon de l'aménagement - Modification du sol - Article 70 du Code

(Civ. Mons, réf., 16 juin 1995) ... 770 1 Référé - Conflit social - Voie de fait -

Entrave à l'accès des locaux - Interdiction sous peine d' astreinte - Tracts -

Distribution

(Civ. Liège, réf., 10 mars 1995) ... 771 1 Droits d'auteur - Œuvres musicales -

Exécution publique - Endroit ouvert au public

(J.P. Ixelles, 1er cant., 22 juin 1995) .· .. 772 1 Chronique judiciaire :

Bibliographie - Echos -

Mouvement judiciaire - Dates retenues.

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ration pour le calcul des intérêts (9). En géné- ral, la date de valeur ne correspond pas à la date effective de l'opération (10).

Les débits du client (retraits d'espèces, chè- ques, virements à exécuter, ... ) sont enregistrés en valeur avant la date réelle de 1' opération. Un retràit effectué le 10 mai sera, par exemple, enregistré en valeur le 9 mai

G -

1).1 Quant aux crédits (remise d'espèces, remise de chèques ou d'autres titres de créance, ... ),leur date de va- leur est postérieure à la date réelle de 1' opéra- tion. Des fonds déposés le 10 mai seront, par exemple, enregistrés pour le calcul des intérêts, le 12 mai

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+ 2).

En droits belge (11) et français (12), les dates de valeur n'ont pas d'incidence sur la disponi- bilité des fonds. Chaque jour, le banquier peut ainsi établir deux soldes : un solde en capital qui détermine le montant disponible sur le compte, calculé d'après les dates réelles des mouvements bancaires, et un solde en valeur, pour le calcul des intérêts, et obtenu grâce aux dates de valeur de ces mêmes mouvements (13).

Un compte bancaire créditeur en capital peut dès lors être débiteur en valeur. D'où les sur- prises et les protestations des consommateurs, ignorants du système, lorsqu'ils se voient récla- mer des intérêts sur un tel compte.

Quant à l'amplitude des dates valeurs, c'est- à-dire leur nombre et leur durée, elle varie selon les banques, les opérations, mais aussi et sur- tout, selon les clients. Les grandes structures économiques peuvent ainsi obtenir, par la né- gociation, des conditions plus favorables que les petites et moyennes entreprises (14). Quant aux consommateurs, le plus souvent non ou mal informés, ils sont encore plus facilement que les entreprises susceptibles d'être victimes d'abus, comme en témoigne notamment 1' arrêt du 17 janvier 1992 de la cour d'appel de Ver- sailles (15), qui fait état de dates de valeur de un à dix jours pour les crédits et de deux à vingt-sept jours pour les débits . !

Au siècle du Swift et de l'image chèque (16), certaines banques semblent abuser de la relati- vité - dépassée ? - du temps, déjà chère à Bergson. Et pour cause ! Le procédé des dates

(9) Sur la notion, voy. M. C.G. Winandy, «Les comptes en banque et les intérêts »,La, banque dans la vie quotidienne, éd. du Jeune barreau de Bruxelles, 1986, p. 9; G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, t. 2, 1 i e éd, n° 2277, p. 307.

(10) J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, 2e éd., 1988, t. IV, n° 437, p. 319; J.

Hamel, Banques et opérations de banque, t. 1, Paris, Rousseau et cie, éditeurs, 1993, 251, p. 421. Pour des explications techniques sur la notion, voy. Di.

Martino,« Les jours de valeur», Rev. de la Banque, 1, 1982, p. 611.

(11) Comm. Bruxelles, 5 nov. 1985, R.D.C.B., 1986, p. 654; Mons, 15 oct. 1991, J.T., 1992, p. 129.

(12) Trib. gde inst. Paris, 6 déc. 1971, J.C.P., 1972, IV,

p.

121.

(13) R. D'Ornano, « Taux effectif global et date de valeur», Gaz. Pal., 1989, doc., p. 477.

(14) R. D'Ornano, op. cit., p. 478.

(15) Versailles, 17 janv. 1992, D., 1992, p. 352, note D.R. Martin.

(16) R. D'Ornano, op. cit., pp. 477 et s., qui explique le procédé de l'image chèque.

ournal

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de valeur procurerait aux banques françaises un gain annuel de dix milliards de francs fran- çais (17) et à leurs consœurs belges, un gain annuel de trois milliards de francs belges (18).

II. -LES E OUL'OB

VALEUR E

:ŒlQNTRAT

A. - La cause du contrat

Depuis quelques années, la méthode des dates de valeur suscitait l'opposition de certaines cours françaises (19). L'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 1993 (20), qui, pour la première fois, remet en cause le régime des dates de valeur, reçoit d'abord bon accueil en doctrine et est, par ailleurs, bien vite suivi de deux arrêts de confirmation (21). Des critiques s'élèvent néanmoins. On se mobilise (22) ...

L'arrêt du 10 janvier 1995 est alors considé- ré (23) comme devant mettre un terme aux der- nières protestations.

1. - La jurisprudence française (24)

La pratique des dates de valeur n'est, en réalité, que partiellement condamnée par la jurispru- dence française. La Cour de cassation opère une nette distinction entre, d'une part, les re- mises de chèques en vue de leur encaissement - auxquelles on peut assjmiler d'autres re- mises non liquides et pour lesquelles les jours de valèur semblent justifiés, quant à leur prin- cipe, par les délais techniques de recouvrement et, d'autre part, les remises liquides et les re- traits. Pour ces dernières opérations, la Cour considère que la convention d'intér~t expresse ou implicite permettant les dates de valeur est nulle, pour défaut de cause.

(17) Ch. Galvada, op. cit., spéc. p. 230.

(18) J.-P. Buyle, «Les dates de valeur en droit belge - La résistible fragibilité des dates de valeur », op.

cit., séminaire de Lyon, 31 mars 1994, p. 40, spéc.

p. 43.

(19) Voy. Aix-en-Provence, 29 sept. 1990, Banque, 1991, p. 96, obs. J.-L. Rives-Langes. L'arrêt recon- naît la légitimité juridique des dates de valeur, mais lui assigne une triple limite; Versailles, 17 janv.

1992, D., 1992, p. 352, obs. D.R. Martin; Rev. trim.

dr. comm., 1992, p. 839, obs. Cabillac et Teyssie et autres références citées par J. Stoufflet, op. cit., p. 212; voy. contra: Aix, 17 déc. 1986, J.C.P., 1987, Il, 20795, obs. J. Stoufflet.

(20) Cass. fr., 6 avril 1993, D., 1993, jur., p. 310, note Ch. Galvada. Voy. aussi, J. Stoufflet, op. cit.,

· J.C.P., Il, 1993, 22062, p. 212.

(21) Cass. fr., 29 mars 1994, Bull. civ., 1994, IV, n° 134, p. 104; Cass. fr., 7 juin 1994, Bull. civ., IV, 1994, n° 201, p. 161.

(22) Voy. l'ouvrage du séminaire de Lyon du 31 mars 1994, cité ci-dessus.

(23) Ch. Galvada, note sous Cass. fr., 10 janv. 1995, D., 1995, 15, p. 229, spéc. p. 230.

(24) Pour un bel exposé des principes, voy. J. Stouf- flet, op. cit., J.C.P., 1993, Il, 22062, p. 212.

Supposons un retràit de 1.000 F effectué le 20 mai, la date de valeur est le 18 mai. Le client ne dispose de la somme que le 20 mai et met, ce même jour, son compte en débit. Par 1' applica- tion d'une valeur négative, du 18 au 20 niai, le client paie, en réalité, des intérêts pour une somme que la banque ne lui avance pas ou plutôt, ne lui prête que plus tard. L'engagement du client de payer un intérêt est donc sans cause puisqu'il ne reçoit aucune avance.

A

défaut de cause, la convention d'intérêt est nulle et les intérêts doivent être restitués.

Tel est le raisonnement de la Cour de cassation française, lequel peut d'ailleurs être fait, en sens inverse, pour les valeurs positives appli- quées aux crédits. Comment justifier que des fonds ne produisent des intérêts créditeurs qu'à partir du lendemain de leur ·dépôt sur le compte?

2. - La, cause du contrat en droit belge On doit au professeur P. Van Ommeslaghe (25) d'avoir amené le droit belge à une distinction entre 1' objet et la cause du contrat et, par là, à une définition moderne et univoque (26) de la cause, issue de la jurisprudence, comme étant les mobiles déterminants ayant amené les par- ties à contracter.

Le droit belge s'écarte en cela du droit français qui, sans ignorer la distinction, utilise le con- cept de cause pour sanctionner, dans les con- trats à titre onéreux, l'inexistence d'une contre- partie (27).

Et précisément dans l'arrêt du 6 avril 1993, la doctrine majoritaire (28) estime que c'est bien l'absence de cause « contrepartie » qui sert de fondement à 1' annulation des dates de valeur.

Pendant les jours de valeur, à l'obligation pour le client de payer un intérêt, ne correspond pas d'avance de fonds de la part du banquier, le- quel ne consent, dès lors, aucune contrepartie.

L'obligation est donc sans cause.

La Cour de cassation française apprécie ainsi la cause de l'obligation de payer un intérêt pen- dant les jours valeurs, indépendamment de la cause de 1' ensemble du contrat, en 1' espèce, la convention de compte. Il y a, en quelque sorte, fragmentation conceptuelle et temporelle de la cause du contrat.

Or, la conception subjective de la cause en droit belge ne permet pas une telle fragmenta- tion (29), car, d'une part, elle aboutit précisé-

(25) P. Van Ommeslaghe, «Observations sur la théorie de la cause dans .la jurisprudence et dans la doctrine moderne», R.C.J.B., 1970, pp. 328 et

(26) Univoque, en ce sens que la définition vaut tant pour l'appréciation de l'existence de la cause, que pour la fausse cause ou la cause illicite. _

(27) P.-A. Foriers, « Ob,servations sur la caducité des contrats par suite de disparition de leur objet ou de leur cause», note sous Cass., 28 nov. 1980, R.C.J.B., 1987, spéc. p. 99, 22.

(28) Voy. notam., C. Mouly, «L'avenir des dates de valeur», op. cit., séminaire. de Lyon du 31 mars 1994, p. 3; P. Ancel, « Contribution au débat sur la cause », op. cit., séminaire de Lyon, p. 17; J.-L.

Guillot, « Les jours (ou dates) de valeur», op. cit., séminaire de Lyon, p. 11; J.-P. Buyle, op. cit., p. 49.

(29) C. Mouly, art. cit, op. cit., séminaire de Lyon, spéc. p. 4; J.-L. Guillot; art. cit., spéc. p. 15.

(3)

ment à donner à la cause le sens de contrepartie et, d'autre part, elle amène le juge à apprécier l'équivalence des prestations réciproques des parties - puisqu'il s'agit d'une contrepartie spécifique - , ce qui est exclu par notre juris-:- prudence.

Il en. résulte que la cause de 1' obligation de payer un intérêt pendant la période valeur peut se trouver dans 1' obtention de services ban- caires, liés à la convention de compte, comme les opérations de caisse, la gestion des moyens de paiement, la gestion de trésorerie, ...

Nous concluons, dès lors, avec J.-P. Buyle (30), à la difficile critique en droit belge des dates de· valeur sur le terrain de la cause.

Revenons cependant un bref instant à 1' arrêt de la Cour de cassation française du 6 avril 1993.

J. Stoufflet (31) écrit à propos de celui-ci :

« l'arrêt dépasse le débat sur la définition de la cause ... » ou encore « peu importe en une telle circonstance- que 1' on caractérise le défaut de cause par l'absence de contrepartie ou que l'on y voie, avec H. Capitant, une fausse représenta- tion intellectuelle chez celui qui s'oblige ».

La remarque de l'auteur- qu'elle soit ou non fondée à propos de l'arrêt - insiste donc sur la pluralité des notions - de cause - qui peuvent être à la base d'une condamnation, pour ab- sence de cause, des dates de valeur et incite, dès lors, à une plus ample réflexion.

3. - Développements

Le concept de cause, essentiellement jurispru- dentiel et doctrinal, est, en effet, susceptible de faire 1' objet d'une évolution.

Ainsi, les nouvelles législations relatives aux clauses abusives, qui permettent, dans certains cas, au juge d'apprécier l'équivalence des pres- tations réciproques des parties (32), influence- ront vraisemblablementle droit des obligations et, plus particulièrement, le concept de cause.

La conception subjective de la cause ne fera dès lors peut-être plus obstacle à une appréciation de celle-ci, non plus en tenant compte du cadre contractuel global, niais bien par référence à différents éléments de celui-ci, dès lors que les parties ont elles-mêmes modulé ce cadre con- tractuel global, par leur volonté, lors de la con- clusion du contrat.

Une telle évolution permettrait alors d' appré- cier la cause de l'obligation de payer un intérêt pendant les jours valeurs indépendamment de la cause .de l'ensemble du contrat, soit la con- vention de compte.

Or, prise isolément, il n'est pas certain que la cause de l'obligation de payer un intérêt pen- dant les jours de valeur puisse se trouver dans les services bancaires.

Les mobiles des parties, pris en considération par le droit, pour pouvoir constituer le concept de cause doivent répondre à certaines condi- tions :

(~0) J.-P. Buyle, op. cit., p. 49.

(31) J. Stoufflet, op. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, p. 212.

(32) Voy. ci-après, la section relative à l'article 31 de la L.P.C.

- Premièrement, seuls les mobiles détermi- nants, - à l'exclusion des mobiles accessoires ou secondaires -;-, c'est-à-dire ceux en l' ab- sence desquels la partie n'aurait pas contracté aux conditions où elle l'a fait, constituent la cause de l'engagement (33).

Peut-on dire que le fait d'obtenir un service bancaire détermine, dans l'esprit du client, son engagement de payer un intérêt pendant les jours valeurs ?

Lorsque le client est un consommateur, la ré- ponse semble négative. Le plus souvent, ce dernier n'a, en effet, même pas connaissance de la pratique des jours de valeur, de son fonction- · nement, voire de sa raison d'être. Il accepte, dès lors, de payer un intérêt sans même tenir·

compte du système des dates de valeur. En d'autres termes, le mobile de payer l'intérêt pendant la période des jours de valeur ne se distingue pas du mobile général qui le pousse à accepter de payer un intérêt.

Or, quel est le mobile déterminant, pour le client, du paiement de l'intérêt ? Il s'agit avant tout de bénéficier d'un crédit, d'un dépasse- ment, d'un découvert ou d'une avance. L' ob- tention des services bancaires, liés au fonction- nement du compte, sera prise en compte par le client, mais ils' agira d'un mobile accessoire ou secondaire de son obligation de payer l'intérêt.

- Deuxièmement, seuls les mobiles entrés dans le champ contractuel entrent dan$ le-con- cept de cause.

Il s'agit d'abord « des buts et mobiles qui s' ex- pliquent par les caractéristiques normales des prestations déterminées » (34).

Or, un intérêt, dans le sens commun comme juridique, n'est que « la rémunération de la mise à disposition temporaire d'une somme d'argent» (35). Comment l'obligation de payer un intérêt peut-elle avoir comme mobile, non la mise à disposition de l'argent, mais un service d'une toute autre nature ? Les parties l'ont peut-être prévu? Nous.en arrivons à la deuxième possibilité pour les mobiles détermi- nants d'entrer dans le champ contractuel.

Les parties peuvent avoir en vue des caractéris- tiques particulières des prestations (36).

L'obligation de payer un intérêt pour la période

« valeur » n'est cependant pas considérée, dans les conditions de banque, comme rémuné- rant un service bancaire. Au contraire, « en percevant la rémunération sous forme d'un in- térêt, le banquier marque sa volonté de distin- guer, d'une part, le crédit et, d'autre part, le compte et les prestations qui y sont liées » (37).

Ne faut-il pas, pour apprécier la cause, se placer dans le champ contractuel, tel que modulé par les paities (38) ? _. '

Enfin, la justification, donnée a posteriori par le banquier, selon laquelle les dates de valeur

(33) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 355.

(34) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 356.

(35) Ancel, op. cit., p. 17.

(36) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 356.

(37) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, spéc. p. 214.

(38) Pour l'idée d'une appréciation de la cause en droit français selon un cadre contractuel modulé, voy. P. Ancel, art. cit., p. 17.

rémunèrent des services bancaires, ne devrait pas être prise en considération puisque - Troisièmement, les mobiles déterminants à prendre en considération sont ceux existants à la formation du contrat (39).

Dans cette optique, on peut donc légitimement douter que l'obligation de payer un intérêt pen- dant la période_ « valeur » soit causée. Pour clôturer ces développements et, au risque d'anticiper l'influence probable du droit de la consommation sur le droit des obligations, nous pouvons, dès lors, constater que, dans une pers- pective évolutive, une critique des dates de va- leur sur le terrain de la cause n'est pas à exclure.

B. - Les dates de valeur et l'objet du contrat

Aux termes des articles 1108 et 1126 à 1130 du Code civil, l'objet du contrat est une condition de validité des conventions. L'objet, dont il est question, est l'objet de la prestation « in obliga- tione ». Celui-ci doit exister et être déterminé ou déterminable ( 40).

En 1' espèce, 1' objet du contrat est l'obligation de payer un intérêt sur un certain montant et à un certain taux .. Cette obligation existe bien, en vertu de la convention de compte, et est déter- minable grâce aux stipulations de celle-ci. Le calcul des intérêts, sur base des dates de valeur, et non sur pied des dates effectives des opéra- tions, n'est qu'une modalité de l'obligation de payer un intérêt (41).

En conséquence, les dates de valeur nous sem- blent difficilement critiquables au regard du concept d'objet du contrat.

,~:-itlE VALEUR

~Q~TIONS ISSOOS:i)@:l>ROIT DE LA CONSOMMATION

A. - Les dates de valeur

et

les clauses abusives

Les dates de valeur doivent encore être exami- nées à la lumière . des différentes législations traitant des clauses abusives. Il s'agit essentiel- lement de la loi du 14 juillet 1991 sur les pra- tiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, ci-après L.P.C., de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, ci-après L.C.C., modifiée par la loi du 6 juillet 1992 et par la loi du 4 août 1992 relative au crédi(hypothécaire et ~nfin, de la directive communautaire du 5 avril 1993 con- cernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec lès consommateurs ( 42).

(39) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 335.

(40) P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, P.U.B., 1992-1993, vol. 1, p. 90.

(41) Pour plus d'explications sur l'objet et les dates de valeur, voy. J.-P. Buyle, art. cit., spéc. p. 50.

(42) J.0.C.E., 21 avril 1993, n° L 95/29.

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1. - L'article 31 de la L.P; C.

1.1. - Définition de la dause abusive Aux termes de l'article 31 de la L.P.C., il faut entendre par clause abusive «toute clause ou condition qui, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses ou conditions,"

crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties ».

1.2. - Sanction (art. 33, § 1er, de la L.P.C.) Les clauses abusives peuvent être annulées par le juge qui dispose donc d'un pouvoir d'appré- ciation. Il semble qu'il s~·agisse d'une nullité relative (43).

1.3. - Conditions d'application de l'article 31 de la L.P. C

Une clause ou une condition.

En Belgique, le plus souvent, les conditions générales, applicables aux conventions de compte, et reprises dans le « règlement général des opérations » auquel le consommateur ad- hère, fixent, dans les dispositions traitant des intérêts, le régime des dates de valeur. La va- leur, positive ou négative, est ainsi précisée pour différentes opérations.

A défaut pour le règlement général des opéra- tions de contenir une clause relative aux dates de valeur, pareille clause devrait y être intégrée en vertu d'un usage (44) bancaire (45).

Nous sommes donc bien en présence d'une clause, attaquable sur pied de l'article 31 de la L.P.C.

Dans un contrat conclu entre un vendeur et un consommateur et relatif à un produit ou un service, au sens de l'article Ier.de la L.P.C.

Il est clair que les banques, et les services finan- · ci ers qu'elles offrent, tombent dans le champ d'application de la lQi et que, dès lors que le client est un consommateur, au-sens de l'article

(43) P. Wolfcarius, « La protection du consomma- teur en matière contractuelle : la réglementation des clauses abusives dans la nouvelle loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur », Les pratiques du commerce et la protection et l'information du con- sommateur depuis la loi du 14 juillet 1991, éd. Jeune barreau de Bruxelles, 1991, spéc. p. 320.

(44) Sur les conditions pour qu'il y ait usage, voy.

Cass., 29 mai 1947, Pas., I, 1947, p. 217.

(45) En ce sens, J.-P. Buyle, art. cit., spéc. pp. 43 et s.; A. Willems et J.-P. Buyle, «Les usages en droit bancaire», DNOR, 1990-1991, n° 17, p. 73, spéc.

p. 82; A. Bruyneel parle, lui, d'une pratique, art. cit., Rev. de la Banque, 1987, n° 6, spéc. p. 32, § 8. A une question parlementaire, le ministre utilise lui les . termes de« pratique et usage », voy. Questions par-

lementaires, Doc., Chambre, 2 juin 1987, question n° 211, p. 2869. La jurisprudence belge, quasi inexistante en la matière, utilise tantôt le terme d'usage : Comm. Bruxelles, 5 nov. 1985, R.D.C.B., 1986, p. 654 et Mons, 3 sept. 1986, R.D.C.B., 1988, p. 717, tantôt le terme de pratique, Mons, 15 oct.

1991, J.T., p. 129.

ournal _

des

~tribunaux

1er précité, les dispositions de la L.P.C. rela- tives aux clauses abusives s'appliquent (46).

Les droits et obligations des parties doivent présenter un déséquilibre manifeste.

a) Le droit national.

Quel est le contenu de la notion de déséquilibre manifeste ? Quels sont les critères qui permet- tent au juge de conclure au déséquilibre mani- feste entre les droits et obligations des parties ? La question est controversée et la jurisprudence encore trop rare ou trop jeune pour nous gui- der (47).

Selon Dirix ( 48), lequel s'appuie sur les tra- vaux préparatoires de la L.P.C., le juge ne peut appréCier l'équivalence des prestations réci- proques des parties, car cela équivaudrait à un contrôle du contenu interne du contrat. Le désé- quilibre, et son appréciation par le juge, ne concerne que le cadre juridique contractuel.

Concrètement, cela signifie que, pour.détermi- ner s'il y a ou non déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, le juge de- vrait comparer les dispositions contractuelles contestées et le droit supplétif des contrats, qui s'appliquerait, à défaut de telles dispositions, et apprécier, en conséquence, si le consommateur est ou non, de par le jeu des clauses contrac- tuelles dérogatoires à ce droit supplétif, dans une position contractuelle vraiment déraison- nable.

En outre, le droit supplétif des contrats pourrait également servir de « filet de sécurité » lorsque l'annulation de la clause met en péril le con- trat (49).

Cette théorie ne nous convainc pas (50).

On peut tout d'abord y opposer, comme le fait L. Cornelis (51), quelques réflexions substanl tielles. Un équilibre purement juridique entre les droits et obligations des parties ? Juridiquel

(46) Pour autant toutefois qu'il n'y soit pas dérogé par les dispositions relatives aux clauses abusives en matière de crédit à la consommation. Sur les champs d'application respectifs de la L.P.C. et de la L.C.C., voy. C. Biquet Mathieu, «La loi du 12 juin 1991 et les "clauses abusives" en matière de crédit à la consommation», La promotion des intérêts des con- sommateurs au sein d'une économie ·de marché, Commission droit et . vie des affaires, éd. Story- Scientia et Kluwer, 1993, p. 511.

(47) Voy., pour des cas d'application de l'article 31 de. la L.P.C. : J.P. Anvers, 27 juill. 1994, R.D.C.B., 1995, p. 325 et note Hans Van Gompel, « Over de toepassing van de artikelen 31-32, W.H.P. »; Trib.

Arr. Mons, 26juin1992, J.T., 1993, p. 232.

(48) E. Dirix, « Bezwarende bedingen », DNOR, 1992, n° 22, spéc. p. 36.

(49) Hans Van Gompel, art. cit., p. 334.

(50) En ce sens, voy. L. Comelis, art. cit., pp. 330 et s.; A. De Caluwé, « Clauses abusives, conditions générales de vente et de service, règlement général . d'opérations bancaires, contrat de prêt hypothécaire et d'assurance », La promotion des intérêts des con- sommateurs au sein d'une économie de marché, Commission droit et vie des affaires, éd. Story- Scientia et Kluwer, 1993, spéc. pp. 468 et s.; M.

Bosmans, « Oneerlijke en onrechtmatige bedingen : zijn de artikelen 31 en volgende van de W.P.C.

compatibel met E.E.G.-richtlijn 93/13 van 5 april 1993 ? », D.C.C.R., 1994, p. 678 et spéc. pp. 682 et

S.

(51) L. Comelis, art. cit., pp. 330 et s.

ment, « tout droit en vaut un autre » (52). Les droits ne reçoivent de valeur - économique - que par les circonstances d~s lesquelles ils naissent ou sont invoqués. La valeur d'un droit est nécessairement liée à la situation concrète du titulaire de ce droit.

Cette théorie voit ensuite dans le droit supplétif des contrats l'équilibre entre les droits et obli- gations des parties. Cette représentation repose sur un postulat de perfectibilité du droit existant des contrats et est, dès lors, porteuse d'un con- servatisme insoutenable à la lumière de la na- ture actuelle - fortement évolutive - d'un tel droit. Dans les contrats de consommation, tout particulièrement, le caractère_ fictif de l' équili- bre civil du droit supplétif des contrats est sou- ligné (53).

Du reste, est-ce bien le rôle du droit supplétif que de servir de substrat objectif de comparai- son ? La thèse du seul contrôle du cadre con- tractuel des droits et obligations des parties ne fait-elle pas, comme- l'écrit L. Cornelis (54), changer de nature ce droit supplétif ?

On peut encore remarquer que la théorie du seul contrôle juridique est une interprétation de la notion de déséquilibre manifeste, qui limite très certainement le pouvoir d'appréciation du juge;

Ce dernier ne peut, en effet, contrôler le désé- quilibre« économique » (55) du contrat. Cette interprétation est donc susceptible de réduire la protection éventuelle du consommateur. _ Dès lors; quand bien même cette théorie peut trouver appui sur les travaux préparatoires de la L.P.C., la ratio legis de cette même loi conduit, elle, à la rejeter.

De plus, les termes utilisés par le législateur dans l'article 31 de la L.P.C. sont clairs et ne devraient pas être interprétés (56). La loi parle de « déséquilibre manifeste » sans pour autant le limiter à un déséquilibre « juridique ». Dans ces conditions, le recours aux travaux prépara- toires paraît moins justifié.

Par ailleurs, la référence au droit supplétif des contrats peut parfois être dépourvue d'utilité pratique. Ce « manque de pertinence » ( 57) s'illustre notamment lorsque l'on aborde les - difficiles - rapports entre les articles 31 et 32 de la L.P.C.

Les partisans du seul contrôle juridique, pour justifier le recours au droit supplétif des con- · trats comme critère objectif de référence, dans le cadre de l'article 31 de la L.P.C., soulignent, ainsi, que de nombreuses clauses condamnées par l'article 32 de la L.P.C. sont précisément des clauses dérogatoires à ce droit supplé- tif (58).

Cependant, d'autres clauses, condamnées par l'article 32 de la L.P.C., peuvent être confron- tées au droit supplétif des contrats sans qu'il en ressorte un quelconque caractère « abusif » ..

Ainsi, par exemple, une clause pénale parfaite-

(52) L. Comelis, art. cit, op. cit., p. 330.

(53) Th. Bourgoignie, « Eléments pour une théorie du droit de la consommation »;Collection« Droit et consommation », Story-Scientia, 1988.

(54) L. Comelis, art. cit., op. cit., p. 331.

(55) A. De Caluwé, art. cit., p. 469.

(56) A. De Caluwé, ibidem.

(57) Pour l'expression, L. Comelis, art. cit., ibidem.

(58) Hans. Van Gompel; note citée, spéc. p. 334.

(5)

ment indemnitaire, c'est-à-dire qui tend à la réparation du dommage prévisible, n'apparaît pas comme abusive si on la compare au droit supplétif qui s'appliquerait à défaut d'une telle clause, à savoir le principe de la réparation du dommage contractuel prévisible. Pareille clause sera pourtant considérée comme abusive si elle ne répond pas à l'exigence de réciprocité prévue par l'article. 32.15 de la L.P:C.

En outre, le déséquilibre manifeste est souvent considéré comme établi dans l'article 32 de la L.P.C. (59). Ce présupposé qui, d'une part, ex- pliquerait l'absence de pouvoir d'appréciation du juge quant aux clauses énumérées à l'article 32 de la L.P.C. et qui permettrait, d'autre part, de voir dans ces mêmes clauses des illustrations concrètes de l'article 31 de la L.P.C., n'est, en réalité, pas évident, car, d'une part, le juge dispose bien d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'article 32, 15, 16, 17 et 21 (60) de la L.P.C. et, d'autre part, les clauses del' article 32 sont d'office nulles, indépendamment des circonstances et sans tenir compte de leur con- texte contractuel (61).

Dans ces conditions, le recours à l' artide 32 de la L.P.C., pour justifier l'interprétation de l'ar- ticle 31 de cette même loi, nous paraît' fragile.

Enfin, la théorie du seul contrôle juridique est susceptible de mener à de sérieuses difficultés d'application, comme en témoigne le jugement du juge de paix du premier canton d'Anvers du 27 juillet 1994 (62) auquel on se référera. La détermination du « droit supplétif des contrats, qui s'appliquerait, à défaut des clauses contrac- - tuelles » est, en réalité, une tâche délicate.

En conséquence, pour apprécier l'existence d'un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, le juge ne peut se borner à comparer, d'une part, le cadre contractuel de ces droits et obligations et, 'd'autre part, le droit .supplétif des contrats; au contraire, le juge pour apprécier l'équivalence des prestations réci- proques des parties, devra nécessairement tenir compte de l'incidence des droits et obligations des parties sur leur situation de fait et, en fonc- tion de celle-là, _çonclure ou non à l'existence d'un déséquilibre manifeste. Il reviendra alors à la jurisprudence de définir les critères de ce dernier; les voies tracées par les concepts d'abus de droit, de bonne foi ou d'équité, ...

peuvent servir de guide pour éviter l'insécurité juridique (63).

Une telle interprétation nous paraît, en outre, la seule possible à la lumière du droit communau- taire.

b) Le droit communautaire.

La directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus (59) P. Wolfcarius, art. cit., p. 323.

(60) ·M. Bosmans, art. cit., p. 683.

(61) Pour l'argument, voy. L. Comelis, art. cit., spéc.

p. 326.

(62) J.P. -Anvers, 27 juill. 1994, R.D.C.B., 1995, p. 325 et note citée de H. Van Gompel.

(63) Sur cette considération, voy. L. Comeiis, art.

cit., op. cit., p. 331.

avec les consommateurs n'a pas encore été transposée formellement en droit belge (64).

Conformément à la doctrine de l'interprétation conforme (65), le droit national doit s'interpré- ter « à la lumière du texte et de la finalité de la directive ... » (66). Cette nécessité d'interpréter le droit national conformément aux directives existe, que le délai de transposition soit ou non écoulé ( 67) et peut, par ailleurs, mener à laisser inappliquée une disposition nationale contraire au droit communautaire (68).

En l'absence de transposition formelle de la directive, il convient donc d'interpréter la no- tion de « déséquilibre manifeste » en tenant compte de la notion de_« déséquilibre significa- tif» de l'article 3 de la directive qui définit la clause abusive comme étant« une clause d'un contrat, n'ayant pas fait l'objet d'une négocia- tion individuelle ( ... )lorsque, en dépit de l'exi- gence de bonne foi, elle crée au détriment· du consommateur un déséquilibre significatif en- tre les droits et obligations des parties ».

Contrairement à la loi belge, le texte commu-.

nautaire donne des indications sur les critères du caractère abusif d'une clause et fournit-ainsi les critères d' appr~ciation du déséquilibre si- gnificatif entre les droits et obligations des par- ties.

L'article 4, § 1er, .de la directive indique ainsi que « le caractère abusif d'une clause est ap- précié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du con- trat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend».

Selon nous, cette disposition condamne claire- ment une définition purement juridique du dé- séquilibre.

En effet, la référence à « toutes les circonstan- - ces qui entourent la conclusion du contrat » démontre que, pour apprécier si une clause est abusive·, et crée donc un déséquilibre significa- tif entre les droits et obligations des parties, le juge doit obligatoirement tenir compte de la situation concrète des parties à ce moment.

Or, les circonstances de fait dans lesquelles les droits naissent (ou sont invoqués) déterminent précisément la valeur - économique - des droits.

Le juge, obligé de prendre en considération les circonstances de fait, se prononce, dès lors, nécessairement sur un déséquilibre « écono- mique » du contrat.

(64) La question de savoir si la loi du 14 juillet 1991 sur L.P.C. réalise à- suffisance les objectifs de la directive communautaire du 5 avril 1993 n'est pas abordée ici. Notons d'ailleurs, que la L.P.C. a tenu compte du contenu du travail communautaire en cours lors de son élaboration.

(65) J.-V. Louis, «L'ordre juridique communau- taire », Commission des Communautés européennes, Collection . « Perspectives européennes », 6e éd., p. 150.

(66) Arrêt du 10 avril 1984, aff. n° 14/83, von Colson et Kamann, Rec., p. 1891.

(67) J.-V. Louis, op. cit., p. 150 et réf. citées.

(68) Arrêt du 13 novembre 1990, aff. n° C-106/89, Marleasing, Rec., 1990, p. 1-4135.

La thèse du seul contrôle juridique est d'ail-- leurs impossible à appliquer en droit commu- nautaire.

L'article 4, § 2, de la directive dispose égale- ment que « l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les set'Vices ou les biens à fournir en contrepar- tie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhen- sible ».

De prime abord, cette disposition paraît en con- tradiction avec notre interprétation de l'article 4, § 1er.

Il nous faut cependant constater que l'article 4,

§ 2,

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fine, nuance déjà sensiblement l'inter- diction posée par le début de ce paragraphe dès lors que la clause n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible. Pour de telles clauses, rien ne fait obstacle à ce que le juge appréèie l'adéquation entre le prix et le bien/le service.

Ce faisant, il se livre bien à un contrôle de l'équivalence - économique - des presta- tions des parties.

En outre, la deuxième phrase du dix-neuvième considérant de la directive prévoit que « -1' objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en considération dans l'appréciation du caractère abusif d'autres clauses ... ».

Ce considérant nuance lui aussi l'interdiction posée par le début de l'article 4, § 2, de la directive. L'équivalence des prestations princi- pales constitue donc bien un élément à prendre en considération dans l'appréciation des clau- ses accessoires.

Interpréter la notion de déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties comme visant uniquement le déséquilibre « ju- ridique »est donc contraire à la-directive et de surcroît, moins protecteur du consommateur que la notion de déséquilibre significatif de la

directive. ·

Au contraire, une définition de ce déséquilibre, qui permette au juge d'apprécier l'équivalence des prestations réciproques des parties, peut être plus protectrice du consommateur puis- qu'elle permet, par exemple, d'apprécier le rap- port prix - produit ou rémunération - /presta- tion.

Cette dernière constatation n'est certainement pas un obstacle à l'adoption de cette dernière définition puisque l'article 8 de la directive dispose que « les Etats peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes_, compa- tibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur ».

La clause ou condition doit créer un désé- quilibre manifeste entre les droits et obliga- tions des parties.

Le déséquilibre manifeste doit être la consé- quence de la clause, analysée isolément ou combinée aux autres clauses du contrat (69).

(69) L. Comelis, « Rechterlijke toetsing van on- rechtmatige bedingen », Liber amicorum Paul De . Vroede, Kluwer, 1994, p. 311 et spéc. p. 330, n° 13.

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Le déséquilibre doit être manifeste.

Référence est ici faite à la technique du contrôle marginal et non à une caractéristique propre du déséquilibre (70).

Le déséquilibre doit être manifeste en ce sens qu'il ne peut être constaté par le juge que si tout

« juge » prudent et diligent, darîs les mêmes circonstances, aboutirait à une telle conclu- sion (71).

1.4. - La, clause « date de valeur » est-elle abusive ?

Préliminaires.

Appliquer le droit est un exercice périlleux ...

Les réflexions qui suivent ont pour seule ambi- tion. de nourrir la discussion qu'il nous semble indispensable de lancer à propos des dates de valeur en Belgique.

Il n'est guère contesté que le régime des dates de valeur semble créer un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. En effet, en cas de débit, l'obligation du client de payer un inté- rêt est augmentée, par les dates de valeur, au profit du banquier; pour les crédits, le droit du client aux intérêts est, au contraire, diminué, mais toujours, au profit du banquier. La pra- tique aboutit donc, dans tous les cas, à favoriser la banque (72).

Ce déséquilibre apparaît comme manifeste lorsque des intérêts sont perçus sur un compte créditeur en capital, mais débiteur en valeur.

Non seulement, le banquier augmente les inté- rêts débiteurs, mais il évite de payer, par le jeu des valeurs, des intérêts créditeurs. On lira, à ce sujet, l'avis de l'ombudsman des banques n° 93.199 (73) qui, sans prendre position sur la question, émet de sérieuses réserves : « on comprend que le consommateur conteste ce système (celui des dates de valeur), surtout dans les applications extrêmes, notamment quand des intérêts débiteurs sont prélevés mal- gré le fait que le solde comptable reste posi- tif ».

Il nous faut toutefois approfondir l'analyse pour tenir compte de l'ensemble des droits et obligations des parties et ce, en considération de la situation de fait de ces dernières.

Et précisément, les banques avancent diffé- rentes justifications à cet avantage que leur pro- cure le système des dates de valeur.

Il n'est pas inutile, pour la clarté del' exposé, de reprendre ici la distinction opérée par la Cour de cassation de France.

Les remises de chèques à l'encaissement (et autres titres de créance).

Selon les banques, les dates de valeur sont d'abord justifiées, pour de tels titres, par les délais techniques nécessaires au recouvrement.

La détermination de la date réelle de recouvre- (70) L. Comelis, art. cit., spéc. p. 332.

(71) E. Dirix, art. cit., spéc. p. 36.

(72) Pour une telle argumentation et appréciation, voy. J.-P. Buyle, art. cit., spéc. p. 52.

(73) Avis n° 93.199,Avis de l'ombudsman, Associa- tion belge des banques, 1er sept. 1992 au 31 août 1993, p. 313.

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des1tribunaux

ment est cependant impossible de sorte que les banques fixent des délais forfaitaires (74).

On peut accepter une telle explication, sous certaines réserves toutefois.

Il faut d'abord que la durée réelle de~ dates de valeur appliquées corresponde exactement à ces délais forfaitaires de recouvrement fixés par les banques. Notons, à ce sujet, que les plaintes adressées à l'ombudsman font parfois état d'erreurs commises par la banque dans l'application des dates de valeur (75). · Il faut ensuite que les délais forfaitaires de re-·

couvrement, fixés par la banque, soient nor- maux (76), c'est-à-dire représentent bien le temps forfaitaire de recouvrement, èompte tenu des moyens techniques actuels de circulation de l'argent. .

Enfin, le client doit être informé (77), dès avant la conclusion du contrat, des dates de valeur et de leur amplitude.

Selon les banques, les dates de valeur se justi- fient également, pour de tels titres, par certains services qu'elles offrent au client. La problé- matique étant la même pour les chèques, d'une part, et pour les remises liquides et retraits, d'autre part, nous examinerons cet argument ci- après.

Les remises liquides et les retraits.

Pour de telles opérations, les banques ne peu- vent plus invoquer le délai de recouvrement.

Les fonds sont déposés sur le compte; une somme est retirée du compte.

Les banques argumentent dans ce cas que l'avantage que leur procure les dates de valeur, est, en réalité, compensé, d'une part, par les contraintes qu'elles supportent et, d'autre part, par les services offerts au client (78).

a) Les contraintes.

Pour les remises liquides, la valeur positive

· serait justifiée par l'impossibilité pour la ban- que de placer immédiatement les fonds remis et donc de payer, de suite, un intérêt au client (79).

(74) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., II, n° 22062, spéc.

p. 214.

(75) Nous avons pu relever, parmi douze avis de l'ombudsman ayant trait d'une manière ou d'une autre aux dates de valeur, quatre cas où la banque avait commis l'une ou l'autre erreur. Les avis réper- toriés sont les suivan.ts : avis n° 92.294 : erreur, avis n° 93.199 : application correcte du système, mais suite au préjudic.e subi par le client, la banque accorde un remboursement, A vis de l'ombudsman, 1er sept. 1992 au 31août1993, Association belge des banques, respectivement, pp. 66 et 313; avis n° 93.340, p. 105 : erreur, avis n° 94.086, p. 208 : erreurs, avis n° 94.262, p. 334 : erreur, avis n° 94.263, p. 335: erreur, Avis de l'ombudsman, As- sociation belge des banques, ·1er sept. au 31 déc.

1994.

(76) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, pp. 214 et S.

(77) Voy. C. Mouly, art. cit., qui considère que la critique se situe mieux sur le terrain de l'information.

(78) Pour les justifications avancées par les banques, voy.T-L. Guillot, art. cit., séminaire de Lyon, p. 11;

pour un bref aperçu économique de la situation, voy.

P. Simon,« Les dates de valeur», op. cit., séminaire de Lyon, p. 25.

(79) Ch. Galvada, art. cit., D., 1995, n° 15, spéc.

p. 230.

Pour les retraits, la valeur négative s'explique- rait par la nécessité de conserver des liquidités en caisse pour faire face aux retraits des clients (80).

Il s'agit là de « contreparties ponctuelles » aux dates de valeur. C~s justifications économiques ne sont pas à l'abri de toute critique.

Il faut d'abord insister sur ce que l'accélération des procédés techniques de traitement des opé- rations réduit de plus en plus le temps réel d'indisponibilité des fonds (81).

La cour d'appel d'Aix a ainsi considéré, dans son arrêt du 17 décembre 1986 (82), que « la pratique des jours de valeur qui se concevait et se justifiait dans une certaine mesure dans le passé par des difficultés de comptabilisation et de transmission n'a plus sa raison d'être depuis l'avènement de l'informatique ».

Il ne faut ensuite accepter une telle justification qu'à la condition, œune part, que la date de valeur corresponde exactement à ce délai - forfaitaire - d'indisponibilité et que, d'autre

part, ce délai soit normal, ce qui ne semble pas toujours le cas.

En outre, les banques devraient logiquement pratiquer le même délai, et donc la même date de valeur, pour les mouvements d'espèces de crédit ou de débit. En effet, les délais d'indispo- nibilité étant forfaitaires, on ne comprend pas pourquoi les dates de valeur sont généralement plus longues pour les débits que pour les cré- dits.

Enfin, en France, il apparaît que, depuis le 26 janvier 1991, la moyenne quotidienne des en- caisses de billets et de monnaies est comprise dans le montant des réserves obligatoires à constituer, sans que ledit montant ait été changé (83). Dans ces conditions, il n'est plus écono- miquement justifié d'expliquer les dates de va-:

leur par des contraintes de disponibilité qui rendent les fonds improductifs. Il s'agit, en réa- lité, d'une argumentation artificielle.

Et Michel Castel conclut « qu'il eût été, dès lors, économiquement justifié, sinon habile, de supprimer les jours de valeur afférents aux mouvements sur les espèces » (84).

En Belgique, certes, il n'y a pas encore de réserves obligatoires à constituer. Il n'empêche que l'exemple français permet de comprendre toute l' artificialité de cet aspect du discours économique.

Au vu de l'expérience française et des constata- tions exposées ci-dessus, à savoir que les délais techniques actuels sont, en réalité, très brefs, que cependant les délais forfaitaires fixés ne leur correspondent pas systématiquement, que la même observation vaut pour les dates de valeur, et que de tels délais forfaitaires ne sont pas toujours normaux et, qu'enfin, ils diffèrent selon que l'opération est un crédit ou un débit, nous estimons quel' argument de l'indisponibi- (80) Ch. Galcada, ibidem.

(81) Voy. R. D'Ornano, art. cit., Gaz. Pal., 1989,

doc., p. 477. ·

(82) Aix, 17 déc. 1986, J.C.P., II, 1987, n° 20795, obs. J. Stoufflet.

(83) M. Castel, « Quelques aspects économiques des jours (ou dates) de valeur», Les dates de valeur ont- elles un avenir ? op. cit., p. 29, spéc. p. 32.

(84) M. Castel, ibidem.

(7)

lité est artificiel ou, à tout le moins, seulement très partiellement explicatif du phénomène.

En réalité, il est souvent dit que les dates de valeur rémunèrent moins une indisponibilité qu'une prestation de services (85).

b) Les services.

Les dates de valeur rémunèreraient différents . services bancaires, comme les écritures au gui-

chet, les opérations de caisse, les virements, la conservation de l'argent, la gestion des moyens de paiement, ...

Peut-on accepter une telle argumentation ? Di- vers éléments doivent être pris en considéra- tion.

P. WolfCarius (86) écrit, à propos de l'article 31 de la L.P.C. que« le juge (appréciant l'en- semble des circonstances ayant abouti à la con- clusion du contrat) se basera notamment sur les principes de bonne foi, d'opposabilité des con- ditions contractuelles, d'exploitation de la si- tuation de faiblesse de l'une des parties ».

b) 1. Le principe de bonne foi.

Les critères de la bonne foi devant nous guider dans l'appréciation du caractère abusif d'une clause, on peut se demander s'il n'est pas con- traire à la bonne foi, pour le banquier, de faire rémunérer ces services par un intérêt et ce, pour deux raisons.

D'abord, « un intérêt ·n'est que la rémunéra- tion de la mise à disposition temporaire d'une somme d'argent » (87). Il est, dès lors, con- traire à la bonne foi de s'en servir pour rémuné- rer un service. Cet intérêt est, en réalité, une rémunération déguisée qui cdntrevient, selon nous; à la transparence qui doit guider les rela- tions banques-clients.

Ensuite, bon nombre de ces services, comme les virements ou la gestion de compte, font déjà l'objet, dans certaines banques, d'une rémuné- ration. Il est, selon nous, contrarre à la bonne foi, pour le banquier, d'invoquer de tels ser- vices pour justifier les dates de valeur. Au nom d'un principe de correspondance, le banquier, désireux d'augmenter sa rémunération, ne peut le faire de manière détournée, en l'espèce, par . la pratique des dates de valeur.

- La Bundesgerichtschof, dans son arrêt du 17 février 1989 (88), a précisément remis en cause les dates de valeur sur base de la notion de clause abusive, au motif, d'une part, que la clause « date de valeur» contrevient au prin- cipe de transparence, imposé par la bonne foi et, d'autre part, que la clause est déraisonnable et, à nouveau, contraire à la bonne foi, notam-.

ment parce qu'il n'appartient pas à la banque de couvrir les coûts afférents au compte par la perception de pareils intérêts.

Cette obligation de bonne foi du banquier doit d'ailleurs maintenant être appréciée à la lu- mière de la situation de fait du consommateur face à la clause « date de valeur.».

(85) Voy. notam., M. Castel, ibidem; J.-P. Buyle, art. cit., spéc. p. 42.

(86) P. Wolfcarius, art. cit., p. 320.

(87) P. Ancel, art. cit., p. 17.

(88) Pour un exposé en français de la jurisprudence allemande, C. Witz, art. cit., p. 59, spéc. p. 63, der- nière phrase; M. Dusseaux, art. cit., Rev. dr. banc. et de la bourse, 1990, 18, p. 77.

b) 2. La situation du consommateur.

La situation du consommateur peut être carac- térisée par les éléments suivants :

- La nature des services offerts au consom- mateur.

Il s'agit de services financiers, c'est-à-dire de services qui, d'une part, sont très complexes et qui, d'autre part, comportent un réel danger pour le consommateur, en ce qu'ils peuvent mener au surendettement. Il n'est plus néces- saire de rappeler ici les besoins de protection du consommateur dans ce domaine (89).

Il s·· ensuit que, pour l'appréciation du caractère abusif de la clause « date de valeur », la vigi- lance s'impose afin d'éviter que le consomma- teur ne soit surpris par leur application.

- Les circonstances entourant la conclusion du contrat.

- La nature du contrat.

Le contrat qui lie le consommateur et le ban- quier est un contrat d'adhésion, c'est-à-dire un contrat face auquel le consommateur n'a aucun pouvoir de négociation des clauses. Il ne peut qu'accepter ou refuser de contracter. S'il ac- cepte, il adhère au règlement général des opé- rations comprenant les conditions générales applicables à la convention de compte. Le con- sommateur, placé de ce fait en situation d'infé- riorité, se voit imposer les dates de valeur.

- La présentation des conditions générales de banque.

On signalera notamment, la longueur des textes - parfois - remis aux consommateurs, le peu de lisibilité de ceux-ci résultant de la structure des règlements, la formulation confuse des clauses, le caractère sibyllin de certaines clau- ses (90), ...

- Les circonstances particulières de conclu- sion du contrat.

Il faut constater le manque d'information du consommateur sur la pratique assez complexe des dates de valeur. Nous reviendrons ultérieu- rement sur le problème de l'information du consommateur.

- La situation économique du consommateur isolé.

Le poids économique du consommateur isolé, face à une banque, est nul. Au contraire des grandes entreprises, le consommateur ne peut négocier les dates de valeur.

- Les autres clauses du contrat.

Selon une étude récente sur les clauses abusives dans les contrats de gestion de comptes cou- rants et de.prêt personnel à tempérament (91),

(89) Voy. F. Domont-Naert, «La protection du con- sommateur défavorisé dans le domaine du crédit », .Ann. dr. Louvain, 1992, p. 205.

(90) M. V an Huffel et M. Goyens, « Etude sur les clauses abusives dans les contrats de gestion de comptes courants bancaires et de prêt à tempéra- ment», C.D.C., juin 1994, U.C.L., spéc. pp. 22 et s ..

(91) M. Van Huffel et M. Goyens, «Etude sur les clauses abusives dans les contrats de gestion de comptes courants bâncaires et de prêt à tempéra- ment», C.D.C., juin 1994, U.C.L., p. 28. Un tiers du

« il est frappant de constater la présence quasi- systématique de clauses abusives dans les contrats proposés par les établissements ban- caires ». Il apparaît que le secteur bancaire ap- plique ses conditions générales sans tenir compte des nouvelles législations en matière de clauses abusives. J.-L. Fagnart (92) s'interroge également sur les conséquences de l 'interdic- tion, par l'article 32 de la L.P.C., du nombre de clauses fréquentes dans les contrats bancaires.

1.5. - Conclusions sur le caractère abusif des dates de valeur

Comme nous venons de le démontrer, le régime des dates de valeur semble bien créer un désé- quilibre entre les droits et obligations des par- ties, car il avantage, dans tous les cas, le ban- quier, et parfois de façon manifeste.

Une distinction doit néanmoins être faite.

Pour les remises de chèques à l'encaissement (et autres titres de créance), le régime des dates de valeur est acceptable, car il se justifie par les délais nécessaires au recouvrement, mais à con- dition que le régime respecte les trois réserves émises ci-dessus concernant la durée réelle des dates de valeur appliquées, le caractère normal des délais forfaitaires fixés et l'information préalable du consommateur.

Au contraire, pour les remises liquides et les retraits, le déséquilibre se vérifie pour la raison, - que les contraintes de disponibilité invo- quées par les banques sont artificielles et ne peuvent, dès lors, servir de justification à 1' avantage que les banques tirent du système des dates de valeur;

- qu'il est contraire à la bonne foi pour la banque de faire rémunérer des services par un intérêt et ce, notamment, au vu de la situation de fait du consommateur laquelle commande un strict respect de cette obligation de bonne foi;

- et que, dès lors, la banque ne peut invoquer de tels services pour justifier l'avantage que lui procure le régime des dates de valeur.

Ce déséquilibre est alors manifeste dans les applications extrêmes des dates de valeur et notamment, lorsque des intérêts débiteurs sont perçus sur un compte créditeur en capital.

Nous pouvons donc conclure que, dans de telles situations, la clause « date de valeur » est abu- sive.

2. - L'article 32 de la L.P.C.

L'article 32 de la L.P.C. contient une liste limi- tative (93) de clauses abusives, qui sont nulles

secteur bancaire belge a partiCipé à l'étude. La pré- sence de clauses abusives dans les conditions de banque est systématique et touche tant la conclusion·

ou l'exécution que la fin du contrat, l'accès à la justice ou la preuve.

(92) J.-L. Fagnart, «Les consommàteurs et la ban- que »i Liber amicorum Paul de Vroede, Kluwer, 1994, p. 749, spéc. p. 759.

193) Contrairement à l'annexe de la directive du 5 avril 1993 qui contient une liste indicative de clauses pouvant être considérées comme abusives (art. 3,

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