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Elevages et antibiotiques : ce n’est plus automatique

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242 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 janvier 2012

actualité, info

Dr Jean Martin La Ruelle 6 1026 Echandens jean.martin@urbanet.ch

Elevages et antibiotiques : ce n’est plus automatique

C’est un message important, sanitaire et éco­

nomique, que vient de faire passer la Food and Drug Administration (FDA) américaine.

Elle entend réduire et réglementer, à comp­

ter du mois d’avril prochain, l’utilisation sur le sol des Etats­Unis des céphalosporines dans les élevages de bovins, de porcins, de poulets et de dindes. Il s’agit là d’une me­

sure attendue de longue date et prise no­

tamment en raison du développement des phénomènes d’antibiorésistance observés chez certaines bactéries pathogènes pour l’homme. Ces antibiotiques pourront toute­

fois continuer à être utilisés chez les canards et les lapins, indique la FDA dans un com­

muniqué disponible sur son site. Une déci­

sion intéressante mais étonnamment mini­

male. Pourquoi les seules céphalosporines et pas tous les élevages ?

«Nous pensons qu’il s’agit là d’une avan­

cée nécessaire afin de préserver l’efficacité de cette importante classe d’antimicrobiens»

explique la FDA. «Les céphalosporines sont souvent utilisées chez l’homme pour traiter les pneumonies, les infections de la peau, celles dues aux bactéries E. coli et aux sta­

phylocoques, les maladies inflammatoires pelviennes, ainsi que les infections du pied chez les diabétiques et certaines infections urinaires, résume une dépêche de l’Agence France­Presse (AFP) citant le communiqué de la FDA. Lorsque les micro­organismes deviennent résistants à certains traitements, les médecins doivent se tourner vers d’au­

tres médicaments parfois moins efficaces ou qui ont de plus nombreux effets indésira­

bles.» Force est néanmoins de rappeler ici que de vives controverses demeurent quant

aux corrélations directes pouvant ou non exister entre l’usage vétérinaire et l’émer­

gence des résistances dans l’espèce humaine.

Hasard ou pas, le même jour où la FDA rendait sa décision publique, le gouverne­

ment allemand annonçait qu’il souhaitait lui aussi légiférer pour restreindre drasti­

quement l’utilisation d’antibiotiques dans les élevages. L’annonce a été faite par le minis­

tère allemand de l’Agriculture et de la Pro­

tection du consommateur. Il importe ici de préciser que l’Allemagne est le premier pro­

ducteur de l’Union européenne de viande de porc et le troisième producteur de volaille.

L’utilisation d’antibiotiques dans l’élevage, déjà très encadrée, devra être réduite «au strict minimum». Il est déjà interdit en Alle­

magne (comme dans le reste de l’UE depuis dix ans) d’utiliser les antibiotiques comme stimulateurs de la croissance des animaux d’élevage. La nouvelle loi, qui va être sou­

mise aux Etats régionaux et aux fédérations professionnelles, doit restreindre davantage encore l’utilisation notamment des antibio­

tiques prescrits également aux humains. On estime à Berlin que le recours accru aux anti­

biotiques pour les animaux d’élevage aug­

avancée thérapeutique

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mente la résistance des consommateurs à ces traitements, ce qui présenterait un dan­

ger en cas de maladies qui ne peuvent être combattues qu’avec ces médicaments.

La Commission européenne elle­même s’était émue, en novembre 2011, des menaces croissantes que représentent les résistances bactériennes aux antibiotiques incriminant directement l’élevage et la persistance de pratiques illicites dans ce

secteur. «Nous avons un énorme problème d’anti­

biotiques dans l’élevage de masse» a pour sa part reconnu auprès de l’AFP Johannes Remmel, mi­

nistre vert de la Protec­

tion du consomma teur de l’Etat régional de Rhé­

nanie du Nord­Westpha­

lie, le plus peuplé d’Alle­

magne et l’un des plus agricoles. Quant à Ilse Aigner, ministre alleman­

de de l’Agriculture, elle entend renforcer «de ma­

nière substantielle» les

pouvoirs des Länder, chargés du contrôle de l’utilisation des antibiotiques par les éle­

veurs. Elle veut aussi limiter les préroga­

tives des médecins vétérinaires qui, depuis les années 1950, ont dans le pays le droit de distribuer directement des antibiotiques, achetés ou de leur propre fabrication.

Certaines associations allemandes de pro­

tection des consommateurs voudraient aller encore plus loin et obtenir que le pays par­

vienne dans dix ans à un élevage totalement débarrassé d’antibiotiques. Le Parlement européen souhaite, pour sa part, arrêter pro­

gressivement l’usage des antibiotiques à des fins prophylactiques dans toute l’Union eu­

ropéenne. L’association écologique allemande BUND a publié il y a quelques jours les ré­

sultats d’une étude empirique réalisée sur de la viande de poulet dans

des supermarchés du pays : la moitié des vingt échantillons contrôlés dans plusieurs gran­

des villes allemandes avait

révélé la présence dans la viande de germes résistant aux antibiotiques due, selon BUND, aux «abus permanents d’antibiotiques». Bien que nullement représentative, cette étude a rencontré un écho certain en Allemagne.

Hasard ou pas, c’est au même moment que l’Organisation mondiale de la santé ani­

male (OIE) a mis en garde contre l’usage d’antibiotiques «frelatés» chez l’animal, qui peuvent favoriser l’apparition de résistan ces chez les bactéries, en particulier en Afrique où des produits sont vendus à la sauvette.

«Nous considérons l’Afrique comme une priorité de notre action parce que c’est le continent où se déversent le plus de produits frelatés, fabriqués sur place ou en Asie», a déclaré son directeur général Bernard Vallat, parlant de «vendeurs à la sauvette d’anti­

biotiques destinés à l’homme et à l’animal».

L’OIE recommande une «utilisation pru­

dente» des antibiotiques chez l’animal et ce

«partout dans le monde». Objectif : préser­

ver une panoplie d’antibiotiques efficaces chez l’animal et chez l’homme.

«La découverte des antibiotiques a été une étape essentielle pour préserver la santé animale et la santé humaine. C’est un véri­

table trésor à préserver, a encore expliqué Bernard Vallat devant la presse, annonçant que l’OIE organiserait une conférence mon­

diale sur l’usage des antimicrobiens chez les animaux en mars 2013 à Paris.

Dans plus de 100 pays dans le monde, il n’y a pas de législation appropriée, ni d’ad­

ministration pour contrôler la distribution et l’usage des antibiotiques.» Il évoque en­

core la «fabrication massive de produits fal­

sifiés dans certains pays» et observe que des

pratiques à risque, jusqu’alors relevées le plus souvent dans les pays pauvres, se pro­

pagent aussi désormais dans les pays déve­

loppés. Des éleveurs achètent directement des antibiotiques – souvent frelatés – sur in­

ternet. Si le dosage ne correspond pas à ce qui est écrit sur l’étiquette, la probabilité de favoriser l’apparition de résistances aug­

mente. L’OIE a publié une liste d’antibio­

tiques prioritaires pour le monde animal et préconise la mise en place dans chaque pays d’autorités sanitaires pouvant autoriser la mise sur le marché de produits vétérinaires et en contrôler la qualité. Ce qui suppose des législations appropriées, des services vétéri­

naires capables de les faire respecter ainsi que de bonnes formations des vétérinaires chargés d’administrer ces médicaments.

Plus généralement, l’OIE plaide en faveur d’une large application d’un cadre législatif adapté aux produits vétérinaires. Le Codex Alimentarius, la FAO et l’OMS sont des par­

tenaires clés de l’OIE dans le domaine des recommandations faites aux vétérinaires (et aux éleveurs) sur l’utilisation des antimicro­

biens, et sur l’analyse des risques liés à la présence de résidus de médicaments vétéri­

naires dans les produits alimentaires d’ori­

gine animale.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

… des pratiques à risque se propagent aussi désormais dans les pays développés …

P.-J. Loutherbourg (1740-1812) – Le troupeau LDD

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