434 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 22 février 2012
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Impatience
Myra s’est blessée au genou. Jeune femme sportive, elle joue au volley-ball dans une équipe de première ligue. La compétition l’a insensiblement mordue. Sa blessure, con sé- quence d’un choc direct lors d’un contact vio- lent, ne semble pas grave. Elle marche avec aisance et fléchit parfaitement une articula- tion sans épanchement. Sa douleur, réveillée par l’effort, lui impose pourtant un repos dé- sespérant. Il faudra sans attendre connaître la cause du mal pour y remédier au plus vite, restituer la parfaite fonction de l’organe. Ce tempo ressenti dès la première consultation ne me réjouit guère. Les paroles rassuran tes n’accélèrent pas le processus de guérison et l’étape suivante, dès la seconde consulta- tion, est clairement demandée avec grâce et franchise juvénile : l’IRM. J’oppose une calme résistance et m’étale en explications raison- nables. Quinze jours plus tard, au même point, l’insistance grandit ; son équipe l’attend et l’en- traîneur l’appelle… J’ac cep te
en énonçant la raison plus sportive que médicale qui im- pose cet acte, espérant apaiser ma jeune impatiente ! L’image- rie ne révèle pas de lésions gra- ves. Un œdème osseux offre une explication satisfaisante aux douleurs de la jeune spor- tive. Par prudence, je consulte
un confrère orthopédiste, spécialiste du ge- nou de sportif, qui confirme, après avoir vu les images, le bien-fondé du traitement con- servateur : patience et arrêt prolongé de l’ac- tivité sportive. En apprenant cette nouvelle à l’évidence rassurante, Myra retient mal ses lar mes, affreusement déçue que rien ne puisse être fait pour la remettre sur pied au plus vite. Elle ne vient pas au rendez-vous suivant, ne donne aucune nouvelle. Un mois plus tard, je lui téléphone pour remplir un certificat d’as surance. Elle m’avoue avoir pris rendez-vous avec un chirurgien et son arthro- scopie est programmée.
Première consultation du matin. Un appel téléphonique et quelques papiers à signer m’ont fait prendre un léger retard dans une journée au programme rempli. J’accompagne un patient chenu vers le bureau de consulta- tion… Prêt à débuter énergiquement une jour- née de consultation, je dois adopter le rythme lent de ce sympathique octogénaire qui arrête sa marche pour répondre à mes premières paroles d’accueil. Une pointe d’impatience inattendue et impérieuse perce, demande que l’on avance plus vite, voudrait que je bouscule cet homme… Sentiment aussitôt réprimé par la prise de conscience de son incongruité mais qui laisse un discret malaise bientôt effacé par la poursuite du dialogue.
Aiguillon dans nos vies pressées que l’agen- da dirige, qu’il soit sportif ou professionnel, existences comprimées dans une même pré-
cipitation collective vers un but indistinct et si rarement ques- tionné. Répondre dans l’impa- tience à d’autres impatiences, invisibles souffrances conte- nues, participe sans doute à l’épuisement que bien des mé- decins affrontent tôt ou tard dans leur métier. Y a-t-il encore place pour un peu de lenteur ? carte blanche
Dr Jacques Meizoz Rue de l’Hôpital 11 1920 Martigny
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