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Heureux ceux qui sans souci sont..., Alain Houpert

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HEUREUX CEUX QUI SANS SOUCI SONT

Repas familial au restaurant. Celui-ci terminé, la maîtresse des lieux vient quérir les compliments d’usage, qui lui sont bien entendu joliment troussés. On peut être masochiste mais, en plus, reconnaître que l’on a été stupide au point d’avaler consciencieusement tout un repas indigeste sans protester, là non ! Cette remarque n’est cependant qu’une incidente que je tenais à placer à tout prix, car, en la circonstance, c’était mangeable.

Dans la foulée, l’invitant demande courtoisement que l’on veuille bien lui remettre l’addition. Tout aussi courtoisement, la patronne répond « Pas de souci ».

Existentielle interrogation : mais enfin, quel souci pourrait-il y avoir à fournir une addition ?

-que la dame soit soudain submergée par un irrépressible sentiment de culpabilité à l’idée de faire payer sa mangeaille ? A première vue, non, car si les restaurateurs travaillaient gratis pro Deo, cela se saurait, ce sont les clients qui feraient fortune et il ne me semble pas que ce soit ainsi que marchent les affaires.

-qu’il n’y ait plus de papier dans l’imprimante ou, pire, que l’ordinateur enregistreur, calculateur et cracheur de factures décide tout soudain qu’il a assez enregistré, calculé et craché de factures ce jour-là ? C’est possible, on appelle ce type d’incident la rançon du progrès technique, mais il reste toujours le bon vieux stylo à bille.

-que, devant précisément recourir au stylo, la restauratrice ne se souvienne soudain plus de la manière de faire une addition, sans compter qu’il y a la TVA à ajouter, mais enfin les opérations basiques, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ? Et puis, convenons-en, il est quand même plus aisé de totaliser quelques chiffres que d’extraire une pensée du cerveau de certains footballeurs.

Bref, il y a de quoi se perdre en conjectures sur ce «pas de souci », si affirmativement asséné, qui prolifère dans toutes les conversations, à tout propos et hors de propos, comme les algues vertes prolifèrent sur les côtes bretonnes. Mais, au moins, les algues vertes, il paraît qu’on peut les transformer en carburant

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ou en crèmes réparatrices, de jour ou de nuit je ne sais plus, pour peaux ridées par des ans l’irréparable outrage.

En l’employant, le locuteur voudrait-il se rassurer ou rassurer son interlocuteur ? Est-ce un tic ? Ou alors un couteau suisse linguistique qui permet de résoudre le maximum des situations, voire conflits, de la vie courante : « Désolé d’être en retard de deux heures –Pas de souci, j’ai fait ma sieste ». Ou alors : « Dans un petit moment de distraction, j’ai embouti complétement votre voiture – Pas de souci, je voulais justement en changer ». Mais aussi : « Je vais vous coller mon poing sur la figure – Pas de souci, quel endroit de ma face voulez-vous que je mette à votre disposition ? ». Bref, c’est un détachant universel qu’on peut utiliser sans se tromper en toutes circonstances. Mais, comme je doute de mes vaticinations sur le sujet, je suis prêt à offrir un repas à celui qui me fournira la réponse à cette angoissante mais vitale question.

Pour en revenir à l’essentiel et foin de toutes ces balivernes, comme il n’y avait pas de souci, l’addition est arrivée très vite. Mais, ainsi que c’est souvent le cas dans ces occasions, c’est celui qui doit payer qui peut s’en faire, du souci.

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HEUREUX CEUX QUI SANS SOUCI SONT

Repas familial au restaurant. Celui-ci terminé, la maîtresse des lieux vient quérir les compliments d’usage, qui lui sont bien entendu joliment troussés. On peut être masochiste mais, en plus, reconnaître que l’on a été stupide au point d’avaler consciencieusement tout un repas indigeste sans protester, là non ! Cette remarque n’est cependant qu’une incidente que je tenais à placer à tout prix, car, en la circonstance, c’était mangeable.

Dans la foulée, l’invitant demande courtoisement que l’on veuille bien lui remettre l’addition. Tout aussi courtoisement, la patronne répond « Pas de souci ».

Existentielle interrogation : mais enfin, quel souci pourrait-il y avoir à fournir une addition ?

-que la dame soit soudain submergée par un irrépressible sentiment de culpabilité à l’idée de faire payer sa mangeaille ? A première vue, non, car si les restaurateurs travaillaient gratis pro Deo, cela se saurait, ce sont les clients qui feraient fortune et il ne me semble pas que ce soit ainsi que marchent les affaires.

-qu’il n’y ait plus de papier dans l’imprimante ou, pire, que l’ordinateur enregistreur, calculateur et cracheur de factures décide tout soudain qu’il a assez enregistré, calculé et craché de factures ce jour-là ? C’est possible, on appelle ce type d’incident la rançon du progrès technique, mais il reste toujours le bon vieux stylo à bille.

-que, devant précisément recourir au stylo, la restauratrice ne se souvienne soudain plus de la manière de faire une addition, sans compter qu’il y a la TVA à ajouter, mais enfin les opérations basiques, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ? Et puis, convenons-en, il est quand même plus aisé de totaliser quelques chiffres que d’extraire une pensée du cerveau de certains footballeurs.

Bref, il y a de quoi se perdre en conjectures sur ce «pas de souci », si affirmativement asséné, qui prolifère dans toutes les conversations, à tout propos et hors de propos, comme les algues vertes prolifèrent sur les côtes bretonnes. Mais, au moins, les algues vertes, il paraît qu’on peut les transformer en carburant

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ou en crèmes réparatrices, de jour ou de nuit je ne sais plus, pour peaux ridées par des ans l’irréparable outrage.

En l’employant, le locuteur voudrait-il se rassurer ou rassurer son interlocuteur ? Est-ce un tic ? Ou alors un couteau suisse linguistique qui permet de résoudre le maximum des situations, voire conflits, de la vie courante : « Désolé d’être en retard de deux heures –Pas de souci, j’ai fait ma sieste ». Ou alors : « Dans un petit moment de distraction, j’ai embouti complétement votre voiture – Pas de souci, je voulais justement en changer ». Mais aussi : « Je vais vous coller mon poing sur la figure – Pas de souci, quel endroit de ma face voulez-vous que je mette à votre disposition ? ». Bref, c’est un détachant universel qu’on peut utiliser sans se tromper en toutes circonstances. Mais, comme je doute de mes vaticinations sur le sujet, je suis prêt à offrir un repas à celui qui me fournira la réponse à cette angoissante mais vitale question.

Pour en revenir à l’essentiel et foin de toutes ces balivernes, comme il n’y avait pas de souci, l’addition est arrivée très vite. Mais, ainsi que c’est souvent le cas dans ces occasions, c’est celui qui doit payer qui peut s’en faire, du souci.

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