R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
D. S CHWARTZ
J. L ELLOUCH
Attitude de recherche ou attitude pragmatique dans la formulation d’un problème, avec référence particulière aux essais thérapeutiques
Revue de statistique appliquée, tome 13, n
o4 (1965), p. 11-19
<
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11
ATTITUDE DE RECHERCHE OU ATTITUDE PRAGMATIQUE
DANS LA FORMULATION D’UN PROBLÈME,
AVEC RÉFÉRENCE PARTICULIÈRE
AUX ESSAIS THÉRAPEUTIQUES
D. SCHWARTZ
etJ. LELLOUCH
Unité
de Recherches Statistiques de l’Institut National de la Santé
et
de la Recherche Médicale,
Institut GustaveRoussy, Villeju if (Seine)
Nous nous proposons de montrer ici -à propos des essais théra-
peutiques-
comment unproblème,
telqu’il
est énoncé au stade initial deson
élaboration,
s’avère presquetoujours
insuffisammentformulé,
et ceci,non pas dans le
détail,
mais dans sesgrandes lignes,
en ce sensqu’il
recouvre au moins deux
problèmes,
ou deuxtypes
deproblèmes
reflé-tant des attitudes entièrement différentes. Nous montrerons en effet que la
comparaison
de deux traitements conduit à ce choix d’attitude dèsqu’il s’agit
de définira)
les traitements etb)
le mode decomparaison.
Parmi les deux attitudes
possibles,
il arrive leplus
souvent enthérapeutique
que l’une soit moins défendable quel’autre,
voire indé-fendable,
pour des raisonsd’éthique.
Nous éviterons d’abord cetaspect,
pour conserver auproblème
uneplus grande généralité.
Il fera ensuitel’objet
d’une discussionparticulière.
A - DEFINITION DES TRAITEMENTS
Exemple 1 :
Soit à comparer, pour le traitement d’un cancer, la
radiothérapie
seule et la
radiothérapie précédée
par l’administration d’unagent,
sanseffet propre, mais
susceptible
de sensibiliser le malade à l’effet des ra-diations.
Imaginons
que la durée de cette administration soit de 30jours.
On
peut alors,
pour legroupe "radiothérapie seule",
choisir entre deuxattitudes
(figure 1) :
:a)
faireprécéder
laradiothérapie
d’untemps
mort de 30jours,
de manière à la situer au même moment dans les deux groupes.
b)
effectuer laradiothérapie d’emblée,
la situant ainsi, selon toute vraisemblance, au momentoptimum.
Aucune de ces attitudes n’est
"meilleure"
quel’autre ;
lapremière permet
de comparer 2 groupes semblables vis à vis de laradiothérapie
et ne différant que par l’administration de
l’agent,
doncd’apprécier
sonrôle sensibilisant,
apportant
ainsi une informationprécieuse
sur leplan
de la connaissance
biologique.
La sejondepermet
de comparer deux trai- tements dans les conditions où on les administreraitpratiquement.
Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N .4
Nous les
appellerons
attitude de recherche et attitudepragmatique.
On notera la raison
qui,
dans cetexemple,
conduit à deux atti- tudespossibles :
dèsqu’un
essaiporte
sur deux traitementscomplexes ,
formés d’une série
d’opérations,
dont on veut étudierl’une,
la compa- raison des deux traitementspeut
êtreenvisagée,
en cequi
concerne lesautres
opérations, "à
conditionségales"
ou"en
conditionsoptimum".
Lapremière
attituderenseigne
sur le rôle del’opération
àétudier,
l’autrecompare deux traitements
complexes
dans leurs conditionspratiques
d’ad-ministration.
Groupe
1Groupe
2Figure 1 - Attitude de recherche et attitude pragmatique dans l’exemple 1.
Exemple 2 :
La double attitude n’est pas
l’apanage
des traitementscomplexes.
Soit maintenant à comparer deux traitements tels que la
radiothérapie
par
photons
et par électrons pour certains cancers,Il est
particulièrement
intéressant pour lebiologiste
de savoir si ces deux modes derayonnement
diffèrent dans leurs effets.Ceci,
bien entendu, à condition de les administrer à doseégale.
Mais supposons
qu’un
des deux modes de traitement provoque des réactionsd’intolérance
de la peau, lepraticien
pourra être amené à le comparer à l’autre avec une doseplus
faible. Plusprécisément,
il existepour chacun des traitements un
optimum, compte
tenu des inconvénients d’une dosetrop
forte. Leproblème pratique
consiste à comparerl’op-
timum pour les deux modes.
Ici encore il faut choisir entre une attitude de
recherche, qui apporte
une information
biologique importante,
et une attitudepragmatique.
Lapremière
compare les traitements"à
conditionségales",
la seconde"en
conditions
optimum"
en cequi
concerne, cettefois,
les inconvénients secondaires du traitement.Sous cette forme, le
problème
seprésente
dans sagénéralité.
Lestraitements sont administrés dans un certain contexte : soins
auxiliaires , régime,
mode de vie, inconvénients secondaires, etc... Ces contextes doivent êtredéfinis,
et ilspeuvent
l’être deplusieurs manières,
dontdeux au moins
apparaissent
clairement :l’égalisation,
si on veut con-naître le rôle propre des traitements, et
l’optimisation,
si on chercheà choisir entre deux
thérapeutiques.
Le
problème dépasse largement
le domaine médical : enagronomie
par
exemple
onpeut
comparer deux variétés deplantes
dans des condi-tions
égales
decompacité, d’engrais,
etc...(attitude
derecherche),
ouen
optimisant
cesconditions, compte
tenu du coût au senslarge (attitude
pragmatique).
13
Attitude de Recherche et Attitude
Pragmatique.
Il convient de discuter les termes
adoptés.
N’est-elle pasgrossière,
voire
indéfendable,
la tendance àséparer
recherche etpragmatisme ?
Tout
progrès
d’ordrebiologique
estsusceptible d’applications pratiques ,
tandis que la
comparaison
de deux traitements sur unplan pratique
ap-porte
un élément de connaissance.Il reste que
l’opposition
des attitudes à un sens très clairqui
est schématisé sur le tableau1,
à propos del’exemple
1(où
on supposera, poursimplifier,
les effectifs assezgrands
pourqu’on puisse négliger
lesfluctuations
d’échantillonnage) :
- si on
adopte
l’attitude de recherche(radiothérapie
seuledifférée)
on obtiendra dans tous les cas uneréponse
sousl’angle
de larecherche :
l’agent
S a, ou n’a pas de rôle sensibilisant. Parcontre,
on ne pourra tirer de conclusion
pratique
immédiate que si la radio-thérapie
estsupérieure
ouégale
au traitementcombiné,
car alors cesera vrai a fortiori pour la
radiothérapie
d’emblée.- on verra de même que l’attitude
pragmatique (radiothérapie
seule
d’emblée) apportera
dans tous les cas uneréponse
auproblème
pra-tique (comparaison
des deux traitements en conditionsoptimum)
maisn’apportera
d’information sur le rôle sensibilisant del’agent
que si le traitement combiné s’avère surpasser laradiothérapie
seule.En
définitive,
onaperçoit
très bien que :- L’attitude de recherche conduit de toute manière à des conclu- sions "de recherche", non u t i 1 t sa bl es immédi a temen t. Elle peut aussi conduire à des applications
immédiates,
mais cette éuentual i té dénend du résultat de 1 1 essai.- L’attitude
pragmatique
conduit de tou te manière à uneappli-
cation
immédiate ;
elle peut aussi apporter uneinformation
"de recherche", mais cette éuentualitédépend
du résultat de Z ‘essai.Cette vue
justifie
bien les noms d’attitude de recherche et d’attitudepragmatique.
Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N .4
B - MODE DE COMPARAISON
La
comparaison
de deux traitements A et B ne soulèverait aucunedifficulté si on connaissait leur vrai
"effet" ;
mais cette connaissance exacte nécessiterait un nombre de malades infinimentgrand ;
avec des séries d’effectiflimité,
on ne peut conclurequ’à
la condition de consen-tir certains
risques
d’erreur. On considèreclassiquement :
- le
risque
depremière espèce
a(erreur) :
conclure à unedifférence alors que A = B.
- le
risque
de deuxièmeespèce j3 (manque
depuissance) :
conclure A = B alors que les deux traitements diffèrent.
Nous
envisagerons
en outre lerisque
Y de conclurequ’un
des deuxtraitements est
supérieur
àl’autre,
alorsqu’en
fait il est inférieur(erreur
designe)
et nousl’appelerons risque
de troisièmeespèce.
Nous nous proposons de montrer
qu’il
n’existe pas unefaçon unique
de comparer deuxtraitements,
mais au moins deuxfaçons,
recouvrantdes attitudes radicalement différentes.
Première attitude.
Soit à comparer deux
antalgiques
A etB,
de formule trèsvoisine ,
l’une résultant de l’autre par modification d’un radical. Nous supposeronsqu’il
soit intéressant, sur leplan scientifique,
de savoir si cette modi-fication se
répercute
sur l’efficacité de ladrogue.
Il est alors grave de conclure à une différencequi
n’existerait pas, et cerisque
d’erreur a doit être minimisé. La solution estclassique :
c’est le teststatistique ,
où on ne conclut que si la différence observée
dépasse
un certainseuil, garantissant
la valeur a consentie. La seule raisonqui empêche
deprendre
atrop
faible estqu’alors
leseuil,
et par suitej3, augmentent.
On
peut assigner à f3
une certainelimite,
à condition deprendre
un nombre desujets plus
élevé.Quant
aurisque
’Y, il n’est pas habitueld’y
faireallusion,
toutsimplement
parce que si aet (3
sontfaibles,
Yest
négligeable (le
calcul montre que poura = ? =5%,
on a ’y10’ ).
Ces considérations sont illustrées par la
figure 2,
où la variableétudiée est
supposée quantitative (temps
de rémission de la douleur parexemple) ;
soient 4A , /-lB les moyennes vraies avec les traitements A etB,
mA et mB les moyennesqui
seront observées sur lessujets
del’essai,
n le nombre de ces
sujets, supposé
le même dans les deux groupes,a2
la variance
supposée
la même avec les deux traitements :Figure 2 - Fluctuations de
(mB - mA)
dansl’hypothèse
nulle 4B - 4A = 0 (courbe 1) et dans l’hypothèse alternative 03BCB - 03BCA = 0394 (courbe 2).15
- la courbe 1
représente, lorsque =
03BCA(hypothèse nulle),
les fluctuations de
(mB - mA) ;
on ne conclut03BCB ~ 03BCA
quesi |mB - mAi
dépasse
la valeur seuiloù Ea
désigne
l’écart réduitcorrespondant
aurisque
a(pour
a = 5%
par
exemple,
Go. =1, 96).
- la courbe 2 fait
apparaître
lesrisques
ainsi encourus, s’ilse trouve que IJ.B - IJ.A = 6
(hypothèse alternative).
Pour limiter l’ensemble(P +’Y )
il faut resserrer la courbe 2 autour de son axe enprenant
unnombre de
sujets suffisant,
de telle manière que :OÙ
03B52(03B2+03B3) désigne
l’écart-réduitcorrespondant
aurisque 2(6 +Y),
lerisque (P +Y)
étant icimultiplié
par 2 parcequ’il
n’estenvisagé
que d’un côté de la courbe2,
alors que les tablesclassiques
de l’écart-réduit corres-pondent
à un intervallesymétrique.
Compte
tenu de la valeur de(mB - mA)
Lindiquée ci-dessus,
cesconditions
impliquent
un nombre desujets par
série :Si on
supprime Y, généralement négligeable,
on obtient ainsi laformule
classique
en test bilatéral :Cependant
ladifférence 03BCB - 03BCA = 0394
est bien entendu inconnue. Pour déterminer n, on fixe alors la différence Aqu’on
ne veut pas laisseréchapper
avec lerisque consenti P ;
c’est celle-ciqui figure
dans laformule 2. Le
couple (P,A)
détermine enquelque
sorte le"pouvoir
sé-parateur"
de lacomparaison (plus j3
et A sontpetits,
meilleur est lepouvoir séparateur).
Ces considérations font ressortir que la
"comparaison"
des traite- ments A et B est uneopération
maldéfinie ;
ils’agit,
enfait,
d’unecomparaison
à des niveaux derisque déterminés" ;
la fixation de a nesuffit pas, car elle se
répercute sur (3
; la fixationde 03B2
ne suffit pas , si onn’indique
pas àquelle
valeur de A cerisque
est attaché.L’opération
n’est donc finalement définie que si on
précise
lerisque
d’erreur a et le"pouvoir séparateur" (03B2, 0394).
Ces trois données se retrouvent dans le nombre desujets
nécessaire.Deuxième attitude.
Supposons
maintenantqu’il s’agisse
de comparer deuxantalgiques,
1de formule très
différente,
et ceciuniquement
à des finspratiques :
on veut savoir
lequel
il vaut mieuxadopter.
On
s’aperçoit
immédiatement que lerisque
a devient sansgravité :
si A =
B,
enquoi peut-il
êtregênant d’adopter
A(ou B) ?
Cette op-Revue de Statistique Appliquée. 1965 r- Vol. XIII - N .4
tique
est si différente de laprécédente qu’il
convient des’y
attarderun moment. Il est bien clair que, d’un
point
de vuepurement pratique ,
si les deux traitements sont
équivalents,
iln’y
a aucun inconvénient àadopter
l’un ou l’autre. Onpeut
d’ailleurs remarquer que, dans la com-paraison pratique
de ces deuxdrogues, l’hypothèse
B - A = 0 n’estqu’une parmi d’autres,
d’ailleurs fort peuprobable.
Ainsi le
risque d’erreur, qui
constituait le centre d’intérêt et dont le contrôle était la motivation essentielle du teststatistique,
vapouvoir disparaître
de nospréoccupations,
conférant à lacomparaison
unaspect
radicalement différent.
Etant donné en effet que le
risque
a nousindiffère,
il estlogique ,
non de le minimiser
mais,
vu sesrépercussions
sur le nombre de su-jets,
de lui donner au contraire sa valeur maximum : 100%.
Celarevient,
dans lafigure 2,
àrapprocher
les deux limitesLI
etL2 jus- qu’à
l’axeOy.
Dès lors :a)
il n’est pas nécessaire de faire un test, car toute diffé-rence est
significative
aurisque
100%.
Il suffitd’adopter
le traitementqui
donne la meilleure moyenne.b)
avec ceprocédé,
on concluttoujours.
C’est bien d’ailleursce que montre la
figure
2 : siLI
etL2
sont confondus avecOy,
lerisque P
est nul.c)
c’est iciqu’intervient
lerisque
de troisièmeespèce, qui
n’est
plus
du toutnégligeable.
Il est par ailleurs graved’adopter
un trai- tement, si c’est le moins bon. Il faut donc minimiser Y ; ; mais Y n’a pas de sensisolément,
il faut lerapporter
à6,
c’est-à-dire limiter la pro- babilité Yd’adopter
un traitement moins bon que l’autre d’unequantité
p ; ; lecouple (Y,A)
détermine enquelque
sorte la"limite
desécurité"
de lacomparaison.
La
"comparaison"
des traitements A et B reste"une comparaison
à des niveaux de
risque déterminés",
mais où il est intéressant de dé- finir la"limite
desécurité" (’y, 0 ),
les autresrisques ayant
les valeursoptimum
a = 100%, (3 = 0 %.
Quant
au nombre desujets nécessaire,
il reste donné par la formule(1),
celle-ci devenant :Attitude de recherche et attitude
pragmatique.
On voit combien les deux attitudes
précédentes
diffèrent :- dans la
première,
on veut savoir s’il existe ou non unedifférence ;
laproclamer
à tort est une erreur. Plutôt que de la com-mettre,
onpréfère
ne pas conclure. Laréponse
est donnéepar un test,
- dans la
deuxième,
on veut savoirlequel
des deux traite- mentsadopter. Adopter l’un,
s’ilégale l’autre,
n’est pas grave. On conclut à tout coup, sans test.Ces deux démarches
peuvent
êtrequalifiées
d’attitude de recherche dans lepremier
cas, d’attitudepragmatique
dans le second. Si nousutilisons ici les mêmes noms que dans la
partie A,
c’estqu’ils
recouvrent17
une même
notion,
" caractérisant la formulation duproblème
dans sonensemble : c’est ainsi que le
problème
des deuxantalgiques
de formule voisine devrait être abordé dans une attitude derecherche,
non seule-ment pour le mode de
comparaison,
émis aussi pour la définition des trai- tements(conditions égales) ;
tandis que leproblème
des deuxantalgiques
de formule très différente devrait être abordé dans une attitude pragma-
tique,
non seulement pour le mode decomparaison,
mais aussi pour la définition des traitements(conditions optimum).
Répercussion
sur le nombre desujets
nécessaires.Reprenons l’exemple
des deuxantalgiques.
Admettons :- dans une attitude de
recherche, a=5%etj3=5%
pour A =1/4
heure(on
veut avoir moins de 5 chances sur 100 de laisseréchap-
per une différence de
1/4
heure dans les durées derémission). D’après (2),
- dans une attitude
pragmatique,
a = 100% (d’où P =
0%),
Y = 5
% pour A = 1/4
heure(on
veut avoir moins de 5 chances sur 100d’adopter
unedrogue
donnant1/4 heure
de rémission de moins quel’autre). D’après (3),
Bien
entendu,
le deuxième résultat est inférieur aupremier
du faitde l’absence du terme Ea, et ceci est vrai d’une manière
générale :
lenombre de
sujets
estplus
faible dans l’attitudepragmatique
que dans l’attitude derecherche,
à valeurégale
de A et durisque correspondant (y
dans lepremier cas, ?
dans lesecond).
Mais la conclusion réelle estplus complexe,
car iln’y
a pas de raisond’adopter
pour la"limite
desécurité" (Y, A)
les mêmes valeurs que pour le"pouvoir séparateur" (P,A).
La fixation de ces valeurs est affaire de
circonstances,
et il neparaît
pas
possible
de donner unerègle générale.
Cas de la démarche unilatérale.
Nous avons traité
jusqu’ici
le cassymétrique
ou bilatéral dans le-quel
on recherche si B diffère deA,
cette différencepouvant
être aussi bienpositive
quenégative.
Soit maintenant à comparer à un
antalgique classique
A un antal-gique
nouveau B. Celui-ci ne nous intéresse que s’il estsupérieur
à A.S’il est inférieur
ou même égal
au traitementclassique,
ce dernier sera conservé. Leproblème
est alors detype dissymétrique
ou unilatéral.La
question qui
vient immédiatement àl’esprit
est lasuivante :
àpartir
dequelle
différence le traitement nouveau sera-t-ilpréféré
àl’ancien ? S’il donne une durée de rémission
plus
élevée d’au moins1/4 d’heure, 1/2 heure,
1 heure ?Supposons
que cet"handicap"
soit de1
heure,
c’est-à-dire que si B - A = 1heure,
il est indifférent d’utiliser A ou B : pour ce"point d’équilibre"
la démarche estbilatérale ;
à condi- tion de retrancher 1 heure aux durées de rémissionprocurées
parB,
onest ramené au
problème précédent.
Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N ’4
La fixation de cet
"handicap"
est. bien entendumalaisée,
et onpeut
être certain que le médecin
prié
de la chiffrer fera lagrimace.
Enfait,
on ne voit pas que la difficulté
puisse
êtreesquivée.
Procéder d’abord àl’essai,
et choisir entre A et Baprès
coup, selon la différence ob-servée,
revient seulement àreporter
cette difficulté. Dès lorsqu’on
aadmis la
fixation ,à priori
dea. A, P
ouY,
la fixation del’handicap
n’estque la suite
logique
de cettepolitique.
Cette fixation est, bien
entendu,
de naturepragmatique :
c’est que l’essaienvisagé
ici est de naturepragmatique.
Il reste à se demandercomment le
problème
devrait être résolu dans un essai axé sur une at- titude de recherche. Notreopinion
est que la recherche aboutitplus
ra-rement à des
problèmes
unilatéraux car si unedifférence, qu’on
attendpositive
ounulle,
se révèle en faitnégative
de manièresignificative,
on hésitera le
plus
souvent à l’attribuer au hasard. Aussi la démarche unilatérale nousparaît-elle être,
dans lamajorité
des cas, lasignature
d’une attitude
pragmatique.
On remarquera que nous avons fait intervenir ici d’autres variables que l’effet
principal
du traitement, defaçon
à définir le coûtglobal ;
cette
préoccupation
nous avaitéchappé
dans leproblème
bilatéral. Nous pensons que dans leproblème bilatéral,
on devraitégalement
considérerle coût
global,
du. moins si onadopte
l’attitudepragmatique ;
tandisqu’on
examinerait
plutôt
un effet déterminé du traitement si onadopte
l’atti-tude de recherche.
C - PROBLEME
D’ETHIQUE
Si la définition des traitements et celle de leur mode de
comparaison
offrent le choix entre deux
attitudes,
l’une d’entre ellespeut
être éthi-quement
moins défendable quel’autre,
voire indéfendable. Il restedonc ,
dans le domainemédical,
à examiner cepoint
de vue.Dans les
exemples cités,
une attitudeapparaît
difficilement défen- dable : retard dans laradiothérapie, radiothérapie
parphotons
ouélectrons à doses
égales.
D’une manièregénérale,
si onpeut
définir les deux attitudes par"à
conditionségales"
pourl’une, "en
conditionsoptimum"
pourl’autre,
seule cettedernière,
l’attitudepragmatique,
est admissible. Il résulte que seuls sont défendables les essais suivants :- les essais
purement pragmatiques,
- les essais
mixtes, lorsque
les"conditions égales"
se con-fondent avec les
"conditions optimum". Ainsi,
si un retard de 30jours
en
radiothérapie
nechange rien,
si les réactions cutanées auxphotons
et aux électrons sont
pratiquement
du mêmeordre,
on pourraadopter
une attitude de recherche
qui
sera en mêmetemps
l’attitudepragmatique.
Il reste à examiner
quel
mode decomparaison
estéthiquement préférable.
Les essaispragmatiques
neposent
pas deproblème,
la com-paraison
devant y être effectuée sur le modepragmatique.
Mais dans les essaismixtes,
il faut bien choisir l’une ou l’autre des deuxattitudes ,
ne fût-ce que pour fixer le nombre de
sujets
nécessaires. Peut-on indi- querlaquelle
est laplus
conforme àl’éthique ?
Cette décision ne
peut
résulter que d’un bilan où interviendraient notamment, d’unepart
les inconvénients d’un nombre desujets
élevé(la
moitié dessujets reçoivent
le moins bon des deux traitements ; en19
outre,
pendant
la durée del’essai,
les malades extérieurs sontprivés
de celui des deux traitements
qui
s’avèrera lemeilleur),
d’autrepart
la contributioncomparée
des deux attitudes auprogrès
de lathérapeutique .
Cette
question
n’admet pas deréponse générale,
et le moinsqu’on puisse
dire est que, pour un
problème donné,
elle n’estguère simple.
Nous nepensons pas que ce soit ici le lieu pour en dire
davantage.
D - RESUME ET CONCLUSION
L’exposé qui précède
n’estqu’un
aperçu. Il vise surtout à poser desquestions,
dont la solution demande sûrement à être discutée. Dans lesgrandes lignes,
ilpeut
être ainsi résumé :Les termes
"comparaison
de deux traitements A etB"
constituentune formulation
incomplète
d’unproblème, qui
recouvre au moins deuxproblèmes
différents.Un
premier
choix seprésente
dans la définition des traitements ; ceux-cipeuvent
être administrés àégalité
de toutes autresconditions ,
ou à
optimum
de ces conditions. Lapremière
attitudepermet
de comprendre
lepourquoi
d’unedifférence,
la secondeindique
le meilleur des deux traitements dans des conditionspratiques.
Un deuxième choix se
présente
dans le mode decomparaison.
Lacomparaison
de deuxtraitements,
dans le domaine des effetsvariables ,
ne
peut
êtrequ’une "comparaison
à des niveaux derisque définis".
Le choix de ces niveaux détermine deux attitudes : lapremière
vise à dé-celer une différence dont la connaissance est
scientifiquement impor-
tante, la secondeindique
celui des deux traitementsqu’il
fautadopter.
Le
premier
choix comme le secondcorrespondent,
dansl’ensemble,
à deux attitudes : l’une visepréférentiellement
à unequête
de connais-sance, l’autre à une décision immédiate.
Ce choix se
présente
pour toutproblème
decomparaison
de trai- tements. Dans le domaine médicals’ajoute
uneimplication éthique, qui
interdit certaines
options.
Mais il restetoujours important
dedistinguer
clairement les
options possibles,
même si certaines nepeuvent
êtreadoptées.
Revue de Statistique Appliquée. 1965 - Vol. XIII - N ’4