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Considérations éthiques liées à l’utilisation d’interventions non homologuées contre la maladie à virus Ebola

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Academic year: 2022

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WHO/HIS/KER/GHE/14.1

Considérations éthiques liées à l’utilisation d’interventions non homologuées contre la

maladie à virus Ebola

Rapport à l’OMS d’un groupe consultatif

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© Organisation mondiale de la Santé 2014

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Cette publication renferme le rapport d’une discussion de groupe sur le Web traitant des

Considérations éthiques liées à l’utilisation d’interventions non homologuées contre la maladie à virus Ebola, qui a eu lieu le 11 août 2014 à Genève et ne représente pas nécessairement les décisions ni les politiques de l’Organisation mondiale de la Santé.

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Résumé

L’Afrique de l’Ouest est en train de subir la flambée de maladie à virus Ebola la plus étendue, la plus sévère et la plus complexe enregistrée dans l’histoire. Précédemment, les flambées de cette maladie ont été jugulées en mettant en œuvre les interventions disponibles comme le dépistage et l’isolement précoces des cas, la recherche et le suivi des contacts, et le respect de procédures rigoureuses de lutte contre l’infection. Néanmoins, le fait de disposer de traitements ou de vaccins efficaces permettrait un renforcement spectaculaire de la capacité à neutraliser cette maladie Au cours de la dernière décennie, des efforts de recherche ont été menés pour mettre au point des médicaments et des vaccins contre la maladie à virus Ebola. Certains d’entre eux ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais leur efficacité et leur innocuité n’ont pas encore été évaluées chez l’être humain. Le grand nombre de personnes touchées par l’épidémie actuelle en Afrique de l’Ouest et le fort taux de létalité ont suscité des appels à accélérer l’évaluation et la mise au point de ces interventions médicales encore à l’étude et à les utiliser pour tenter de sauver les vies des malades et enrayer l’épidémie.

C’est pourquoi, le 11 août 2014, l’OMS a convoqué une consultation pour examiner et évaluer les implications éthiques qu’auront les décisions cliniques d’utiliser des interventions non homologuées ayant donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais dont l’efficacité et l’innocuité n’ont pas encore été évaluées chez l’être humain.

Les membres du groupe ont discuté des circonstances particulières de cette flambée et évalué les différentes options. Ils ont conclu à l’unanimité qu’il était acceptable, pour des raisons éthiques et sur la base des données factuelles, d’utiliser comme traitement potentiel ou en prévention des interventions non homologuées qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais dont l’efficacité et l’innocuité n’ont pas encore été évaluées chez l’être humain, sous réserve que certaines conditions soient réunies. En parvenant à ces conclusions, les membres du groupe étaient conscients qu’il s’agit là d’une rupture avec le système historique et bien établi de réglementation et de conduite des thérapies et interventions.

Des critères éthiques et scientifiques doivent guider l’utilisation des interventions non homologuées.

Ils comprennent la transparence dans tous les aspects des soins, de façon à obtenir le maximum d’informations sur les effets des interventions, une juste répartition devant la rareté, la promotion d’une solidarité internationale, le consentement éclairé, la liberté de choix, la confidentialité, le respect de la personne, la préservation de la dignité et l’implication de la communauté. Le recours à ces interventions doit également se fonder sur la meilleure évaluation possible des risques et avantages à partir des informations disponibles.

Le groupe a indiqué qu’au cas et au moment où ces interventions sont utilisées pour traiter des malades (ou en prévention), les médecins surveillant leur administration ont l’obligation morale de collecter et de communiquer toutes les données pertinentes générées, y compris celles relatives aux traitements délivrés à titre « compassionnel » (accès à un médicament non homologué en dehors d’un essai clinique), afin d’en établir l’innocuité et l’efficacité.

Le groupe a exploré les possibilités d’évaluer scientifiquement l’utilisation, dans le cadre clinique, de ces interventions en cours d’étude pour garantir l’obtention en temps utile d’informations exactes sur leur innocuité et leur efficacité. Ils se sont accordés à l’unanimité sur l’existence d’un devoir moral d’évaluer également ces interventions (pour le traitement ou la prévention) dans le cadre des meilleurs essais cliniques possibles pouvant être menés en situation d’épidémie, afin d’établir leur innocuité et leur efficacité ou de fournir des éléments conduisant à stopper leur utilisation.

L’évaluation en cours devra guider les interventions futures.

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En plus de ces conseils, le groupe a déterminé les domaines requérant une analyse et des discussions plus approfondies, comme :

 les moyens éthiques de collecter des données tout en s’efforçant de délivrer des soins optimaux dans les circonstances actuelles ;

 les critères éthiques pour définir des priorités dans l’utilisation de traitements ou de vaccins expérimentaux non homologués ; et

 les critères éthiques pour parvenir à une distribution équitable, dans les communautés et les pays, du nombre croissant d’interventions possibles à l’étude, dont probablement aucune ne sera en mesure de répondre à court terme à la demande.

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Introduction

L’Afrique de l’Ouest est en train de subir la flambée de maladie à virus Ebola la plus étendue, la plus sévère et la plus complexe enregistrée dans l’histoire. Précédemment, les flambées de cette maladie ont été jugulées en mettant en œuvre les interventions disponibles comme le dépistage et l’isolement précoces des cas, la recherche et le suivi des contacts, et le respect de procédures rigoureuses de lutte contre l’infection. Des traitements ou vaccins efficaces permettraient cependant un renforcement spectaculaire de la capacité à neutraliser cette maladie.

Au cours de la dernière décennie, des efforts de recherche ont été menés pour mettre au point des médicaments et des vaccins contre la maladie à virus Ebola. Certains d’entre eux ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux de l’infection mais, pour la plupart, l’efficacité et l’innocuité n’ont pas encore été évaluées chez l’être humain. Pour nombre de ces médicaments et vaccins, des études d’innocuité en phase 1 sont prévues dans les 2 à 6 prochains mois et certains d’entre eux devraient ensuite progresser vers la phase 2 des études cliniques.

L’ampleur de l’épidémie en Afrique de l’Ouest, avec le grand nombre de personnes touchées, a suscité des appels pour utiliser ces interventions médicales non homologuées encore à l’étude, pour tenter de sauver les vies des malades et enrayer l’épidémie.

Questions abordées et finalité

Le 11 août 2014, dans le contexte de l’épidémie actuelle d’Ebola, l’OMS a convoqué une consultation pour examiner et évaluer les implications éthiques qu’auront les décisions cliniques d’utiliser des interventions non homologuées ayant donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais dont l’efficacité et l’innocuité n’ont pas encore été évaluées chez l’être humain. Cet objectif étant posé, le Secrétariat de l’OMS a demandé au groupe de réfléchir à cinq questions :

1. Est-il éthique d’utiliser comme traitement potentiel des sujets infectés, des interventions non homologuées qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais qui ont des effets indésirables inconnus chez l’homme ? En cas de réponse affirmative, quels critères et conditions faut-il respecter avant de pouvoir les utiliser ?

2. Est-il éthique d’utiliser en prophylaxie des interventions non homologuées qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais qui ont des effets indésirables inconnus chez l’homme, pour ceux qui ont été exposés au virus mais ne manifestent aucun signe de la maladie (c’est-à-dire en prophylaxie postexposition) ? En cas de réponse affirmative, quels critères et conditions faut-il respecter avant de pouvoir les utiliser ? 3. Est-il éthique d’utiliser en prophylaxie des interventions non homologuées qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, mais qui ont des effets indésirables inconnus chez l’homme, pour ceux qui sont susceptibles d’être exposés au virus (c’est-à-dire en prophylaxie préexposition) ? En cas de réponse affirmative, quels critères et conditions faut-il respecter avant de pouvoir les utiliser ?

4. S’il est éthique d’utiliser des interventions non homologuées qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux dans les circonstances décrites ci-dessus, sur quels critères doit reposer le choix de ces interventions ?

5. S’il est éthique d’utiliser des interventions non homologuées qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux dans les circonstances décrites ci-dessus, qui doit bénéficier en priorité du traitement ou de la prévention ?

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Organisation de la réunion

Un groupe comptant 12 membres (voir liste ci-après) a été invité pour conseiller le Directeur général de l’OMS à la suite d’une discussion de 3 heures par téléconférence. Ces conseillers ont été invités sur la base de leur expérience variée, de leur expertise et de leur représentation géographique. Leurs domaines de compétence étaient les suivants : bioéthique, méthodologie de la recherche scientifique, recherche sur Ebola, expérience de la prise en charge d’Ebola, expérience des crises humanitaires, plaidoyer pour la sécurité des patients et réglementation des traitements.

Quatre experts consultables ont été invités pour apporter, si besoin, une contribution à la discussion du groupe consultatif.

Au début de la réunion, le Directeur général a invité le Dr Philippe Calain à présider la séance.

Il a été demandé à tous les conseillers et experts consultables de déclarer d’éventuels intérêts financiers, universitaires ou non universitaires en rapport avec l’objet de la réunion. Le Secrétariat a examiné leurs déclarations écrites et a jugé qu’aucun des membres n’avait de conflits d’intérêt à prendre en compte. Le Dr Frederick Hayden, l’un des experts consultables, a déclaré que « son université et lui avaient reçu une indemnisation pour le temps passé à examiner un procès en propriété industrielle concernant le Zanamivir (GSK) et des cas médicolégaux de grippe mortelle avec un retard dans l’utilisation de l’Oseltamivir (Roche) ». Il a ajouté qu’il avait réalisé ces examens de cas en tant que membre à part entière de la faculté et n’avait reçu pour cela aucune rémunération à titre personnel.

Rapport de la réunion

Le Dr Margaret Chan, Directeur général de l’OMS, a ouvert la réunion et remercié les participants d’avoir répondu si vite présent pour conseiller et aider l’OMS sur ces questions difficiles d’éthique.

Le Dr Chan a décrit les problèmes et invité le groupe à entamer les délibérations. Le Dr Marie-Paule Kieny, Sous-Directeur général, a expliqué les rôles respectifs des conseillers et des experts consultables. La suite de la réunion a alors été confiée au Président qui, pour tirer le meilleur parti du temps disponible, a demandé au groupe de commencer par étudier ensemble les trois premières questions, puis de passer aux deux dernières. Il a été demandé à chaque conseiller de donner une brève réponse à chacune des questions, en résumant sa position, puis le débat a été ouvert pour les observations et les questions. Les membres du groupe ont été invités à communiquer par écrit leurs commentaires supplémentaires dans un délai de 24 heures après la fin de la réunion.

Alors que les débats du groupe se sont effectivement structurés autour des cinq questions énumérées, nous allons récapituler dans le présent rapport les discussions qui ont eu lieu ensuite entre les membres du groupe.

Points essentiels de la discussion

1. Circonstances exceptionnelles

 Les membres du groupe ont relevé que la situation en Afrique de l’Ouest est sans précédent. La flambée de maladie à virus Ebola survient dans des pays qui n’ont jamais eu l’expérience de cette maladie auparavant et elle sollicite de manière extrême des systèmes de santé fragiles, à un point tel que leurs capacités sont dépassées. Cette épidémie est déjà la plus importante jamais enregistrée pour une maladie à filovirus. Elle est complexe, touchant de multiples lieux, avec beaucoup de déplacements transfrontaliers entre les communautés et des idées fausses sur l’origine de la maladie, ce qui rend les opérations internationales de secours encore plus difficiles. La souche virale responsable provoque une maladie avec un taux de létalité variable

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mais élevé. La communauté locale des soignants se trouve dans une situation critique en raison des risques élevés encourus par les médecins et le personnel infirmier.

 Avant cette épidémie, il n’y avait aucune incitation commerciale pour mettre au point des traitements ou des vaccins contre les maladies à filovirus, et l’absence d’interventions de ce type a privé les autorités de la santé publique et les médecins des pays affectés d’options spécifiques à mettre en œuvre pour la prévention ou le traitement, bien que des flambées se produisent depuis près de quatre décennies.

 Les flambées sont le seul moyen d’obtenir des données factuelles sur l’innocuité et l’efficacité de toute intervention contre la maladie à virus Ebola, car il est très rare d’identifier des cas sporadiques. Il faut donc établir d’urgence des cadres de recherche pour trouver les modèles et les méthodes d’étude les plus appropriés au cours d’une flambée.

 Le groupe a pris note des produits médicaux en cours de développement pour la maladie à virus Ebola et comprenant des produits d’immunothérapie passive, des médicaments antiviraux et des vaccins, qui en sont à un stade préclinique avancé et dont certains sont prêts à être testés sur l’être humain. Il a fortement recommandé que ces médicaments ou vaccins encore à l’étude, qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, soient d’urgence testés chez l’homme en appliquant des méthodes scientifiques rigoureuses.

Dans le même temps, la situation concrète dans laquelle se trouvent les capacités de riposte à la flambée a imposé à la recherche d’adopter des méthodes innovantes d’évaluation rapide, de façon à ce que les interventions expérimentales prometteuses puissent être rapidement testées dans le cadre d’études cliniques de grande ampleur. Sans ces essais, il n’y a aucune certitude sur leur innocuité et leur efficacité.

 Ayant pris en compte les points qui précèdent, le groupe a convenu à l’unanimité que, dans la situation exceptionnelle de la flambée actuelle d’Ebola, il existe une obligation éthique de proposer, aux patients et aux personnes courant un risque élevé de contracter la maladie, les interventions expérimentales disponibles ayant donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux pertinents, sous réserve que les conditions énumérées ci-après soient réunies.

2. Points essentiels à prendre en considération avant d’utiliser des interventions non homologuées

 Les options thérapeutiques ou prophylactiques en cours d’étude ne devraient pas détourner l’attention accordée ou les ressources consacrées aux mesures de santé publique qui restent absolument prioritaires pour lutter contre la flambée.

 Le recours à ces interventions doit être conforme à des critères fondés sur l’éthique habituelle de la recherche, l’éthique de la santé publique et l’éthique de la santé mondiale. Ces critères incluent la transparence de tous les aspects des soins (y compris les indications médicales et les critères de sélection en vue de l’utilisation de l’intervention) – afin qu’un maximum d’informations puisse être obtenu sur les effets des interventions –, la confiance, la répartition équitable face à la pénurie, la promotion de la solidarité cosmopolite, le consentement éclairé, la liberté de choix, la confidentialité, le respect de la personne, la préservation de la dignité et l’implication de la communauté.

 L’utilisation de ces interventions doit être basée sur une évaluation optimale des risques et des avantages d’après les informations disponibles au moment de l’évaluation.

 Les interventions non homologuées proposées doivent avoir fait la preuve de leur innocuité et de leur efficacité sur des modèles animaux pertinents, en particulier chez les primates non humains.

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 Les critères à appliquer pour les traitements délivrés à titre compassionnel (accès à un médicament non approuvé en dehors d’un essai clinique) doivent être compris de la même manière par tous ceux qui prennent part à la décision finale (patients, cliniciens, famille et personnes chargées de la conservation des matériels), et ceci doit être consigné par écrit avant la mise en œuvre de l’intervention.

 Le degré d’incertitude quant à l’innocuité et à l’efficacité de l’intervention chez l’être humain doit être clairement admis et annoncé de façon transparente à toutes les parties concernées, notamment les patients et les communautés impliquées, afin d’éviter de susciter des espoirs infondés.

 Il faut disposer de moyens afin d’administrer en même temps la thérapie expérimentale et le traitement de soutien nécessaire, de contrôler et de prendre en charge les effets secondaires éventuels et de suivre l’évolution du traitement, y compris, au minimum, en mesurant, si possible, des résultats intermédiaires appropriés, tels que les marqueurs de la maladie et de la réponse immunitaire.

 Les données appropriées, scientifiquement utiles, générées sur les résultats cliniques et d’autres résultats pertinents obtenus du fait de l’utilisation de ces agents, y compris les traitements délivrés à titre compassionnel, devraient être collectées et communiquées rapidement et de manière transparente à la communauté scientifique. Le groupe a souligné qu’il y avait là une obligation morale.

 La délivrance d’un traitement à titre compassionnel est justifiée comme mesure d’urgence exceptionnelle. Elle ne doit pas empêcher ou retarder le lancement de travaux de recherche plus concluants sur l’intervention, dans le cadre d’études cliniques bien conçues. Dans les circonstances actuelles, aucune argumentation éthique ne peut englober de manière adéquate tous les aspects qui justifient la délivrance d’un traitement à titre compassionnel et aucun principe ni aucune considération normative n’est susceptible de supplanter les autres.

 Le groupe a pris acte des conséquences de la flambée pour les systèmes de santé des pays touchés et a indiqué que toute décision d’utiliser des interventions expérimentales dont l’efficacité n’est pas prouvée doit tenir compte du niveau des soins et de la faisabilité dans le contexte où ces interventions sont proposées.

3. Critères de hiérarchisation et d’allocation des interventions en cours d’étude

 Le groupe a recommandé, en priorité, de faciliter l’accès des pays touchés aux interventions candidates dont l’innocuité et l’efficacité ont déjà été prouvées en laboratoire, y compris chez des primates non humains ayant servi de modèles.

 Comme le nombre d’interventions candidates est actuellement restreint et les doses des traitements les plus prometteurs sont disponibles en quantités extrêmement limitées, il faudra faire des choix, non seulement en ce qui concerne les personnes qui bénéficieront de l’intervention mais aussi des critères à appliquer pour déterminer quels pays pourront bénéficier de telle ou telle intervention. Il a été convenu que, pour faire ces choix, il faudrait appliquer les principes servant à définir les priorités dans les situations où l’on dispose de peu de ressources. Quelques-uns des critères évoqués étaient les suivants :

 la justice distributive : l’équité entre les pays et entre les populations à l’intérieur de chaque pays ;

 la réciprocité et l’utilité sociale : le groupe n’était pas unanime à ce sujet mais de nombreux membres ont proposé que les agents de santé soient considérés comme prioritaires, y compris pour l’accès au traitement. Cette proposition est fondée sur deux principes

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sociale (ils jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la flambée). Les mêmes principes devraient être appliqués aux autres personnes qui assurent des services d’appui (par exemple l’assainissement et les inhumations) et à celles qui soignent des membres de leur famille. D’autres membres du groupe estimaient que les patients dans la communauté devraient être prioritaires au même titre que les personnes susmentionnées, en particulier pour l’accès au traitement ;

 la probabilité d’un effet positif sur la personne et sur les résultats en santé publique ;

 le stade clinique de la maladie ; et

 les caractéristiques du produit médical non homologué.

 En raison de taux de mortalité plus élevés chez les enfants et les femmes enceintes, ces catégories devraient être considérées comme particulièrement vulnérables face à la maladie à virus Ebola et bénéficier d’une protection particulière lorsqu’elles reçoivent ces interventions.

 Les principes appliqués pour hiérarchiser l’administration du nombre très limité de doses disponibles doivent être totalement transparents et prévoir la participation des pays et des communautés touchés.

 D’autres principes directeurs ont été définis :

 lorsqu’un produit non homologué est utilisé comme agent thérapeutique, des soins de soutien doivent être assurés ;

 un minimum d’infrastructure et de matériel doit être disponible pour administrer le traitement expérimental, contrôler son efficacité et traiter correctement tout effet indésirable grave ;

 les familles et les communautés doivent participer, dans la mesure du possible, aux décisions concernant les priorités d’allocation des traitements ;

 le choix de bénéficier ou non de l’intervention expérimentale doit incomber, en définitive, au patient, si son état le lui permet. Si le patient est inconscient ou n’est pas en état de comprendre les risques encourus, il faut essayer d’obtenir le consentement de la famille et/ou de la communauté ;

 comme le consentement est d’une importance capitale, les informations doivent être données de manière facilement compréhensible, en tenant compte du contexte culturel.

Pour les mineurs, il faut obtenir le consentement des parents ou du représentant légal ;

 la compréhension et le soutien par la communauté de l’utilisation des interventions expérimentales dans ce contexte peuvent susciter de la confiance dans les soins médicaux en général et encourager les patients à se faire traiter précocement. Ces interventions peuvent être bénéfiques pour les patients et pour l’ensemble de la communauté car elles incitent les gens à se faire soigner.

4. Prochaines étapes

Les membres du groupe ont convenu que plusieurs questions devaient continuer à être débattues et analysées très prochainement, au fur et à mesure que de nouvelles données seraient disponibles.

 Comment peut-on réunir, de manière éthique, des données sur les interventions tout en prodiguant des soins optimaux dans les circonstances actuelles et en respectant la confidentialité ?

 Quels critères éthiques devrait-on appliquer pour donner la priorité à l’utilisation de thérapies expérimentales et de vaccins expérimentaux non homologués qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux ?

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 Quels critères éthiques devrait-on appliquer pour parvenir à une répartition équitable des interventions dans les communautés et entre les pays, compte tenu du nombre croissant de nouvelles interventions possibles et du fait qu’aucune d’entre elles n’est susceptible de répondre à la demande à court terme ?

Les membres du groupe ont recommandé de poursuivre la discussion avec des spécialistes de l’éthique et d’examiner parallèlement : i) les nouvelles données scientifiques sur les possibilités éventuelles de traitement et de prophylaxie de la maladie à virus Ebola ; ii) les conditions pragmatiques minimales pour mener des essais corrects ; et iii) les conceptions d’essais les plus appropriées compte tenu des contraintes actuelles dans le cadre de la riposte internationale à la flambée, y compris l’utilisation de conceptions d’essais pragmatiques et l’étude de méthodes novatrices pour évaluer rapidement l’efficacité et l’innocuité.

Conclusion

Dans les circonstances particulières de la flambée de maladie à virus Ebola qui touche actuellement l’Afrique de l’Ouest, il est éthiquement acceptable de proposer comme traitement potentiel ou prophylaxie potentielle des interventions qui n’ont pas encore fait leurs preuves et qui ont donné des résultats en laboratoire et sur des modèles animaux, mais dont l’innocuité et l’efficacité n’ont pas encore été évaluées.

Des critères éthiques, scientifiques et pragmatiques doivent guider la fourniture de ces interventions, dont notamment la transparence de tous les aspects des soins – afin qu’un maximum d’informations puisse être obtenu sur les effets des interventions –, l’équité, la promotion de la solidarité cosmopolite, le consentement éclairé, la liberté de choix, la confidentialité, le respect de la personne, la préservation de la dignité, l’implication de la communauté et l’évaluation du rapport bénéfices-risques.

Au cas où des interventions qui n’ont pas encore fait leurs preuves et dont l’innocuité et l’efficacité chez l’être humain n’ont pas encore été évaluées, mais qui ont donné des résultats prometteurs en laboratoire et sur des modèles animaux, sont utilisées pour traiter des patients, les personnes impliquées ont une obligation morale de collecter et de communiquer toutes les données générées pertinentes du point de vue scientifique, y compris celles relatives aux traitements délivrés « à titre compassionnel ».

Les chercheurs ont le devoir moral d’évaluer ces interventions (à des fins thérapeutiques ou prophylactiques) dans le cadre d’essais cliniques, dont la conception doit être optimale compte tenu des circonstances exceptionnelles engendrées par la flambée de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest, afin d’établir que les interventions sont sûres et efficaces ou de fournir des données en vue d’arrêter leur utilisation. L’orientation des interventions futures doit reposer sur une évaluation continue.

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Liste des participants Conseillers

Nom Qualité Domaine de

compétence

Pays

Dr Juan Pablo Beca Professeur, Centre de bioéthique, Faculté de médecine, Universidad del Desarrollo Membre de l’Académie de médecine du Chili

Bioéthique, éthique de la recherche, éthique de la clinique

Chili

Dr Helen Byomire Ndagije

Head, Drug Information Department, Ugandan National Drug Authority

Règlementation pharmaceutique

Ouganda

Dr Philippe Calain (Président)

Chercheur principal, Unité de recherche sur les enjeux et les pratiques, Médecins sans Frontières

Maladies à filovirus, éthique humanitaire, éthique de la santé publique, surveillance de la santé publique mondiale, éthique des catastrophes

Suisse

Dr Marion Danis Head, Section on Ethics and Health Policy, Chief, Bioethics Consultation Service, National Institutes of Health

Bioéthique, politique sanitaire, stratégies de participation du public au rationnement

États-Unis d’Amérique

Professeur Jeremy Farrar

Director, Wellcome Trust Infections émergentes, grippe, infections du système nerveux central, dengue, fièvre typhoïde, tuberculose et infections

opportunistes liées à l’infection à VIH, éthique de la recherche dans le cadre des épidémies

Royaume-Uni

Professeur Ryuichi Ida

Membre du groupe d’experts de la bioéthique (Comité national de bioéthique)

Bioéthique Japon

Professeur Tariq Madani

Professeur, Président du Département de médecine et des maladies infectieuses, Section des maladies infectieuses, Président de la Faculté de médecine, Président du groupe scientifique sur les fièvres hémorragiques virales, Centre de recherche médicale du Roi Fahd

Fièvres hémorragiques virales, maladies infectieuses, lutte contre les infections

Arabie saoudite

Professeur Michael Selgelid

Director, Centre for Human Bioethics, Monash University

Questions d’éthique liées aux maladies infectieuses

Australie

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Professeur Peter G. Smith

Professor of Tropical Epidemiology, London School of Tropical Medicine and Hygiene

Recherche

épidémiologique et statistique, études interventionnelles à grande échelle contre les maladies tropicales, y compris essais de vaccins

Royaume-Uni

Mme Jeanine Thomas

Défenseur de la sécurité des patients Défense des patients États-Unis d’Amérique Dr Aissatoue Touré Chef du Département d’immunologie de

l’Institut Pasteur, membre du Comité national d’éthique

Immunologie du paludisme

Sénégal

Professeur Ross Upshur

Canada Research Chair in Primary Care Research

Professor, Department of Family and Community Medicine and Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto

Épidémiologie des maladies

transmissibles, éthique de la santé publique, éthique de la santé mondiale, questions d’éthique dans le cadre des épidémies et des pandémies, éthique de la recherche

Canada

Experts consultables

Dr Daniel Bausch, United States Naval Medical Research Unit No. 6, Lima, Pérou Professeur Luciana Borio, United States Food and Drug Administration

Dr Frederick Hayden, University of Virginia, États-Unis d’Amérique

Dr Stephan Monroe, United States Centers for Disease Control and Prevention, États-Unis d’Amérique

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WHO/HIS/KER/GHE/14.1

Références

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