• Aucun résultat trouvé

UN CONSENTEMENT PLEINEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "UN CONSENTEMENT PLEINEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ?"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

UN CONSENTEMENT PLEINEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ ? Nicole Pélicier

Centre Laennec | « Laennec » 2011/4 Tome 59 | pages 24 à 30 ISSN 1272-520X

DOI 10.3917/lae.114.0024

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-laennec-2011-4-page-24.htm

---

Distribution électronique Cairn.info pour Centre Laennec.

© Centre Laennec. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(2)

Un consentement pleinement

libre et éclairé ?

Quelle peut être la juste mesure de liberté et de compréhension en matière de consentement à l’acte médical ? Certes, en théorie, la notion de choix pleinement libre et éclairé apparaît séduisante.

Mais dans la pratique, les équipes soignantes comme les patients en situation d’accepter le soin semblent bien conscients des limites à attribuer au consentement – fût-il prononcé, rédigé et signé.

Actes du colloque

Nicole Pélicier

Psychiatre de liaison en Cancérologie Hôpital Européen Georges Pompidou AP-HP – Paris

Éthique

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(3)

É th iq u e

LAENNEC N°4/2011

25

« Un consentement pleinement libre et éclairé ? » : ainsi posée dans le cadre de ce colloque, la question interroge la pos- sibilité même d’envisager un tel consentement. Sans point d’interrogation, la formulation deviendrait massive, juridique : le consentement doit « être libre et éclairé ». Dans un cas comme dans l’autre, liberté et clarté sont évoquées à propos de la discussion portant sur l’acte médical et ses conséquences.

Et quoi de plus juste ou de plus naturel,a priori?

Et pourtant… Que faire d’une liberté dont on ne se prévaut pas tant que cela, dans un contexte où maladie et médecine s’imposent de fait au patient ? Et quelle compréhension, quelle clarté investir quand, d’emblée, tout est bousculé et confus ? Les valeurs du jugement réfléchi ne semblent pas vraiment stimulées quand on ne sait plus ni où on en est ni ce qui peut advenir dans la maladie. De même, la vulnérabi- lité physique et psychique qui caractérise la situation de pa- tient ne laisse guère place à une pleine jouissance de la liberté, pas plus qu’elle n’autorise un éclairage complet de la scène et des enjeux du drame.

Si l’élan dont bénéficie aujourd’hui la notion de consente- ment favorise sans conteste le développement d’une éthique du soin, force est de constater que la pratique nous renvoie à une multitude de situations où la balance n’est pas en équi- libre, et ne peut l’être, entre un patient abasourdi par ce qui lui arrive et la nécessité d’agir vite dans l’acuité critique ou la maladie grave.

Un malade sous contraintes

On ne peut accepter aujourd’hui qu’une personne ma- lade subisse un traitement sans savoir de quel mal elle est at- teinte, sans le comprendre, sans adhérer à un programme de soins. Mais les patients eux-mêmes, et leurs familles, nous rappellent qu’ils n’échappent pas pour autant aux multiples contraintes que leur inflige la maladie : « La réalité, c’est que je n’ai pas le choix ! »

En éclairant le choix thérapeutique, en le guidant aussi – car il faut bien apporter sa contribution, sa compétence médicale et soignante – on tente de compenser les pertes à venir, inévitables. Dans la réalité, en effet, la maladie impose toutes ses contraintes.

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(4)

É th iq u e

26

(1)

Nous ne développerons pas dans cet exposé la question du consentement aux essais cliniques. Elle mérite pourtant d’être évoquée : si le patient consent à entrer dans un tel essai, quelle sera sa qualité de vie au vu de tout ce qui est en rupture pour lui ?

Bien qu’exerçant dans le champ de la cancérologie, la psy- chiatre que je suis n’oublie pas que le soin psychiatrique s’organise parfois sous contrainte, « à la demande d’un tiers », celui-ci réclamant une protection pour un patient qui n’y consent pas. La contrainte est alors thérapeutique : on sort du cadre légal habituellement applicable en matière d’hospitalisation pour satisfaire à l’épreuve de réalité – il y a, d’une part, une maladie mentale, un processus morbide avec des risques vitaux pour le patient ou pour autrui et, d’autre part, des moyens de soigner. Mais, au moins dans certains de ses aspects, ce modèle si particulier n’est pas ex- clusivement réservé à la psychiatrie. En cancérologie et en médecine, par exemple, le soin passe obligatoirement par une évaluation de réalités du même ordre.

En effet, si la recherche du consentement, de l’avis ou des orientations du patient quant au(x) traitement(s) envisa- geable(s) ne peut et ne doit pas être évitée, elle ne suffit pas à rendre compte de son positionnement face à ce qu’il doit affronter, quelle que soit la manière dont il l’affronte – « fort » ou « faible » (1).

Accepter et/ou refuser : de quoi s’agit-il ?

On parle beaucoup de l’importance de consentir aux soins mais, parfois, le patient a surtout besoin de récuser sa maladie, fût-ce au prix d’un déni mal adapté : « – Quand a-t-on découvert votre cancer ? – Ce n’est pas “mon” cancer, je n’en veux pas ! » ; ou : « – Il faut vous opérer. – D’accord, il faut le faire. Mais pas maintenant : je dois travailler pour ma famille. » ; ou encore : « J’ai bien compris vos raisons pour vouloir m’opérer, mais je ne peux y consentir. » Tant les concertations pluridisciplinaires que les données ac- tuelles de la science semblent s’évaporer face à ces formules lapidaires des personnes malades. Apparemment contradic- toires, les différentes logiques en jeu risquent de mettre à mal la relation soignant-soigné. Les équipes de soin peu- vent avoir des difficultés à décrypter les motifs profonds du patient, qu’il s’agisse d’un refus brutal ou d’une réticence plus larvée. Pour « lever l’obstacle », qui apparaît fréquent, une investigation du contexte psycho-social du patient et/ou de sa famille est souvent nécessaire.

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(5)

É th iq u e

LAENNEC N°4/2011

27 Histoire d’une famille qui, tout en acceptant les soins, refuse l’hos-

pitalisation à la demande d’un tiers pour un patient âgé de 72 ans, hospitalisé en ORL après une tentative de suicide par auto- égorgement. Trente ans auparavant, la précédente hospitalisation en psychiatrie de ce père de famille maghrébin atteint de troubles bipolaires avait été très mal vécue… par sa fille, alors âgée de 12 ans. Seul enfant scolarisé, à l’époque, parmi les membres de la famille, elle avait servi d’interprète auprès des psychiatres sans avoir été vraiment préparée à ce rôle « traumatique ».

Désormais adulte, désignée comme « personne de confiance » pour son père dans le service de chirurgie, elle peut enfin ne pas consentir à ce rôle récurrent.

Il a bien fallu redonner place à cette histoire et se débrouiller autrement…

Les subtilités psychiques relativisent les réponses des uns et des autres ; de même que le consentement obtenu ne pro- cède pas forcément d’une totale acceptation, le refus opposé n’est pas obligatoirement synonyme de non-consentement.

Dans l’enchaînement de contraintes imposé par la maladie, le temps du refus équivaut à une affirmation paradoxale de maîtrise. Il s’agit de reprendre la main, de conjurer l’in- supportable privation de liberté.

Il faut donc se prémunir contre une interprétation trop hâtive faisant de l’observance du traitement une panacée assimilée au consentement, ou du refus une fin de non-recevoir absolu- ment autonome.

Quant à la projection sur le médecin ou le corps soignant des représentations négatives de la maladie, elle est, elle aussi, source abondante de malentendus.

Un patient se révolte. Son agressivité, sa réticence au programme de soins font qu’on lui propose de voir un « psy ». Au cours de l’entretien, il apparaît focalisé sur un sentiment aigu d’injustice face à la maladie, mais sa révolte correspond aussi à une attitude rationalisée à l’égard de tout ce qui est normé. L’histoire de sa vie et de son enfance, soumise à une éducation sévère et peu affec- tive, éclaire la situation. Comment le libérer d’une vision péjora- tive du « protocole » de soins ? C’est pourtant l’enjeu, pour qu’il consente à « se » soigner.

Lui redonner « sa » place, avec « son » histoire traumatique, a été

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(6)

É th iq u e

28

possible grâce à l’intégration du soin psychique dans le parcours de soin somatique.

Conviction du médecin, adhésion du patient

« Je ne voulais pas mais il m’a convaincu. »

« Il a pris le temps de m’expliquer… »

Sûr d’être accompagné, porté par la conviction de son médecin, le patient va y adhérer en retour comme si, para- doxalement, il renforçait le médecin par sa participation :

« Je fais ce qu’il me dit. » La séquence présentée dans cette for- mule montre l’orientation pour agir (« je fais ») déjà intégrée au travers de ce qui a été dit et continue à se dire. La liberté du choix est-elle toujours respectée dans l’éclairage ainsi donné ? Sans doute cela n’est-il pas vraiment possible mais davantage de l’ordre d’une quête.

La conviction du médecin repose, on le sait, sur son appren- tissage, sur son savoir et aussi sur sa libido curandi, son

« désir de soigner » qui peut recentrer tout l’espoir du patient.

N’y voir qu’une forme de paternalisme, un rapport de force, reviendrait à vider la relation soignante d’une partie de ces motivations. Il nous semble qu’intervient là une réalité constante, qui illustre la psychologie, voire l’anthropologie de la relation soignante. De nombreuses études montrent que le choix partagé explore le champ des convictions de chaque partenaire engagé dans la démarche de soin.

Un consentement « pleinement » libre et éclairé ? C’est l’adverbe qui, dans cette formule interrogative, retient particulièrement notre attention. À quel niveau pourrait se situer le « plein » de liberté, de clarté ? Quels en seraient les critères ?

La thématique forte du « droit des patients », avec la tension qu’elle porte au sein des discussions en équipe de soin, constitue une première réponse. Nous avons désormais à nous assurer que les patients sont « éclairés dans leur choix et libres de leur consentement ». Mais le « pleinement » pro- posé à notre réflexion dans le cadre de ce colloque nous in- terroge, comme toujours en éthique : en matière de liberté, de compréhension, de clarté, y a-t-il vraiment place pour ce

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(7)

É th iq u e

LAENNEC N°4/2011

29

« superlatif » ? Il me semble qu’il représente admirablement l’ambiguïté du concept d’intégrité quand on le prête au consentement, ou plutôt à la démarche qui y aboutit.

D’un point de vue théorique, on se prendrait volontiers à rêver d’une plénitude appliquée au choix, au consentement.

Plus que de liberté, il serait question de libération, voire de dé- livrance – aspiration que souligne, chez les médecins, la ten- sion dans le désir de convaincre, d’aboutir aux traitements (« Je me sens libéré… »)

Mais ce « plein » de liberté – ou de clarté – n’est-il pas une illu- sion qui risque d’occulter « les creux et les bosses » attachés à la vulnérabilité ? Le clair-obscur dans lequel nous évoluons au sein de la relation de soin, par prudence, par méconnaissance de l’autre, par compassion aussi, fait ressortir par contraste l’excès de maîtrise que révélerait une telle recherche du

« plein ». Les équipes soignantes, comme les patients en si- tuation d’accepter le soin, sont plutôt conscients des limites à attribuer au consentement, fût-il prononcé, rédigé et signé.

Le vouloir exprime-t-il une liberté ?

« Je veux vivre, je veux me traiter. »

« Je veux mourir. »

« Je veux simplement marcher. » (dixitun patient porteur d’une méta- stase vertébrale entraînant une compression médullaire et une para- plégie).

C’est parfois l’impossible qui est attendu, souhaité et réclamé.

« Je ne veux pas, mais j’y consens. »

La relativité du consentement demeure au-delà de l’écrit signé ou de la parole posée.

« On n’est jamais tout à fait sûr de faire le bon choix, que tout se pas- sera bien, mais il faut le faire. » (dixitle médecin).

La confiance attachée à une compétence mise à portée du patient, de ses proches, vient faire contrepoids là où il ne peut y avoir de liberté pleine et entière – au sens où l’on est libre de réfléchir à une question ou de pas s’en préoccuper, d’acheter ceci ou cela... Les enjeux vitaux ou évolutifs en l’absence de traitement – « Vous pouvez mourir ou vous aggraver » – ne résument pas la discussion sur le consentement ; mais, à trop les évacuer, on perd de vue ce dans quoi, de fait, un consentement s’origine.

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

(8)

É th iq u e

30

Conclusion

Les interactions avec les soignants, avec les proches, ne doivent pas être dévaluées au prix d’une surévaluation de l’autonomie du sujet malade. Ce genre de déséquilibre se rencontre parfois, notamment dans une forme de « pseudo- débat » autour de la fin de vie. Tout y est recentré sur l’indi- vidu, le citoyen malade, dont seule la parole devrait être écoutée – davantage en tout cas que celle des médecins, dans un rapport de force dénué de sens. Dans une situation mor- bide, le besoin du tiers, qu’il soit médecin ou soignant, peut certes être perçu comme une contrainte, une dépendance désespérante. Mais sortir de ce contexte particulier de la ma- ladie pour se situer sur le terrain du philosophique ou du juridique risque de nourrir un véritable contresens.

Comment le médecin peut-il apporter les soulagements dis- ponibles, comment peut-il garder la distance nécessaire à la compréhension des enjeux, si sa position de tiers n’est pas préservée ? La notion de choix partagé fut certes une avan- cée. Encore peut-on se demander si le patient ne se retrouve pas parfois très seul, finalement, pour choisir – la question du consentement (cum sentire, sentir, penser avec) étant élu- dée avec la formule « C’est à vous de choisir », si déroutante ! Nous l’avons vu, l’histoire psychique du sujet explique la com- plexité fréquente des choix à poser face à l’angoisse de mort.

« Sacraliser » par principe une volonté exprimée, sans cher- cher ce qui la motive – « j’ai le droit, je veux mourir » – serait tout aussi erroné que de croire à l’absolu du consentement.

Nicole Pélicier Mots clés :Autonomie du patient ; Consentement libre et éclairé ; Contraintes de la maladie ; Personne de confiance.

© Centre Laennec | Téléchargé le 15/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 134.122.89.123)

Références

Documents relatifs

Si la liberté individuelle est en effet le droit au fondement de la dignité humaine (7) et du principe d’autonomie, cepen- dant, lorsqu’un contexte de pénurie fait que des

3211-12 du code de la santé publique est rédigé de la manière sui- vante : « Lorsqu’il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision

Les bactéries lactiques sont également utilisées dans l’industrie chimique (production d’acide lactique), dans le domaine médical (notamment pour le traitement de

L’approbation préalable d’une étude clinique vient confirmer trois caracté- ristiques importantes  : 1)  l’étude a le potentiel d’apporter une contribution utile

Les Cliniques universitaires Saint-Luc se sont engagées à instaurer le consentement libre et éclairé pour toute prise en charge diagnostique (p. examen invasif) et thérapeutique

Pour recueillir et utiliser des données électroniques sur la santé en préservant l’anonymat 1 , chaque RRSPBP collabore avec des comi- tés d’éthique de la recherche (CER) dans

Par exception, une personne peut faire l'objet de soins psychiatriques sans son consentement dans trois cas : sur demande d'un tiers en cas de péril imminent pour sa santé ou par

Notre démarche est analytique, au sens de l'analyse des concepts utilisés pour formuler et expliciter le sens de la règle du consentement. Elle est aussi herméneutique,