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Avis 13-A-23 du 16 décembre 2013

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RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

Avis n° 13-A-23 du 16 décembre 2013

concernant un projet de décret relatif à la réservation préalable des voitures de tourisme avec chauffeur

L’Autorité de la concurrence (Commission permanente),

Vu la lettre, enregistrée le 28 novembre 2013 sous le numéro 13/0086 A, par laquelle le ministre de l’économie et des finances a saisi l’Autorité de la concurrence d’une demande d’avis concernant à un projet de décret relatif à la réservation de voiture de tourisme avec chauffeur en application de l’article L. 462-2 du code commerce ;

Vu le livre IV du code de commerce ; Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 16 décembre 2013 ;

Les représentants des sociétés Lecab, Chauffeur-privé, Uber et G7, ainsi que la Fédération nationale des artisans taxis entendus sur le fondement des dispositions de l’article L. 463-7 alinéa 2 du code de commerce ;

Est d’avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :

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I. Constatations

1. Le projet de décret soumis à l’avis de l’Autorité de la concurrence vise à modifier les règles applicables à l’activité des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC). Dans cette partie, après un rappel du cadre juridique dans lequel ce décret s’inscrit (A), sera analysée l’insuffisance de l’offre de transport particulier de personnes à titre onéreux, en particulier en région parisienne (B), insuffisance dont la conséquence est le développement récent de l’offre de transport particulier des VTC (C).

A. LE CADRE JURIDIQUE

1. LES RÈGLES APPLICABLES AUX TAXIS

2. Aux termes de l’article L. 3121-1 du code des transports, « les taxis sont des véhicules automobiles comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, munis d'équipements spéciaux et dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d'effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages ».

3. L’activité de chauffeur de taxi fait l’objet d’une stricte réglementation, que ce soit de l’accès à la profession, de son exercice ou des prix pratiqués.

a) L’accès à la profession

4. Depuis la loi no 95-66 du 20 janvier 1995, complétée par le décret no 95-935 du 17 août 1995, l’accès à la profession de chauffeur de taxi est subordonné à l’obtention du certificat de capacité professionnelle, matérialisé par la carte professionnelle (document de couleur rose apposé sur le pare-brise). Ce certificat s'obtient après une formation sanctionnée par un examen en deux parties (nationale et départementale) et regroupant des épreuves théoriques et pratiques. L’examen départemental n'est par ailleurs valable que dans le département concerné. Un chauffeur de taxi souhaitant exercer dans un autre département doit repasser cette épreuve dans le département en question.

b) La délivrance de l’autorisation administrative (ou « licence »)

5. L’activité de chauffeur de taxi s’exerce sur la voie publique. Les chauffeurs de taxi se doivent donc de disposer d'une autorisation de stationnement, communément appelée licence, délivrée initialement gratuitement par le maire ou le préfet de police (à Paris).

L'obtention de cette licence est soumise au préalable pour le pétitionnaire à l’inscription sur une liste d'attente en mairie ou à la préfecture et à un avis consultatif de la Commission des taxis et véhicules de petite remise. L’attente dure entre 15 et 20 ans à Paris.

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6. Accordée unilatéralement par l’administration selon des impératifs d’intérêt général, la

« licence » ne saurait par principe faire l’objet d’une appropriation ni a fortiori d’un commerce par son titulaire. Toutefois, celui-ci disposait du droit de présentation de son successeur à l’administration, droit qui faisait l’objet d’une vente hors de tout cadre légal.

7. C’est pourquoi la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 précitée a donné à tout titulaire d’une autorisation, même délivrée gratuitement, la faculté de la céder à titre onéreux sous condition de délais 1

8. Le prix des licences de chauffeur de taxi est très variable selon le département d’exercice.

De quelques milliers d’euros en zone rurale, il s’établit à 230 000 euros à Paris où il a doublé depuis le début des années 2000, tout en connaissant des fluctuations, notamment à la suite de la publication du rapport de la commission de libéralisation de la croissance française (rapport Attali) en 2008. Les prix sont encore plus élevés dans les villes de Nice, Cannes et Blagnac.

, validant ainsi une pratique générale et ancienne.

c) Les prix applicables

9. Le prix des courses est défini par l'État, par l'intermédiaire des préfectures qui agréent un tarif départemental. Le taxi facture une prise en charge forfaitaire puis un prix combinant la distance parcourue et le temps écoulé en utilisant l'un des quatre type de tarifs (trois sur Paris) définis par la période de la journée (jour/nuit) et le jour de la semaine (et s’il est férié ou non). Des surcharges particulières peuvent être autorisées (nombre de bagages, nombre de passagers, départ de lieux particuliers, comme gares ou aéroports).

10. Les courses doivent obligatoirement être effectuées avec le compteur en marche. Le forfait est possible si celui-ci est d'un montant inférieur au prix de la course effectué avec toujours un compteur en marche. Dans ce cas, ce forfait constitue une remise.

11. Les tarifs fixés par la Préfecture de Police s’établissent comme suit en 2013 à Paris :

Plages horaires Tarif kilométrique Tarif horaire (par heure) Tarif A 10h à 17h, sauf le dimanche et

les jours fériés 1,00 € 31,04 € si la vitesse est

inférieure à 31,60 km/h Tarif B 17h à 10h, le dimanche de 7h à

minuit et les jours fériés 1,24 € 36,00 € si la vitesse est inférieure à 29,20 km/h Tarif C De minuit à 7h le dimanche 1,50 € 23,20 € si la vitesse est

inférieure à 21,80 km/h 12. Le montant de la prise en charge s'élève à 3,65 € et le montant de la course ne peut être

inférieur à 6,60 €.

13. Deux suppléments sont en outre applicables :

- 3 € pour le transport d'une 4ème personne ;

- 1 € par bagage à partir du 2ème bagage de plus de 5 kg déposé dans le coffre.

14. Enfin, en zone suburbaine (Hauts de Seine, Seine St Denis, Val de Marne), le tarif B est applicable de 7h à 19h et le tarif C de 19h à 7h ainsi que les dimanches et jours fériés.

1 Après quinze ans d'exploitation, ramenés à cinq ans si la « licence » a déjà été cédée précédemment.

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15. En contrepartie de l’ensemble de ces obligations, les taxis sont les seuls véhicules légalement autorisés à stationner sur la voie publique et à y charger des clients, sans réservation, pour un transport particulier de personnes à titre onéreux. De même ont-ils le droit de stationner dans des espaces réservés et d’utiliser les voies dédiées aux bus. Ils bénéficient enfin, en application de l’article 265 sexies du code des douanes, d’un remboursement partiel de la TIPP payée sur leur consommation annuelle de carburant.

2. LES RÈGLES APPLICABLES AUX VOITURES DE TOURISME AVEC CHAUFFEUR

16. Les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) sont l’appellation officielle des voitures de grande remise depuis la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 qui a considérablement assoupli les conditions d’exercice de cette activité, en supprimant notamment la « licence de grande remise », qui était jusqu’alors nécessaire, ainsi que le contingentement départemental de leur nombre.

17. Ainsi, contrairement à la profession de chauffeur de taxis qui fait toujours l’objet de fortes barrières à l’entrée, l’accès à la profession et l’exercice de l’activité d’exploitant de voiture de tourisme avec chauffeur est relativement simple. Seule une carte professionnelle est exigée pour les chauffeurs. Les entreprises exploitant des VTC doivent quant à elles être immatriculées dans le registre d'immatriculation des exploitants de voitures de tourisme avec chauffeur tenu par ATOUT FRANCE. Cette formalité a un coût de 100 euros.

18. VTC et taxis présentent des différences significatives :

- du point de vue du véhicule, l’article D. 231-1 du code du tourisme définit très précisément les normes de confort applicables aux VTC : « les voitures de tourisme avec chauffeur doivent être âgées de moins de six ans, sauf s'il s'agit de véhicules de collection, et offrir aux passagers les conditions de confort et les aménagements intérieurs correspondant aux besoins de la clientèle ». Elles doivent également « être munis d’au moins quatre portes et avoir une longueur hors tout minimale de 4,50 mètres et une largeur hors tout minimale de 1,70 mètre ». Enfin, « Leur moteur doit avoir une puissance nette supérieure à 88 kilowatts ». Ces caractéristiques sont plus contraignantes que celles des taxis ;

- du point de vue de l’activité, en application de l’article L. 231-3 du code du tourisme, « les voitures de tourisme avec chauffeur ne peuvent pas stationner sur la voie publique si elles n'ont pas fait l'objet d'une location préalable». Seuls les taxis ont cette possibilité puisqu’ils disposent de l’autorisation administrative nécessaire. Par conséquent, les VTC ne peuvent pas, légalement, charger un client sans réservation préalable, ni marauder sur la voie publique en quête de clients ;

- enfin, contrairement aux taxis dont les prix font l’objet d’un strict encadrement, le prix des services d’une VTC est librement fixé par l’exploitant.

19. Outre les voitures de tourisme avec chauffeur, il convient de rappeler que les voitures de petite remise, aux normes de confort moins contraignantes que celles applicables aux VTC mais qui, comme elles, fonctionnent sur réservation préalable, n’ont pas connu le même assouplissement de leur réglementation. En application de l’article L. 3122-2 du code des transports, leur activité reste soumise à autorisation administrative. Aucune ne circule actuellement à Paris (voir §88).

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B. LES TAXIS NE SATISFONT PAS L’ENSEMBLE DE LA DEMANDE DE TRANSPORT PARTICULIER À TITRE ONEREUX, EN PARTICULIER A PARIS

1. LE « NUMERUS CLAUSUS » DES TAXIS CONTINGENTE LOFFRE AU NIVEAU GLOBAL

20. Ainsi qu’il a été indiqué, l’exercice de la profession de taxi exige une autorisation administrative (ou « licence ») dont la délivrance plus ou moins large permet à l’administration de réguler l’offre de taxis. Or, compte tenu du monopole légal dont les taxis bénéficient, un nombre limité de « licences » accroît non seulement la rentabilité de leur activité mais également, par conséquent, le prix des licences.

21. Comme l’explique un chercheur du CNRS 2, « la valeur de leur capital tient donc à la rareté. Cette rareté est entretenue par la Préfecture de police qui délivre les nouvelles licences à dose homéopathique mais surtout par les ministres de l’intérieur successifs qui depuis les années 70 se sont évertués à faire disparaître les voitures de petite remise ». De plus, cette valeur « n’existe que parce que le cumul du prix de leurs courses est supérieur au cumul du coût (travail compris) d’offrir ces courses. Cette différence entre coût de production du service et revenu qu’on en tire s’appelle la rente (…). On a estimé qu’à Paris, cette rente constitue en moyenne un quart du prix payé l’usager ». Le Conseil de la concurrence avait lui aussi relevé, dans son avis n°

une demande de la Fédération nationale des taxis indépendants concernant la réglementation de l’activité de taxis, qu’ « il existe un lien direct entre la décision de l’autorité compétente d’accorder une autorisation et ses effets économiques. Il consiste en l’existence d’un numerus clausus de fait qui, s’il est augmenté, entraîne la baisse du prix de cession des autorisations ».

22. L’évolution du prix de la « licence » constitue par ailleurs, comme le relevait le Conseil,

« un bon indicateur du degré de tension pouvant exister entre l’offre et la demande sur le marche du taxi ». En effet, l’augmentation continue du prix de la « licence » révèle que

« les acteurs reconnaissent une rentabilité élevée à l’activité de taxi dans la zone considérée. Cette appréciation de rentabilité peut se fonder sur plusieurs motifs : la demande excède globalement l’offre, la rareté de l’offre permet une relative sélection des courses les plus rentables, le niveau des prix obtenus par application du tarif réglementé se révèle trop favorable pour ces courses privilégiées (…). Dans plusieurs zones fortement urbanisées, notamment sur la Côte d’Azur et à Paris, le prix de revente des autorisations très supérieur à la moyenne nationale montre que le numerus clausus est trop bas et qu’une partie de la demande de taxis n’est pas correctement servie ».

23. Or, le prix des licences est en augmentation tendancielle depuis que la loi no 95-66 du 20 janvier 1995 précitée a légalisé leur cession à titre onéreux. Toutefois, cette augmentation, comme le prix des licences lui-même, varie fortement selon les communes.

Ainsi, en milieu rural, une licence coûte quelques milliers d’euros alors qu’à Paris, elle atteint 230 000 euros et encore plus à Nice, Cannes et Blagnac. Les prix stagnent toutefois depuis trois ans après avoir doublé depuis le début des années 2000.

24. La flambée du prix des « licences », en particulier à Paris, montre bien que l’offre ne satisfait pas la totalité de la demande. Cette situation, qui n’est pas nouvelle, a fait l’objet de nombreux rapports. Ainsi, l taxis parisiens, que « la limitation réglementaire du nombre des taxis nuit à la satisfaction

2 Richard Darbéra : « Rapport Attali, les craintes des taxis étaient-elles fondées ? », étude publiée dans la revue Transports n° 448, mars-avril 2008.

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de la demande et entraîne la création de situations acquises, dont le transfert payant des autorisations de circulation est la manifestation la plus critiquable ».

25. Plus récemment, en 2008, le rapport Chassigneux notait lui aussi que « la rareté de l’offre crée des rentes de situation sans rapport avec la valeur économique réelle de la licence ».

Parallèlement à ce rapport, l de la profession et la fin de la restriction du nombre de taxis. Il se fondait en particulier sur une étude de 1988; le nombre de taxis avait augmenté de deux tiers dans les cinq années qui avaient suivi, preuve que la demande était largement insatisfaite.

26. Contrairement aux précédents, le rapport Attali a cependant eu un effet sur le nombre de taxis puisque le principe a été acté, dans le protocole du 28 mai 2008, d’une augmentation du nombre des « licences » à Paris. Cette augmentation a toutefois été limitée. A ce jour, 17 636 licences ont été distribuées par la Préfecture de Police. Si l’on prend en compte l’autorisation de doublage (une licence peut être utilisée par deux chauffeurs) et l’allongement du temps de travail autorisé, on estime qu’il y a l’équivalent de 20 400 taxis à ce jour dans les rues de Paris. En 2013, le nombre de taxis à Paris reste donc inférieur à ce qu’il était dans les années 30 (21 000).

27. Bien que les données suivantes soient relativement anciennes, elles restent pertinentes pour comparer Paris deuxième ville au monde après New York par le nombre de touristes chaque année (29 millions) avec deux grandes villes à forte attractivité touristique et

« affaires », Londres et New York, s’agissant de l’offre de transport particulier. Elles révèlent elles aussi combien le nombre de taxis par habitant y est inférieur :

28. Toutefois, si le nombre de chauffeurs de taxis par habitant est plus bas à Paris qu’à Londres ou New York, la véritable différence avec ces deux villes est l’absence à Paris, jusqu’à une période récente, des voitures de petite et grande remise. Paris ne compte aujourd’hui aucune voiture de petite remise et environ 7 7000 VTC, contre 50 000 à 60 000 à New York ou Londres (appelées minicabs à Londres et liveries à New-York). Afin de déterminer l’offre globale de transport individuel à titre onéreux, et même si ces deux segments présentent de fortes différences, le nombre cumulé de taxis et de voitures de petite et grande remise constitue un repère utile. Si l’on prend en compte ces dernières, la position de Paris, comparativement à Londres et New York, apparaît encore plus défavorable.

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2. LA TARIFICATION DES TAXIS ACCENTUE LE DÉSÉQUILIBRE ENTRE LOFFRE ET LA DEMANDE À CERTAINES HEURES ET EN CERTAINS LIEUX

29. Ainsi qu’il a été indiqué, le prix d’une course de taxi n’est pas fixé librement par les chauffeurs mais fait l’objet d’un strict encadrement. Le décret du 6 avril 1987 instaure ainsi des prix maximum, afin de protéger le consommateur contre les prix abusifs qui pourraient être demandés sur la voie publique. Il n’interdit cependant pas aux taxis de pratiquer des prix inférieurs. Toutefois, comme le relevait le Conseil dans son avis n° 04-A-04 précité, dans le secteur des taxis, « la concurrence par les prix est quasiment nulle et le système de prix maximum fonctionne souvent comme un système de prix imposés ».

30. De plus, la tarification a un effet non négligeable sur l’offre temporelle et spatiale de taxis, comme l’a souligné le Conseil puis l’Autorité dans les avis n

24 janvier 2005 et

décret n° 87-238 du 6 avril 1987 réglementant les tarifs des courses de taxi.

31. La tarification des taxis parisiens (voir supra) combine en effet un tarif kilométrique avec un tarif horaire, les deux étant variables selon l’heure et le jour. De fait, le chauffeur de taxi est d’autant mieux rémunéré à l’heure de conduite que son taxi roule plus vite. La rémunération au temps écoulé (en dessous de la vitesse de conjonction) permet cependant d’assurer au chauffeur une rémunération « plancher » lorsque son véhicule roule en dessous de cette vitesse. Cette méthode de tarification incite donc le chauffeur à sélectionner les tranches horaires où la circulation est fluide et où le parcours à une vitesse élevée est probable. A contrario, le chauffeur a parfois intérêt à ne pas rouler et à attendre pendant les heures d'embouteillage qui rendent la circulation particulièrement lente, alors qu'il s'agit précisément des heures de forte demande.

32. En pratique, on constate que la demande de taxis varie fortement selon les heures et les lieux desservis. Durant les heures de pointe dans les zones de trafic dense, le matin de 7 heures à 10 heures et le soir de 17 heures à 21 heures, sont constatées des situations de pénurie de taxis et à l’inverse, durant les "heures creuses", des situations où l’offre de taxis s’avère pléthorique.

33. La structure de tarification a pour conséquence d’accentuer fortement les situations de déséquilibre entre l’offre et la demande. En effet, les courses longues vers les aéroports s’avèrent plus rémunératrices que les autres trajets, surtout en cas de circulation difficile.

Ainsi, selon les calculs du Comité de développement économique durable de la Ville de Paris (CODEV) en 2005, en dessous de deux heures d’attente, il est économiquement plus rentable pour un taxi d’assurer une course entre un aéroport et Paris plutôt que d’être présent aux heures et aux lieux d’embouteillage, l’activité y étant économiquement peu rentable. Ainsi, à 8 heures du matin, près de 30 % des taxis en attente se trouvent dans un aéroport, selon le CODEV, alors que c’est l’heure où la demande exprimée non servie serait la plus forte (plus de 16 %). Or, dans les aéroports, les arrivées et départs sont équilibrés entre 8 heures et 17 heures.

34. Le CODEV estimait ainsi que, sur les 15 000 taxis parisiens existant, 9 000 sont en moyenne en circulation à un instant donné dont 2 000 à 3 000 sont situés dans les aéroports où ils attendent un client pendant deux à quatre heures.

35. Ce constat, fait en 2005, a entraîné une modification du décret précité afin, notamment, d’instaurer un tarif heures creuses/ heures de pointe incitant les chauffeurs de taxi à travailler à ces heures. Si le Conseil s’est déclaré favorable à cette modification dans son

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avis 05-A-02 précité, il craignait toutefois que « cette réforme de la tarification ne suffira pas à régler le problème de la pénurie de taxis sur Paris et sa proche banlieue. Il insiste sur la nécessité d’agir sur l’ensemble des éléments d’équilibrage de l’offre et de la demande, au premier rang desquels se trouve le numerus clausus ».

36. Cette crainte s’est révélée fondée. Selon le rapport Chassigneux précité, en 2008 comme en 2005, « un grand nombre de taxis parisiens est présent à Charles de Gaulle le matin. Ces taxis prennent soit leur service à l’aéroport en attente de clientèle, soit effectuent une course pour l’aéroport. La circulation sur l’A1 aux heures de pointe du matin dans la direction de Paris incite un grand nombre de professionnels à attendre une course à l’aéroport malgré le temps d’attente pouvant atteindre deux heures plutôt que de rentrer à vide sur la capitale ».

37. Dans son avis n°pris acte du fait que la modification des tarifs heures de pointe introduite en 2005 ne semble pas avoir eu les conséquences souhaitées sur le rééquilibrage entre l’offre aux aéroports parisiens et l’offre dans la ville de Paris ».

Dans le même avis, elle émettait des réserves sur la possibilité, proposée par le projet de décret, de permettre au préfet de police de fixer des prix forfaitaires pour les courses au départ ou à destination des aéroports parisiens. S’agissant de ces derniers, le ministère de l’Intérieur a d’ailleurs confirmé lors de l’instruction de l’avis qu’en raison de la difficulté à en déterminer le juste niveau, ils n’étaient jamais entrés en vigueur.

38. D’une manière générale, l’Autorité ne peut que renouveler, dans le présent avis, les regrets exprimés dans les avis susmentionnés de ne pas disposer d’informations précises et récentes sur l’activité réelle des taxis parisiens. Elle relève toutefois la volonté du gouvernement, exprimée dans un communiqué de presse du 11 octobre 2013, d’établir un tableau précis des besoins de transport de personnes à Paris et de leur satisfaction.

39. Au final, il apparaît que le nombre limité de taxis en région parisienne et les modalités de tarification des courses conduisent à un décalage marqué entre l’offre et la demande, auquel les réformes successives intervenues depuis 2005 n’ont pas permis de remédier.

C. L’OFFRE ACTUELLE DE VTC

1. LE DÉVELOPPEMENT TRÈS RAPIDE DES VTC DEPUIS 2010

40. Le décalage persistant entre l’offre et la demande de transport particulier à titre onéreux, en particulier en région parisienne, constitue une forte incitation à l’augmentation de l’offre dans ce secteur, qui serait cependant restée sans effet (compte tenu du contingentement des licences) sans l’évolution réglementaire des VTC et, surtout, le progrès technologique.

41. Si les voitures de petite remise, toujours soumises à autorisation, sont inexistantes en région parisienne, la loi du 22 juillet 2009 précitée a considérablement assoupli le régime des ex-voitures de grande remise devenues les VTC. Contrairement à la profession de chauffeur de taxis qui fait l’objet de très fortes barrières l’entrée, il est aujourd’hui très facile et peu coûteux de créer en France une entreprise de VTC. De plus, l’assouplissement est intervenu dans un contexte de généralisation de l’utilisation des smartphones à partir desquels les consommateurs peuvent accéder à Internet via des applications. Comme l’explique M. Yves X…, Président de SnapCar, « la technologie a créé la rupture en permettant aux sociétés d'organiser et d'optimiser les déplacements des flottes de voitures ». En pratique, les clients téléchargent l’application d’une société de VTC et

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peuvent, sur leur téléphone ou leur tablette, s’assurer de la disponibilité d'une voiture, la réserver et même, grâce à la géolocalisation en temps réel, la suivre sur leur écran en l'attendant.

42. Ajouté à l’assouplissement réglementaire, la généralisation des smartphones a radicalement transformé le secteur des ex-voitures de grande remise. Auparavant cantonnées à une clientèle très étroite liée au secteur du tourisme, qui les réservaient par l’intermédiaire des hôtels de luxe, des salons professionnels ou encore des festivals, les nouvelles VTC constituent désormais une offre de transport particulier accessible à une clientèle beaucoup plus large, allant bien au-delà des seuls touristes et hommes d’affaires.

En pratique, on pourrait même considérer dans une certaine mesure que les VTC, face à une demande de transport insatisfaite en région parisienne, se sont engouffrées dans le créneau qu’occupent les voitures de petite remise à Londres ou New York et qui, à Paris, restent inexistantes.

43. La demande pour les services de transport particulier à titre onéreux, non totalement satisfaite par les taxis, étant forte et le coût d’entrée sur le marché très limité, il n’est pas étonnant que le nombre d’entreprises de VTC immatriculées dans le registre tenu par Atout France ait plus que décuplé depuis 2010, comme le montre le tableau suivant :

Source : Atout France

44. En décembre 2013, 6515 entreprises de VTC étaient immatriculées, avec une forte concentration en Ile de France (près de 50 %) et en région PACA (près de 18%). Elles exploitaient 12 404 véhicules et employaient 13 962 chauffeurs.

45. Du fait de leur nombre, ces nouvelles sociétés sont très différentes, à la fois par leur taille et leur modèle économique. Le leader sur ce marché des VTC est la société Uber. Celle-ci n’exploite pas directement des VTC mais propose une plate-forme de mise en relation, via une application mobile, entre les clients et ses 1 000 chauffeurs indépendants qui lui reversent un pourcentage du prix de la course. La société LeCab, qui dispose d’une flotte de 300 VTC, fonctionne elle aussi avec des chauffeurs indépendants et se rémunère par une commission sur le prix de chaque course, complétée, le cas échéant, par le loyer pour la location de la voiture. C’est également le modèle de la société Chauffeur-Privé, à laquelle 400 chauffeurs indépendants sont affiliés. En revanche, une autre société de VTC, Voitures Jaunes, est propriétaire de ses 60 voitures et salarie ses 90 conducteurs.

46. Les nouvelles sociétés de VTC entendues ont toutes confirmé se positionner sur un créneau plus haut de gamme que celui des taxis en maraude, en matière de prix comme de qualité.

En effet, non seulement leur prix, forfaitaire ou kilométrique, inclut nécessairement le coût de la course d’approche, même s’il n’est pas identifié en tant que tel, mais en termes de standing du véhicule comme de services à bord, l’offre des VTC est plus qualitative que celle des taxis. C’est ainsi que sont proposés des prix fixes, annoncés au moment de la

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commande, le paiement en un clic, l’évaluation systématique du service rendu, les factures dématérialisées, auquel s’ajoutent les services proposés à bord comme une bouteille d’eau, la presse quotidienne et magazine, un chargeur pour les smartphones ou encore la mise à disposition d’une tablette.

47. En revanche, elles considèrent que la gamme de prix est équivalente, voire inférieure, par rapport aux taxis sur réservation préalable, surtout vis-à-vis des entreprises qui constituent pour elles un axe de développement prioritaire. Ces sociétés sont en effet en mesure d’avoir des prix compétitifs puisque que les contraintes – réelles – des chauffeurs de taxis ne leur sont pas applicables, en particulier l’obligation de détenir ou de louer une licence très coûteuse, et qu’elles travaillent avec des chauffeurs indépendants qui sont, en majorité, des auto-entrepreneurs.

48. Au delà de leurs différences, ces nouvelles sociétés de VTC présentent deux points communs : un modèle de fonctionnement à partir d’Internet et, en particulier, d’applications mobiles, d’une part, et un positionnement plus haut de gamme que les taxis classiques, conformément à la réglementation des VTC qui exige d’elles un niveau de confort et d’aménagements intérieurs supérieur, d’autre part.

49. Il résulte de ce qui précède qu’en raison du contingentement de l’offre de taxis, en particulier en région parisienne, le développement d’une offre supplémentaire de transport particulier à titre onéreux via les VTC permet, en dépit de certaines différences entre taxis et VTC, un certain rééquilibrage entre la demande et l’offre et une différenciation de cette dernière au bénéfice des consommateurs.

II. Analyse concurrentielle

50. Le projet de décret soumis pour avis à l’Autorité consiste en une modification de l’article D. 231-1-1 du code du tourisme qui, si le texte était adopté, imposerait aux entreprises de VTC un délai obligatoire de 15 minutes entre la réservation d’une voiture et la prise en charge d’un client. A ce principe s’ajoutent deux dérogations en faveur des VTC réservées via l’exploitant d’un hôtel de luxe ou via l’organisateur d’un salon professionnel, à la condition toutefois qu’ils disposent d’un service de voiturier ou d’un parking privé. Ce projet de décret est complété par un projet d’arrêté qui adaptera par coordination la rédaction de l’article R. 231-1-1 du même code.

51. L’Autorité analysera l’impact du projet de décret sur la concurrence entre les VTC et les taxis sur le marché de la réservation préalable (A). Cette analyse permet de constater que le projet de décret crée une distorsion de concurrence au détriment des VTC (B). Or, celle-ci n’apparaît ni nécessaire ni proportionnée aux objectifs d’intérêt général poursuivis (C).

A. UNE CONCURRENCE ENTRE VTC ET TAXIS LIMITÉE AU MARCHÉ DE LA RÉSERVATION PRÉALABLE

52. Le communiqué de presse conjoint du ministre de l’Intérieur et de la ministre du Tourisme du 11 octobre 2013, présentant les mesures mises en œuvre par le projet de décret,

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distingue, s’agissant du secteur du transport particulier de personnes à titre onéreux, les deux marchés suivants :

- le marché de la maraude, c'est-à-dire la prise en charge de clients sur la voie publique. Les taxis jouissent, sur ce marché, d’un monopole légal ;

- le marché de la réservation préalable. Sur ce marché, les taxis sont en concurrence avec les VTC (ainsi qu’avec les motos-taxis ou encore les ambulances sur le segment du transport de malades).

53. L’Autorité considère que la segmentation ainsi opérée est pertinente. En effet, le marché de la maraude est un monopole légal des taxis qui découle de l’autorisation de stationnement dont ils sont titulaires et qui est la contrepartie de la réglementation à laquelle ils sont assujettis. Ils satisfont une demande spécifique qui est la prise en charge immédiate du client sur la voie publique. Tout VTC qui, sans réservation préalable, ferait de même serait dans l’illégalité et s’exposerait à des sanctions que la future loi relative à la consommation renforcera. L’article 68 du projet de loi actuellement en discussion punit en effet d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros le fait, pour une VTC, de ne pas respecter l’interdiction de stationner et de circuler sur la voie publique en quête de clients (1).

54. En revanche, le monopole des taxis n’a jamais concerné le marché de la réservation préalable sur lequel ces derniers sont, en droit comme en fait, en concurrence avec les VTC, comme ils l’étaient auparavant avec les voitures de petite et grande remise (2).

1. ABSENCE DE CONCURRENCE DIRECTE SUR LE MARCHÉ DE LA MARAUDE

55. Il est vrai que des VTC ont pu reprendre les signes extérieurs des taxis (enseigne lumineuse sur le toit du véhicule, taximètre, etc.) et entretenir, parfois, la confusion avec eux. De même, des VTC ont, d’après les informations communiquées par la préfecture de police, été verbalisées pour racolage à Roissy-CDG d’où elles cherchaient à ne pas rentrer à vide après avoir conduit un client. D’une manière générale, des VTC ont également pu

« concurrencer » les taxis en chargeant des clients à la sortie des discothèques, des gares ou des aéroports, sans réservation préalable. 350 VTC l’ont ainsi été en 2012 à Paris.

56. A la suite d’une « opération escargots » organisée en région parisienne le 10 janvier 2013 par les chauffeurs de taxis en signe de protestation contre cette concurrence qu’ils jugeaient déloyale, deux réunions ont été organisées les 29 et 30 janvier 2013 entre l’ensemble des parties prenantes sur les évolutions réglementaires nécessaires, pour assurer les conditions d’une concurrence loyale entre les VTC et les taxis. Le gouvernement a présenté les orientations retenues le 26 février 2013. Les principales mesures annoncées sont :

- la suppression des éléments entraînant une confusion entre les taxis et les VTC, notamment l’interdiction de l’utilisation des compteurs kilométriques et de panneaux publicitaires de toit ;

- l’amélioration de la formation des chauffeurs de VTC ;

- l’alignement des conditions d’honorabilité des chauffeurs de VTC et des sanctions pénales applicables sur celles des taxis, en particulier par la création d’un délit spécifique de maraudage pour les VTC et l’instauration de contravention de 5ème classe et de sanctions administratives en cas de méconnaissance des nouvelles obligations des VTC ;

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- la clarification des modalités de la réservation préalable.

57. Sur ce dernier point, le décret du 30 juillet 2013, modifiant l’article D. 231-1-1 du code du tourisme, fait obligation aux exploitants de voitures de tourisme avec chauffeur de justifier d’une réservation préalable par la production d’un support papier ou électronique.

58. Ces mesures étaient nécessaires pour mettre de l’ordre dans une profession qui, selon le rapport de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi du 22 juillet 2009, a fait l’objet d’une « dérégulation excessive ».

59. Toutefois, il convient de souligner que les comportements des VTC dénoncés par les chauffeurs de taxis, s’ils sont bien réels, ne relèvent pas de la concurrence mais de la fraude. C’est donc d’abord un problème de police et les textes sont très clairs sur les comportements interdits aux VTC. Il appartient dès lors à l’État et, en particulier, à la préfecture de police de rechercher et de sanctionner de tels comportements contre lesquels les sociétés de VTC elles-mêmes se sont engagées à lutter. Elles ont toutes indiqué à l’Autorité que, si de tels faits leur étaient rapportés, elles rompraient le contrat qui les lie au(x) chauffeur(s) concerné(s).

60. Sur ce point, les sociétés de VTC ont toutes mis en avant le fait que leur fonctionnement rend très difficile en pratique la maraude. En effet, leur logiciel sait à chaque instant quels véhicules sont disponibles et leur affecte des courses à mesure qu’il enregistre des réservations. Les chauffeurs ne peuvent pas refuser des courses. Par conséquent, si l’un d’entre eux a chargé un client hors de toute réservation, il apparaîtra toujours comme disponible mais ne pourra, par définition, pas charger le client qui lui est affecté. Il sera ainsi automatiquement détecté et devra se justifier. Ce n’est en outre pas dans l’intérêt des sociétés de VTC de tolérer le racolage car elles se rémunèrent généralement à l’instant de la réservation, par le paiement par carte bancaire de la course sur leur site internet. Si une VTC charge un client sur la voie publique hors réservation, la société ne gagnera donc rien.

2. LES VTC SONT EN CONCURRENCE DIRECTE AVEC LES RADIO-TAXIS SUR LE MARCHÉ DE LA RÉSERVATION PRÉALABLE

61. S’ils ne sont pas en concurrence avec les taxis sur le marché de la maraude, les VTC le sont en revanche directement avec les radio-taxis qui, via les centrales de réservation, fonctionnent eux aussi sur réservation préalable.

62. Sur ce marché, les taxis n’ont jamais disposé d’un monopole légal, ayant toujours été concurrencés par les voitures de petite et grande remise. Cependant, comme les consommateurs ne réservent généralement un taxi que pour des courses longues, par exemple vers un aéroport ou à des horaires décalés, ou par l’intermédiaire de leur entreprise qui peut avoir un abonnement auprès d’une centrale de réservation, la concurrence entre taxis et VTC s’exerce sur le segment le plus rémunérateur du marché.

D’ailleurs, les sociétés de VTC n’ont pas caché que la clientèle « affaires » constitue une priorité stratégique pour leur développement, en lien avec leur positionnement haut de gamme. Aujourd’hui déjà, les entreprises peuvent constituer jusqu’à 50% du chiffre d’affaires d’une société de VTC.

63. Le marché de la réservation préalable est dominé par le groupe G7 qui, par l’intermédiaire de ses filiales G7 et Taxis bleus, compte près de 10 000 taxis affiliés à Paris (soit plus de la moitié des taxis parisiens). Il a réalisé, en 2012, un chiffre d’affaires de 318,8 millions d’euros pour un résultat net de 23,1 millions d’euros, en hausse de 17,6%. Toutefois, le chiffre d’affaire généré par la seule activité de taxis est de 79 millions d’euros, le groupe

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étant par ailleurs très diversifié (stockage, services aux taxis, location de voitures, etc.). Les autres centrales de réservations actives sur ce marché sont « Alpha-taxis » (Gescop, 1200 affiliés) ou encore « Taxis 7000 » (groupe BELEM, 300 affiliés). En pratique, le central (téléphonique ou internet) relaie les commandes des clients aux chauffeurs affiliés en cherchant le taxi le plus proche du lieu de prise en charge et en élargissant le périmètre jusqu'à ce qu'un chauffeur accepte la course. Dès qu'un chauffeur accepte la course, il enclenche son taximètre, majorant d’autant le prix de la course avant même la prise en charge du client.

64. Or, 40% du chiffre d’affaires de G7 est réalisée avec la clientèle des entreprises qui ont souscrit auprès d’elle un abonnement. Une offre spécifique à destination des entreprises a d’ailleurs été développée (le « club affaires »), qui est très proche de celles des VTC.

Comme ces dernières, elle comporte la mise à disposition d’un véhicule haut de gamme ainsi que de nombreux services à bord : chargeur pour smartphone, presse du jour, magazines, bouteilles d'eau, lingettes rafraîchissantes, mouchoirs et connexion Wifi.

Disponible sur abonnement, qui est le seul moyen de s’assurer un taxi aux heures de pointe, cette offre est facturée aux entreprises en plus du prix des courses.

B. LE DÉLAI DE 15 MINUTES IMPOSE AUX VTC ET LES DÉROGATIONS PRÉVUES CRÉENT UNE DOUBLE DISTORSION DE CONCURRENCE

65. La disposition centrale du présent projet de décret est l’obligation qui sera désormais faite aux sociétés de VTC de respecter un délai de 15 minutes entre le moment où elles enregistrent une réservation et le moment où elles chargent leur client. Deux dérogations à ce délai sont par ailleurs prévues. Pour l’Autorité, ce délai constitue une distorsion de concurrence entre les VTC et les taxis sur le marché de la réservation préalable (1) ainsi qu’entre les entreprises qui bénéficieront des dérogations et celles qui n’en bénéficieront pas (2) et ce, au détriment du consommateur (3).

1. UNE DISTORSION DE CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ DE LA RÉSERVATION PRÉALABLE

66. Le délai de 15 minutes aura des conséquences très négatives pour l’activité des sociétés de VTC sur le marché de la réservation préalable.

67. En effet, ce délai compliquera inévitablement l’activité des VTC pour les prises en charge immédiates, relativement rares, mais ne changera probablement rien pour les courses qui peuvent être programmées à l’avance, par exemple vers les aéroports. Taxis et VTC n’étant pas complètement substituables, il est en outre probable qu’une partie de leurs clients pour qui le standing et les services d’une VTC sont déterminants adapteront leur comportement à ce nouveau délai en avançant le moment de leur réservation.

68. Toutefois, même si certains clients adaptent leur comportement, les sociétés de VTC ont toutes indiqué que ce délai entraînerait pour elles un manque à gagner de l’ordre de 10 à 20%. En effet, leurs coûts sont, pour une large part, des coûts fixes (voiture, assurance, essence…). Si elles facturent moins de clients dans une journée en raison du doublement du délai de prise en charge, l’impact sur leur rentabilité sera immédiat, sauf à ce qu’elles augmentent le prix unitaire de la course, avec le risque alors de n’être plus compétitives et de décourager leur clientèle (voir infra).

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69. L’Autorité considère par ailleurs que l’effet le plus pénalisant de ce délai pourrait être sur la clientèle « affaires ». En effet, comme l’a déclaré M. Yan Y…, Président de Chauffeur- privé, « pour une entreprise, un restaurant ou un hôtel, le critère déterminant dans le choix d'une société de transport sur réservation est sa réactivité à répondre à la demande.

Aujourd'hui, le délai moyen de prise en charge est d'environ 10 minutes, et plus de la moitié des courses sont satisfaites en un temps inférieur. Fixer un délai de 15 minutes aux VTC revient à nous empêcher – artificiellement - d'être réactifs ». Par conséquent, l’élasticité demande/ délai étant très forte, ce projet de décret signe « l'arrêt de mort d'une profession en plein développement. ».

70. Or, sur ce marché, les sociétés de VTC sont en concurrence directe avec les centrales de réservation de taxis dont une part considérable du chiffre d’affaires découle de la clientèle

« affaires ». Pour G7, cette part est par exemple de 40%. Imposer un délai de 15 minutes à cette clientèle nécessairement soucieuse de son temps constituera un désavantage considérable pour les VTC dans les appels d’offres des entreprises, alors même qu’elles ont toutes indiqué vouloir se développer sur ce segment. Se différenciant par un véhicule haut de gamme et une gamme de service élargie, ce développement apparaît logique. Il serait compromis par le présent projet de décret.

71. Au delà de la clientèle « affaires », le délai de 15 minutes introduit incontestablement une distorsion de concurrence sur le marché global de la réservation préalable. Or, sur ce marché, les taxis n’ont jamais bénéficié d’un monopole légal qui devrait être protégé. Ils ont toujours fait face à la concurrence des voitures de petite et grande remise (ainsi qu’à celle des ambulances et des motos-taxis). Que cette concurrence, longtemps marginale, se soit considérablement développée à la faveur d’une évolution réglementaire et technologique ne peut justifier aujourd’hui que soit avantagée l’une des catégories d’entreprises qui exercent cette activité au même titre que les autres. En effet, les taxis ne retirent de leur statut particulier que le droit de stationner sur la voie publique et d’y charger des clients. Rien dans la réglementation qui leur est applicable ne justifie ainsi qu’ils soient traités plus favorablement que les VTC sur le marché de la réservation préalable.

72. Toutefois, l’Autorité est consciente qu’une distorsion de concurrence existe en sens inverse puisque les prix des VTC sont librement déterminés, contrairement à ceux des taxis qui font l’objet d’un strict encadrement. En effet, celles-ci ont multiplié les offres promotionnelles via des « codes promo », offrant parfois des courses à 5 euros en heures creuses, alors même que pendant ces heures là, l’offre de taxis est pléthorique. Une partie de la demande risque alors d’être préemptée par les VTC au détriment des taxis, alors même que ceux-ci, contrairement aux VTC, ne peuvent augmenter leur tarif certains jours (31 décembre) ou à l’occasion de certains évènements.

73. De plus, les sociétés de VTC proposent toutes à leurs clients, selon diverses modalités, de payer un prix forfaitaire et ce, préalablement à la course, au moment même de la réservation. Celui-ci constitue une forte garantie pour les consommateurs, averses au risque, qui sont assurés de payer un prix fixe, déterminé ex ante, quel que soit l’itinéraire emprunté par le chauffeur ou les éventuels embouteillages qu’il rencontrerait. En revanche, lorsqu’ils utilisent un taxi, la même possibilité ne leur est pas offerte et l’incertitude sur le prix final qui en résulte peut rebuter une partie de la clientèle à prendre un taxi, du fait de cette forte aversion au risque.

74. Par conséquent, la vraie réponse est d’assouplir les modalités de tarification des taxis, en cas de réservation préalable, pour leur permettre de rivaliser avec les offres des VTC, mais

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pas de pénaliser ces dernières par une réglementation qui inhiberait leur développement voire leur maintien sur le marché.

75. De manière générale, les problèmes de concurrence avec les taxis découlent de la transformation du métier de « grand remisier ». Historiquement, il s’agissait d’un transport particulier haut de gamme de personnes qui n’étaient pas réellement en concurrence avec les taxis. La transformation de ce métier à la suite d’une modification de la législation et de la généralisation des smartphones a considérablement élargi l’offre qui, désormais, est en concurrence directe avec les taxis sur le marché de la réservation préalable, suscitant une réaction qui n’est pas sans précédent, comme le rappelle un article récent : « la cohabitation entre taxis, voitures de petite remise, et voitures de grande remise n’a pas posé de problème jusqu’aux années 70 lorsque le téléphone s’est démocratisé dans tous les foyers. Avec le téléphone, il n’était plus besoin d’aller chercher ces voitures dans leur remise, un simple coup de fil suffisait pour commander une course. Partout les taxis ont vu le danger de cette nouvelle concurrence, et ont protesté contre le développement rapide des petites remises, mais c’est en France qu’ils ont été particulièrement bien écoutés. En effet, depuis plus de 30 ans, les ministres de l’Intérieur successifs se sont appliqués à faire quasiment disparaître les voitures de petite remise, en sommant leurs préfets de ne plus accorder de licences. En 1993, une circulairedu ministre de l'intérieur (Charles Z…) aux préfets leur recommandait, dans une belle litote, de « ne pas étendre à l'excès le nombre des exploitants de voitures de petite remise de façon à maintenir les fragiles équilibres avec les exploitants de taxi ». Ces licences étant intransmissibles et incessibles, ce dernier acte administratif, non seulement gelait définitivement l'expansion des petites remises, mais il garantissait leur disparition à terme » 3

76. L’histoire se répète donc à vingt ans d’intervalle. De la même manière que la démocratisation du téléphone dans les foyers, en élargissant la clientèle des voitures de petite remise, avait amené le gouvernement à organiser leur disparition, le développement de l’Internet mobile semble créer la même tentation aujourd’hui, au détriment, cette fois, des VTC. D’autres réponses, moins malthusiennes, pourraient, pourtant, être favorisées : ouvrir à tous les acteurs, sans distinction, les opportunités offertes par les innovations technologiques.

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2. LES DÉROGATIONS PRÉVUES PAR LE PROJET DE DÉCRET CRÉENT UNE DISCRIMINATION NON JUSTIFIÉE ENTRE LES ENTREPRISES QUI EN BÉNÉFICIERONT ET LES AUTRES

77. Le projet de décret prévoit deux dérogations au délai de 15 minutes entre la réservation d’une VTC et la prise en charge effective du client en faveur, comme l’explique le communiqué de presse précité, « des activités liées au tourisme que sont la prise en charge du client à partir d’un hôtel haut de gamme ou à l’occasion d’un salon professionnel ».

78. Avant d’analyser plus en avant ces deux dérogations, l’Autorité regrette que n’ait pas été retenue celle, pertinente et un temps envisagée dans les discussions entre le gouvernement les VTC, en faveur de leurs clients abonnés. En effet, dès lors que les consommateurs ont fait un choix clair en faveur des VTC en s’abonnant à une des sociétés proposant ce service, il n’est pas normal de leur imposer un délai de 15 minutes que ne subiront pas les clients abonnés – en particulier les entreprises – d’une centrale de réservation de taxis. Une telle mesure aurait considérablement réduit la distorsion de concurrence identifiée supra.

3 Richard Darbéra, « La drôle d’histoire des voitures de tourisme avec chauffeur », publié dans la revue Transports n° 472, mars-avril 2012.

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a) Les deux dérogations prévues par le projet de décret

79. Aux termes du projet de décret, ce délai de 15 minutes ne sera pas applicable aux réservations effectuées par « l’exploitant d’un hôtel de tourisme classé dans l’une des deux plus hautes catégories désignées par le nombre d’étoiles et disposant d’un service permanent de prise en charge des véhicules de la clientèle de l’établissement, pour la prise en charge d’un client au départ de cet établissement ».

80. Les hôtels sont classés en 5 catégories de 1 à 5 étoiles, définies en fonction de critères fixés dans un tableau de classement :

- catégorie 1* : hébergement économique, - catégorie 2* : hébergement milieu de gamme,

- catégorie 3* : hébergement milieu de gamme-supérieur, - catégorie 4* : hébergement haut de gamme,

- catégorie 5* : hébergement très haut de gamme.

81. Par conséquent, seuls les clients des hôtels haut et très haut de gamme, disposant par ailleurs d’un service de voiturier ou d’un parking privé, pourront faire appel à une VTC sans délai. Selon le ministère de l’Intérieur, une telle dérogation se justifierait par le fait que ce sont ces établissements qui, historiquement, font appel pour leurs clients aux services d’une VTC. De plus, une dérogation plus large risquerait de porter une atteinte plus significative à l’ordre public en raison du nombre d’établissements potentiellement concernés (1 286 à Paris). Enfin, dès lors que ce délai est justifié par des impératifs d’ordre public de stationnement et de circulation sur la voie publique (voir infra), la présence d’un voiturier ou d’un parking privé est nécessaire pour assurer sa fluidité aux abords des hôtels concernés, sachant que les VTC n’ont pas le droit de stationner sur la voie publique.

82. La deuxième dérogation à ce délai de 15 minutes prévue dans le projet de décret concerne les réservations de VTC effectuées par « l’organisateur d’un salon professionnel prévu à l’article L. 762-2 du code de commerce disposant d’un service de prise en charge des véhicules des visiteurs et des exposants ». En effet, les organisateurs de salons professionnels ont eux aussi, historiquement, recours au service des voitures de grande remise pour les visiteurs et les exposants. De plus, ces manifestations font l’objet d’une définition précise dans le code de commerce 4

b) Des dérogations justifiées par les nécessités du contrôle plus que par leur pertinence au regard de l’objectif poursuivi

rendant plus aisé le contrôle de cette dérogation. Enfin, comme pour les hôtels de luxe, la présence d’un voiturier ou d’un parking privé sera exigée pour déroger à ce délai.

83. Le gouvernement justifie ces dérogations par le fait qu’elles concernent des activités de tourisme auxquelles étaient traditionnellement réservées les voitures de grande remise ; quant à la condition cumulative d’un voiturier ou d’un parking privé, elle découle de l’objectif d’ordre public poursuivi par le projet de décret qui est la fluidité de la circulation.

84. Or, cette justification est contestable sur deux points :

4 Aux termes de l’article L. 762-2 du code de commerce, « un salon professionnel est une manifestation commerciale consacrée à la promotion d'un ensemble d'activités professionnelles réservée à des visiteurs justifiant d'un titre d'accès payant ou gratuit. Il ne propose à la vente sur place que des marchandises destinées à l'usage personnel de l'acquéreur, dont la valeur n'excède pas un plafond fixé par décret ».

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- d’une part, si l’objectif est de permettre aux « activités liées au tourisme » de déroger à l’obligation du délai, on peut se demander pourquoi des congrès ou des festivals qui, eux aussi, drainent en région parisienne de très nombreux participants venant de province ou de l’étranger, ne sont pas concernés par la dérogation, d’autant plus qu’ils peuvent eux aussi disposer d’un voiturier ou d’un parking privé. Il en va de même s’agissant des restaurants ou des boites de nuit qui peuvent également disposer d’un voiturier et/ ou d’un parking et dont l’activité est aussi largement liée au tourisme ;

- d’autre part, s’agissant des hôtels, si c’est bien l’objectif d’ordre public de fluidité de la circulation qui est poursuivi, ce qui importe n’est donc pas tant le nombre d’étoiles que la présence ou non d’un parking privé ou d’un voiturier afin d’éviter les phénomènes de congestion à proximité de ceux-ci.

85. Le seul critère cohérent par rapport à l’objectif d’ordre public poursuivi étant la présence d’un voiturier ou d’un parking, la discrimination faite entre les activités de tourisme comme entre les hôtels pour la dispense du délai n’apparaît donc pas justifiée.

86. De plus, la dérogation au délai de 15 minutes entre la réservation et la prise en charge effective du client d’un hôtel haut de gamme ou très haut de gamme ne sera possible que pour la réservation d’une course « au départ de cet établissement ». L’exemple suivant montre l’impasse à laquelle cette rédaction peut conduire : le client d’un hôtel parisien haut de gamme arrive dans une gare parisienne et, ne voulant ou ne pouvant disposer immédiatement d’un taxi, souhaite réserver une VTC. Il lui faudra nécessairement attendre 15 minutes, qu’il réserve lui-même via son smartphone ou qu’il réserve via l’exploitant de son hôtel car le transport en VTC ne se fera pas « au départ de cet établissement » mais de la gare concernée. C’est d’autant plus regrettable que l’hôtelier est en mesure de vérifier, grâce à la géolocalisation, qu’une VTC est à proximité de la gare en question.

87. En définitive, ce choix de réserver la dispense du délai aux seuls salons professionnels et hôtels de luxe, à l’exclusion des autres hôtels comme des activités de tourisme similaires, même lorsqu’ils disposent d’un service de voiturier ou d’un parking, semble découler des nécessités du contrôle plus que de raisons objectives, avec pour conséquence de créer une discrimination non justifiée entre les entreprises qui en bénéficieront et les autres (en particulier entre les catégories d’hôtels). Il manifeste aussi la volonté du gouvernement de limiter la demande pour les VTC aux seuls secteurs où s’exerçaient historiquement l’activité des voitures de grande remise. Or, les nouvelles sociétés de VTC ont toutes confirmés ne pas travailler avec les exploitants d’hôtels de luxe et de salons professionnels, segments de marché qui sont desservis pour l’essentiel par les « grand remisiers » traditionnels, tous membres de la chambre syndicale des entreprises de remise et de tourisme.

3. LES CONSÉQUENCES NÉGATIVES DU DÉLAI DE 15 MINUTES POUR LE CONSOMMATEUR

88. Les effets du délai de 15 minutes sont les mêmes à court terme et moyen terme : ce dernier aurait pour conséquence de dégrader le bien-être du consommateur, à la fois en termes de prix mais aussi de variété de l’offre et de délais d’attente.

89. A court terme, dès le 1er janvier 2014, le client d’une société de VTC devrait désormais attendre 15 minutes entre le moment de sa réservation et celui de sa prise en charge. Alors que sa demande d’un service particulier de transport à titre onéreux pourrait être satisfaite

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dans un délai moyen de 7 à 8 minutes, voire moins, ce temps d’attente serait au minimum doublé puisqu’il ne pourrait être inférieur à 15 minutes et ce, sans raison objective.

90. Or, ainsi qu’il a été indiqué supra, le développement des VTC a permis une amélioration quantitative et qualitative de l’offre de transport particulier à titre onéreux en France, notamment dans les grandes villes comme Paris. Les consommateurs bénéficient, grâce à elles, d’un service de transport facilement utilisable via un smartphone, de véhicules récents d’une gamme supérieure à celle des radio-taxis classiques et de prix qui ne sont pas forcément plus élevés. En effet, contrairement aux radio-taxis, le prix de la course peut être forfaitaire, incluant aussi la course d’approche et rassurant le client sur le fait que le conducteur n’aura pas d’intérêt à rallonger la course.

91. De plus, si le temps moyen d’attente est doublé, les VTC chargeront moins de clients dans une journée avec pour conséquence une baisse de leur chiffre d’affaires mettant en péril leur équilibre économique. A moyen terme, pour sauvegarder leur rentabilité, ces sociétés pourraient décider d’augmenter le prix de la course avec le risque de décourager leur clientèle. La contrainte que ce délai fera peser sur les VTC réduira donc forcément le bien- être du consommateur, que ce soit par une diminution de l’offre à la d’éventuelles faillites d’entreprises ou par une augmentation du prix unitaire payé pour leur service.

C. LA DISTORSION DE CONCURRENCE RESULTANT DU PROJET DE DÉCRET N’EST PAS NÉCESSAIRE NI PROPORTIONNÉE AUX OBJECTIFS D’INTÉRÊT GÉNÉRAL AFFICHÉS

92. Ainsi qu’il a été démontré supra, le délai de 15 minutes qui pourrait être imposé aux VTC entre la réservation et la prise en charge de leurs clients crée une distorsion de concurrence entre celles-ci et les taxis sur le marché de la réservation préalable. Toutefois, ce délai est présenté comme nécessaire pour matérialiser et quantifier le caractère préalable d’une commande et, ainsi, distinguer la prise en charge immédiate de la réservation préalable.

L’objectif affiché d’une telle mesure est de contrecarrer le développement de pratiques qui tendraient à se développer au détriment des impératifs d’ordre public en matière de stationnement et de circulation sur la voie publique.

93. Plus précisément, selon le ministère de l’Intérieur, ce délai vise à éviter : - les phénomènes de maraude des VTC.

- les concentrations de véhicules, en attente de réservation dite immédiate, aux abords des zones de chalandise particulièrement attractives (notamment les gares et les aéroports) qui peuvent provoquer une congestion des zones concernées et, ce faisant, des troubles à l’ordre public.

1. UN DÉLAI QUI NEST PAS NÉCESSAIRE À LA PROTECTION DU MONOPOLE DES TAXIS SUR LE MARCHÉ DE LA MARAUDE

94. Ainsi qu’il a été indiqué supra, les applications mobiles, notamment celle d’Uber, permettent de géolocaliser en temps réel les voitures disponibles. Un client qui constaterait sur son smartphone la présence à proximité d’une VTC pourrait facilement la réserver et être pris en charge très rapidement. Le sachant, les VTC auraient développé une stratégie de prépositionnement près des lieux à forte chalandise afin d’être en mesure de répondre le plus rapidement possible à cette demande immédiate. Pour les chauffeurs de taxis, les

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sociétés de VTC sont ainsi en mesure, malgré l’obligation de réservation préalable, de contourner leur monopole sur le marché de la maraude.

95. Or, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans sa décision QPC n° 2013-318 du 7 juin 2013, le monopole des taxis sur la maraude est justifié par les objectifs d’ordre public poursuivis en matière de police de la circulation et de stationnement sur la voie publique. Protéger ce monopole des VTC revient donc, logiquement, à protéger l’ordre public lui-même.

96. Toutefois, taxis et VTC proposent une offre différente de transport particulier de personnes à titre onéreux et répondent donc à une demande différente.

97. Premièrement, contrairement à un taxi hélé sur la voie publique, la prise en charge par une VTC résulte de l’exécution d’un contrat conclu préalablement entre le client et la société concernée, dûment identifiés, avec, lorsque le prix de la course est forfaitisé, le paiement immédiat et obligatoire de celle-ci par carte bancaire.

98. Deuxièmement, les réservations de VTC interviennent, pour la très grande majorité d’entre elles, depuis des lieux privés que sont le domicile ou l’entreprise, et quasiment jamais sur la voie publique.

99. Troisièmement, les déterminants de la demande sont différents. Celle des VTC est attentive à la qualité du véhicule et des services offerts. En effet, une VTC, c’est un véhicule haut de gamme avec des sièges en cuir, un chauffeur en costume, la presse du jour, une bouteille d’eau, des serviettes rafraichissantes, des chargeurs pour smartphone, voire un Ipad mis à disposition. Les VTC s’adressent donc à une clientèle attentive à la qualité du véhicule et des services et donc prête à attendre pour être prise en charge. Au contraire, s’agissant de la clientèle des taxis en maraude sur la voie publique, son déterminant principal est la prise en charge immédiate par le premier taxi disponible, quel que soit son standing ou les services qu’il propose. Il en va de même à la sortie des gares, des aéroports ou aux bornes de taxis, le client monte dans le premier de la file.

100. Quatrièmement, cette qualité plus élevée de leur offre explique également que le prix d’une course en VTC est plus élevé que celui d’une course à partir d’un taxi hélé sur la voie publique ; il est aussi plus élevé parce que le coût de la course d’approche est intégré dans le prix final, même s’il n’est pas identifié en tant que tel.

101. Enfin, cinquièmement, compte tenu du nombre limité de VTC en circulation dans la région parisienne (par exemple 1 000 pour UBER, 400 pour Chauffeur-privé et 300 pour LeCab) et surtout, de l’éclatement de celles-ci entre de nombreuses entreprises (qui ont chacune leur application mobile), cette situation d’une prise en charge quasi-immédiate est forcément très rare. D’ailleurs, le temps moyen de prise en charge indiqué par les sociétés de VTC est de l’ordre de 7 à 8 minutes, voire 10-12 minutes pour les clients hors entreprises.

102. Par conséquent, dès lors qu’il existe une réservation préalable, c'est-à-dire que sont déterminés de manière précise le lieu et l’heure où la VTC chargera son client, tous deux dûment identifiés, ainsi que sa destination, voire le prix final, il ne s’agit plus de maraude.

Parce qu’une VTC ne s’arrête pas n’importe où, à n’importe quel moment sur la voie publique pour charger n’importe quel client, que cette prise en charge intervienne 15 minutes ou non après la réservation est donc indifférent à l’objectif poursuivi de lutte contre la maraude, comme d’ailleurs à celui de fluidité de la circulation.

103. D’une manière plus générale, si les VTC étaient plus nombreuses, l’activité des taxis resterait probablement tout aussi rentable, compte tenu de la part de la demande

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actuellement insatisfaite comme de la demande supplémentaire générée par l’accroissement de l’offre 5

104. De plus, le ministère de l’intérieur a soutenu que le délai de 15 minutes est nécessaire pour matérialiser et quantifier le caractère préalable d’une commande (de VTC) et, ainsi, distinguer la prise en charge immédiate de la réservation préalable. Or, cette distinction, également faite en séance par le président de la société G7, non seulement ne résulte pas de la loi mais est inutile. En effet, les VTC ont elles aussi le droit, sans enfreindre les règles qui leur sont applicables, de prendre en charge immédiatement un client pour autant que cette prise en charge ait été précédée d’une réservation. Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision QPC du 7 juin 2013 précitée, le critère de distinction entre la profession réglementée que sont les taxis et les VTC « est celui du stationnement sur la voie publique ou de la réservation préalable obligatoire » et ce, quel que soit le délai de prise en charge du client. En considérant qu’il faut matérialiser et quantifier la réservation préalable par un délai de 15 minutes, et surtout, en ne l’appliquant qu’aux seules VTC, le projet de décret ajoute donc à la loi (article L. 231-3 du code du tourisme) un critère supplémentaire qui, sur le marché de la réservation préalable d’un moyen de transport particulier à titre onéreux, conduit à distinguer entre deux catégories d’entreprises qui exercent pourtant la même activité auprès des mêmes clientèles.

. La préfecture de police a ainsi confirmé que, depuis 2010, si le prix des licences à Paris n’augmente plus, il reste stable. A plus long terme, à mesure que le coût de possession d’un véhicule à Paris croîtra, plus nombreux seront les parisiens à s’en passer, augmentant ainsi la demande, surtout si la tarification au forfait devient possible pour les taxis sur réservation préalable. L’exemple de New York est lui aussi éclairant. Alors que les taxis, déjà deux fois plus nombreux par habitant qu’à Paris, font face à la concurrence de 50 000 voitures de petite remise (moins chères par définition que les VTC), les licences sont vendues aux enchères plus de 500 000 dollars, preuve qu’il y a suffisamment de demande pour l’ensemble des moyens de transport particulier.

105. Taxis et VTC n’étant pas en concurrence sur le marché de la maraude, la distorsion de concurrence que ce délai entraînera, au détriment du consommateur, sur le marché de la réservation préalable n’apparaît donc pas nécessaire à l’objectif de protection du monopole des taxis, pas plus d’ailleurs qu’à l’objectif de fluidité de la circulation. L’application stricte de la règlementation sanctionnant les comportements de racolage comme les phénomènes de concentration des VTC dans certains lieux (par exemple les aéroports), s’ils étaient avérés, serait probablement aussi, voire plus efficace et ce, sans entraîner la même distorsion de concurrence.

2. UN DÉLAI QUI VA À LENCONTRE DE LOBJECTIF DE FLUIDITÉ DE LA CIRCULATION

106. En ce qui concerne l’objectif de lutte contre les concentrations de VTC en attente de commande dite immédiate, aux abords des zones de forte chalandise congestionnées (gares, aéroports, etc.), le délai de 15 minutes apparaît également injustifié et même contreproductif.

107. Les sociétés de VTC ont affirmé ne pas avoir de stratégie de prépositionnement. A chaque instant, les voitures sont réparties dans Paris en fonction des commandes et des destinations à desservir. Si elles ont reconnu partager avec les chauffeurs les informations sur les plages horaires et les zones géographiques où la demande est la plus forte, ces

5 Voir en ce sens Maya Bacache et Lionel Janin : « Réglementation, déréglementation et concurrence : le cas des taxis », in Concurrences n° 2-2009 qui démontre une élasticité de la demande de taxis au temps d’attente.

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