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I / Une démocratie directe mais limitée : Athènes au Ve siècle avant J-C

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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1 Introduction

Activité introductive :

Article « démocratie » de l’Encyclopia Universalis

Consigne : après avoir défini les notions de démocratie directe et représentative, expliquez comment la perception de chacune a évolué au cours de l’histoire.

Vous répondrez à cette consigne en faisant un schéma.

I / Une démocratie directe mais limitée : Athènes au Ve siècle avant J-C Activité n° I :

Consigne :

En classe : vous allez prendre des notes sur une vidéo (10 minutes) qui présente la démocratie athénienne.

Vous devez repérer les institutions, leur fonctionnement, leurs avantages mais aussi leurs limites.

A la maison : à partir de vos notes, répondez au sujet suivant : peut-on considérer la démocratie athénienne au Ve siècle avant J-C comme un modèle ?

Il s’agira de faire un plan détaillé sous forme libre (texte / tableau...).

La vidéo vue en classe se trouve sur mon site (http://histoiregeocouvreurbellevue.e-monsite.com). Fin de page, rubrique thème 3 axe 1.

Pour ceux qui veulent approfondir, vous pouvez écouter les deux émissions de radio dont l’invitée est Claude Mossé, historienne spécialiste de la Grèce antique. Les liens ci-dessous figurent également sur mon site.

1ère partie : https://www.youtube.com/watch?v=m_U3cOr-ZNI

2ème partie : https://www.youtube.com/watch?v=HJweNLkIet8

La démocratie est une forme d’organisation politique traditionnellement définie, selon la formule d’Abraham Lincoln, comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Comme dans tout système politique, « le peuple », c’est-à-dire la population des citoyens regroupée dans le cadre d’un territoire, y est gouverné. La spécificité d’un système démocratique est que les gouvernés sont censés être en même temps des gouvernants, associés aux principales décisions engageant la vie de la cité. Et c’est parce que le peuple est à la fois sujet (c’est-à-dire soumis au pouvoir politique) et souverain (détenteur de ce pouvoir) que les systèmes démocratiques sont supposés agir dans l’intérêt du peuple.

La question de savoir comment et dans quelle mesure « le peuple » est associé à son propre gouvernement est évidemment centrale en ce qui concerne le caractère démocratique des systèmes politiques. De l’Antiquité grecque jusqu’au 19ème siècle, seul un régime que nous appelons aujourd’hui démocratie directe, où les lois sont débattues et votées par l’assemblée des citoyens, pouvait être qualifié de démocratique. La désignation des gouvernants par l’élection, en réservant le pouvoir à « quelques-uns » et non à « tous », était considérée comme un procédé aristocratique. Progressivement, le gouvernement représentatif (c’est-à-dire le gouvernement exercé par les « représentants « du peuple », élu par les citoyens) va être reconnu comme une forme particulière, puis comme la seule forme de démocratie. Les formes contemporaines de représentation élective sont considérées comme démocratiques, et à l’exception de quelques cantons suisses, toutes les démocraties sont, aujourd’hui, représentatives.

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2 II / Le triomphe de la démocratie représentative à l’époque moderne

Activité II : travail en classe / maison.

Consigne 1 : Après avoir présenté brièvement Constant, vous expliquerez comment il définit la « liberté des Anciens » et ses limites (= pourquoi elle n’est plus adaptée à son époque). Enfin, définirez la « liberté des Modernes » selon Constant et les modalités de la participation politique dans les sociétés européennes de ce début XIXe siècle.

Consigne 2 : Après avoir présenté brièvement Tocqueville, vous expliquerez en quoi, selon lui, la liberté peut être menacée dans une société et un régime démocratiques. Enfin, vous relèverez les solutions permettant de combattre ces dangers.

Ressources documentaires :

- Les vidéos disponibles sur le site d’HG (https://histgeo972.jimdo.com) - Les extraits des ouvrages philosophiques ci-joints

Extrait n° 1 de Benjamin Constant

Demandez-vous d’abord, Messieurs, ce que, de nos jours un Anglais, un Français, un habitant des États-Unis de l’Amérique, entendent par le mot de liberté ?

C’est pour chacun le droit de n’être soumis qu’aux lois, de ne pouvoir être ni arrêté, ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou de plusieurs individus. C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie et de l’exercer ; de disposer de sa propriété, d’en abuser même ; d’aller, de venir, sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches. C’est, pour chacun, le droit de se réunir à d’autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour remplir ses jours ou ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinations, à ses fantaisies. Enfin, c’est le droit, pour chacun, d’influer sur l’administration du gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des demandes, que l’autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération. Comparez maintenant à cette liberté celle des anciens.

Celle-ci consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté tout entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités d’alliance, à voter les lois, à prononcer les jugements, à examiner les comptes, les actes, la gestion des magistrats, à les faire comparaître devant tout le peuple, à les mettre en accusation, à les condamner ou à les absoudre ; mais en même temps que c’était là ce que les anciens nommaient liberté, ils admettaient, comme compatible avec cette liberté collective, l’assujettissement complet de l’individu à l’autorité de l’ensemble. Vous ne trouvez chez eux presque aucune des jouissances que nous venons de voir faisant partie de la liberté chez les modernes. Toutes les actions privées sont soumises à une surveillance sévère. Rien n’est accordé à l’indépendance individuelle, ni sous le rapport des opinions, ni sous celui de l’industrie, ni surtout sous le rapport de la religion. La faculté de choisir son culte, faculté que nous regardons comme l’un de nos droits les plus précieux, aurait paru aux anciens un crime et un sacrilège. Dans les choses qui nous semblent les plus utiles, l’autorité du corps social s’interpose et gêne la volonté des individus ; Terpandre ne peut chez les Spartiates ajouter une corde à sa lyre sans que les Éphores ne s’offensent. Dans les relations les plus domestiques, l’autorité intervient encore. Le jeune Lacédémonien ne peut visiter librement sa nouvelle épouse. À Rome, les censeurs portent un œil scrutateur dans l’intérieur des familles. Les lois règlent les mœurs, et comme les mœurs tiennent à tout, il n’y a rien que les lois ne règlent.

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3 Ainsi chez les anciens, l’individu, souverain presque habituellement dans les affaires publiques, est esclave dans tous les rapports privés. Comme citoyen, il décide de la paix et de la guerre ; comme particulier, il est circonscrit, observé, réprimé dans tous ses mouvements ; comme portion du corps collectif, il interroge, destitue, condamne, dépouille, exile, frappe de mort ses magistrats ou ses supérieurs, comme soumis au corps collectif, il peut à son tour être privé de son état, dépouillé de ses dignités, banni, mis à mort, par la volonté discrétionnaire de l’ensemble dont il fait partie.

Chez les modernes, au contraire, l’individu, indépendant dans sa vie privée, n’est, même dans les États les plus libres, souverain qu’en apparence. Sa souveraineté est restreinte, presque toujours suspendue ; et si à des époques fixes, mais rares, durant lesquelles il est encore entouré de précautions et d’entraves, il exerce cette souveraineté, ce n’est jamais que pour l’abdiquer. (…)

On pressent aisément, Messieurs, le résultat nécessaire de ces différences. Premièrement, l’étendue d’un pays diminue d’autant l’importance politique qui échoit en partage à chaque individu. Le républicain le plus obscur de Rome ou de Sparte était une puissance. Il n’en est pas de même du simple citoyen de la Grande-Bretagne ou des États-Unis.

Son influence personnelle est un élément imperceptible de la volonté sociale qui imprime au gouvernement sa direction. En second lieu, l’abolition de l’esclavage a enlevé à la population libre tout le loisir qui résultait pour elle de ce que des esclaves étaient chargés de la plupart des travaux. Sans la population esclave d’Athènes, 20.000 Athéniens n’auraient pas pu délibérer chaque jour sur la place publique. Troisièmement, le commerce ne laisse pas, comme la guerre, dans la vie de l’homme des intervalles d’inactivité. L’exercice perpétuel des droits politiques, la discussion journalière des affaires de l’État, les dissensions, les conciliabules, tout le cortège et tout le mouvement des factions, agitations nécessaires, remplissage obligé, si j’ose employer ce terme, dans la vie des peuples libres de l’antiquité, qui auraient langui, sans cette ressource, sous le poids d’une inaction douloureuse, n’offriraient que trouble et que fatigue aux nations modernes, où chaque individu occupé de ses spéculations, de ses entreprises, des jouissances qu’il obtient ou qu’il espère, ne veut en être détourné que momentanément et le moins qu’il est possible. Enfin, le commerce inspire aux hommes un vif amour pour l’indépendance individuelle. Le commerce subvient à leurs besoins, satisfait à leurs désirs, sans l’intervention de l’autorité. Cette intervention est presque toujours, et je ne sais pourquoi je dis presque, cette intervention est toujours un dérangement et une gêne. Toutes les fois que le pouvoir collectif veut se mêler des spéculations particulières, il vexe les spéculateurs. Toutes les fois que les gouvernements prétendent faire nos affaires, ils les font plus mal et plus dispendieusement que nous. (…)

Il s’ensuit que nous devons être bien plus attachés que les anciens à notre indépendance individuelle ; car les anciens, lorsqu’ils sacrifiaient cette indépendance aux droits politiques, sacrifiaient moins pour obtenir plus ; tandis qu’en faisant le même sacrifice, nous donnerions plus pour obtenir moins. Le but des anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie : c’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances.

Extrait n° 2 de Benjamin Constant

Que le pouvoir s’y résigne donc ; il nous faut la liberté, et nous l’aurons ; mais comme la liberté qu’il nous faut est différente de celle des anciens, il faut à cette liberté une autre organisation que celle qui pourrait convenir a la liberté antique. Dans celle-ci, plus l’homme consacrait de temps et de forces a l’exercice de ses droits politiques, plus il se croyait libre ; dans l’espèce de liberté dont nous sommes susceptibles, plus l’exercice de nos droits politiques nous laissera de temps pour nos intérêts privés, plus la liberté nous sera précieuse.

De là vient, Messieurs, la nécessité du système représentatif. Le système représentatif n’est autre chose qu’une organisation à l’aide de laquelle une nation se décharge sur quelques individus de ce qu’elle ne peut ou ne veut pas faire elle-même. Les individus pauvres font eux-mêmes leurs affaires ; les hommes riches prennent des intendants.

C’est l’histoire des nations anciennes et des nations modernes. Le système représentatif est une procuration donnée à un certain nombre d’hommes par la masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus, et qui néanmoins

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4 n’a pas le temps de les défendre toujours lui-même. Mais, à moins d’être insensés, les hommes riches qui ont des intendants examinent, avec attention et sévérité, si ces intendants font leur devoir, s’ils ne sont ni négligents, ni corruptibles, ni incapables ; et pour juger de la gestion de ces mandataires, les commettants qui ont de la prudence se mettent bien au fait des affaires dont ils leur confient l’administration. De même, les peuples, qui dans le but de jouir de la liberté qui leur convient, recourent au système représentatif, doivent exercer une surveillance active et constante sur leur représentants, et se réserver à des époques, qui ne soient pas séparées par de trop longs intervalles, le droit de les écarter s’ils ont trompé leurs vœux, et de révoquer les pouvoirs dont ils auraient abusé.

Car, de ce que la liberté moderne diffère de la liberté antique, il s’ensuit qu’elle est aussi menacée d’un danger d’espèce différente.

Le danger de la liberté antique était qu’attentifs uniquement à s’assurer le partage du pouvoir social, les hommes ne fissent trop bon marché des droits et des jouissances individuelles. Le danger de la liberté moderne, c’est qu’absorbés dans la jouissance de notre indépendance privée, et dans la poursuite de nos intérêts particuliers, nous ne renoncions trop facilement à notre droit de partage dans le pouvoir politique.

Les dépositaires de l’autorité ne manquent pas de nous y exhorter. Ils sont si disposés à nous épargner toute espèce de peine, excepté celle d’obéir et de payer ! Ils nous diront : Quel est au fond le but de vos efforts, le motif de vos travaux, l’objet de toutes vos espérances ? N’est-ce-pas le bonheur ? Eh bien, ce bonheur, laissez-nous faire, et nous vous le donnerons. Non, Messieurs, ne laissons pas faire ; quelque touchant que ce soit un intérêt si tendre, prions l’autorité de rester dans ses limites ; qu’elle se borne à être juste. Nous nous chargerons d’être heureux.

Pourrions-nous l’être par des jouissances, si ces jouissances étaient séparées des garanties ? Et où trouverions-nous ces garanties, si nous renoncions à la liberté politique ? Y renoncer, Messieurs, serait une démence semblable à celle d’un homme qui, sous prétexte qu’il n’habite qu’un premier étage, prétendrait bâtir sur le sable un édifice sans fondements. D’ailleurs, Messieurs, est-il donc si vrai que le bonheur, de quelque genre qu’il puisse être, soit le but unique de l’espèce humaine ? En ce cas, notre carrière serait bien étroite et notre destination bien peu relevée. Il n’est pas un de nous qui, s’il voulait descendre, restreindre ses facultés morales, rabaisser ses désirs, abjurer l’activité, la gloire, les émotions généreuses et profondes, ne pût s’abrutir et être heureux, Non, Messieurs, j’en atteste cette partie meilleure de notre nature, cette noble inquiétude qui nous poursuit et qui nous tourmente, cette ardeur d’étendre nos lumières et de développer nos facultés ; ce n’est pas au bonheur seul, c’est au perfectionnement que notre destin nous appelle ; et la liberté politique est le plus puissant, le plus énergique moyen de perfectionnement que le ciel nous ait donné. (…)

Loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux espèces de liberté dont je vous ai parlé, il faut, je l’ai démontré, apprendre à les combiner l’une avec l’autre. Les institutions, comme le dit le célèbre auteur de l’Histoire des républiques du moyen âge [Sismonde de Sismondi], doivent accomplir les destinées de l’espèce humaine ; elles atteignent d’autant mieux leur but qu’elles élèvent le plus grand nombre possible de citoyens à la plus haute dignité morale.

L’œuvre du législateur n’est point complète quand il a seulement rendu le peuple tranquille. Lors même que ce peuple est content, il reste encore beaucoup à faire. Il faut que les institutions achèvent l’éducation morale des citoyens. En respectant leurs droits individuels, en ménageant leur indépendance, en ne troublant point leurs occupations, elles doivent pourtant consacrer leur influence sur la chose publique, les appeler à concourir, par leurs déterminations et par leurs suffrages, à l’exercice du pouvoir, leur garantir un droit de contrôle et de surveillance par la manifestation de leurs opinions, et les formant de la sorte par la pratique à ces fonctions élevées, leur donner à la fois et le désir et la faculté de s’en acquitter.

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5 Extrait n° 1 de Tocqueville

La démocratie n'empêche point que ces deux classes d'hommes (maîtres et serviteurs) n'existent; mais elle change leur esprit et modifie leurs rapports.

Chez les peuples aristocratiques, les serviteurs forment une classe particulière qui ne varie pas plus que celle des maîtres. Un ordre fixe ne tarde pas à y naître; dans la première comme dans la seconde, on voit bientôt paraître une hiérarchie (…) et les générations s'y succèdent sans que les positions changent. Ce sont deux sociétés superposées l'une à l'autre, toujours distinctes, mais régies par des principes analogues. (…)

Chez les peuples démocratiques, l'égalité des conditions fait, du serviteur et du maître, des êtres nouveaux, et établit entre eux de nouveaux rapports. Lorsque les conditions sont presque égales, les hommes changent sans cesse de place; il y a encore une classe de valets et une classe de maîtres; mais ce ne sont pas toujours les mêmes individus, ni surtout les mêmes familles qui les composent; et il n'y a pas plus de perpétuité dans le commandement que dans l'obéissance. (…) Dans les démocraties, les serviteurs ne sont pas seulement égaux entre eux; on peut dire qu'ils sont, en quelque sorte, les égaux de leurs maîtres. Ceci a besoin d'être expliqué pour le bien comprendre. A chaque instant, le serviteur peut devenir maître et aspire a le devenir; le serviteur n'est donc pas un autre homme que le maître.

Pourquoi donc le premier a-t-il le droit de commander et qu'est-ce qui force le second à obéir ? L'accord momentané et libre de leurs deux volontés. Naturellement ils ne sont point inférieurs l'un à l'autre, ils ne le deviennent momentanément que par l'effet du contrat. Dans les limites de ce contrat, l'un est le serviteur et l'autre le maître; en dehors, ce sont deux citoyens, deux hommes. (…)

En vain la richesse et la pauvreté, le commandement et l'obéissance mettent accidentellement de grandes distances entre deux hommes, l'opinion publique, qui se fonde sur l'ordre ordinaire des choses, les rapproche du commun niveau et crée entre eux une sorte d'égalité imaginaire, en dépit de l'inégalité réelle de leurs conditions. (…)

Extrait n° 2 de Tocqueville

Presque toutes les révolutions qui ont changé la face des peuples ont été faites pour consacrer ou pour détruire l’inégalité (…). Ce sont les pauvres qui ont voulu ravir les biens des riches, ou les riches qui ont essayé d’enchaîner les pauvres (…). Je n’ignore pas que, chez un grand peuple, démocratique, il se rencontre toujours des citoyens très pauvres et des citoyens très riches; mais les pauvres, au lieu d’y former l’immense majorité de la nation comme cela arrive toujours dans les sociétés aristocratiques, sont en petit nombre, et la loi ne les a pas attachés les uns aux autres par les liens d’une misère irrémédiable et héréditaire. Les riches, de leur côté, sont clairsemés et impuissants (…). Entre ces deux extrémités des sociétés démocratiques, se trouve une multitude innombrable d’hommes presque pareils, qui, sans être précisément ni riches ni pauvres, possèdent assez de biens pour désirer l’ordre, et n’en ont pas assez pour susciter l’envie.

Extrait n° 3 de Tocqueville

Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux, qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils remplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres (…). Au dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages (…). C’est ainsi que tous les jours, il rend moins utile et plus rare l’emploi

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6 du libre arbitre; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses; elle les a disposés à les accepter et souvent même à les regarder comme un bienfait. (…) L’Etat démocratique ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

Extrait n° 4 de Tocqueville

Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser pour ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose contre une majorité ? (…) Lorsqu’un homme ou un parti souffrent d’une injustice aux Etats-Unis, à qui voulez-vous qu’il s’adresse

? A l’opinion publique ? C’est elle qui forme la majorité; au corps législatif ? Il représente la majorité et lui obéit aveuglément; au pouvoir exécutif ? Il est nommé par la majorité et lui sert d’instrument passif; à la force publique ? Elle n’est autre chose que la majorité sous les armes; au jury ? Les juges eux-mêmes, dans certains Etats, sont élus par la majorité. Quelque injuste ou déraisonnable que soit la mesure qui vous frappe, il faut donc vous y soumettre.

Extrait n° 5 de Tocqueville

Les Américains ont combattu par la liberté l’individualisme que l’égalité faisait naître, et ils l’ont vaincu. Les législateurs de l’Amérique n’ont pas cru qu’il suffisait d’accorder à la nation tout entière une représentation d’elle-même; ils ont pensé que, de plus, il convenait de donner une vie politique à chaque portion du territoire, afin de multiplier à l’infini, pour les citoyens, les occasions d’agir ensemble, et de leur faire sentir tous les jours qu’ils dépendent les uns des autres. C’était se conduire avec sagesse.

(…) C’est donc en chargeant les citoyens de l’administration des petites affaires, bien plus qu’en leur livrant le gouvernement des grandes, qu’on les intéresse au bien public, et qu’on leur fait voir le besoin qu’ils ont sans cesse les uns des autres pour le produire.

(…) Les libertés locales, qui font qu’un grand nombre de citoyens mettent du prix à l’affection de leurs voisins et de leurs proches, ramènent donc sans cesse les hommes les uns vers les autres, en dépit des instincts qui les séparent, et les forcent à s’entraider.

Aux Etats-Unis, les plus opulents citoyens ont bien soin de ne point s’isoler du peuple; (…) Ainsi le pays le plus démocratique de la terre se trouve être celui où tous les hommes ont le plus perfectionné de nos jours l’art de poursuivre en commun l’objet de leurs communs désirs.

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