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ICI ET AILLEURS DAVID VERGER. Exposition du 18 juin au 31 décembre 2022

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Academic year: 2022

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DAVID VERGER ICI ET AILLEURS

Exposition du 18 juin au 31 décembre 2022

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L’année 2022 marque le 120e anniversaire de la naissance de Robert Tatin.

Ce Mayennais, grand voyageur, a conservé sa liberté créatrice tout au long du XXe siècle.

Les 21 dernières années de sa vie, il a bâti son musée à Cossé-le-Vivien. Celui-ci n’a jamais cessé de se développer et de favoriser les rencontres entre des visiteurs et des artistes de tous les horizons.

À l’instar de Robert Tatin, par son engagement pictural affirmé, David Verger ouvre les portes d’un univers fabuleux mêlant paysages insaisissables et images d’une humanité possible. La campagne mayennaise a inspiré le goût de la création artistique à David Verger dès son enfance.

De l’observation minutieuse des teintes et des rythmes qui l’entourent naît un voyage intérieur, une déambulation vers un ailleurs. Sous-bois, images nostalgiques de visages du passé et chemins enherbés sont autant d’objets d’étude d’un monde devenu étrange et mystérieux, que nous côtoyons en oubliant parfois d’en apprécier la beauté.

L’artiste nous invite à explorer un monde vivant, une force persistante et spontanée, vouée à se déployer dans tous les interstices de l’être.

Olivier RICHEFOU Président du Conseil départemental de la Mayenne

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CONSTANTINE Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2016 50 x 39 cm

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Ici et ailleurs

Les paysages ruraux de la campagne mayennaise, auxquels je suis depuis toujours attaché, sont devenus une partie de moi-même.

La découverte permanente de la nature a l’effet d’une nourriture non par une démarche intellectuelle mais par une appréhension et une imprégnation tactile.

Mes comptes rendus plastiques sont exécutés en atelier afin de ne pas traduire une simple observation mais de témoigner d’une imprégnation tactile de ma mémoire. Cette nostalgie latente d’une émotion intense et furtive conjuguée à la rapidité du geste dessiné me permettent d’exprimer cette fête des sens tel un paysage intérieur.

David Verger (2022)

03 MAI 2022 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2022 100 x 140 cm

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L’atelier de David VERGER

David Verger règle ses contes

Des deux côtés de la route nationale qui mène à Martigné-sur-Mayenne, le village où habite David Verger, le bocage et son vallonnement léger s’étendent à perte de vue.

Peut-être y avait-il ici, à la place des champs, avant les grands défrichements du Moyen- Âge, une immense forêt pleine de ces créatures qui peuplaient les contes et les croyances populaires ? On rendait alors un culte aux eaux, aux pierres, aux arbres, aux esprits de la nature. Aux veillées, on se racontait des histoires de fantômes qui venaient nous hanter la nuit. En ce jour de janvier 2022 où je rends visite à l’artiste, à l’exception de quelques arbres qui frissonnent au sommet des talus, il n’en reste plus beaucoup de traces : les hommes et le temps sont passés par-là.

Il m’a donné rendez-vous chez lui, dans ce gros bourg d’environ 2 000 âmes où les toits d’ardoise surmontent des murs de pierre taillée. Son atelier est une annexe de sa maison, et c’est par-là que commence la visite : « Je ne passe pas tous les jours beaucoup de temps ici. C’est très inégal. Parfois plusieurs heures, parfois cinq minutes. J’enlève un peu de matière, j’en remets. Cependant, mes toiles ne sont jamais vraiment achevées. Il m’arrive de retravailler un tableau plus de trois ou quatre ans après l’avoir commencé, et l’avoir laissé de côté aussi longtemps. » Manifestement, la relation qu’il entretient avec ses œuvres est tout sauf lisse et pacifiée. Il ne caresse pas le support. Au contraire, il « l’attaque », « l’atteint », si bien que quelque chose dans le désordre de la pièce, avec les éclats de peinture au sol, le flacon de white spirit sur la table, les toiles mal accrochées et les pots ouverts çà et là, m’évoque l’atelier de Francis Bacon et la relation tumultueuse que l’artiste britannique entretenait avec sa peinture, aussi torturée que fascinante.

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Quelque chose hante également David Verger, sans que j’arrive à saisir précisément de quoi il s’agit pour l’instant. Nous avons quitté son atelier et sommes passés dans le salon, où il me montre des portraits d’enfants qu’il a commencé à peindre dans les années 2000, grands formats en nuances de gris qui provoquent une sensation d’oppression et d’angoisse.

Ou plutôt, même s’il a pris pour point de départ de vieilles photos de famille, comme celle d’un cousin en habit de communiant, ce sont des faux-portraits : ce qui l’intéresse, ce n’est pas la ressemblance avec la réalité, mais la déformation de celle-ci. En voyant l’un de ces enfants, je repense à un arrière grand-oncle, mort depuis longtemps, qui avait dans ses vieux jours la même expression faciale, et soudain, je comprends pourquoi ces peintures produisent un tel effet de malaise : ce sont bien des enfants, mais sans la douceur, sans l’innocence qu’on prête aux enfants. Car ce que l’artiste fait ici, c’est qu’il éclate, au sens propre comme au figuré, les proportions de l’enfance. Ces visages, pourtant juvéniles, ont déjà trop vu, trop vécu. Tels des fantômes.

15 AVRIL 2019 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2019 122 x 202 cm

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David Verger est un homme « ancré » à sa terre mayennaise, où il est né en 1966 et qu’il n’a jamais vraiment quittée, sauf pour aller faire ses études d’art à Rennes à la fin des années 1980. Le hasard - mais est-ce vraiment le hasard ? - a fait que c’est ici qu’il a trouvé un emploi d’enseignant, qui lui laisse le temps dont il a besoin pour sa pratique artistique. Il y a dans son travail une exploration de la tension entre ce qui disparaît et ce qui reste, tension dont il cherche à percevoir les vibrations dans son environnement immédiat. S’il connaît bien l’histoire de l’art, s’il cite volontiers comme influences des artistes comme Anselm Kiefer, Gérard Gasiorowski ou Jérôme Zonder, il n’est pas dans une recherche de l’ailleurs, de quelque chose qui lui serait extérieur. Au contraire, de la même manière qu’il désacralise les vieilles photos de personnes de sa famille en les déformant, ce sont ses entrailles qu’il cherche à mettre sur la table en peignant. C’est en tout cas ce qui me frappe dans la série de paysages débutée au milieu des années 2010.

10 MAI 1978 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2005 180 x 140 cm

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Ce sont des forêts désolées, où les arbres s’estompent dans une lumière blanche et brumeuse. « Une lumière de l’Ouest », précise-t-il. Il y a de la solitude, et peut-être de la noirceur, dans ces peintures qui sont faites avec une économie de moyens : des gris, des verts, des blancs et toujours ce rapport âpre au support, comme si leur réalisation avait été une lutte. Ces paysages, éprouvants émotionnellement à regarder, sont avant tout des impressions. David Verger se promène et observe, mais là encore, il ne cherche pas à reproduire ce que l’œil voit : « j’ai peur de l’esthétisant. C’est quand le tableau le devient trop que je le reprends, quitte à enlever des choses. » Il créée à partir de sa mémoire, en se lançant à la poursuite d’une autre vérité, qu’il qualifie de brute et d’atavique, pour exprimer ce que ressent son âme aux prises avec la terre dans laquelle elle a pris racine. Il veut capturer la présence inquiète de la forêt, avec tout ce qu’elle cache, tout ce qu’elle a enfoui, tout ce qu’il y a d’invisible à nos yeux, et ajoute : « Je dis souvent que je cherche à régler mes contes. »

Contes ou comptes ? Ce sont bien avec des fantômes, des esprits, avec la possibilité de la noirceur et de la disparition que David Verger ferraille, et ses œuvres ouvrent la porte à une forme d’animisme dont il serait l’ultime grand prêtre. Il aurait pu travailler la terre, comme son père agriculteur, et comme nombre de ses ancêtres. Il aurait pu être le chaman de Martigné-sur-Mayenne. Au lieu de cela, il peint.

Louis Raymond (2022) 25 JUIN 2021

Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2021 110 x 145 cm

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10 JUIN 2017 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2017 122 x 190 cm

Comme un baume

Dans la peinture de David Verger, tout est perception, effusion des sens, explosion et polyphonies sombres.

De la subtile tache griffée de couleurs mêlées naissent sans fin nos premiers émois.

Profondeur et évanescence entrent en écho dans chaque coup de pinceau offert à la toile.

Tout crisse, glisse et flamboie. Tout fait signe, sens et son. La matière est première, elle succombe à ses origines, palpite et gravite autour de ses figures présentes-absentes qui se conjuguent sans fin. L’oiseau se fond dans l’ombre des branches, discret il est sans voix. Seul son œil rond soutient ce bec infâme.

La végétation glauque étouffe au creux du monde, verdoie, plus ou moins claire au cœur de la clairière. Les orgueilleuses cimes s’offrent au fond en surplomb des paysages comme de multiples visages de l’absent, figé, gravé, encré. Un mont Fuji sacré, ultime parchemin lavé et nourri de sources renouvelées se dresse fièrement dans le vent des doutes et des hécatombes.

Lumière ! Respiration !

Œil tordu, corps contorsionnés, douleurs vibrantes, les toiles réveillent nos peines et nos maladresses, appellent l’esprit, l’embaument d’un sfumato élégant, d’un vernis qui pourtant craquelle. Orphée cherche son Eurydice mais se retourne sans cesse. C’est l’histoire troublante d’une perte dans cette insatiable quête où seuls les rayons lumineux transpercent.

Fabienne Papineau (2022)

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3 OCTOBRE 2017 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2017 122 x 190 cm

Paysages d’incertitudes

qui hésitent entre été, automne et hiver qui se cherchent entre minéral et végétal

entre réel et monde fantomatique.

Paysages - visages, par moments Paysages - vie, futaies et frondaisons.

Paysages qui évoluent dans leurs teintes de plus en plus froides

et qui courent au fil du temps d’une certaine vie à la mort certaine qui ne dit pas clairement son nom...

Comme si de la réalité de nos vies il n’est rien de vraiment sûr, rien de vraiment tangible hormis la mort...

cachée au creux de nos racines tapie aux pieds de nos élans.

Jean-Jacques Dabla (2021)

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Redéconstruire

« Les forêts » de David Verger s’érigent en phénoménologie de la perception, offrant une mise en condition de la perception des images. « C’est une expérience de la vue, de la peinture et de la vue sur la peinture » pour reprendre les termes de l’historien d’art Daniel Arasse.

Dans cette épreuve visuelle il faut se demander, au fur et à mesure que nous nous immergeons dans les paysages : qu’est-ce que je vois... que voir... comment je vois...

comment ce paysage est-il fait... comment cette matière insaisissable peut-elle faire image ? Suffisamment évocatrices pour parler à chacun et révéler des souvenirs de promenades, suffisamment indécises pour offrir du mystère, ces forêts laissent notre imagination inventer ses propres fantômes. Ces paysages boisés n’entretiennent pas vraiment de lien de ressemblance avec un site réel. Il émane d’eux plutôt le concept d’une forêt générique. Ils parlent à tous et à chacun en particulier.

19 MAI 2018 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2018 122 x 195 cm

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Que sont-elles sinon des impressions de forêts, des perspectives sans fin ni fond telles des photos maintes fois agrandies dans lesquelles, à force d’essayer de voir, nous nous heurtons à la surface du papier ?

Que percevons-nous ?

Des nuances tons sur tons produisant un effet d’enchevêtrement. De même des troncs surgissent, entremêlés, dont la matière semble se tisser les uns aux autres. Notre regard cherche à se perdre et se promène dans des sous-bois comme dans un rêve éveillé, sans fin. Nous cherchons la fin d’un territoire impossible : ce paysage est tissé de contrastes et de paradoxes.

L’impression de profondeur suggérée par la couleur et l’organisation des arbres dans l’espace et celle recherchée aussi par notre désir de voir plus loin dans l’image, contrastent avec cet empêchement à entrer plus en avant, à voir clairement plus loin que les silhouettes des arbres surgissant en contre-jour.

Aussi loin que notre vue puisse nous porter nous cherchons le petit pan de ciel bleu, l’espace de repos qui refuse de se dévoiler et partout nous affrontons cette verticalité emprisonnante revendiquée par la présence des troncs d’arbres faisant obstacle. Derechef nous nous promenons dans ces bois, en curieux insatiables, nous traquons le détail iconique, cherchons l’écorce, la feuille, la biche, mais à force de voir nous rencontrons le détail pictural : matière en transformation longuement maturée au cœur de l’atelier du peintre.

18 FÉVRIER 2020 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2020 122 x 196 cm

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« Les forêts » de David Verger absorbent le spectateur et lui refusent toute légitimité à se tenir à distance en simple voyeur. Paradoxalement, après l’avoir absorbé dans ce dédale d’enchevêtrements de matières, elles l’excluent de leur intimité, l‘assignant à rester devant, le ramenant constamment à la réalité matérielle de l’œuvre. Elles le soumettent par le regard à cette verticalité insondable de la surface griffée, égratignée du tableau : fragile surface de bois recouverte de papier marouflé.

Ces forêts sont comme les visages que l’on essaie en vain de recomposer ou de saisir dans nos rêves et qui se refusent à prendre forme définitivement. Ces formes mouvantes qui évoquaient des arbres avec leur ramure et leurs racines effilochées, ces sentiers parsemés de feuilles, de mousses séchées, ces bosquets, ces branches cassées ne sont plus que griffures, éraflures dans notre rapprochement du corps et de l’œil avec la toile : comme après une plongée nous remontons à la surface. Comme après avoir longuement vagabondé en profondeur dans le sous-bois, nos yeux se heurtent aux bords émoussés du tableau et se retrouvent rejetés de cette sphère de matière imageante.

Toute l’image de la forêt s’établit dans l’accord du « non-fini », dans le flou, le sfumato. Le spectateur peut s’en approprier l’histoire ou la forme en la complétant par l’esprit, avec toujours cette question persistante : comment ce lieu est-il conçu ? Comment cette image est-elle faite ? Les nuances grises, vertes, mousses, de la matière colorée sont tissées, superposées, accumulées, projetées, étalées, de connivence ou en concurrence les unes avec les autres comme poussent et s’épanouissent les ramures des végétaux dans la nature, au point que ne se discerne plus ce qui est devant de ce qui est derrière.

12 JANVIER 2018 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2018 122 x 198 cm

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14 SEPTEMBRE 2020 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2020 100 x 140 cm

Paradoxalement, travaillée, façonnée pendant de longs mois dans l’atelier, la matière de la peinture reste translucide, infra-mince. La complexité de l’image et de ses dédales infranchissables, sa fabrication, sa lente maturation contrastent avec la fragilité de la couche des pigments et du support infime qui la constituent. La forêt est telle une mince membrane tendue à la surface d’une planche de bois rectangulaire. Nous nous réveillons en sursaut à nouveau de notre long songe. Comment avons-nous pu autant laisser vagabonder notre imagination ?

Ainsi, nous nous prêtons encore au jeu des faux-semblants et des fata morgana.

Ce que nous prenions pour un cerf, une forme animale, nous l’avons pourtant bien vu. Où est-il maintenant ? Il semble n’être plus que tache, accident, un figurant pour cette histoire que nous nous racontons, ou une coulure sur sa surface. La vue nous joue des tours et dans cette expérience de vue notre œil cherche la bonne distance : ni trop loin, ni trop près.

Pour devenir images, ces accidents ont suivi un long processus de construction-destruction.

Il en est ainsi car la peinture de David Verger est riche de repentirs, elle contient dans sa surface les gestes visibles de sa fabrication : sa propre genèse. Sa matière est le résultat d’accidents, pour les uns assumés, transformés, recouverts, métamorphosés et conservés, pour les autres atténués, grattés, poncés, enfouis, oubliés : comme « pour effacer l’effort de peindre ».

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16 DÉCEMBRE 2020 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2020 122 x 196 cm

Néanmoins, « les forêts » de David Verger sont infinies et s’étendent au-delà des limites physiques de leurs images silencieuses. Elles empruntent aux estampes japonaises d’Hiroshige à Hokusaï l’art de créer du hors-champ par des cadrages serrés qui consistent à prélever dans le paysage, à couper les troncs dans l’élan de leur verticalité à étêter les cimes, nous aspirant ainsi au cœur d’une fenêtre-tableau ouverte sur un monde transfiguré.

Ces forêts convoquent tous nos sens, pas seulement ceux de la vue et de l’intellect mais aussi des sens plus physiques, car semblables aux tableaux de Cézanne ces « peintures contiennent en elles-mêmes jusqu’à l’odeur du paysage ».

Corinne Bedouet (2022)

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À l’os

Les hasards de la vie m’ont fait rencontrer David Verger il y a bientôt 30 ans. L’atelier n’a pas changé. Toujours aussi exigu et encombré, le sol jonché d’un fouillis de pinceaux, solvants, grattoirs, pots de peinture, sèche-cheveux, outils à usage détourné, magazines, photos... L’homme non plus, simple, généreux, bilieux, concentré, ailleurs... Le temps a fait son œuvre.

Celle-ci est toujours aussi exigeante et en même temps devenue plus sensible, subtile, faussement accessible. Comme ses moutons, désormais seuls, abandonnés des leurs ou déserteurs ? Formes éthérées, mal finies, en devenir, accédant à la conscience individuelle ? Mélancolie du groupe, tristesse de la solitude, inquiétude de ce qui advient.

Le prix à payer pour la liberté qui font de ces moutons des êtres étrangement proches de nous. Comme le sont ces visages d’enfants à faire peur, inquiétants, dérangeants, graves, muets mais si présents. Ces enfants mal fagotés, cornettes à l’étroit, dont l’énergie intérieure déborde, interrogeant notre propre humanité, aspérités, abandons, illusions perdues. Et ces trop-pleins d’émotions contenues, de vérités cachées, ne vont-elles pas s’enfouir au cœur de ces forets profondes, minérales, silencieuses, figées ou s’absente l’homme ?

Une peinture à l’os, en dégradé de gris qui dérange.

« On croit faire un voyage et c’est le voyage qui nous fait ou nous défait. » Nicolas Bouvier

Joël Talvas (2022) 23 AVRIL 1971

Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2024 180 x 140 cm

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Les enfants de David Verger

Ces tableaux constituent un défi à nos habitudes de lecture de la peinture ainsi qu’à notre culture artistique.

En effet on n’y rencontre guère ces enfants rois, petits adultes aristocrates, ni ces enfants à part entière présentés dans leur vie quotidienne (éducation, jeux, relations avec leurs parents) ou campés dans leur condition sociale : pas d’impétueux Gavroches, ni d’orphelins misérables aux pieds nus. Non plus ces petits bourgeois proprets ou fils et filles de leur peintre de père.

Ce sont donc des « portraits d’absences », des peintures qui nous renvoient à ce qui nous manquent en elles, aux éléments disparus de notre catalogue habituel tout en nous suggérant de nouvelles présences à travers ces tableaux-photos d’identité en noir et blanc, à travers ces corps seulement ébauchés, ces sourires plus ou moins esquissés et jamais clairs ni francs.

Ainsi David Verger nous offre des enfants vieux à vraies fausses mines d’adultes.

Il nous observe de ces regards sombres qui vous fixent sans rien livrer de leur nature profonde... Si d’aventure cette dernière existait.

En définitive, il n’y a pas d’enfants ni d’enfance, ni, de fil en aiguille, d’innocence.

Il ne reste plus que des potentialités nues, des mystères à élucider avec notre histoire, avec nos souhaits d’avenir...

Et des questionnements sur la Vérité, sur la Mouvance des Origines comme sur la Fuite du Temps.

Jean-Jacques Dabla (2022) 7 OCTOBRE 1969

Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2006 180 x 140 cm

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D’une matière l’autre

Les notions de lointain et de voyage président le plus souvent à la réflexion sur l’exotique et à sa perception. Au contraire, David Verger sait s’étonner de son quotidien, son attention est en permanence attirée par les merveilles des paysages où il réside et par les êtres qu’il y rencontre. Il puise dans l’histoire de la peinture des sujets récurrents et offre un regard actuel sur l’humain et son environnement.

Le paysage n’existe pas sans l’Homme ni sans le lien que celui-ci entretient avec les êtres qui l’habitent, c’est l’intention de son regard qui en actionne le cadre et qui en définit le territoire. Chacun construit son paysage intérieur avec ce qu’il connaît, tout en étant confronté à un spectacle en perpétuel mouvement, une révélation toujours nouvelle, un exotisme permanent.

Nous voici ainsi renvoyés à la déclaration du poète Victor Segalen : « L’exotisme est tout ce qui est Autre. Jouir de lui est apprendre à déguster le Divers ». Tout concorde pour assurer qu’il existe ici même des pays, des peuples, des formes de vie étonnants, qui méritent la description, l’artiste souligne la variété du monde, sa nouveauté inépuisable, le caractère unique de ses éléments, et la réalité très concrète de ses recoins les plus secrets.

11 NOVEMBRE 2020 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2020 100 x 140 cm

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David Verger associe des peintures de paysages de sous-bois à des reproductions surdimensionnées de photo-portraits inquiétantes. Une relation mystérieuse s’établit entre les regards de ces visages déformés par le temps et ces paysages dont l’espace se traduit par une étendue continue horizontale et verticale que morcellent des ruisseaux sinueux et des rangées d’arbres qui suivent le tracé d’imaginaires lignes de fuite. On peut d’ailleurs s’étonner du respect des formats classiques de ces paysages, dont les limites éciment systématiquement les arbres aux troncs blanchis. Le ciel est relégué hors du format pour laisser place à l’ombre des sous-bois et à la terre brumeuse d’une journée sans soleil.

Les sous-bois hachurés de troncs sont aussi impénétrables que les images agrandies de photographies d’un autre temps. La représentation des portraits fantomatiques d’enfants, d’oiseaux ou d’animaux morts à peine détachés du fond grisâtre appliqué sur le papier confirme la sensation d’un écart irréductible entre le spectateur et le sujet de l’œuvre. Une part d’incompréhension résiste à l’observation et à l’analyse.

18 JUIN 1940 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2004 180 x 140 cm

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Les peintures de David Verger ne sont pas de simples espaces dans lesquels sont consignés des signes dans un ensemble général de codes. Elles s’inscrivent d’abord dans la matière et les moyens de leur mise en œuvre concrète. L’artiste incise, gratte, griffe, caresse le papier d’où naît une vie inquiète, détachée par surprise de son environnement quotidien.

La spécificité du support, la qualité du papier, ses accidents, déchirures ou froissements lui apportent des interrogations et des découvertes que la seule peinture aurait pu laisser de côté. Cette résurrection de la matière avec ce qui surgit d’imprévus, de surprises et d’aléatoire se révèle ou s’épanche avec le trait, avec la résistance à l’outil et participe activement à la création.

MOINEAU 1 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2018 190 x 122 cm

MOINEAU 2 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2018 182 x 190 cm

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Chaque nouvelle œuvre s’élabore par un très long processus de construction et de déconstruction jusqu’à une possible destruction. Chaque recouvrement du support en strates de peinture donne lieu à une succession d’arrachages, de déchirures, de meurtrissures et de crevures. Ce rapport particulier au temps suspend le regard entre une matière conçue comme stable et une matière en devenir, toujours inachevée. L’expérience qu’en fait le spectateur est celle de la constitution d’un entre-deux dans lequel il se tient, c’est la découverte de l’écart existant entre l’espace de la représentation et l’espace réel. Ainsi, les peintures de David Verger proposent une mise à distance au spectateur.

À travers une matière subtile et délicate, l’artiste collectionne avec précaution la diversité. Toutefois, la matérialité du support et la frontalité du plan délimitent la vision et ne sont pas praticables au-delà du regard. Reconnaissant à « l’exotique » son caractère unique, l’artiste évite de le réduire à l’accessible et au compréhensible.

David Verger combine l’onirisme suscité par la perception de l’inconnu avec un art de capter ce dernier à travers des détails concrets et sensuels. Telle est la démarche exotique de David Verger et c’est là que réside sa modernité et son importance dans le combat pour le renouvellement des conventions réalistes.

Bruno Godivier (2022)

6 MAI 1975 Technique mixte sur papier marouflé

sur bois 2006 180 x 120 cm

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David VERGER remercie chaleureusement :

Le Département de la Mayenne, la direction du patrimoine et toute l‘équipe du musée Robert Tatin pour son accueil et son engagement dans cette exposition.

Bruno Godivier, responsable du musée, pour son implication, la justesse de son regard, la qualité de ses écrits ainsi que sa collaboratrice Hélène Guédon pour la conception de ce catalogue.

Louis Raymond, Fabienne Papineau, Jean-Jacques Dabla, Corinne Bedouet, Joël Talvas et Bruno Godivier, tous auteurs qui ont contribué à ce catalogue et qui ont su apporter par leur sensibilité un éclairage pertinent à mon travail.

Conception et réalisation : Équipe du musée Robert Tatin

Impression : Juin 2022

Par le Conseil départemental de la Mayenne

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« Je cherche le surgissement d’une présence, l’excès du réel qui ruine toutes les définitions.

Je cherche cette présence qui a traversé les enfers avant de nous atteindre pour nous combler en nous tuant. » Christian Bobin

« La Frénouse »

53230 Cossé-le-Vivien - 02 43 98 80 89

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