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Politiques et Management Public: Article pp.367-368 of Vol.31 n°4 (2014)

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RevuePolitiques et Management Public31/4 Octobre-Décembre 2014/367-368

Les politiques du chiffre

Entre « managérialisation » du politique et politisation du management

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La multiplication des chiffres et le développement de leur rôle dans le fonctionnement des sociétés contemporaines semblent aujourd’hui une évidence et ceci tant du point de vue de la description des états de choses que, de plus en plus, du point de vue de leur évaluation. À titre d’illustration, il suffit de se pencher sur l’actualité récente relative au rôle des agences de notations, des organismes privés dont les évaluations structurent le marché des dettes. Le caractère déterminant de leur influence se manifeste de plusieurs façons : elles ont tout d’abord contribué à la crise du marché des prêts hypothécaires des subprimes en maintenant la note « triple A » à des produits structurés pourtant risqués ainsi qu’à des établissements financiers engagés dans des investissements qui devaient se révéler peu raisonnables. Elles influent ensuite indirectement sur les politiques écono- miques et sociales des États Nations en créant les conditions de possibilité d’une sanction de la note souveraine en cas de non respect de certains niveaux de ratios ou d’indices.

La nouveauté ne tient pas tant à l’importance et à la disponibilité des chiffres dans la vie des administrations publiques et privées qu’au fait que désormais, avec le déve- loppement de l’impératif de transparence, ces chiffres circulent librement dans l’espace public, échappant ainsi aux restrictions liées au principe de confidentialité des affaires et du secret administratif. Toute une sémantique s’est développée dans la vie des organi- sations et des sociétés, qui fait peser le sentiment d‘une véritable tyrannie de la mesure : notes, indicateurs de performance, ratios, cotations, indices voire sondages d’opinion.

Les indicateurs chiffrés ont désormais un statut prédominant dans les activités modernes de production, aussi bien dans le secteur privé que dans la sphère publique.

Cette irruption des indicateurs chiffrés dans l’espace public remet en cause les dis- tinctions constitutives de l’ordre social comme de l’ordre des savoirs sur la société : la séparation du public et du privé ; du local et du global ; du qualitatif et du quantitatif ; du politique (politics) et des politiques (policies) ; du management et des politiques publiques, ainsi que les frontières des champs disciplinaires, est ainsi remise en mouvement. Dans un contexte de crise économique, de mondialisation, d’incertitude, d’interrogation relative à nos modèles sociétaux de développement, cette remise en cause des catégorisations et des frontières classiques pose toute une série de questions. Comment les organisations font- elles face à ce contexte ? Quelles sont les conséquences de cette course à la « rationalité »

1 Le texte que nous reproduisons ici est issu de l’appel à communications du colloque des 25 et 26 octobre 2013 de la revue Politiques et Management Public. Le comité scientifique du colloque était composé de Cécile Blatrix, Jean-René Brunetière, Alain Burlaud, Jane Broadbent, Jean-Louis Denis, Patrice Duran, Marie- Laure Djelic, Philippe Eynaud, Annie Fouquet, Yves Gendron, Patrick Gibert, Pierre Guillet de Monthoux, Florence Jany-Catrice, Jean de Kervasdoué, Thomas Lamarche, Peter Miller, Carlos Ramirez, Jean-Michel Saussois, Alain Supiot, Bernard Walliser, Philippe Zarlowski et était présidé par Romain Laufer.

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur pmp.revuesonline.com

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368 PMP 31/4 Octobre-Décembre 2014/367-368

quantifiée, les effets pervers qu’elle génère ? Comment gérer ou gouverner dans un monde qui dépend de plus en plus de systèmes d’évaluations quantifiées, au moment même où les évaluations quantifiées sont de plus en plus contestées ? En quoi la nature de l’État et les logiques de l’action publique s’en trouvent-elles modifiées ? Qu’est-ce que les chiffres nous disent des transformations de l’État et de l’action publique ? En quoi nous informent-ils, sont- ils révélateurs de la nature de l’État et inversement, les mutations de l’État impactent-elles les politiques du chiffre, et comment ? Qui gouverne quand les chiffres gouvernent ? Comment ces évolutions affectent-elles le monde de l’entreprise en général et les débats sur la mutation des systèmes comptables en particulier ? En quoi les logiques de marché sont-elles soumises elles-mêmes à l’effet de la communication médiatique ? En quoi ces évolutions sont-elles liées aux sentiments de crise, d’incertitude, de menace, qui semblent affecter tous les aspects de la vie économique, sociale, culturelle ?

Ces questions relèvent, par construction, de tous les champs disciplinaires (science poli- tique, politiques publiques, management public, management privé, aussi bien qu’économie, sociologie, anthropologie, histoire…). En outre, elles concernent tout autant des questions d’épistémologie et de méthode relatives à la quantification ; des aspects organisationnels et institutionnels des modes de production et de diffusion des chiffres ; ou encore des analyses portant sur la façon dont les activités sectorielles et/ou organisationnelles sont affectées par la place accordée aux indicateurs chiffrés.

Plusieurs manières de questionner cette « dictature » du chiffre et de la penser en interaction avec l’objet politique sont ainsi possibles. Les thèmes étudiés, en particulier, peuvent porter sur différentes dimensions.

La production du chiffre constitue une première dimension d’analyse. Elle recouvre des questions relevant de la constitution de catégories ; de la genèse, de l’extension et de l’évolution du champ des statistiques ; des questions de méthodes : protocoles de mesure ou d’évaluation ; incertitudes et marges d’erreur ; universalité des cadres de production (temporelle, géographique…) et défis (institutionnels, anthropologiques, linguistiques…) des comparaisons des statistiques internationales. Cette dimension recouvre aussi les enjeux organisationnels et politiques des institutions de production du chiffre.

Une seconde dimension est relative au marché, aux usages et à la diffusion du chiffre.

Elle renvoie aux questions portant sur le marché du chiffre ; sur les processus de diffusion du chiffre ; sur la légitimité du chiffre et les crises de la mesure ; sur la rhétorique du chiffre ; sur les conséquences sociales et organisationnelles de l’utilisation du chiffre : interprétation, négociation et effets d’incitation…

Une dernière dimension traite de la diversité, de la portée et des limites des politiques du chiffre. La diversité des politiques du chiffre peut être étudiée par niveau : global, national, régional, local, organisationnel ; par type d’objets : matériels, financiers, sociaux (bien- être)…; par secteur d’activité : économie, finance, éducation, santé, écologie…; par types d’organisation : publiques, privées, associatives, etc. ; par types de processus administratifs : LOLF, New Public Management, RSE, systèmes comptables…

Ces thèmes peuvent faire l’objet de travaux théoriques aussi bien qu’empiriques, sta- tistiques comme monographiques, historiques..., et selon une grande variété d’approches, de méthodes et de perspectives disciplinaires.

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur pmp.revuesonline.com

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