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Que deviennent les sujets obèses «métaboliquement» normaux ?

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Academic year: 2022

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Z. Pataky

E. Bobbioni-Harsch V. Makoundou

A. Golay

introduction

L’obésité est un facteur de risque bien établi et indépendant pour les maladies cardiovasculaires et la mortalité.1,2 Cepen- dant, un sous-ensemble de sujets obèses semble être protégé des complications cardiovasculaires et métaboliques.3 Cette observation soulève la possibilité que l’obésité n’est pas inéluctablement associée aux comorbidités et, par conséquent, ne nécessite pas nécessairement une prise en charge ou un traitement.

Cet article a pour but de continuer la réflexion sur la normalité métabolique chez des sujets sains mais en surpoids ou obèses et est une suite de notre pre- mier article sur ce sujet présenté dans la Revue médicale suisse l’an passé.4

normalitémétabolique

:

quelledéfinition

?

A ce jour, il n’existe aucune définition internationale reconnue pour la normalité métabolique chez des sujets souffrant de surpoids ou d’obésité. En règle géné- rale, la normalité métabolique décrit l’absence de toute maladie cardiovasculaire et/ou métabolique cliniquement manifeste : absence de diabète de type 2, dys- lipidémie ou hypertension artérielle chez un individu avec un indice de masse corporelle (IMC) M 30 kg/m2. En plus de l’absence de ces pathologies manifestes, les associations avec différents facteurs de risque cardiovasculaire, tels que les composants du syndrome métabolique ou des marqueurs inflammatoires, peuvent selon certaines études également être intégrées dans la définition de la normalité métabolique. D’autres études considèrent l’insulinémie à jeun ou la sensibilité à l’insuline également comme un des paramètres supplémentaires inclus dans cette définition.

L’existence de plusieurs définitions du syndrome métabolique pourrait être à l’origine d’incohérences dans la prévalence de la normalité métabolique rappor- tée dans la littérature.5 Les données du groupe européen de l’étude de la résis- tance à l’insuline (EGIR) ont montré que chez les sujets obèses sans diabète, dys- lipidémie et hypertension, la prévalence de la résistance à l’insuline était relati- vement faible (26%).6 En outre, d’autres études ont démontré que la prévalence 7,8 What is the evolution of metabolically nor-

mal obesity ?

A subgroup of obese subjects which could be protected from the cardiometabolic compli- cations of obesity is described in the litera- ture as «metabolically normal obese subjects».

However, the lack of a joint definition of me- tabolic normality makes the available data difficult to interpret and to compare. A recent analysis of more than 1200 subjects in a pros- pective study showed that 21% of obese me- tabolically normal subjects at baseline deve- loped the metabolic syndrome after three years. The obese subjects who remained me- tabolically normal showed, at three years, si- gnificantly higher values of cardiometabolic parameters as compared to subjects with normal body weight. In conclusion, the obese subjects even without any metabolic abnor- mality should benefit of a closer medical monitoring as well as a regular follow-up to avoid further weight gain.

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 692-4

Une sous-population des sujets obèses qui pourrait être proté- gée des complications cardio-métaboliques est décrite dans la littérature comme des «sujets obèses métaboliquement nor- maux». Cependant, il n’existe pas une définition commune de cette normalité métabolique, ce qui rend l’interprétation des études difficile. Une analyse récente d’une cohorte de plus de 1200 sujets a démontré que 21% des sujets obèses métaboli- quement normaux au temps zéro développent un syndrome métabolique trois ans plus tard. Les sujets obèses qui restent métaboliquement normaux montrent des paramètres métaboli- ques moins favorables que des sujets de poids normal. En con- clusion, les sujets obèses même sans aucune anomalie métabo- lique devront bénéficier d’une surveillance plus étroite ainsi que d’un suivi régulier pour éviter une prise de poids ultérieure.

Que deviennent les sujets obèses

«métaboliquement» normaux ?

perspective

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ou l’incidence 9 des facteurs de risque cardiovasculaire étaient liées à la résistance à l’insuline. Pour cette raison, la résis tan- ce à l’insuline pourrait être un des critères de la définition de la normalité métabolique.10 Il s’agit d’un phénomène com- plexe du point de vue physiopathologique dont la métho- dologie de mesure ou d’évaluation n’est pas standardisée.

Le gold standard de l’évaluation de la sensibilité à l’insu- line est la technique du clamp euglycémique hyperinsuli- némique.11 Toutefois, en raison de la complexité de cette méthode, différents index sont utilisés pour estimer la sen- sibilité à l’insuline. Certains d’entre eux (index Matsuda)12 sont basés sur le test de la tolérance au glucose, d’autres, comme l’index HOMA13 ou l’indice de la sensibilité quan- titative à l’insuline (QUICKI),14 utilisent la glycémie et l’in- sulinémie à jeun pour le calcul de la sensibilité à l’insuline.

En conclusion, la comparaison des différentes études sur la normalité métabolique peut être difficile, en raison de l’utilisation de différents paramètres de définition et man- que d’un consensus sur des critères harmonisés.

quedeviennentles sujetsobèses métaboliquementnormaux

?

Nous avons récemment démontré que l’insulinémie à jeun devrait être prise en compte lorsqu’on évalue la nor- malité métabolique chez les sujets obèses. D’autre part, la sensibilité à l’insuline semble jouer un rôle très limité dans le développement de différentes altérations cardio-méta- boliques.15 Ces résultats soutiennent l’idée que l’hyperin- sulinémie et la résistance à l’insuline, bien que souvent coexistantes, sont deux entités distinctes qui peuvent diffé- remment contribuer au développement de maladies cardio- métaboliques telles que le diabète ou la maladie corona- rienne.6

Une des questions qui reste ouverte est de savoir si les sujets obèses métaboliquement normaux resteront «nor- maux» ou s’ils deviendront à risque de complications car- diovasculaires et/ou métaboliques plus tard. Dans la litté- rature, seules deux études ont abordé cette question. Dans la première, des sujets obèses ont été suivis pendant onze ans ; Mégis et coll.16 ont démontré un risque trois fois plus élevé pour le développement du diabète de type 2. Dans une deuxième étude de suivi sur neuf ans, Ku et coll.17 ont montré un risque plus élevé de mortalité toutes causes con- fondues chez les sujets obèses et ceci indépendamment du fait qu’ils étaient métaboliquement normaux ou non. Cette deuxième étude, cependant, ne précisait pas si ce risque de mortalité était dû à des comorbidités associées à l’obésité ou au poids corporel lui-même. Dans ces deux études, la normalité métabolique a été définie sur la base de l’absen- ce du syndrome métabolique et d’une résistance à l’insu- line.

Nous avons déjà démontré sur une cohorte de plus de 1200 sujets que la prévalence de la normalité métabolique est d’environ 11% chez les sujets cliniquement sains mais obèses ou en surpoids.15 Nous avons aussi montré que même lorsque les paramètres métaboliques sont normaux, les sujets obèses ont un profil cardio-métabolique moins favorable ce qui suggère qu’ils pourraient devenir à risque des maladies cardiovasculaires.

Après une période de trois ans, nous avons réévalué ces mêmes sujets métaboliquement normaux afin d’examiner l’incidence de différents facteurs de risque cardio-métabo- lique.

Parmi les sujets en surpoids ou obèses (IMC M 25 kg/m2) qui ne présentaient ni un syndrome métabolique ni une in- tolérance au glucose au temps zéro, 21% ont développé un syndrome métabolique et près de 12% une intolérance au glucose trois ans plus tard. Presque un tiers de ces sujets a développé une glycémie à jeun perturbée (figure 1). Ces incidences élevées, et en l’espace de trois ans seulement, ne supportent pas l’hypothèse que les personnes obèses métaboliquement normales représentent une sous-popu- lation des obèses qui pourrait être protégée contre le dé- veloppement des altérations cardio-métaboliques.

Il est intéressant d’observer que les sujets obèses qui n’ont développé aucune anomalie métabolique ou cardio- vasculaire à trois ans (environ 55% de la population avec IMC M 25 kg/m2) et qui, par conséquent, restent dans les li- mites de la normalité métabolique, montrent toujours des valeurs de la tension artérielle ainsi que des paramètres du métabolisme glucidique et lipidique significativement plus élevés et moins favorables en comparaison avec les sujets de poids normal (IMC l 25 kg/m2). En plus, l’épaisseur de la paroi interne de l’artère carotide (paramètre précoce de l’athérosclérose) était également plus importante dans ce groupe de sujets en surpoids ou obèses.

Ces différences confirment nos observations précéden- tes, faites au temps zéro, ce qui indique clairement que les sujets obèses même lorsque le métabolisme est parfaite- ment normal, ont un profil cardio-métabolique moins favo- rable.

conclusion

Les résultats préliminaires indiquent et confirment que les sujets obèses métaboliquement normaux ont besoin d’une surveillance plus étroite de leurs paramètres cardio- métaboliques ainsi qu’une prévention d’une prise de poids.

Les conseils hygiéno-diététiques, visant à augmenter l’acti-

Figure 1. Evolution à trois ans de sujets obèses métaboliquement normaux

Syndrome

métabolique Glycémie à

jeun perturbée Intolérance au glucose

Incidence à 3 ans (%)

30 25 20 15 10 5 0

21,1

28,3

11,8

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vité physique notamment, représenteraient l’approche la plus appropriée afin de maintenir un poids stable et d’amé- liorer la sensibilité à l’insuline pour éviter une péjoration des paramètres biologiques.

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30 mars 2011

Drs Zoltan Pataky, Elisabetta Bobbioni-Harsch et Vincent Makoundou

Pr Alain Golay

Service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques

Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé

Département de médecine communautaire et de premier recours

HUG, 1211 Genève 14 Zoltan.Pataky@hcuge.ch Alain.Golay@hcuge.ch Elisabetta-Harsch@hcuge.ch Vincent.Makoundou@hcuge.ch

Adresse

1 Hubert HB, Feinleib M, McNamara PM, Castelli WP.

Obesity as an independent risk factor for cardiovascular disease : A 26-year follow-up of participants in the Fra- mingham Heart Study. Circulation 1983;67:968-77.

2 Must A, Spadano J, Coakley EH, et al. The disease burden associated with overweight and obesity. JAMA 1999;282:1523-9.

3 Karelis AD, Faraj M, Bastard JP, et al. The metabo- lically healthy but obese individual presents a favorable inflammation profile. J Clin Endocrinol Metab 2005;90:

4145-50.

4 Pataky Z, Bobbioni-Harsch E, Makoundou V, Golay A. Un patient obèse peut-il être métaboliquement nor mal ? Rev Med Suisse 2010;6:656-8.

5 ** Pataky Z, Bobbioni-Harsch E, Golay A. Open questions about metabolically normal obesity. Int J Obes (Lond) 2010;34(Suppl. 2):S18-23.

6 Ferrannini E, Natali A, Bell P, et al. Insulin resistance and hypersecretion in obesity. European Group for the Study of Insulin Resistance (EGIR). J Clin Invest 1997;

100:1166-73.

7 McLaughlin T, Abbasi F, Lamendola C, Reaven G.

Heterogeneity in the prevalence of risk factors for car- diovascular disease and type 2 diabetes mellitus in obese individuals : Effect of differences in insulin sensitivity.

Arch Intern Med 2007;167:642-8.

8 Bonora E, Kiechl S, Willeit J, et al. Prevalence of in- sulin resistance in metabolic disorders : The Bruneck study. Diabetes 1998;47:1643-9.

9 Bonora E, Kiechl S, Willeit J, et al. Insulin resistance as estimated by homeostasis model assessment predicts incident symptomatic cardiovascular disease in Cauca- sian subjects from the general population : The Bruneck study. Diabetes Care 2007;30:318-24.

10 Iacobellis G, Ribaudo MC, Zappaterreno A, Iannucci CV, Leonetti F. Prevalence of uncomplicated obesity in an Italian obese population. Obes Res 2005;13:1116-22.

11 DeFronzo RA, Tobin JD, Andres R. Glucose clamp technique : A method for quantifying insulin secretion and resistance. Am J Physiol 1979;237:E214-23.

12 Matsuda M, DeFronzo RA. Insulin sensitivity indices obtained from oral glucose tolerance testing : Compa- rison with the euglycemic insulin clamp. Diabetes Care 1999;22:1462-70.

13 Matthews DR, Hosker JP, Rudenski AS, et al.

Homeostasis model assessment : Insulin resistance and beta-cell function from fasting plasma glucose and insu- lin concentrations in man. Diabetologia 1985;28:412-9.

14 Katz A, Nambi SS, Mather K, et al. Quantitative in- sulin sensitivity check index : A simple, accurate method for assessing insulin sensitivity in humans. J Clin Endo- crinol Metab 2000;85:2402-10.

15 * Pataky Z, Makoundou V, Nilsson P, et al. Meta- bolic normality in overweight and obese subjects. Which parameters ? Which risks ? Int J Obes (Lond) 2011; en presse, doi: 10.1038/ijo.2010.264.

16 * Meigs JB, Wilson PW, Fox CS, et al. Body mass index, metabolic syndrome, and risk of type 2 diabetes or cardiovascular disease. J Clin Endocrinol Metab 2006;

91:2906-12.

17 Kuk JL, Ardern CI. Are metabolically normal but obese individuals at lower risk for all-cause mortality ? Diabetes Care 2009;32:2297-9.

* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implications pratiques

La prévalence de la normalité métabolique dans différentes études dépend de la définition pour laquelle il manque un consensus international

Presque un quart des sujets obèses métaboliquement nor- maux développe le syndrome métabolique en peu de temps Environ la moitié de sujets obèses sans aucune anomalie mé- tabolique maintient cette normalité métabolique à trois ans Malgré la normalité métabolique, les personnes en surpoids ou obèses ont un profil cardio-métabolique moins favorable que des sujets de poids normal

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Références

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