• Aucun résultat trouvé

Rue de l'aurore BRUXELLES. le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Rue de l'aurore BRUXELLES. le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides"

Copied!
18
0
0

Texte intégral

(1)

n° 257 683 du 6 juillet 2021 dans l’affaire X / V

En cause : X

ayant élu domicile : au cabinet de Maître M. GRINBERG Rue de l'Aurore 10

1000 BRUXELLES

contre :

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA Ve CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 12 mars 2021 par X, qui déclare être de nationalité mauritanienne, contre la décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, prise le 25 février 2021.

Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Vu le dossier administratif.

Vu l’ordonnance du 26 avril 2021 convoquant les parties à l’audience du 28 mai 2021.

Entendu, en son rapport, J.-F. HAYEZ, juge au contentieux des étrangers.

Entendu, en leurs observations, la partie requérante assistée par Me M. GRINBERG, avocate, et M. J.- F. MARCHAND, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.

APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT : 1. L’acte attaqué

Le recours est dirigé contre une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale, prise par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, qui est motivée comme suit :

«A. Faits invoqués

Selon vos déclarations, vous êtes de nationalité mauritanienne, d’ethnie peule et de confession musulmane. Vous avez quitté la Mauritanie le 12 février 2007 à bord d’un bateau pour arriver en Belgique le 26 février 2007.

Vous avez introduit une première demande de protection internationalele 26 février 2007 à l’appui de laquelle vous invoquiez des problèmes avec des gendarmes maures blancs qui avaient confisqué votre troupeau. Celle-ci a fait l’objet d’une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de

(2)

protection subsidiaire par le Commissariat général, laquelle a été confirmée par le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) dans un arrêt du 12 novembre 2007 (Arrêt n°3537). Vous avez introduit un recours auprès du Conseil d’Etat en date du 7 décembre 2007, lequel a été rejeté le 17 décembre 2007 (Arrêt n°1761).

A l’issue de votre première demande de protection internationale, vous n’êtes pas rentré en Mauritanie et vous avez introduit une deuxième demande de protection internationalele 3 mai 2010, liée aux faits que vous avez invoqués lors de votre première demande. Vous déclariez avoir toujours la même crainte à l’égard des autorités de votre pays en raison de la confiscation de votre bétail par des gendarmes en 2006. Vous déposiez également plusieurs documents pour appuyer vos assertions. Le 17 novembre 2010, le Commissariat général a pris une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire à votre encontre. Vous avez introduit un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers, qui a confirmé la décision du Commissariat général, le 7 mars 2011 (Arrêt n°57 404).

Le 6 juillet 2011, sans avoir quitté le territoire belge, vous avez introduit une troisième demande de protection internationale. À la base de celle-ci, vous déposiez un avis de recherche daté du 12 mai 2011. Pour le reste, vous continuiez à confirmer les faits invoqués lors de votre première demande. Le 25 octobre 2011, le Commissariat général a pris une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire à votre encontre. Vous avez introduit un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers, qui a confirmé la décision du Commissariat général, le 13 mars 2012 (Arrêt n°77 111).

Le 13 décembre 2016, vous avez introduit une quatrième demande de protection internationale à l’Office des étrangers, sans avoir quitté la Belgique. À l’appui de celle-ci, vous invoquiez le fait d’être membre de TPMN (Touche Pas à Ma Nationalité) Section Belgique depuis 2011 et de l’IRA-Mauritanie (Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste) en Belgique depuis le 5 février 2017. En cas de retour en Mauritanie, vous disiez craindre d’être humilié, arrêté et/ou tué par les autorités mauritaniennes, en raison de votre double appartenance à TPMN et l’IRA Mauritanie en Belgique, parce que les autorités possèdent des photos de vous, mais également parce que vous vous êtes évadé de prison en 2006. À l’appui de cette quatrième demande, vous déposiez votre carte d’identité, deux attestations de TPMN, une lettre de TPMN, neuf photographies, une carte de membre, un tract de l’IRA- Mauritanie en Belgique, un exemplaire du magazine « Mauritanies1 », une clé USB contenant divers médias et un courrier rédigé par votre avocat.

Si le Commissariat général a pris, en date du 31 janvier 2017, une décision de prise en considération (demande ultérieure) dans le cadre de votre quatrième demande, celui-ci a néanmoins pris ensuite, le 05 juillet 2017, une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire concernant votre quatrième demande. Il a relevé, concernant les anciens faits que vous invoquiez avoir vécus en Mauritanie, qu’ils avaient été largement remis en cause dans le cadre de vos demandes antérieures. Quant aux nouveaux éléments invoqués, à savoir votre militantisme pour deux mouvements en Belgique, IRA-Mauritanie et TPMN, le Commissariat général avait considéré que cette implication n’atteignait pas le degré suffisant pour fonder une crainte vis-à-vis de votre pays d’origine.

En effet, votre militantisme ne présentait pas la consistance et l’intensité telles que vous auriez pu être la cible de vos autorités. Les documents versés n’avaient pas permis d’étayer une crainte fondée de persécution dans votre chef. Suite au recours que vous aviez introduit, le Conseil du contentieux des étrangers a confirmé entièrement la décision prise par le Commissariat général dans un arrêt pris le 22 janvier 2018 (arrêt n°198 259).

Sans avoir quitté la Belgique, vous avez introduit une cinquième demande de protection internationaleà l’Office des étrangers en date du 12 septembre 2019. A l’appui de celle-ci, vous avez expliqué continuer à être membre du mouvement TPMN et du mouvement IRA-Mauritanie en Belgique.

Vous dites craindre d’être torturé et emprisonné par les autorités mauritaniennes à cause de vos activités politiques en Belgique. Votre tante vous dit que vous êtes visible sur les réseaux sociaux à cause de vos activités. Vous avez déclaré également ne pas avoir pu vous faire recenser en Mauritanie.

Vous avez versé les documents suivants : la copie de votre ancienne carte d’identité mauritanienne, une attestation rédigée par l’ancienne présidente de IRA-Mauritanie en Belgique, une lettre de témoignage du coordinateur adjoint du mouvement TPMN en Mauritanie, une attestation de la section belge du mouvement TPMN, une attestation du coordinateur de TPMN, des articles de presse, la copie d’une carte de membre de IRA-Mauritanie Belgique, la copie d’une carte de membre de TPMN, des photos et

(3)

des captures d’écrans pris sur les réseaux sociaux montrant des manifestations en Belgique, une attestation psychologique du centre « Ulysse » et un mail que vous avez adressé à l’Ambassade de Mauritanie à Paris.

Dans le cadre de l’évaluation de la recevabilité de votre cinquième demande, et comme l’y autorise la loi, le Commissariat n’a pas jugé opportun de vous entendre.

B. Motivation

Après une analyse approfondie de l’ensemble des éléments de votre dossier administratif, relevons tout d’abord que vous n’avez fait connaître aucun élément dont il pourrait ressortir des besoins procéduraux spéciaux et que le Commissariat général n’a de son côté constaté aucun besoin procédural spécial dans votre chef.

Par conséquent, aucune mesure de soutien spécifique n’a été prise à votre égard, étant donné qu’il peut être raisonnablement considéré que vos droits sont respectés dans le cadre de votre procédure d’asile et que, dans les circonstances présentes, vous pouvez remplir les obligations qui vous incombent.

Après examen de toutes les pièces de votre dossier administratif, force est de constater que votre demande de protection internationale ne peut être déclarée recevable.

Conformément à l’article 57/6/2, §1er, alinéa 1er de la Loi sur les étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides examine en priorité si de nouveaux éléments ou faits apparaissent, ou sont présentés par le demandeur, qui augmentent de manière significative la probabilité qu’il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l’article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l’article 48/4. En l’absence de ces éléments, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides déclare la demande irrecevable.

En l’occurrence, force est de constater que votre demande de protection internationale s’appuie sur des motifs que vous avez déjà exposés à l’occasion de votre précédente demande (votre quatrième demande). Il convient tout d’abord de rappeler que le Commissariat général avait pris à l’égard de cette demande une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire car le bien fondé des craintes invoquées et les motifs d’asile allégués par vous n’avaient pas été considérés comme établis. Cette décision et cette évaluation ont été confirmées par le Conseil du contentieux des étrangers qui a rejeté votre requête dans un arrêt du 22 janvier 2018 (arrêt n°198 259). Vous n’avez pas introduit de recours en cassation dans les délais légaux contre cet arrêt.

Vu qu’il ne reste plus aucune voie de recours dans le cadre de votre demande précédente, l’évaluation des faits effectuée dans ce cadre est définitivement établie, sauf à constater l’existence, en ce qui vous concerne, d’un élément ou fait nouveau au sens de l’article 57/6/2 de la Loi sur les étrangers qui augmente au moins de manière significative la probabilité que vous puissiez prétendre à un statut de protection internationale.

Or, en l’espèce, aucun nouvel élément ou fait de cette nature n’est présent dans votre dossier.

En effet, différentes pièces versées à votre dossier attestent qu’en effet, vous militez, en Belgique, en tant que simple membre sans exercer de fonction à responsabilité, au sein d’associations de défense des droits de l’homme telles que TPMN Section Belgique et IRA-Mauritanie Belgique (voir farde « Inventaire des documents », pièces n°2, 3, 4, 5, 7, 8, 9 et 11). Ces documents attestent de votre affiliation à ces deux mouvements (cartes de membres) en Belgique ; ils attestent que vous participez à des événements tels que des manifestations à Bruxelles et à des réunions (photos, captures d’écran de la page Facebook de TPMN et de votre page Facebook, vidéo Youtube – repris dans la farde « Inventaire des documents », pièces n°11).

Comme cela avait déjà été souligné par le Commissariat général dans sa décision du 5 juillet 2017, votre adhésion et le fait que vous ayez participé à des activités desdits mouvements en Belgique ont été considérés comme établis.

Cela étant, il reste à déterminer si ces activités permettent de considérer que vous avez besoin d’une protection internationale. En effet, afin de déterminer si vous encourrez un risque de subir des persécutions en cas de retour en Mauritanie, en raison du fait que vous militez pour ces deux

(4)

mouvements, il convient d’analyser la situation objective qui prévaut actuellement en Mauritanie, et d’analyser la situation actuelle des militants des mouvements IRA-Mauritanie et TPMN dans votre pays d’origine même.

Il ressort de l’analyse de la situation objective que la République Islamique de Mauritanie a connu des élections présidentielles le 22 juin 2019. La présidence a été remportée par le Général Mohamed Ould Ghazouani, de l’UPR (Union pour la République). Dans un premier temps, l’opposition a crié au hold-up électoral. Il y eut des mouvements de protestation vifs à Nouakchott, qui furent réprimés par les autorités. Ces dernières ont fait fermer les sièges de campagne des quatre candidats de l’opposition et il y a eu des arrestations. Le 1er août 2019, le nouveau Président de la Mauritanie a été investi; dans son discours, il a appelé à l’unité nationale et à la construction d’un état de droit. Depuis son arrivée au pouvoir, le président Ghazouani a reçu les différents leaders de partis politiques et mouvements de l’opposition. Biram Dah Abeid a déclaré avoir constaté lors de sa rencontre avec le président le 30 septembre 2019 « beaucoup d’ouverture, de pondération et de modération » et s’est dit prêt à collaborer à certaines conditions. Dans un discours qu’il a donné en Allemagne au mois de novembre 2019, il s’est exprimé sur la nature du changement survenu à l’occasion du scrutin présidentiel du 22 juin 2019 en évoquant « une nouvelle approche de la gouvernance » qui consiste à ouvrir l’espace des médias publics aux opposants et à « suspendre la répression » des manifestations et réunions pacifiques. Le président de l’IRA avait cependant rappelé que son organisation, tout comme d’autres formations, demeurait toujours sous interdiction et que des opposants exilés étaient concernés par des poursuites judiciaires et de mandats d’arrêts. D’autres sources citées dans le COI évoquent un climat d’apaisement post-électoral, et des signes d’ouverture de la part du pouvoir politique en place. Fin janvier 2020, on pouvait lire dans la presse qu’une rupture était en train de s’opérer entre le nouveau président mauritanien et son prédécesseur Mohamed Ould Abdel Aziz. Hamady Lehbouss, cadre dirigeant de l’IRA en Mauritanie, interrogé le 11 novembre 2019 sur les actions judiciaires menées à l’encontre de leurs militants, a déclaré qu’à cette date, l’IRA ne comptait plus aucun militant en détention (pour plus de détails : voir farde « Information des pays », COI Focus Mauritanie, « L’initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA Mauritanie). Situation des militants », 29.01.2021). Le 28 août 2020, a eu lieu une rencontre entre le leader du mouvement IRA et le président actuel. A l’issue de cette dernière, Biram Dah Abeid a déclaré avoir trouvé chez le président l’écoute nécessaire et une volonté d’instaurer des rapports réguliers avec l’opposition dans l’intérêt de tous. Il a réitéré la demande de reconnaissance de tous les partis politiques et associations de défense des droits de l’homme. Par la suite, un projet de loi qui abroge et remplace la loi n °64.098 du 9 juin 1964 relative aux associations a été approuvé le 16 septembre 2020 par le Conseil des Ministres mauritanien. La principale modification concerne le passage du régime de l'autorisation préalable au système déclaratif. Ainsi, n’importe quelle association, pour exister légalement, ne devra plus attendre une autorisation des autorités. Cette étape vers la liberté d’association a été saluée par les organisations de défense des droits de l’homme, dont l’IRA. Le 19 septembre 2020, le Conseil des Ministres a transmis à l’étude le projet de loi au Parlement.

Le 15 janvier 2021, le Parlement mauritanien a adopté le changement loi qui concerne les associations.

Celles-ci ne devront plus attendre une autorisation administrative de l’exécutif pour s’enregistrer, une déclaration de création leur permettra d’exister.

Ainsi, si la prudence reste de rigueur, le Commissariat général doit constater, plus d’un an et demi après les élections présidentielles, délai qui permet de prendre le recul nécessaire pour s’en rendre compte, que la situation politique pour les membres de l’opposition dans sa globalité est apaisée et observe qu’un changement de politique est en train de se mettre en place en Mauritanie (voir farde « Information des pays », COI Focus Mauritanie, « L’initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA Mauritanie). Situation des militants », 29.01.2021). Ainsi, force est de constater que l’indicateur selon lequel le mouvement IRA et le mouvement TPMN sont particulièrement visés en terme de répression par les autorités mauritaniennes n’est plus rencontré à l’heure actuelle. Dès lors, vos craintes basées sur votre militantisme politique en Belgique ne sont pas établies, et il n’y a pas de raisons de croire qu’en cas de retour dans votre pays d’origine, vous soyez victime de persécutions ou d’atteintes graves pour ces raisons.

Par ailleurs, vous n’avez pas démontré que vos activités politiques en Belgique pouvaient constituer un motif de persécution de la part de vos autorités en cas de retour en Mauritanie, quand bien même vous vous seriez rendu visible via des photos postées sur les réseaux sociaux.

En ce qui concerne les autres documents que vous avez versés à l’appui de votre nouvelle demande, ils n’augmentent pas de manière significative la probabilité que vous puissiez prétendre à la protection internationale et ce, pour les raisons suivantes.

(5)

Force est de souligner que dans le cadre de votre demande précédente, plusieurs documents du même type et rédigés par les mêmes auteurs avaient déjà été versés, lesquels avaient déjà fait l’objet d’une analyse par les instances d’asile. Le fait de verser à nouveau ces mêmes documents, mais actualisés (c’est-à-dire avec une date plus récente), ne permet pas de les considérer comme des éléments réellement nouveaux. En effet, dans le cadre de votre quatrième demande, vous aviez versé votre carte de membre de IRA-Mauritanie, une attestation du coordinateur de TPMN Section Belgique, une attestation du coordinateur de TPMN, Abdoul Birane Wane et une lettre de témoignage du coordinateur adjoint pour TPMN en Mauritanie ; ainsi que des photos de réunions et de manifestations auxquelles vous avez participé en Belgique (voir farde « Inventaire des documents » de votre 4ème demande 07/10987X). A présent, trois ou quatre années plus tard, vous versez les mêmes documents, provenant des mêmes auteurs mais émis plus récemment (voir farde « Inventaires des documents », pièces n°3, 4, 5 et 8). Même actualisés, ces documents ne sont pas considérés comme des éléments nouveaux ; de plus, le Commissariat général estime qu’il s’était déjà prononcé à suffisance sur ces documents de sorte que ces derniers ne sont pas de nature à modifier l’appréciation que les instances d’asile se sont déjà faites au sujet du bien-fondé de vos craintes.

Quand bien même, le contenu de ces différentes attestations rédigées par des responsables du mouvement TPMN n’apporte pas la force probante suffisante pour établir une crainte fondée de persécution dans votre chef. En effet, pour l’essentiel, ces personnes témoignent que vous êtes membre du mouvement en Belgique, ce qui n’est pas remis en cause mais également que vous ne pouvez pas vous faire recenser en Mauritanie et que vous pourriez être considéré comme apatride.

Vous-même dans le cadre de l’enregistrement de votre cinquième demande, à l’Office des étrangers, vous avez avancé le fait que dans votre pays, vous n’aviez pas pu vous faire recenser et qu’il n’y avait pas de justice (voir déclaration « demande ultérieure », 11.12.2020, rubrique 17). Or, tout comme cela avait été argumenté dans la décision du 5 juillet 2017, le Commissariat général considère toujours, à l’heure actuelle, que vos propos ne sont pas établis. En effet, si vous n’avez pas encore pu être recensé, c’est parce que vous êtes en Belgique depuis 2007, alors que la procédure d’enrôlement biométrique a débuté en Mauritanie en 2011, et il ressort des informations objectives que le recensement est toujours en cours en Mauritanie (voir farde « Information des pays », COI Focus Mauritanie, l’enrôlement biométrique à l’état-civil, 16.03.2020). Dans la mesure où vous êtes détenteur d’une carte d’identité délivrée après le recensement de 1998 (elle a été émise en 1999) démontrant votre nationalité mauritanienne (voir farde « Inventaire des documents », pièce n°1), il n’y a aucune raison de croire que vous ne pourriez pas être recensé si vous rentriez dans votre pays. En lien avec ce qui précède, vous avez versé au dossier la copie d’un mail que vous avez envoyé à l’Ambassade de Mauritanie à Paris en date du 4.12.2020, dans lequel vous sollicitez un rendez-vous à Paris afin de vous faire enrôler (voir farde « Inventaire des documents », pièce n°9). Ce document permet d’attester que vous avez entamé des démarches pour vous faire recenser depuis l’étranger en vous adressant à l’institution compétente pour l’enrôlement biométrique des ressortissants mauritaniens qui vivent à l’étranger. Sans autre précision, le Commissariat général ne détecte aucun élément visant à penser que vous ne pouvez pas vous faire recenser. A titre informatif, sachez que le site internet de l’Ambassade de Mauritanie à Paris donne toutes les informations quant à la manière de prendre rendez-vous par téléphone et non par mail, ainsi que les documents que vous devez fournir en vue de vous faire enrôler (voir farde « Information des pays », impression d’extrait du site internet https://ambarimparis.fr/informations-consulaires/#etat).

En ce qui concerne l’attestation provenant de celle qui était la présidente de IRA-Mauritanie Belgique au moment où elle a écrit son témoignage en votre faveur, en août 2019 (voir farde « Inventaire des documents », pièce n °2), Madame [M] faisait rapport de la situation des membres du mouvement IRA, qui prévalait peut-être en août 2019 dans le contexte immédiat de l’après élection présidentielle, mais qui n’est plus actuelle. Le contenu de cette attestation ne permet pas un éclairage particulier concernant une crainte fondée de persécution dans votre chef.

S’agissant des articles de presse que vous avez versés (voir farde « Inventaire des documents », pièces n°7), ils ne permettent pas de considérer que vos autorités vous viseraient particulièrement en cas de retour en Mauritanie. Ainsi, si l’article du 1er décembre 2020 provenant d’un site appelé « Iode News » mentionne votre nom comme ayant fait partie des manifestants du 27 novembre 2020 à Bruxelles, qui s’étaient rassemblés pour dénoncer le racisme en Mauritanie (avec plusieurs revendications plus précises, voir contenu de l’article), cela ne veut pas dire que vos autorités vous prendraient pour cible en cas de retour en Mauritanie, d’autant plus vu la situation qui y prévaut actuellement. De même l’article du « Cridem » relate la tenue d’une manifestation le 18 septembre 2019 à Bruxelles pour

(6)

dénoncer un cas d’esclavage, ce qui ne permet pas d’attester d’une crainte dans votre chef même si vous étiez présent lors de cette manifestation, il y a longtemps de cela.

Vous avez également versé une attestation psychologique qui émane d’un psychologue travaillant pour le centre Ulysse, « Accompagnement pour personnes exilées », rédigée le 19.06.2020 et actualisée le 4.12.2020 (voir farde « Inventaire des documents », pièce n°6). L’auteur du document en question reprend une série de symptômes dont vous souffrez qui sont compatibles avec un vécu traumatique passé et qui mettent en évidence une situation dépressive. Dans la mesure où les faits que vous aviez invoqués avoir vécus en 2006 en Mauritanie n’ont pas été considérés comme établis par les instances d’asile, lesquelles se sont prononcées à plusieurs reprises, le Commissariat général considère que les symptômes repris dans cette attestation ne peuvent rétablir la crédibilité défaillante de ces faits.

Signalons également que 14 années séparent les faits invoqués et le début du suivi psychologique en janvier 2020. Ainsi, en 14 ans, alors que vous vivez une situation administrative difficile en Belgique, puisque vous n’avez pas pu obtenir de droit au séjour jusqu’à maintenant, beaucoup de situations pouvant provoquer les symptômes décrits dans l’attestation ont pu vous arriver. Le fait même d’être exilé, dans des procédures qui n’aboutissent pas, peut amener une personne à développer des symptômes dépressifs. Rappelons qu’un professionnel de la santé mentale ne peut garantir que les faits relatés par son patient se soient réellement produits. Il va de soi qu’un suivi thérapeutique est basé sur une relation de confiance mutuelle et que dès lors, il n’est pas du ressort d’un psychologue de se prononcer sur la crédibilité du récit d’asile de son patient ni de répondre aux arguments d’absence de crédibilité qui ont été avancés dans les différentes décisions négatives des instances d’asile vous concernant, qui se sont succédées depuis 2010.

L’attestation fait également référence aux possibles troubles cognitifs que les symptômes dont vous souffrez auraient pu causer. Cependant, à la lecture de vos demandes de protection successives, il n’est pas permis d’accéder à cette hypothèse, les contradictions ayant été établies tout comme le fait que vous avez pu fournir lors de vos auditions des déclarations, certes contradictoires ou imprécises, mais cognitivement compréhensibles. L’invocation plus que tardive d’une telle hypothèse n’est pas pour convaincre le Commissariat général.

Enfin, relevons que l’auteur du document a repris ce que vous aviez expliqué, car il écrit « Monsieur relate ». De plus, il est indiqué que vous êtes illettré et que vous ne savez donc ni lire ni écrire, situation fort incompatible avec votre profil Facebook dont vous avez versé quelques captures d’écran et sur lequel vous avez posté des commentaires en français (voir farde « Inventaire des documents », pièces n°11). Le Commissariat général a donc du mal à croire à ce critère de vulnérabilité que peut représenter l’analphabétisme qui fût avancé par votre psychologue.

Ce document ne permet donc pas d’augmenter de manière significative la probabilité que vous puissiez prétendre à la protection internationale.

En conclusion, le contenu de votre dossier d’asile dans le cadre de votre nouvelle demande ne permet donc pas au Commissariat général de considérer que vous avez fourni de nouveaux éléments probants pouvant augmenter de manière significative la probabilité que vous ayez besoin d’une protection internationale.

C. Conclusion

Sur la base des éléments figurant dans votre dossier, je déclare votre demande de protection internationale irrecevable au sens de l'article 57/6/2, § 1er de la Loi sur les étrangers.

J’attire votre attention sur le fait que cette décision est susceptible d’un recours non suspensif conformément à ce qui est prévu à l’article 39/70, alinéa 2 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

Ce recours doit être introduit dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision.

Néanmoins, si vous vous trouviez en situation de maintien ou de détention ou étiez mis à disposition du gouvernement au moment de votre demande de protection internationale, le délai pour introduire un recours est de 5 jours à compter de la notification de la décision (article 39/57, § 1er, alinéa 2, 3° de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, lu conjointement avec l’article 74/8 ou 74/9 de la même loi).

(7)

J'informe le ministre et son délégué qu'au vu des constatations qui précèdent et compte tenu de l'ensemble des faits pertinents liés aux demandes de protection internationale de l'intéressé(e) et de l'ensemble du dossier administratif y relatif, il n'existe pas d'élément dont il peut ressortir qu'une mesure d'éloignement ou de refoulement de l'intéressé(e) vers son pays de nationalité ou de résidence habituelle constituerait une violation du principe de non-refoulement au regard des articles 48/3 et 48/4 de la loi du 15 décembre 1980. ».

2. Procédure

2.1. Les rétroactes de la demande et les faits invoqués

De nationalité mauritanienne et d’origine ethnique peule, le requérant est arrivé en Belgique le 26 février 2007. Le même jour, il a introduit une première demande de protection internationale à l’appui de laquelle il invoquait avoir été arrêté par des gendarmes maures blancs parce qu’il s’était opposé à la confiscation arbitraire de son troupeau. Il déclarait avoir été détenu du 10 janvier 2006 au 15 avril 2006 et avoir quitté son pays alors qu’il était en liberté conditionnelle. Le 24 juillet 2007, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a pris à l’égard du requérant une décision de refus du statut de réfugié et refus du statut de protection subsidiaire en raison essentiellement de l’absence de crédibilité de son récit. Cette décision a été confirmée par l’arrêt n° 3537 du 12 novembre 2007 rendu par le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après « le Conseil »). Le 7 décembre 2007, la partie requérante a introduit, devant le Conseil d’Etat, un recours en cassation contre cet arrêt. Le 17 décembre 2007, le Conseil d’Etat a rendu une ordonnance déclarant ce recours inadmissible.

Par la suite, le requérant a introduit deux autres demandes de protection internationale fondées sur les mêmes faits que ceux invoqués précédemment et étayées par de nouveaux documents. Ces demandes se sont respectivement clôturées par les arrêts du Conseil n° 57 404 du 7 mars 2011 et n° 77 111 du 13 mars 2012.

Le 13 décembre 2016, la partie requérante a introduit une quatrième demande de protection internationale basée sur les même motifs de crainte que ceux exprimés dans le cadre de ses demandes précédentes. En outre, elle invoquait pour la première fois une crainte d’être persécutée par les autorités mauritaniennes en raison de son militantisme, en Belgique, en faveur des mouvements

« Touche pas à ma nationalité » (ci-après « TPMN ») et « Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (ci-après « IRA »). Cette demande s’est clôturée par l’arrêt du Conseil n° 198 259 rendu le 22 janvier 2018.

Finalement, le 12 septembre 2019, le requérant a introduit une cinquième demande de protection internationale basée sur les mêmes faits et motifs de crainte que ceux qu’il invoquait déjà lors de sa quatrième demande. En outre, il invoque pour la première fois une crainte de ne pas pouvoir se faire recenser par ses autorités nationales.

2.2. Les motifs de la décision attaquée

La décision attaquée consiste en une décision d’irrecevabilité d’une demande ultérieure de protection internationale prise en application de l’article 57/6/2, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après dénommée la « loi du 15 décembre 1980 »). Elle est motivée par le fait que le requérant n’a présenté aucun nouvel élément qui augmente de manière significative la probabilité qu’il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l’article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980 ou à la protection subsidiaire au sens de l’article 48/4 de la même loi.

Ainsi, elle ne conteste pas l’adhésion du requérant aux mouvements TPMN et IRA ni sa participation aux activités organisées par ces mouvements. Elle relève toutefois que le requérant milite au sein de ces mouvements en tant que simple membre, sans exercer de fonction à responsabilités. Ensuite, sur la base des informations générales mises à sa disposition, elle soutient que la situation politique des membres de l’opposition en Mauritanie est apaisée. Elle en déduit que l’indicateur selon lequel les mouvements IRA et TPMN sont particulièrement visés par la répression des autorités mauritaniennes n’est plus rencontré à l’heure actuelle. Par conséquent, elle estime que les craintes du requérant basées sur son militantisme politique en Belgique ne sont pas établies.

(8)

Par ailleurs, elle considère que le requérant n’a pas encore pu se faire recenser en Mauritanie parce qu’il est en Belgique depuis 2007 et que la procédure d’enrôlement biométrique a débuté en Mauritanie en 2011. Elle fait valoir que le recensement est toujours en cours en Mauritanie, que le requérant est détenteur d’une carte d’identité mauritanienne délivrée après le recensement de 1998 et qu’il n’y a donc aucune raison de croire qu’il ne pourrait pas être recensé en cas de retour en Mauritanie.

Elle considère que l’attestation de suivi psychologique déposée ne permet pas de rétablir la crédibilité défaillante des faits allégués par le requérant.

2.3. La requête

2.3.1. Dans sa requête introduite devant le Conseil, la partie requérante confirme, pour l’essentiel, l’exposé des faits et rétroactes figurant dans la décision attaquée.

2.3.2. Concernant sa demande d’octroi du statut de réfugié, elle invoque un moyen unique tiré de la violation : «- des articles 48/3, 48/5, 57/6/2 et 62 de la loi du 15.12.1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ;

- de l’article 1 A (2) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 concernant le statut des réfugiés, approuvée par la loi du 26.06.1953, de l’article 1 (2) du Protocole du 31.01.1967 concernant le statut des réfugiés, approuvée par la loi du 27.02.1967 ;

- de l’article 27 de l’arrêté royal du 11.07.2003 fixant la procédure devant le CGRA ;

- de l’article 10 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ;

- des articles 2 et 3 de la loi du 29.07.1991 sur la motivation formelle des actes administratifs ;

- des principes généraux de bonne administration, notamment du principe de préparation avec soin d’une décision administrative, de l’absence, de l’erreur, de l’insuffisance ou de la contrariété dans les causes et/ou les motifs, de l’obligation de motivation matérielle.» (requête, p. 3).

2.3.3. Concernant sa demande d’octroi du statut de protection subsidiaire, elle invoque un moyen unique tiré de la violation : «- des articles 48/4, 48/5 et 62 de la loi du 15 décembre 1980 précitée, - des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs

- des principes généraux de bonne administration, notamment du principe de préparation avec soin d’une décision administrative, de l’absence, de l’erreur, de l’insuffisance ou de la contrariété dans les causes et/ou les motifs.» (requête, p.16).

2.3.4. Elle conteste en substance la pertinence de la motivation de la décision attaquée au regard des circonstances de fait propres à l’espèce. Elle soutient que le requérant a déposé des nouveaux documents afin de démontrer que son militantisme politique s’est intensifié depuis la clôture de sa précédente demande et qu’il est clairement visible et donc connu des autorités mauritaniennes pour son engagement en Belgique en faveur des droits des négro-mauritaniens. Elle considère que le requérant doit bénéficier d’une protection internationale en tant que « réfugié sur place ». A cet égard, elle soutient que le requérant satisfait aux indicateurs qui ont été identifiés par le Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêtsA.I. contre SuisseetN.A. contre Suissedu 30 mai 2017.

Par ailleurs, elle reproche à la partie défenderesse de ne pas avoir instruit sa crainte liée au recensement. Elle explique que les seuls endroits en Europe où il est possible de se faire recenser sont les ambassades de Mauritanie à Paris et à Madrid mais qu’en pratique, ce recensement n’est pas accessible aux personnes qui ne peuvent pas voyager au sein de l’Europe, à savoir les sans-papiers et les demandeurs de protection internationale. Elle estime que les difficultés du requérant à se faire recenser pourraient s’expliquer par son activisme et sa visibilité au sein des mouvements TPMN et IRA.

Elle souligne que le requérant est d’origine ethnique peule et que plusieurs associations et institutions ont régulièrement mis en avant le caractère discriminatoire du recensement mauritanien à l’égard des populations négro-mauritaniennes.

2.3.5. Elle demande au Conseil, à titre principal, de réformer la décision attaquée et de reconnaitre la qualité de réfugié au requérant. A titre subsidiaire, elle sollicite l’annulation de la décision attaquée «afin qu’il soit procédé à des mesures d’instruction complémentaires» (requête, p. 17). A titre infiniment subsidiaire, elle demande d’accorder la protection subsidiaire au requérant.

2.4. Les nouveaux éléments

(9)

2.4.1. La partie requérante joint à son recours une série de documents dont elle dresse l’inventaire comme suit :

« (…)

3. Courrier d’accompagnement de la demande de protection internationale + envoi à l’OE le 04.11.2019 4. https://www.facebook.com/[i.b].[...]

5. https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/mauritanie-arretees-liberees;

6. https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/mauritanie-le-nouveau-president-doit-rompre-avec-le- passe

7. https://www.hrw.org/fr/news/2020/11/23/mauritanie-amender-le-projet-de-loi-sur-les-associations 8. FIDH, « Répression violente du mouvement « Touche pas à ma nationalité » », 28 septembre 2011, […]

9. OFPRA, « Rapport de mission en République Islamique de Mauritanie », 2014, […]

10. Amnesty International, « La Mauritanie doit libérer deux prisonniers d’opinion détenus depuis un an

», 10 novembre 2015, […]

11. Département d’État américain, « RAPPORT 2016 SUR LES DROITS DE L’HOMME – Mauritanie », […]» (requête, p. 18).

2.4.2. Par le biais d’une note complémentaire datée du 26 mai 2021, déposée par porteur le 27 mai 2021, la partie défenderesse verse au dossier de la procédure (pièce 6) les documents suivants : - un rapport élaboré par son centre de documentation et de recherches (CEDOCA) intitulé « COI

Focus. Mauritanie. Touche pas à ma nationalité (TPMN). Présentation générale et situation des militants », daté du 9 mars 2021 ;

- un rapport du CEDOCA intitulé « COI Focus. Mauritanie. L’enrôlement biométrique à l’état civil », daté du 20 avril 2021.

2.4.3. Par le biais d’une note complémentaire datée du 27 mai 2021, la partie requérante dépose au dossier de la procédure (pièce 8) les documents suivants :

- un article de presse publié le 30 mars 2021 intitulé : « Mauritanie : mobilisation de Biram Dah Abeid contre l’apatride », publié sur le site internetwww.rfi.fr/fr/afrique;

- un article de presse publié le 1eravril 2021 intitulé : « Lutte contre l’apatridie en Mauritanie, Birame Dah Abed à l’assaut des centres d’état civil », publié sur le site internet www.kassataya.com ; - un article de presse publié le 29 mars 2021 intitulé : « Nouakchot 29-03-2021. Une visite de

mobilisation du député BDA sur la question de l’état civil », publié sur le site internet www.soninkideesjose.wordpress.com;

- un article de Human Rights Watch publié le 29 mars 2018 intitulé : « Mauritanie : Des obstacles administratifs empêchent des enfants d’aller à l’école », publié sur le site internet www.hrw.org/fr/news;

- une publication Facebook datée du 22 mars intitulée : « [D.H.] – Le député Biram Dah Abeid dénonce la négligence des… » ;

- un article de presse publié le 14 avril 2021 intitulé : « Le recensement en Mauritanie : L’existence des Noirs mauritaniens en danger », publié sur le site internet www.senalioune.com ;

- un courriel de Monsieur A. W. J., ancien vice-Président d’IRA-Mauritanie Belgique daté du 27 mars 2021.

- un courriel du requérant envoyé le 27 avril 2021.

3. Le cadre juridique de l’examen du recours 3.1. La compétence du Conseil

Dans le cadre d’un recours en plein contentieux, le Conseil jouit, en vertu de l’article 39/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, d’une compétence de pleine juridiction, ce qui signifie qu’il « soumet le litige dans son ensemble à un nouvel examen et qu’il se prononce, en tant que juge administratif, en dernière instance sur le fond du litige, ayant la compétence de réformer ou de confirmer les décisions du Commissaire général […], quel que soit le motif sur lequel le Commissaire général […] s’est appuyé pour parvenir à la décision contestée. […].

Ainsi, le Conseil peut, soit confirmer sur les mêmes ou sur d’autres bases une décision prise par le Commissaire général […] soit la réformer […] » (Projet de loi réformant le Conseil d’Etat et créant un

(10)

Conseil du Contentieux des étrangers, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2005-2006, n°

2479/001, p. 95).

Le Conseil est la seule juridiction compétente pour connaître des recours contre les décisions prises par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides en application de la directive 2011/95/UE. A ce titre, il doit exercer sa compétence de manière à satisfaire à l’obligation d’offrir un « recours effectif devant une juridiction » au sens de l’article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) (ci-après dénommée la « directive 2013/32/UE »).

A cet égard, l’article 46, § 3, de cette directive impose aux Etats membres de veiller « à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ».

Certes, cette disposition n’est pas transposée dans ces termes dans la législation belge, mais il convient de rappeler que lorsqu’elles appliquent le droit interne et, notamment, les dispositions d’une réglementation spécifiquement adoptée aux fins de mettre en œuvre les exigences d’une directive, les juridictions nationales sont tenues d’interpréter le droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, de se conformer à l’article 288, troisième alinéa, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après dénommé le « TFUE ») (CJUE, affaires jointes C-397/01 à C-403/01, Pfeiffer e.a.

du 5 octobre 2004, § 113).

Il s’ensuit que lorsqu’il procède à l’examen d’un recours introduit sur la base de l’article 39/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, le Conseil est tenu d’interpréter la loi de manière à se conformer aux exigences d’un examen complet etex nuncdécoulant de l’article 46, § 3, de la directive 2013/32/UE.

3.2. La charge de la preuve

Le cadre juridique relatif à la charge de la preuve est régi par les articles 48/6 et 48/7 de la loi du 15 décembre 1980 qui transposent l’article 4 de la directive 2011/95/EU et l’article 13, § 1er, de la directive 2013/32/EU et qui en conséquence doivent être lus à la lumière de ces dispositions du droit de l’Union.

L’établissement des faits et circonstances dans le cadre de l’examen d’une demande de protection internationale, régi par l’article 4 de la directive 2011/95/EU, se déroule en deux phases distinctes.

a) La première phase concerne l’établissement des circonstances de fait qui peuvent constituer des éléments de preuves pour étayer la demande. Le devoir de collaboration, visé à l’article 4, § 1er, de la directive 2011/95/EU et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2013/32/EU, qui est limité à cette première phase, consacre le principe qu’il appartient au demandeur de présenter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale aussi rapidement que possible, comme le mentionne l’article 48/6 de la loi du 15 décembre 1980, afin que les éléments pertinents de cette demande puissent être déterminés et qu’il puisse être procédé à l’examen de sa demande. Le demandeur doit donc s’efforcer d’étayer sa demande, entre autres, au moyen de ses déclarations, ou de tout document ou de toute pièce en sa possession. Si les éléments apportés par le demandeur ne sont pas complets, actuels ou pertinents, il revient aux instances chargées de l’examen de la demande de collaborer activement avec le demandeur pour récolter tous les éléments pouvant étayer la demande.

En outre, ces instances doivent veiller à collecter toute information précise et actuelle portant sur la situation générale dans le pays d’origine et, le cas échéant, dans les pays de transit.

b) La deuxième phase concerne le traitement en droit de ces données par les instances chargées de l’examen de la demande de protection internationale. Au terme d’un tel examen, ces instances doivent décider, à la lumière des faits qui caractérisent l’affaire, s’il est satisfait aux conditions de fond définies dans les articles 48/3 et 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 pour la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l’octroi du statut de protection subsidiaire. Dans ce cadre, il convient de procéder à l’analyse des conséquences des éléments produits pour étayer la demande et de décider si de tels éléments peuvent concrètement conduire à l’octroi d’un statut de protection internationale.

Cet examen du caractère fondé de la demande est une compétence exclusive des instances chargées de l’examen des demandes de protection internationale, de sorte que dans cette phase il n’est pas question d’un devoir de collaboration (CJUE, 22 novembre 2012, C-277/11, M.M., points 64 à 70).

(11)

Par ailleurs, l’obligation de motivation du Commissaire général ne le contraint pas à démontrer l’existence d’éventuelles déclarations mensongères ou contradictoires, mais bien à exposer les raisons pour lesquelles le demandeur ne l’a pas convaincu qu’il craint avec raison d’être persécuté ou qu’il encourt un risque réel de subir des atteintes graves s’il était renvoyé dans son pays d’origine.

Enfin, dans les cas où un doute existe sur la réalité de certains faits ou la sincérité du demandeur, l’énoncé de ce doute ne dispense pas de s’interroger in fine sur l’existence d’une crainte d’être persécuté ou d’un risque de subir des atteintes graves qui pourraient être établis à suffisance, nonobstant ce doute, par les éléments de la cause qui sont, par ailleurs, tenus pour certains.

4. L’appréciation du Conseil

4.1. Le Conseil rappelle que l’article 57/6/2, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 est libellé de la manière suivante :

« Après réception de la demande ultérieure transmise par le ministre ou son délégué sur la base de l'article 51/8, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides examine en priorité si de nouveaux éléments ou faits apparaissent, ou sont présentés par le demandeur, qui augmentent de manière significative la probabilité qu'il puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l'article 48/3 ou à la protection subsidiaire au sens de l'article 48/4. En l'absence de ces éléments ou faits, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides déclare la demande irrecevable. Dans le cas contraire, ou si le demandeur a uniquement fait auparavant l'objet d'une décision de clôture prise en application de l'article 57/6/5, § 1er, 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides déclare la demande recevable.»

4.2. Tout d’abord, le Conseil fait observer que la motivation de la décision attaquée est suffisamment claire et intelligible pour permettre à la partie requérante de saisir pour quelles raisons sa demande a été déclarée irrecevable. En expliquant pourquoi elle considère que les nouveaux éléments présentés par le requérant n’augmentent pas de manière significative la probabilité qu'il puisse prétendre à une protection internationale, la partie défenderesse expose à suffisance les raisons pour lesquelles la cinquième demande de protection internationale du requérant est déclarée irrecevable. La décision attaquée est donc formellement motivée conformément à l’article 62 de la loi du 15 décembre 1980 et aux articles 2 et 3 de la loi du 21 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.

4.3. Quant au fond, s’agissant d’une cinquième demande de protection internationale déclarée irrecevable par la partie défenderesse, la question en débat consiste à examiner si des nouveaux éléments apparaissent ou sont présentés par la partie requérante, qui augmentent de manière significative la probabilité qu’elle puisse prétendre à la reconnaissance comme réfugié au sens de l’article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980 ou à la protection subsidiaire au sens de l’article 48/4 de la même loi.

4.4. Ainsi, tout d’abord, le Conseil constate que le requérant continue d’invoquer les faits et motifs de crainte qu’il alléguait déjà lors de ses précédentes demandes de protection internationale, à savoir le fait qu’il se serait évadé de prison en Mauritanie après avoir rencontré des problèmes avec des gendarmes maures blancs qui avaient confisqué son troupeau.

A cet égard, le Conseil rappelle que lorsqu’un demandeur introduit une nouvelle demande de protection internationale sur la base des mêmes faits que ceux déjà invoqués lors d’une précédente demande, laquelle a fait l’objet d’une décision de refus confirmée par le Conseil en raison de l’absence de crédibilité du récit produit, le respect dû à l’autorité de la chose jugée n’autorise pas à remettre en cause l’appréciation des faits à laquelle a procédé le Conseil dans le cadre de cette demande antérieure, sous réserve de l’invocation d’un nouvel élément établissant que cette évaluation eût été différente s’il avait été porté en temps utile à la connaissance du Conseil.

En l’occurrence, dans ses arrêts n° 3537 du 12 novembre 2007, n° 57 404 du 7 mars 2011 et n° 77 111 du 13 mars 2012, le Conseil avait remis en cause la crédibilité du récit du requérant et notamment sa détention en Mauritanie et le fait qu’il serait recherché par ses autorités nationales suite à son départ du pays.

(12)

En l’espèce, après une lecture attentive de la requête et du document intitulé « Déclaration demande ultérieure » daté du 11 décembre 2020, le Conseil observe que la partie requérante n’a produit aucun nouvel élément qui viendrait prouver les problèmes que le requérant prétend avoir rencontrés en Mauritanie et qui seraient liés à la confiscation de son troupeau par des gendarmes maures blancs.

Quant aux moyens de la requête, ils se focalisent sur les craintes du requérant liées à son engagement politique en Belgique et à son impossibilité de se faire recenser. Dans sa requête ainsi que dans sa note complémentaire du 27 mai 2021, la partie requérante ne développe aucune argumentation de nature à démontrer en quoi les nouveaux documents et éléments présentés par le requérant à l’appui de la présente demande auraient une force probante suffisante pour restaurer la crédibilité défaillante de son récit initial.

Pour sa part, au vu des pièces et déclarations produites par le requérant dans le cadre de la présente demande, le Conseil n’identifie aucun élément justifiant de remettre en cause l’appréciation des faits à laquelle le Commissaire général et lui-même ont déjà procédé lors des précédentes demandes de protection internationale du requérant, et qui leur a permis de conclure que les déclarations de celui-ci quant à ses prétendus problèmes rencontrés en Mauritanie ne satisfaisaient pas aux exigences de vraisemblance et de crédibilité.

4.5. Ensuite, comme lors de sa quatrième demande de protection internationale, la partie requérante soutient que ses activités militantes en Belgique en faveur des mouvements IRA et TPMN justifient ses craintes de persécution en cas de retour en Mauritanie. Dès lors, la question est de déterminer si le requérant peut être considéré comme « réfugié sur place ».

A cet égard, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés déduit notamment de la définition du réfugié que donne la Convention de Genève qu’ « Une personne devient réfugié « sur place » par suite d’événements qui surviennent dans son pays d’origine pendant son absence ». Il précise qu’ « Une personne peut devenir un réfugié « sur place » de son propre fait, par exemple en raison des rapports qu'elle entretient avec des réfugiés déjà reconnus comme tels ou des opinions politiques qu'elle a exprimées dans le pays où elle réside. La question de savoir si de tels actes suffisent à établir la crainte fondée de persécution doit être résolue à la suite d'un examen approfondi des circonstances. En particulier il y a lieu de vérifier si ces actes sont arrivés à la connaissance des autorités du pays d'origine et de quelle manière ils pourraient être jugés par elles » (Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève, réédition, 1992, pages 23 et 24, §§ 95 et 96). Il ajoute qu’ «En pareil cas, il faut, pour apprécier le bien-fondé de ses craintes, examiner quelles seraient pour un demandeur ayant certaines dispositions politiques les conséquences d’un retour dans son pays» (ibid., page 21, § 83).

Par ailleurs, l’article 5.2 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection précise qu’ «Une crainte fondée d’être persécuté ou un risque réel de subir des atteintes graves peut s’appuyer sur des activités que le demandeur a exercées depuis son départ du pays d’origine, en particulier s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans le pays d’origine. ».

Enfin, dans ses arrêts A.I. contre SuisseetN.A. contre Suissedu 30 mai 2017 (Requêtes n° 50364/14 et n° 23378/15), la Cour EDH a identifié quatre indicateurs dont il convient notamment de tenir compte afin d’évaluer si des individus encourent un risque de mauvais traitements et de tortures dans leur pays d’origine, en raison des activités politiques qu’ils mènent en exil, dans leurs pays de résidence ; ces facteurs sont les suivants : l’éventuel intérêt, par le passé, des autorités pour ces individus (ci-après premier indicateur); l’appartenance de ces individus à une organisation s’opposant au régime en place et la mesure dans laquelle cette organisation est ciblée par le gouvernement (ci-après deuxième indicateur) ; la nature de l’engagement politique de ces individus dans leur pays de résidence (ci-après troisième indicateur) ; et leurs liens personnels ou familiaux avec des membres éminents de l’opposition en exil (ci-aprèsquatrième indicateur). Dans ces arrêts, la Cour EDH rappelle également l’importance de s’en tenir aux activités politiques effectivement menées par les demandeurs et de ne pas se focaliser sur leur bonne-foi ou sur la sincérité de leur engagement politique.

Bien que la Cour européenne des droits de l’homme, dans ces arrêts, se prononçait à propos du risque de persécution allégué par des opposants politiques soudanais en raison de leurs activités politiques en

(13)

Suisse, le Conseil estime que les principes et critères qui y sont énoncés peuvent être transposés au cas d’espèce et lui servir de guide dans l’évaluation du bienfondé de la crainte de persécution alléguée par le requérant du fait des activités politiques qu’il mène en Belgique.

4.5.1. En l’espèce, le Conseil ne met pas en doute le fait que le requérant a adhéré en Belgique aux mouvements TPMN et IRA et qu’il participe, dans ce cadre, à plusieurs activités organisées par ces mouvements en Belgique. Ces éléments sont à suffisance établis par les propos du requérant et par les pièces qu’il a déposées au dossier administratif.

En revanche, le Conseil observe que de telles activités ne s’inscrivent pas dans le prolongement d’un quelconque engagement politique du requérant en Mauritanie, celui-ci n’ayant pas prétendu avoir été actif politiquement dans les mouvements d’opposition lorsqu’il vivait en Mauritanie. Ainsi, sachant que les problèmes rencontrés par le requérant en Mauritanie n’ont pas été jugés crédibles, le Conseil considère qu’aucun élément n’atteste un quelconque intérêt des autorités mauritaniennes pour le requérant alors qu’il résidait encore en Mauritanie.

Il n’est dès lors pas satisfait au premier indicateur mis en avant par la Cour européenne des droits de l’homme dans les arrêtsA.I contre Suisse et N.A contre Suisseprécités.

4.5.2. Le Conseil constate ensuite que les informations versées au dossier administratif et au dossier de la procédure par les deux parties font état d’une situation délicate pour les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les militants anti-esclavagistes en Mauritanie, certains d’entre eux ayant encore fait l’objet d’arrestations arbitraires en 2020. De plus, en dépit des signaux d’apaisement et d’ouverture démocratique envoyés par le nouveau président Mohamed Ould Ghazouani depuis son investiture à la présidence du pays le 1er août 2019, le Conseil constate que les mouvements IRA et TPMN ne sont toujours pas reconnus en Mauritanie tandis que la législation en vigueur sur les associations prévoit toujours des sanctions pénales à l’égard de ceux qui assument l’administration d’associations non reconnues.

Dès lors, contrairement à la partie défenderesse, le Conseil considère qu’il est satisfait au deuxième indicateurmis en avant par la Cour européenne des droits de l’homme dans les arrêts précités, à savoir celui de l’appartenance à une organisation politique ciblée par le gouvernement, même s’il constate que la situation tend à s’améliorer et que les mouvements IRA et TPMN ne font actuellement plus l’objet d’une répression aussi systématique et virulente qu’auparavant.

4.5.3. Par ailleurs, à la lecture des informations déposées par les parties, le Conseil estime qu’il n’est pas permis de conclure à l’existence d’une forme de persécution de groupe qui viserait systématiquement tous les membres ou sympathisants des mouvements TPMN et IRA, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ceux qui disposent d’un engagement militant fort, consistant ou particulièrement visible de ceux qui disposent d’un engagement, certes réel, mais faible dans sa teneur, son intensité et sa visibilité.

La question qui se pose en l’espèce est dès lors celle de savoir si, dans le contexte d’apaisement observé, le profil politique du requérant en Belgique est d’une importance telle qu’il puisse craindre avec raison d’être persécuté en cas de retour dans son pays d’origine. Autrement dit, il convient de se pencher sur le troisième indicateur mis en avant par la Cour européenne des droits de l’homme, à savoir celui de la nature de l’engagement politique.

A cet égard, le Conseil estime que le profil politique actuel du requérant n’est pas substantiellement différent de celui qui était le sien lors de sa quatrième demande de protection internationale. En effet, après une lecture attentive des déclarations du requérant et des documents qu’il a produits à l’appui de la présente demande, le Conseil considère qu’il continue à faire montre d’un militantisme limité qui consiste essentiellement à participer, en tant que simple membre et en dehors de toute fonction officielle, à quelques manifestations et des réunions organisées en Belgique par les mouvements TPMN et IRA. En effet, aucun élément du dossier ne permet de penser que le requérant occuperait actuellement, au sein de l’IRA-Mauritanie ou de TPMN, une fonction telle qu’elle impliquerait dans son chef des responsabilités particulières ou une certaine visibilité. En définitive, le Conseil considère que l’engagement politique du requérant reste faible et assez basique de sorte qu’il n’y a aucune raison sérieuse de croire que son profil politique serait de nature à attirer l’attention des autorités mauritaniennes sur sa personne au point de lui valoir d’être personnellement ciblé et persécuté en cas de retour en Mauritanie.

(14)

- Dans son recours, la partie requérante fait valoir que le coordinateur du mouvement TPMN section Belgique confirme l’activisme du requérant et précise qu’il figure sur les fichiers de la police locale et qu’il est un membre actif, chargé des relations avec les jeunes de son village (requête, p. 4).

Tout d’abord, le Conseil constate que le document auquel la partie requérante fait référence est une

« Lettre de témoignages » rédigée en date du 25 mai 2019 par le coordinateur adjoint de TPMN. Le Conseil relève ensuite que le contenu de ce document est très similaire à la « Lettre de témoignages » déposée par le requérant lors de sa précédente demande, et rédigée en date du 18 décembre 2016 par la même personne (dossier administratif, farde « 4e demande », pièce 23/4). Dans ce document, son auteur écrivait déjà que le requérant est «Représentant des jeunes de son village». Toutefois, dans son arrêt n° 198 259 du 22 janvier 2018, le Conseil avait remis en cause cet élément après avoir constaté, à la suite du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, qu’il était étranger aux précédentes demandes d’asile du requérant (v. point 8.11.1. de l’arrêt). Ainsi, en l’espèce, le Conseil ne peut accorder aucun crédit à la lettre de témoignage du 25 mai 2019 susvisée qui stipule que le requérant «reste très actif en tant que chargé de relation avec les jeunes de son village». En effet, devant les services de la partie défenderesse, le requérant n’a jamais déclaré qu’il occupait une telle fonction au sein de TPMN et il ne dépose aucun commencement de preuve relatif à l’exercice effective de cette prétendue fonction depuis la Belgique. Par ailleurs, de manière générale, le Conseil considère que le contenu de la lettre de témoignage du 25 mai 2019 susvisé est très peu circonstancié et ne convainc nullement, hormis que le requérant est membre de TPMN. A cet égard, le Conseil relève que l’auteur de cette lettre ne dit rien quant aux activités concrètes que le requérant mènerait dans le cadre de la prétendue fonction de «chargé de relation avec les jeunes de son village». En outre, ce document ne précise pas pourquoi le requérant figurerait «sur les fichiers de la police locale» et comment son auteur aurait eu connaissance de cette information. Cette lettre de témoignage ne dit également rien sur la «grave accusation» dont le requérant «est victime». Par conséquent, ce document n’a pas une force probante suffisante pour établir l’ampleur du profil politique du requérant et les risques qu’il encourt en cas de retour en Mauritanie.

- La partie requérante rappelle également le contenu de l’attestation rédigée le 2 aout 2019 par la présidente de l’IRA Mauritanie Belgique (v. dossier administratif, farde « 5edemande », pièce 11/2).

Le Conseil constate toutefois que le contenu de cette attestation reste très général et permet uniquement d’attester que le requérant est membre d’IRA section Belgique et qu’il participe à des activités organisées par ce mouvement, autant d’éléments qui ne sont pas contestés par la partie défenderesse et le Conseil.

- La partie requérante reproduit ensuite l’extrait d’un article de presse du 1er décembre 2020 qui mentionne le nom du requérant «comme ayant fait partie des manifestants du 27 novembre 2020 à Bruxelles qui s’étaient rassemblés pour dénoncer le racisme en Mauritanie» ; elle précise que le requérant a également déposé un article duCRIDEMqui relate une manifestation tenue à Bruxelles le 18 septembre 2019 pour dénoncer un cas d’esclavage (requête, pp. 4, 5).

Le Conseil estime que ces articles de presse permettent uniquement de corroborer l’appartenance du requérant aux mouvements TMPN et IRA et sa participation à des manifestations organisées en Belgique. Le fait que le requérant soit cité dans l’un de ces articles ne suffit pas à établir que son profil politique se serait intensifié et amplifié au point de conclure qu’il serait ciblé et persécuté par ses autorités nationales en cas de retour en Mauritanie.

- La partie requérante souligne également que le requérant a déposé un extrait de la page Facebook de TPMN sur laquelle il apparait et évoque dans une vidéo son problème d’enrôlement ; elle ajoute qu’il est évident que les autorités mauritaniennes scrutent les réseaux sociaux afin de ficher les opposants au pays mais aussi à l’étranger (requête, p. 5).

Le Conseil estime qu’à supposer que les autorités mauritaniennes prennent connaissance des activités politiques du requérant et de ses publications sur les réseaux sociaux, son faible profil militant et le caractère très limité de ses interventions sur les réseaux sociaux ou dans la presse, combiné avec le climat d’apaisement observé (voirsupra), empêchent de croire qu’il serait persécuté en cas de retour en Mauritanie.

(15)

Le Conseil constate dès lors qu’il n’est pas satisfait au troisième indicateurmis en avant par la Cour européenne des droits de l’homme dans les arrêts précités, à savoir celui de la nature de l’engagement politique dans le pays de résidence.

4.5.4. Il n’est pas davantage satisfait auquatrième indicateurpuisque le requérant ne démontre pas qu’il entretient des liens personnels ou familiaux avec des membres éminents de l’opposition en exil, de nature à pouvoir le mettre en danger.

4.5.5. En conclusion, bien que les informations déposées par les deux parties font état d’une situation préoccupante pour les défenseurs des droits de l’homme, les opposants politiques et les militants anti- esclavagistes en Mauritanie, en l’espèce, il ne ressort pas des déclarations du requérant et des documents qu’il produit, qu’il a été ou sera identifié par ses autorités nationales comme un opposant au régime suffisamment actif et influent au point d’attirer leur attention et de susciter leur hostilité parce qu’elles le considéreraient comme une menace pour la stabilité du régime.

4.5.6. En conséquence, le Conseil estime que le requérant n’encourt pas de risques de persécutions ou de mauvais traitements en cas de retour en Mauritanie en raison de ses activités sur place.

4.6. Enfin, le Conseil considère que la partie requérante ne fournit aucun argument convaincant de nature à établir que le requérant ne pourrait pas se faire recenser en cas de retour dans son pays d’origine.

4.6.1. Tout d’abord, la partie requérante fait valoir que le requérant a déposé des témoignages de représentants de TPMN qui confirment qu’il n’a pas pu se faire recenser malgré plusieurs démarches entreprises (requête, p. 14).

Toutefois, le Conseil ne partage pas cette analyse.

En l’effet, la « Lettre de témoignages » du 25 mai 2019 précitée mentionne uniquement que le requérant

«ne pourra pas enrôler en tant que Mauritanien à cause de manque de dossier demander par les services enrôlement et puis figure parmi les membres de TPM de Belgique et craigne de prison en cas de retour et restera toujours sans papiers en Mauritanie (sic) ». Or, le Conseil estime que cette affirmation reste très vague et ne permet pas de comprendre pourquoi le requérant ne pourrait pas se faire enrôler en Mauritanie. De plus, ce document ne fait pas état des prétendues démarches que le requérant aurait effectuées pour se faire enrôler.

Quant à l’attestation rédigée le 29 aout 2019 par Monsieur Abdoul Birane Wane, le coordinateur de TPMN, elle stipule que le requérant «fait partie de ces nombreux mauritaniens devenus apatrides parce qu’ils ont été exclus par un recensement discriminatoire et raciste» (dossier administratif, farde « 5e demande », pièce 11/5). Toutefois, le Conseil constate que cette affirmation n’est pas étayée, qu’elle reste très générale et qu’elle n’apporte aucune information circonstanciée sur le cas personnel du requérant et sur les démarches qu’il aurait entreprises afin de se faire recenser.

4.6.2. Ensuite, la partie requérante avance que le requérant a déposé la preuve de l’envoi d’un mail qu’il a adressé à l’ambassade de Mauritanie à Paris et auquel il n’a pas été donné suite (requête, p. 14). En outre, elle dépose au dossier de la procédure (pièce 8) un autre courriel que le requérant a envoyé à l’ambassadeur de Mauritanie en France en date du 27 avril 2021.

Pour sa part, le Conseil estime que ces deux courriels permettent d’établir que le requérant a sollicité, à deux reprises, un rendez-vous auprès de son ambassade à Paris pour se faire recenser et qu’il a demandé à son ambassadeur la liste des documents à fournir pour se faire enrôler. Néanmoins, ces simples envois de courriels ne suffisent pas à établir que le requérant ne pourrait pas se faire recenser en cas de retour en Mauritanie. En outre, dans la décision attaquée, la partie défenderesse précise que

«le site internet de l’Ambassade de Mauritanie à Paris donne toutes les informations quant à la manière de prendre rendez-vous par téléphone et non par mail, ainsi que les documents que vous devez fournir en vue de vous faire enrôler». Toutefois, il ne ressort pas du dossier de la procédure que le requérant ait essayé de contacter son ambassade par téléphone ni qu’il ait consulté sur internet la liste des documents à produire pour son recensement. Par conséquent, le Conseil n’est pas convaincu que le requérant a effectué toutes les démarches nécessaires afin de pouvoir se faire enrôler à Paris auprès de son ambassade.

Références

Documents relatifs

Ainsi, nulle part dans vos déclarations il n’apparaît qu’il existe, dans votre chef, des problèmes de sécurité concrets et graves, ou de graves problèmes d’ordre

Constatons que si ces attestations de votre psychologue relatent avec précision les positions du Hamas et la situation sécuritaire dans la Bande de Gaza ainsi que les problèmes de

En conséquence, au vu des éléments qui précèdent dont il ressort que l’UNRWA n’a pas cessé ses activités et continue de fournir une assistance aux réfugiés

En conclusion, le Conseil considère que la partie requérante n’avance pas d’argument convaincant qui permette de soutenir sa critique selon laquelle la partie défenderesse a violé

Enfin, afin d’appuyer votre crainte liée à votre visibilité après la manifestation du 04 octobre 2017 (voir notes de l’entretien personnel du 10 décembre 2019 p. 9), vous

5.1.4 Dès lors, le Conseil estime que les déclarations consistantes du requérant quant à sa participation à la manifestation du 14 novembre 2017 à Conakry dans le cadre de la grève

Vous déclarez également que votre famille est propriétaire de sa maison (NEP, p. De plus, lors de votre entretien personnel au CGRA, vous ne mentionnez aucun problème concernant

De plus, lors de vos auditions au CGRA, vous prétendez qu'en janvier 2014, grâce à l'aide de votre soeur, vous avez fait les démarches pour obtenir un passeport ainsi qu'un visa pour