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Le visage du roi 

VOLOKHINE, Youri

Abstract

Examen de plusieurs expressions désignant le pharaon par des métonymies laudatives, telles que "ce visage", "ce visage parfait".

VOLOKHINE, Youri. Le visage du roi . Egypte : Afrique et Orient , 2014, vol. 74, p. 23-30

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:112858

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(2)
(3)

tGYPTE A FRIQUE

&

ORIE N T

ASPECTS DE L'iDÉOLOGiE ROYALE ÉGYPTIENNE

page

3 DES PHAR..!U)7'JS INOUBI.lABLES

par KIJaled J:.'l-},',wty

pag e

13 LI:: H01 EN CIIAR All NOUVEL EMP1RE

par Arnaud Pi et ri

page

23 ΠVJSAGE DU ROI pnr Youri Vo/ak.hilu

page

J 1 1 ~-\ Cr\.V.XE-.\!EDOU ET PJ lARAON par Domini<Jue Fnrout

page4.J LlD~:OLOGIE POUT!QtJE DES PRt-:MtEHS LAGIDES

ET SES REPRÉSENTATIONS : D~~ FONDEMEN~ ORJGJNA.UX?

par Purine Poir011

ft1ge 53 LECTURE!S

par lv!athildt Frffe, .. ahiue Phzarotti & FI F/lix ~Mu Montserrat

p:zg.:

5t? FXPOSrfJOXS par Adeline Bats

page 60 PHOTOGRAPHIES DES LECTEURS

page 63 SOCIÉTÉS SrWAN'rt-:S & ASSOCIATIONS

page 65 V'OYA(;.J;:s m: l.i\ REVUE T!&YP1r;/tF!<lQUl:. & ORJE.\'T

pagL·

67 .i\1UL1n1EDL\

par]<'an-Luc BO'<.VJt

ÉGYPTE AFRIQUE & ORIEI

1

T

1\0

74- JUIN- JUILLET-A O ÛT 2014

1

(4)

Youri Volokhiue 23

LE VISAGE DU ROI

L

e visage est en Égypte une partie privilégiée de la personne humaine. Cette importance est révélée non seulemem p-ar le vocabulaire sensoriel, par les nombreuses expressions qui asso- cient La face avec des valeurs émotives, mai~ aussi par des artefacts, des parures spécifiques, des instru- ments (les miroirs), ou encore l'usage des masques funéraires. Ainsi, la face est aussi, en toute !Qgique, une partie signifiante de la personne royale. EUe possède des qualités spécifique~. qui vont distinguer k roi et h reine de tous ks autres, de la foule des

"visages" (!u.w), dt "tour visage" (lu-nh) Or, être doté d'un visage "p<lrÜit", être qualifié dt~ nji'-{11, est un

privilège que le roi et la reine partagem avec les dieux. Cette face ''partàite" est un signe indiquant que la personne royale participe de la nature divine.

Les prérogatives du visage des dieu:'< sont en effet bien plus grandes ()Ue celles de la face humaine.

Appliquée au roi, cette qualité ~st souvent liée à la magnificence de l'apparence royale, en lien avec le porc prestigieux des (;Ouronnes. Parallèlement, les mentions "Le Visage" ou "Ce Visage Parfait''

U1r

p11

•!fr) peuvent parfois désigner la per~onne royale par métonymie laudativt>. Ce sont ces aspects de la p~r­

sonnalité royak lJllC nous proposons dt: présenter plus particulièrement ki 1

(5)

24 Youri Volokhine

Un

visage

royal "parfait"

Traversant toute l'histoire de l'Égypte, l'épithète nfr-

~,. revêt une importance considérable, en raison de ses multiples implications 2• Contentons-nous de résumer ces données, qu'il est nécessaire d'avojr à l'esprit avant d'aborder plus spécialement la question qui nous intéresse ici. En tant qu'épithète divine, le composé nfr-~r entre dans le protocole de nom- breuses divinités, surtout aux époques tardives.

Cependant, au Moyen Empire, ,fr-~r apparaît essen- tiellement en relation avec Ptah l (donnée égale- ment confirmée par l'onomastique, dès l'Ancien Empire). Au Nouvel Empire, l'emploi de cette épi- thète connaît une certaine "inflation" : elle est bien entendu toujours associée au Ptah memphite, mais aussi désormais à Amon et à différentes formes du dieu solaire, de même qu'à Osiris. En ce qui concer- ne les déesses, Hathor (et ses différents avatars) sont également parfois qualifiées de la sorte. Dans le Liwc dt la vache du âc/,l'aspect "parfàit" du visage de la lionne sanguinaire souligne tout particulière- ment le moment où celle-ci va s'apaiser 4 Par ailleurs, le thème de la beauté faciale des déesses sera tout particulièrement utilisé, à dessein, dans les scènes d'offrandes des miroirs (et aussi des sistres), où l'épithète s'inscrit dans un vocabulaire hathorique du ravissement, du contentement, de l'apaisement et de la beauté. C'est donc une qualité répandue dans le panthéon que cette "perfection faciale", mais dont rien n'implique qu'elle adopte un sens unique : il est important de reconnaître que l'appréciation à don- ner à l'épithète varie sdon le contexte et l'identité de la divinité à qui elle est appliquée. Cette qualité est le plus souvent exprimée par une roumure syn-

taxique particulière, un composé dit "exocen- trique" 5, qui est un marqueur puissant de l'attribu- tion métOnymique d'une faculté à la personne concernée 6Si l'on veut schématiser, n.(r-~r requiert au moins quatre interprétations distinctes :

- Au niveau concret,

le

qualificatif "parfait-de-visa- ge" peut être appliqué au dieu portant la couronne.

insigne de son pouvoir. Il s'agit d'un visage "com- plet", "parfait", "accompli", rendant compte du pres- tige d'un dieu jouissant de ses regalia.

-Dans la sphère cosmique, le thème du "visage par- fait" peut renvoyer à l'éclat céleste du disque solaire, témoignant, par le biais de cette désignation anthropomorphique, d'une présence bienfaisante et vivifiante.

- Au niveau métaphorique, et spécialement dans le vocabulaire de la prière, tl}'r-~r sert à qualifier une divinité bienveillante : c'est le visage attentif et bien disposé du dieu à l'écoute de ses fidèles. La "perfec- tion" du visage divin consacre donc l'accomplisse- ment des valeurs "faciales" du dieu : la vision et l'écoute.

- Enfin, l'épithète ,Ji'-~r, porteuse d'une notion de complétude, conduit à celle de vitalité triomphante : c'est notamment le cas en ce qui concerne le visage

~parfait" du défunt, le masque funéraire, auquel sont consacrées spécifiquement des formules de la littéra- ture fimérnire.

Il faut souligner que cette qualité de perfection faciale ne fait pas partie des prérogatives humaines habituelles ; du moins, ce n'est qu'après la mort qu'une véritable transfiguration permettra à l'hom- me d'accéder au statut éminent de "visage parfait", conféré par le port du masque funéraire 7 En revanche, il s'agit d'une qualité que le souverain peut déjà revendiquer Je son vivant, signe évident de sa nature divine. Dans la majorité des attesta- tions, c'est en effet lorsque le souverain est décrit avec ses couronnes, attributs de son pouvoir, qu'il est qualifié de 11jr-~tr R. Le privilège du visage "par- fait" est ainsi accordé au pharaon lorsque, au moment de l'Apparition Royale, çtlui-ci prend place sur le trône, muni de ses couronnes ( Utk. IV, 1396.10). On dira de même du roi que son visage est "orné" (hkr) par les deux couronnes, la rouge et la blanche (Urk. IV, 1277.18, 1286.14)9. Cette der- nière formulation fait un bon pendant aux formules usuellement utUisées, dont nous pollvons dter ici quelques exemples :

- "Parfait-de-visage avec les couronnes de Haute et Basse-Égypte" (nfr-~r m.vmr.s m~w.s-Urk. IV, 266.8).

- "Padàit-de-visage lorsqu'il apparaît avec la couron- nc-tJtcj' (nfr-~lr

V

m1if-Urk. IV, 1687.18).

(6)

LE VISAGE DU ROI 25

- 'Taureau puissant quand il parait avec la couronne blanche, parfait-de-visage lorsqu'il reçoit la couronne rouge" .(.tl nf!t m

b'

~dt njr-~1r .fsp nf nt-

KRII,

161.7).

- "Parfait-de-visage sous la couronne à plumes"

(nfr-~r !Jr ~wty - KR! V, 192.11).

Le port des couronnes dote le roi d'un visage non seulement "parfait"> mais lui confère une autre qua- lité "faciale", la perspica- cité (spd-~r) ; dans la stèle de son premier mariage hittite, Ramsès li est ainsi

"parfait-de-visage, beau avec

la

couronne bleue, efficient (spd-hr) ( troec) la couronne de Haute et R:t.Sse-Égypte~ (nfr-~,, '" m bprs spd-~ m smr.s m~1.s -

KR! II, 235.9) 10. Au sein de formules établissant de~ comparaisons entre les qua li tés royales et divines, lt! roi se révèle parfois ëtre "brillant-de-

visage comme Aton quand il brille" (t~m-~u·n!i Jtn psrjf

- Urk. IV> 2063. 7), ou encore "parfait-de-"~cisage comme son pêre" (Urk. IV, 1540.10). Le pharaon se présente comme un "dieu-parfait, parfait-de- visage, aimé de Rê" ( Urk. IV, 1455.17) 11 • Dans une inscription commémorant sa guerre librcnne, Mércnptah est décrit de même comme étant "par- fait-de-visage en guidant les archers contre tout pays" (KR! lV, 3.14). Le roi e~t également "par- fait-de-visage à la tête des vivants" 12 Notons encore que lorsqu'un texte révèle que le dieu s' adress«:: en personne au roi, il désignera volontiers celui-ci comme un être au visage parfait

ul/'

nfr-

Urk. IV, 347.11; KRIIV, 254.15,260.1), une dési- gnation laudative qui, dans ce rontexte, tend il souligner davantage la proximité entre nature divi- ne ct nature royale.

Parfois, la face royale peut eUe-même être acclamée.

Cela s'inscrit de fait dans le code habituel de la salu- tation et de l'hommage 13• Dans cc contexte, la men- tion du "visage parfait" peut également désigner par

1"><~. •· ORAJ'FlTO No. 76 ot SEH2L

fif.· 2 Gr:ûfiro n· ï6 à SéheL D'apcès Hab:tchi,}é.-139, 1953, p. 41.

déférence la p«::rsonne du roi. On rencontre notam- ment cette formulation dans une inscription amar- niennc : "Puisse-t-il fair~ que mes yeux soient rass;t- siés par son visage pacfait"(<ijj's/yjrt>:i m pl).:j{1r '!t'r) l4 Une stèle de ~mir, Oll un prince adore Ramsès Il, fournit un bon parallèle : "Puisses-tu faire que je sois n1ssasié av~c ton visage parfuit, alors que tes faveurs sont auprès de moi instant après instant" (dj.k sJw.j m ply.k hr nfr jw !Jswt.k !Jt':J 111 1t d t-KRill> 901.7) 15Dans ce cas, "le visage parfait" eJ(prime la bienveillante présence royale, gage de l'attention et des faveurs dont il sait témoigner envers :;es fidèles sujets. De proche en proche, toutes les attestations que l'on peut réunir cootlrment que, par l'entr~mise de ce "visage parlàit", le roi participe de cette ''splendeur divine"16,

tantôt luminellse et éclatante comme un astre, tantôt propice et favorable.

(7)

26 Youri Volokhine

Le visage de la reine

La reine, elle aussi, est parfois évO<Juée comme "par- faite-de-visage" 17• Tout se passe comme si cette qua- lification s'inscrivait de façon globale dans un voca- bulaire esthétique u, soulignant la beauté (physique) de la reine. une beauté qu'elle parrage d'ailleurs avec les déesses. Elle acquiert notamment .lëpithète par le biais de! la fonction d'épouse divine. Les qualificatif.<>

e:;rhéüques ("parfaite-de-visage", "charmante", "aux belles mains portant le sistre", etc.), qui font partie du protocole des épouses divines, sont destinés à ravir le dieu, 3 le cha cm er •v. Cette beau ré n'est donc pas sans implications rituellt:s. I .a divine adoratrice, dont la

~plendeur d'apparence est ain!Ü soulignée dans les rexres, ~~onrente le dieu, qui en retour se montrera propice (,ljr·~•r) .10. À l'inst:lr du roi, l'épithète peut ètrc décernée à la reine en liaison avec le port d'une cou-

ronne : ainsi dit-on d'elle "parfaite-de-visage, plai- sante avec la couronne à deux plumes" (nft:t-~r ~~~ m

~~r~1·) 11, ou encore "parfaite-de-visage" lorsqu'elle manie le sisrre u. Sur un scarabée, le cartouche d'I Iatchepsout fi~ re accompagné de la légende

"parf.lice-dc-vic;,tge dan~ Karnak" (MI't·kl-rr 11jr(.t)-~r m Jpt·~Ht) 11 :il s'agit sûrement, dans ce cas, de souli- gner la dignité divine de la reint!. Lépithète est éga- lement attestée pour la reine à l'époque amarnicn- nc N, puis à la XIX" dynastie, notammcnr pour Nétèrtari H ou pour Mëritamon lh,

Rarement, l'épithète est mise en sintation. Ccst néan- moins le cas dans un rc.xtc t:uncux t:voquant le maria- ge cnrre R~tmsès Il ct sn ti.1t11re épouse hittitc2;·.

J

.c roi

n'avait jamais vu la princc.<;.~C. Mais lorsqu'il l'aperçoit, il est frappé par sa beauté [fig. li :''Alors Sa Maje~té b vit comme une bell(:-de-visage" (~b~ 11 m H.11 st ~~~nfm '!fr.t·

{1r) 28. L;t ~uite du text(: (quelles c1ue soient les d.iffé- relltes versions) est malheureusement muril~e; mais on peut lire encore que la t\tntrt: reine e'>t "h première dentr.: les femme~" Après une la~:unc, préc&lcic d'une mention des m• {"les notables"), on distingue encore le

".l ,, ( ) n . . "Il'

mot nc<·ssc: 1'11.1 • r-eut-etre

y

,,ur.ut-t .1 une compa- r.ùson ~o.nhe b l>eauté de la pnn.:~;Sl-t: ct celle d'une dcc'>'>t: ",m beau vis:~ge", devant ! ... quelle s'emerveille la courl'' ~ Oiroi qu'il en ~oit, cette qualillc-at10n stgn;ùc

lex~eprionnelle beaute de 1:1 prince$SC

Une métonymie laudative

Qyelques attestations, allant de la Première Période intermédiaire à la XVI Il• dynastie, révèlent l'existen- ce de désignations métonymiques particulières, ren- voyant sans doute, pour la plupart, à la personne du souverain, par le biai!' du mot ''vis:.~ge" : ~r pn, "Ce Visage", ~r P"'!(r, "Ce Visage Parfait", ct~,. ~mj, "Le V bage de Ma Majesté".

Dans un graffito de l'île de Séhel, datant de la Xli• dynastie, figme k serment suivant : "(Aussi vrai) que vous vivez pour moi, Cc Visage P:\rfrut vous favo- risera!" ('11[1../n nJ l1s.[11 ~1r pn nji·) 30 [fig. 2j. Au premier abord, on pourrait penser que 1:\ désignation "Cc Visage Parfait" renvoie à un drcu ; tc)tttefo•s, il semble probable que cette désignation sc mpportc au souve- rain. Cette formule de serment (utilisant le verhe

'nb,

.. jurer", "vivre" 11) connaît un parallèle intéressant dans une "lettre au mort~ de la fin de la Première Période inttrmédiaire : "(Aussi vrai que) til \iS pour moi, la Grande (Hathor?) te favorisera et le visage du Grand Dieu (Osirir ?) sera propice (•!fr) pour roi (et il te don- nera du pain pur de ses deux mains)" ('n~.k 11(1) ~r _1w

~1.1 nfr ~1r 11 nf.r 'f Jm 1..) 12 [Hg. 31. À la tlifférem:e de la désignation ~1r pn nfr du grafl:ito de Séhel, le "vi:.-age favorable" renvoie ici :li' aspect propiC(· d'un dieu ano- nyme, qui est probablement Osiris. Q),1oi qu'il en soit, dans un autre! do~ument, b !ÏJrmult.: l11·rm - associée i l'idée de la tân:ur royale - désigne très certainement le sc.luverain. JI $',lgit de la stèle de Hetepi, provenant d'el- Kab ct darant du règne d' Antcf Il : "Ses norabk:s disent :que Cc Visap;c te Cworisc: !" (gd.n s111f{1s tw {w

p11) 13

r n g.

4]. Sekm G. Gabr;l ~~. cet usage du mot

''visage" pour désigner la personne du mi <~st il com- parer avec la dé5ignation métonymique COirr.tnrc ~tr-nl>.

''tout-visage" De l~t SO!tc, il y aur.1it une correspon- dance (implicitt•) entre ".les visagec;", tournure dési- gnant la ma~se, ct ''le ns;t~c" pour renvoyer au ro1.

QJoi qu'il en !>oit, l'usage Je hr pn proLixic sùrcrnent d'une mtcntion laud t1v~: ~t rcspectneu-.t: pour dési- b'I1Cr la pe1~onnt! royale. Dan~ le graffito de Séhd, tout comme dans h ~tèle de Hérepi, le '\·isage·· royal est sujet du vc c "f,.vonser" ·dar s l.t stèle de Hétepi, le pas-;age rrcu \..:nt m.:ntimrn.ut :m~si le fait q\IC "S:t .1\hjesté a loue V,) cet h.tmbh: :.crvitcur pour o.;ch''.

(8)

LE VISAGE DU ROI

Sur une stèle de Ojnrir (XVlll• dynastie,

cf

supra}, la notion de faveur royale apparait également précisé- ment associée au "visage parfait" du

roi.ll est donc possible qu'il y ait une raison justifiant l'usage de cette dési- gnation laudative du roi, au vu du contexte qui évoque Les faveurs du souverain.

La

mention "Ce Visage (Parfait)" pourrait suggérer la présen- ce attentive ~t tàvorablt: du roi. Une autre attestation semble devoir enco- re être à rapprocher de ces exemples.

Dans l'inscription d'Hatchepsout du spéos Artémidos, une tournure plus singulière encore désigne la personne royale : "Le Visage de Ma Majesté a donné la perspicacité aux porteurs du dieu" (~r ~mj djf spd-~1r '' rm11w ntr - Urk.. IV, 388.7-8) 3S. Dans ce cas, la phrase témoigne probablement d'une formulation respectueuse, où le terme

~rr contraste avec ~1111, désignation plus usuelle de la personne du roi. Cette formulation est nre il est vrai, mais elle témoigne, l.à encore, d'une volon- ré de désigner Le roi par circonlocu- tion : le: recours à l'euphémisme dénote certainement une intention de déférence. On notera de surcroît, dans ce cas particulier, que la perspi- cacité - qui est, comme nous l'avons déjà évoqué, une propriété "faciale"

(spd-i~r) détenue par le roi (KRI Il, 235.9, dté supra)-, est donnée par le

"visage" du souverain à celui de ses serviteurs. Nous noterons encore un parallèle, dans un texte datant du règne d'Amenhotep III ; le début et la fin de la phrase sont lacunaires,

m;us on pourrait néanmoins y Lire (sous réserves) :

"[ ... ] le Visage de Ma Majesté a inspiré {litt. "crétj (?) le respect [ ... )" ([ ...

]w

jr br ~mj sflfyt [ ..• ]) ? - Urk. IV, 1727.16).

fg.J

Jarft' d~ Chirago.. OT Museum 13945 D'après G2rdincr.jEA 13. 1919.

27

(9)

28 Yom·i Volokhine

jïg.

4 Stèle <k Hctcpy (dét~il). D',près Glbu, MDAlK 32, 1976, p. 48.

Un visage efficient

Pour conclure, j'aimerais encore attirer l'attention sur le fait que le visage du roi c:st souvent associé à des quali- tés physico-moralcs partü.:ulièrcs. Le mot "visage" sert fréquemment à former des termes composés (forma- tion de type '!fr-~1r) renvoy.tnt à des qualités spéciales de l'individu. Or, la face royale rend à se djstinguer de celle de ses sujets. Si, bien entendu, le roi est forcément por- teur des qualités intellectuelles que l'élite met aussi en avant - comme le fait Jëtre attentif et intelligent (lit.

"ouvert-de-visage", wh1-luY16, perspicace (lit. "acéré-de- visage", spd-~rr) J7 -,le souverain semble aus.<;i révéler des dons spéciaux. En effet, plusieurs tem1es composés désignant les proues~es roy.ùes sont très rarement utili- sés, si hien que lon peut admettre que ces termes ont été fOrgés essentiellement pour parler du roi. C'est le cas de l'épithète "efficient-de-visage" (mnb-(rr), que l'on trouve attestée dans le fameux rouleau de cuir du Musée de Berlin (P.Berl..in 3029), où k roi Sésostris I«

dit de lui-même : "(Je suis) efficient-de-visage, parce que j'ai agi pour (celui) qui m'a créé." .lll

Cerre expression, attestée (rarement) pour désigner une qualité de

la

face osiriennc 1q, n'est pas d'usage pour rendre compte des facultés du commun des mortels. C'est le cas également pour deux expressions que l'on rencontre seulement dans le Conte dr Sinouhé pour iJlustrer le courage du pharaon : celui- ci a les idées claires au combat (son vis<~ge est qua- lifié de "lavé",j<j-~r) 40, et est hardi (lit. "au visage étendu", wd)-~11-) 41En outre, plusieurs désignations guerrières sont relatives à de~ propriétés faciales qui sont surtout l'apanage du roi (au comb;\t) et des divinités redoutables, comme le fair d'être "terri·

fiant-de-visage"

(!'·'·H,-) :

une propriété de la face d'Horus furieu.""< comme un fauve ~2, revendiquée par le roi, tel Ramsès II, impitoyable à ~dech (KRill, 94 § 315) ou terrible contre les Hittites (KRI Il,

141.5) 4J.

Tous ces éléments tendent naturellement à confirmer l'incomparable prestige du visage du roi, signe d'un être exceptionnel et de nature divine.

(10)

LE VISAGE DU ROI

1 Je prépare acrucllement une monographie (u visage drs d~Jx. Approdu d~ /'idmtite divin~ tn Égypu 1111rrrnne}, qui con sis- fera en une version remaniée de ma thèse de docrorat (inédite) Lt visage dam la pmsù tf la rtlrgion de l'Égypte atrân:ne, Université de Genève, 1998.

1 Voir notamment

J .

Z!\NDEE, Der Amunhymnus des Ptifyrus Leiden 1144, verso, voL 3, Leyde, 1992, p. 1032-1037 ; Ph. C~:R.\-IO:>:D, ";\propos de l'expression ~rruji·'heau vi~age': une lecmrc au second degré?", BSEG 4,1980, p. 39-43;

]. Q\JAJ::CEilEUR, s. v. "Ncphcro$", L)i IV, 1982, col. 456-457 ; C. WAGNER,

J.

Q!JAF.<~F.RF.IJR, "Une dédicace grecque au dieu é~;]•pticn JV!estasyrmi~ cle la part de son synode", BIFAO 73, 1973, p. 41-60; D. MF.F.K~, "Zoomorphie et image des dieux en Égypte ancienne",

r.,.

Trmps ddtr Rij1exi~ll 7,1986, p. 171-191, (particulil:rement p. 179) .

.1

J.

BF.Rr.Mmr:-.~r, "Ptah-démiurge ct l'exaltation du ciel", RdE 46,1995, p. 9-41 (particulièrement p. 31-37).

'E. HORNll?\C, D~r Jigyptù.:h< Mytho.r von del'/linmcelskuh, OBO 46, 1982, p. R (version Séthi l", col. 2.1): "Cette déesse sortit à 1':1ubc ct remarqua. que cela r~ œ pay.r) était inonde ; alors son visage en fut parfllit (t!fr 0 ~r lb.s) et eUe sc mit à boire :ce fut bon à son cœur."

; Au niveau formel, cette épithèt.: est un composé que l(>n peut qualifier d'"ex<><:entri<Jue" it la suite de K. ]ANSEI'>-

\Vt~KfUI, "Exo7~ntrische Komposita ais Relativphrasen im :ilreren Agyptisch", z.A'S 121, 1994, p. 51-75, qui rapproche cette formanon du bahuvrÜJi s:mscrit. En d'autres mots, il s'agit d'un composé o.pposirionnel qui remplit le rôle d'une phrase relAtive en attribuam une qualité l la personne .:onccrnée: "parfait-de-visage", sc comprenant comme "Celui qui a un visage parfait".

' A. DAVID, "Composés attributifs c_l(ocmtriques, hypallages ct métaphores", LingAq( 12, 2004, p. 45-51.

r O. MF.f.l(S, •Dieu mL\C}Ué, dieu sans t~te·, Ar<hio-Nil 1, 1991, p. 5-1:; ; (). \VIIJlHNC:, "l.eheimni<VOile Ge~ichter", AntiJ:~ UHt 21, 1990, p. 206-221.

'L. CHRJSTOI'Ht.., • À propos de deux épithètes de Ramsès IV", ASAF. 52,1952, p. 205-206, donne quelques exemples.

• l::n compar~isoo .t\'CC un dieu "parfair·dc-\"Îsage ;,vcc la couronne blanche comme t\roum", KRl V, 285.9; KRl VI, 708.6.

'" Comp~ru a\'CC nfr-IJr

r,

m ypf'S, KR! Il, 309.16. Également KR1 Il, 572.10.

!l Cf le Nom d'llorus utili.<c: (apparemment nne seule fois) pv R.'lrn~$1) · "T~JII'CJu-puiss~M,trfr-~rr, Rê", voir j. MAI.EK,

"The Monument~ record cd b,v Alice l.iedcr in the ·Temple ofVulc<~.n' ;at Memphis in M.1y 1853",}/:"./172, 1986, p. 101- 112 {p:lrticuli~remenr p. 110) ; KR! VI, 385 (3, A).

•: C. HUSSON. L'ojfromü du miroir duns ks trmplcs igyptims dt l'ipoqut grlro·romai11r, Lyon, 1977, p. 131-132 (=

Dmdara lV, 40) .

.. , Url.:.. IV,2071.3: •(), ton vtSagc, roi de l'Égypte" (j ~u:k mw 11 kmt); if. "Le pays entier est en Jcdamation de mon ~age", W. ERJCIISEN, Pupyms llarris 1, p. 4 (3.10).

•• G. Rotmt:.R.A'g)ptiJrht lmthrijim, 1924, p. 128 20376.

1~ An l n 79.2400 pour le vrrbe tlj, "è~re satisfait, s~ rassasier". L. HABACllt, ASAE 52, 1954, p. 4119-493 et pl. 25 pour cc ttl(re. Traduction; KRJ7/Ill/1, 1996, p. 587.

"J'emprunte l'cxprc~sion à E. CASSI:-1, l.u spltlldtur divi11.:. lntroducti~n it la mrntaliti miWJ'Ofanlicmu, Paris, La Haye, 196!1, <)Ui d.Xrit non1brc do.: configurations qui ne sont pa< loin de celles ré\'èlée' Jr.tr Ill pcnste egyptienne.

17 M. Gln'0::-1, L~pouu du dieu AJJmfl Nif.•rtary. Paris, 1975, p. 71 {"ëpirl\(tc l~udati~-c·).

11

J.

WI!'A>:o, "Le lx·Ju ct l'idée du bcw" dans E. \~armenbul (C:d.), &uuNs d'l:.gypte; rdks que ln am 11e ptuvrot moiSJO>m", 1ècigncs, 2002, p. 17-24.

1' M. Gt no:-~,J Lf.CLM>r, LA Ill, 1977, ct~l. 795 .

.!0

J.

Lt::<:LAI\,, LA Ill, 1977, .:ol. 1!13-814.

29

(11)

30 Youri Volokhinc

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q:

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Y Ai.-,\'1 \~RI, //SilE 6!i, 1983, p. ll: "Partait~-de-,~sagt, hcllc dans le pabis" (•t\lrue <'cliCts~alc d~ Mtrlwnon trouvée~ Akhmim).

:·Pour cet c;pi~odr des mariag~$ diplomatiques de Ran1~ès II, voir Cl. ÛllSOME:H, RmJ/stl JI, Pari~. 2012, p. 20R-214.

· K.RI JI, 253.1:3-15 pour les différentes versions. La version choi~ic tci est la vcrsinn 1( (KRill, 253.14 texte du L\ pylône de KJcnak). D. Mc:cks (lln.U:c 79.1511) retient le sens de ''gracieuse".

U,,m 1~ lacune, on pourrait restituer "les nohles (la virent comme) une déesse", ou encore "les nohlt-s (l'honor~Jc:llt

"mmd une déesse".

L. H \RKHI, "Guffiro of rhc Ch.unlx-rlain and Contmller of Works i\nt(f at Sclu:l" ,/El/ 39, 1953, p. 50-59lparticu·

~ · • ment p. 51,1. 10)

J. \\tt so:-~.}NES 7,1948, f.l· 130.

· .\. G \Rl.>l:-.1:1<, • A new Lc:ncr ro the Dead • .]F./116, 1930, p. 19, 1. 7 (Or~nt.'ll lnsritue Museum Chtc-~o n• 13945) . . S. l.>oS:\.\1-BEAt'QJ:IfR, !Jrrir< a w1 m61'1>. F.nquiu sur un u$11g~ rituel de l'it:rir dans I'Égypt< pb<Jt<IDIIÜJ~V, Gn:.noble, 1 1~. p 41-44.

C. G \liRA, "PreliminRIJ' Report on the Srel.l of Htpj from EI-Kab from the !~nu: ofW~h~nkh lnyoœfll", MD/IJK32, 1.'76. p. 45-56, if. fig. 2.p. 48, 1. 4 ~~tl. (i) p. 49.

1 J,n. (m) p. 53.

G :.IU>J'IEI\, "Da,ics's Copy of the Grear Spco~ Artemidos lnscriprion",JEII 32, 1946, p. 43-56 (~rticulii:rcmcnt p 47 : 'TI1c im.ighr (?) of Ill)' august pcrson ~1vc clisccmement to the he:\rers <>f the: god."

q r.

0'1'1'0, Cou IIJU/ Mm.rth nll.·h dm âgyptirrhm 'l:·mpl.:rtiSrh,.iftm dtr gri.Yhiscb-rimtiJdJt11

z,.;,,

Heidelberg, J964, p. 11 t ·117 pour plu~u~urs CX<~mplc$.

Par exemple. le roi est • avisé en toue travail'' (Url:. IV, 1559.5) ; "avise en tout~.s ocs ph~t'l·s" (KR.f 1, l 2.1) ; '\tvi:;c! <"<>mme Cdui ·q~u-<-st-~u-sutl-dc·~on-mur" (KR! I, 140.4); "a"i~é dans l';~rt Je 1:\ ~uerrc" (KIU 11,165.11) ; '':wisé il l'encontre de:

p ''étranger" (KRill, 180.13) .

. \. Dt. Bl!CK, 'The: Huildin!( l.oscription of the Berlin L~ather Roll", //nOl' 17, l9.îR, p. 49, 52; G. POSI:NI!R,

I..i.. r,u r ·t f>Oiitiqut, Paris, t956, p. 130; Ph. DERCIHJ~. "Les dchuts de l'lli<toire (Rouleau de cuir B<!rlin 3029)", IùŒ ·B. !99.:!, p. 25-4ï ; 1. 5111ftliJI:-GRt:\IACH, OjftnhttrlltiJ:. Oml:..-1, tmd Kii"iJ.rsmxJtllc, MT ::!4, t 993, p. 155.

E.A. \. BI •nr,r, Th.- &ok ~fth~ D.-n.l. 1'N Chaptm ofComingJô•th by Dt~l· Londm. 1~9R, p. 482.

R K , Di,. Err.iih!ung d~ Sinub..·, BiA,•,t: 17, Bru.xcllcs,l 99{), p. 34 (R 55-Ç6); if. Wh!, 39.6.

l .. p. • '\ (R 60/R R4-R5). :--Inter le n:mpl.tcemcnr de cette exp~ ion ;>ar un ,)'ll•lnymt : ([llll:ih. "tim-de-m .. =", cLans . .:nL'lir~< (A,~ et (;).

"'P.O cr Hcmy 1, 9.8; A. G.\RDII'-ER, f.nfc'-Egyptùm SIGriei, BiA.-g l, llruxcll~. 1912, p. 4'1.13.

LCxJ:

Tt .:'t encurc utili<;ec à l'éJ"><J.UC ptolérnalquc, tf par exemple Et!fou I, 113 4-S; Il,l46.7.

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