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Appropriation d'un changement technico-organisationnel et perspectives de formation

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Appropriation d'un changement technico-organisationnel et perspectives de formation

CROSET, Dominique

Abstract

Cette recherche empirique vise à comprendre l'élaboration et la transmission de pratiques.

L'étude s'appuie sur le déploiement de l'activité d'un conducteur de scie dans un nouvel environnement de travail et de traces fournies par l'environnement de référence. L'approche d'anthropologie sociale et d'analyse de l'activité orientée ‘cours d'action' met en lumière l'activité d'un collectif engagé à répondre aux demandes du Lean Management dans un contexte d'innovation technologique en milieu industriel. Les outils méthodologiques convoqués ciblent des événements qui actent de l'activité des protagonistes. Les résultats montrent la richesse des interactions et la difficulté à rendre compte du processus d'appropriation et de transformation dans cet environnement qui se construit parallèlement à l'étude...

CROSET, Dominique. Appropriation d'un changement technico-organisationnel et perspectives de formation. Master : Univ. Genève, 2015

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:78003

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APPROPRIATION D’UN CHANGEMENT TECHNICO-ORGANISATIONNEL ET PERSPECTIVES DE FORMATION

Activité d’un conducteur de scie dans l’appropriation d’une nouvelle machine de haute technologie dans le cadre d’un projet global de la production industrielle et enjeux de professionnalisation de formatrice dans les organisations.

« ON SAIT PAS COMMENT ÇA SE FAIT, MAIS ÇA SE FAIT »

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE SCIENCES DE L’EDUCATION

ORIENTATION FORMATION DES ADULTES (FA)

PAR

Dominique CROSET

CO-DIRECTION DE MÉMOIRE

Marc DURAND Professeur Ordinaire

Germain POIZAT Maître d’enseignement et de recherche

JURY

Annie GOUDEAUX Chargée d’enseignement

Johan BOUCHAT Responsable Unité de Production

GENEVE, SEPTEMBRE 2015

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION SECTION SCIENCES DE L’EDUCATION

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RESUME

Cette recherche empirique vise à comprendre l’élaboration et la transmission de pratiques.

L’étude s’appuie sur le déploiement de l’activité d’un conducteur de scie dans un nouvel environnement de travail et de traces fournies par l’environnement de référence.

L’approche d’anthropologie sociale et d’analyse de l’activité orientée ‘cours d’action’ met en lumière l’activité d’un collectif engagé à répondre aux demandes du Lean Management dans un contexte d’innovation technologique en milieu industriel. Les outils méthodologiques convoqués ciblent des événements qui actent de l’activité des protagonistes.

Les résultats montrent la richesse des interactions et la difficulté à rendre compte du processus d’appropriation et de transformation dans cet environnement qui se construit parallèlement à l’étude.

L’intérêt de la formation in situ, collaborative, en contexte de changement est réel. Dans cette perspective, l’élaboration d’une technologie de la formation exige une synergie dans l’entreprise engageant une vision partagée des orientations et de leur efficacité sur le terrain.

Mots-clefs : Appropriation, transformation, engagement, Lean Manufacturing, culture d’entreprise, méthodes, formation, conception, innovation technologique, développement organisationnel et humain, lien.

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Remerciements

Les rencontres sont des engagements dans l’instant : ils rendent la vie authentique.

Je remercie très sincèrement l’entreprise qui a ouvert ses portes et toute l’équipe du projet P27 sans qui cette aventure n’aurait pas eu lieu, pour tous les échanges professionnels, les questionnements sur l’enjeu de l’outil technologique, et la problématique de la formation : Emmanuel Ardja et Julien Métral qui ont accepté ma caméra dans leur quotidien de travail, Jérôme Croset, Gilles Exertier, Sandra Dupont, Pierre Favre , Christophe Giachetti et Johan Bouchat ; l’équipe du changement de lames, Philippe Hébert, Vincent Gallay ; les techniciens allemands qui ont accepté ma présence et Frank Berger pour le partage devant la mise en route de la scie B ; l’équipe de la scie H., Jacky Avrillon et Frank Barrot ; Emmanuel Fournier, Jean Fournier ; tous les agents et cadres qui m’ont ouvert leur porte et/ou ont partagé leur métier le temps d’un échange à la pause café.

Mes remerciements vont aussi à l’équipe du Master FA-Sciences de l’éducation de l’Université de Genève qui, par sa diversité et ses ancrages universitaires et professionnels, a contribué au changement. Je tiens à saluer l’écoute de chaque enseignant-formateur sollicité lors de ce parcours universitaire ; à Annie Goudeaux, Germain Poizat et Marc Durand, pour l’ouverture que ce travail sur l’analyse de l’activité a favorisé, et tout ce que cela montre et implique d’une connaissance jamais satisfaite, toujours en quête ; aux collègues du Master pour les échanges d’expériences sur la formation d’adultes et les contextes de travail, avec une pensée spécifique à Jean-Jacques Putinier, Dominique Stoeckli , et à Alain Titone pour son soutien moral et logistique.

Et mes remerciements chaleureux à Claudio Domeniconi pour le havre de paix ; Joey Maniglio pour son travail vidéo ; Sophie Collonge pour ses guidages informatiques et sa patience; Marie-Charlotte Bailly pour les partages sur l’analyse de l’activité, sa lecture dans le flux de mon activité ; Sylvie Lochmann pour la relecture et nos retrouvailles ; Béatrice Bergoënd pour le travail dans les méandres complexes de l’inconscient ; et pour leur soutien et leur foi, sans faille : Cathy Verne, Christel Isard, Sandra Nillesen, Giselle Aguinagga, Isabelle Caron, Nicole Wood, Analisa Alegri, Stephane Ravel, Renaud Belliard, Mhamed Saby, et la classe 86 de mon village natal.

Merci au Lac, sa Dame et les instants photos ;

A mes enfants, Célia, Arsène et Sofiane pour être ce qu’ils sont et leur grandeur de

cœur. A MON PERE

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« Le concept, c’est la main, avec ses doigts gourds ou agiles, le nez, le corps tout entier, dans le concept il y a du sang, de la sueur, de la terre, du sel, l’eau des rivières, la neige des montagnes, les loups et les hiboux … Chaque espèce réussit l’adaptation à son milieu, en joue et en devient maîtresse, chaque espèce « connaît son monde ».

Pour connaître le nôtre, il nous faut voler comme l’aigle, travailler le bois comme le castor, enseigner avec autant de finesse qu’un loup, briller comme une étoile… » Michel Serres, Le gaucher boiteux, figures de la pensée, Editions Le Pommier, 2015.

In Libération, article du samedi 27 et dimanche 28 juin 2015, p.50.

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Table des matières

RESUME 2  

REMERCIEMENTS 3  

PARTIE 1   INTRODUCTION 7  

CHAPITRE 1.1-CONTEXTE 8  

CHAPITRE 1.2-PROBLEMATISATION 11  

1.2.1LA QUESTION INITIALE DE TERRAIN 11  

1.2.2LA QUESTION DE RECHERCHE 12  

PARTIE 2 CADRE THEORIQUE 14  

CHAPITRE 2.1REVUE DE LITTERATURE 14  

2.1.1LA NOTION DE LEAN MANUFACTURING, LA NOTION DE FLUX ET LACTIVITE DANS LE SUPPLY CHAIN : UN MODE DE FONCTIONNEMENT DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES 15   2.1.2LE TRAVAIL ET SES DIMENSIONS : EXPERIENCE, CONNAISSANCE ET CULTURE 20   2.1.3LA NOTION DAPPROPRIATIONOU LIDEE DUN PROCESSUS HUMAIN CREATIF 21  

CHAPITRE 2.2APPROCHE THEORIQUE 25  

2.2.1LE COURS DACTION POUR PENSER LACTIVITE HUMAINE 25  

2.2.2. a – L’énaction et la conscience pré-réflexive 26  

2.2.2. b – L’activité dans le cours d’action 27  

2.2.2-COURS DEXPERIENCE, COURS DIN-FORMATION ET COURS DE VIE RELATIF A UNE PRATIQUE 29   2.2.3LE PRINCIPE DU PRIMAT DE LINTRINSEQUE ET LA NOTION DE SIGNES 30   2.2.4LE SIGNE HEXADIQUE COMME MODE DAPPREHENSION DU MONDE 30  

2.2.4. a – Les composantes du signe hexadique 31  

CHAPITRE 2.3ENQUETE COLLABORATIVE 35  

2.3.1.ELABORATION DE LA DEMANDE 35  

2.3.1. a – La notion d’enquête 37  

2.3.1. b – Posture de recherche et notion d’éthique 37  

2.3.2.ELABORATION DE LOBSERVATOIRE 38  

2.3.1. a – Entretiens formels et informels 38  

2.3.2. b – Observation directe 38  

2.3.2. c – Observation participante 39  

2.3.2. d – La vidéo 39  

2.3.2. e– L’autoconfrontation : une remise en situation dynamique 40  

PARTIE 3 METHODE 42  

CHAPITRE 3.1LE DISPOSITIF DANALYSE 42  

3.1.1PARTICIPANTS 42  

3.1.2PROCEDURES 44  

3.1.3RECUEIL DES DONNEES 45  

3.1. 3. a - Entretiens 45  

3.1.3. b - Films et AC 45  

3.1.3. c - Prises audio 46  

3.1.3. d – Prises de notes et documents de terrain 46  

CHAPITRE 3.2ANALYSE DES DONNEES 49  

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PARTIE 4 RESULTATS 54   CHAPITRE 4.1.LE PROCESSUS DES EVENEMENTS EMBLEMATIQUES 55   4.1.1APPRENDRE : UNE TRANSFORMATION DANS LE COURS DACTIVITE DU TRAVAIL 55   4.1.2RESULTATS DES EVENEMENTS QUI RENDENT COMPTE DU PROCESSUS DAPPROPRIATION ET DES

TRANSFORMATIONS EN CONTEXTE 58  

4.1.2. a – Evènement 1 58  

4.1.2. a – Evènement 2 62  

4.1.2. c – Evènement 3 69  

4.1.2. d – Evènement 4 75  

4.1.2. e – Evènement 5 81  

PARTIE 5 DISCUSSION 90  

CONCLUSION 101  

REFERENCES 102  

ANNEXES 109  

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PARTIE 1 Introduction

Dans le cadre de la validation du Master en Sciences de l’éducation – Formation des adultes à l’Université de Genève, le mémoire à réaliser demande à endosser l’habit de chercheuse. La construction de cette posture ouvre un axe de professionnalisation comme formatrice dans le champ des parcours professionnel et personnel, individuel et collectif, des adultes.

Ainsi, notre choix en vue de cette professionnalisation s’exerce sur un mode d’engagement ethnographique tel que le définit Céfaï (2010) :

Une démarche d’enquête, qui s’appuie sur une observation prolongée, continue ou fractionnée, d’un milieu, de situations ou d’activités, adossée à des savoir-faire qui comprennent l’accès au(x) terrain(s), (...) se faire accepter, gagner la confiance, trouver sa place, savoir en sortir (…), la prise de notes la plus dense et la plus précise possible et/ou l’enregistrement audio ou vidéo de séquences d’activités in situ » (p. 1).

Dans notre parcours de formation, le mémoire représente un objet technique d’individuation et de transformation (Simondon, 2012). Autrement dit, notre pensée de la formation s’est élaborée et spécifiée dans l’usage des outils méthodologiques convoqués. Cet usage, réalisé dans un contexte de travail spécifique, concourt au développement et à l’efficacité de notre posture de formatrice.

Notre objet d’étude invite à rencontrer des hommes et des femmes qui oeuvrent dans leur cœur de métier et ce, dans le contexte industriel de l’aménagement en meubles de cuisine, salle de bains et rangement. Le terrain de recherche se situe en France, dans les Alpes du Nord, au cœur d’une vallée touristique. Le choix de notre sujet et du contexte n’est pas hors- sol : il s’enchâsse dans un parcours personnel et dans une volonté de compréhension de ce qui fait sens pour agir dans la complexité d’un monde dit moderne, et plus spécifiquement de la place occupée par la formation dans le cadre d’un management industriel.

Dans le Chapitre 1.1– Contexte, nous situons notre recherche sur le terrain spécifique et généralisable de l’entreprise industrielle de production de meubles.

Le Chapitre 1.2 – Problématisation rend compte de la mise en abyme du questionnement initial. Nous exposons notre démarche compréhensive de la problématique qui n’est pas

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donnée a priori mais qui se construit dans le temps de recherche. L’intention première de notre étude évolue, pour ainsi dire, au fil des prises de contact et de l’immersion dans le terrain d’activité.

Chapitre 1.1 - Contexte

L’entreprise M. est historiquement une entreprise familiale d’artisans du bois. Elle s’est structurée au cours de la seconde moitié du 20e siècle autour de la production de meubles de cuisine dite “aménagée” et à partir des années 90, dans la production de meubles de salle de bain et de rangement. L’entreprise se définit aujourd’hui comme “acteur de l’habitat”.

Notre intention initiale dans l’approche de ce contexte vise à comprendre la ou les manières dont se réalisent les transmissions de savoir dans le cadre d’une entreprise de production représentative d’un contexte de travail dit familial et de l’évolution des techniques industrielles.

Chez M., le bois constitue la matière première d’un produit entrant dit “brut” à un produit fini que le client a déjà acheté. Mais l’entreprise a changé de métier : “nous ne sommes plus des artisans mais des assembliers” (BF, entretien n°070214).

Deux événements historiques marquent durablement les ères de changements de l’entreprise.

Ces changements particuliers rendent comptent de l’évolution des manières de faire des opérateurs et opératrices dans les ateliers de production.

Quand je suis rentré [années 50], les machines, c’était des machines d’artisan, la raboteuse, la toupie. Tout des machines simples. Et quand on faisait un meuble, on refaisait neuf reprises d’opération. (JF, entretien n°060412, p.3, l.40)

L’évolution industrielle des quantités “est venue par (…) le besoin de faire plus” (JF, retraité, bureau d’études, entretien n°060412, p.3, l.33) dans le contexte des années 55 d’une création massive de logements sociaux. L’entreprise répond à un concours national au niveau d’une commune de la région parisienne et développe sa masse productive et ses manières de faire.

Le second événement est “une secousse” qui exige de “rebâtir des modèles organisationnels”

(CG, directeur technique, entretien n°140314). Dans les années 2005-2006, l’entreprise passe en effet d’une production par stock à une production de type composant ou unitaire dans un nouveau site de production qui voit le jour à la fin des années 80. Pour répondre aux

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exigences de la mise en œuvre des changements, l’organisation fait appel à des structures de consulting : “Des équipes de formation, entre les experts, entre les employés, (…) à tous les niveaux, sur les équipements et sur les organisations (…)” (PF, responsable méthode, entretien n°030714) sont réalisées. Des modules de formation sont élaborés sur le logiciel Powerpoint. Ces modules théoriques sont construits à partir d’une vision globale du fonctionnement de l’outil de production dans l’entreprise.

Cette restructuration profonde de l’entreprise engagée dans les années 2000 voit une forme d’apogée avec le projet dit P27. Ce projet vise à restructurer tout un environnement de production autour d’une création technologique de scie permettant de débiter à l’unité – la pièce unique pour un client ciblé et exigeant et une clientèle diversifiée du point de vue des attentes dans les différents espaces de vente.

Le projet P27 entre dans la lignée de la “3ème génération +” (JB, entretien n°280314) de machine de l’atelier Unité de production de l’entreprise. C’est sur ce projet aux “enjeux humains et technologiques” (PF, entretien n°030714) que notre recherche prend place.

Suite au premier entretien avec le directeur technique, nous intégrons l’équipe du secteur du débit-usinage, secteur nommé le “cœur du métier”. Dans ce contexte spécifique, nous sommes mise en lien avec les agents du secteur détachés sur le projet P27. Ce projet impose un

“changement de braquet” à l’usinage des pièces signifiant pour les hommes et les femmes qui font le travail “l’acquisition de savoir-faire dans un nouveau contexte à créer” (CG, entretien n°140314).

L’accord des protagonistes à intégrer l’objet de notre recherche se fait lors de la présentation du projet de recherche à l’équipe P27. Cette équipe spécifique est constituée de JB, responsable de production sur l’atelier 11 ; JC, responsable débit ; EA, conducteur de scie ; JM, agent technique ainsi que GE, agent méthode-logistique. D’autres agents viennent, au fil de notre temps sur le terrain compléter ce groupe initial.

L’ensemble des protagonistes avec qui nous avons collaboré contribue à l’investigation et la compréhension du système de production et de l’entreprise.

Extrait entretien n°280314 du responsable UP

« P27 : (c’est) un énorme cube robotisé, (une) détection B-er (nom de la cellule électronique) de défauts, une plaqueuse collage laser. C’est l’ouverture sur un système : les données arrivent du système dans la machine – outil (dans la visée de) fabriquer au besoin ».

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La dynamique de croissance est constitutive des entreprises de production et se fait en lien avec l’évolution des marchés et la loi de “la demande client”.

Pour répondre à la demande, voire aujourd’hui l’anticiper, l’innovation technologique est recherchée : cette innovation implique, entre autres, une réorganisation des zones de production. Ce processus de déploiement bousculent les pratiques jusqu’alors convenables et contenantes, au sens de Simondon (2012). Autrement dit “le changement de braquet ” qu’impose le processus de création de valeur de P27 implique que les pratiques qui fonctionnaient dans un contexte donnée soient re-visitées dans la visée performative du projet en cours. Cela concourt dès lors à un penser du métier qui soit autre pour répondre à “la complexité croissante des processus de création de valeur (qui) sollicite de plus en plus intimement et collectivement chacun dans des dimensions de la performance qu’il faut d’abord connaître et identifier, puis ‘tenir ensemble’” (Hubault, p.3, 2005).

Ainsi, un système de mise en concurrence se construit à tous les niveaux de l’entreprise. La performance s’invite à tous les étages de la structure. Le responsable de production est attendu sur le bon choix de sa “dream team”, l’équipe idéale (JB, responsable UP). Les opérateurs-techniciens se demandent, “suis-je à la hauteur des attentes ?” (EA, conducteur de scie, prise de notes n°180414) tout en travaillant dans le contexte instable d’un projet qui se réalise dans le cours du travail et de l’organisation des moyens humains qui se structure en parallèle. Désormais, la “communauté de pratiques” (Lave & Wenger, 1991) se divisent en

“secteurs de travail desquels est attendue une autonomie croissante de fonctionnement et de réalisation” (EF, entretien n°011014).

Cependant, face à ce mouvement perpétuel, la demande du directeur technique aujourd’hui reste identique à celle de 2005 : la nécessité de construire un dispositif pour “transmettre ce que l’on veut faire par rapport à ce que l’on fait” (CG, entretien n°140314).

De même, ce directeur technique pointe la notion de formation telle qu’elle s’envisage dans l’entreprise actuelle : “on veut se baser sur du connu, un support qui déroule, une logistique de formation” (CG, entretien n°230714). Or, l’enjeu de la transmission dans l’entreprise s’inscrit dans “l’écrémage du savoir” (JB, entretien n°280314) et dans “la perte d’informations (…) d’une information qui se dilue” au fil de la succession des générations de machine-outil et ce, face au défi de “former et faire monter rapidement les gens en compétences” (JC, entretien n°260114).

Ainsi, la problématisation de notre question de recherche se co-construit dans ce contexte de collaboration et des échanges actés au cœur de l’organisation. Dans cette demande récurrente

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et différemment formulée de “développer un savoir en interne” (JC, entretien n°260114), la question de l’appropriation en contexte de changement devient centrale.

De périphérique, notre question initiale sur la transmission du savoir vient se rattacher au cœur du travail des hommes et des femmes qui le font. Dès lors, nous touchons le processus de transformation par la notion d’appropriation d’un nouvel outil technologique et de son environnement.

Dans cette exigence de rebâtir des modèles organisationnels et la volonté d’envisager les modes opératoires (ce que l’on fait et ce que l’on veut faire) d’un point du vue technique et humain, nous convoquons le modèle des deux registres, “registre I et registre II” de Schwartz (1988, p.24).

Le registre I de transformation touche l’aspect segmentaire, descriptible et codifiable du processus. Dans notre cas d’étude, cela touche le passage du travail sur l’ancienne scie ou scie H. au travail sur la nouvelle scie ou scie B. et les contingences exploitables pour l’organisation future.

Le registre II s’adresse aux transformations des hommes et des femmes. Et dans notre cas d’étude, ce qu’il advient de leur engagement dans l’appropriation, et le fonctionnement, de ce nouvel état technologique et organisationnel.

Chapitre 1.2 - Problématisation

La période de recherche sur le terrain intervient de janvier 2014 à juillet 2014. Cette période dense est balisée par un entretien exploratoire en mai 2012 et un entretien complémentaire en octobre 2014. Ces différentes phases participent du processus de construction de la demande.

La visée itérative du processus est constitutive de la recherche orientée analyse de l’activité et

‘cours d’action’ – orientations que nous développons au Chapitre 2.2 – Concepts théoriques.

Cette méthode de recherche s’inscrit dans la volonté d’un développement interactif et collaboratif du travail humain.

1.2.1 – La question initiale de terrain

C’est la question saillante des premières approches du terrain.

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La question est la suivante :

- Que se passe-t-il lors de l’appropriation d’un nouvel outil technologique dans un contexte de production industrielle ?

- Le faisceau de questions auquel se rattache cette question centrale est : o Par rapport à l’ancienne scie – la scie H. :

§ Qu’est-ce qui est pris en compte de l’expérience de l’ancien outil ?

§ Comment la relation ancien/nouvel outil se matérialise-t-elle sur le terrain, dans le quotidien des acteurs ?

o Par rapport à la nouvelle scie – la scie B. :

§ Quelles sont les attentes des acteurs ?

§ Quand et comment s’expriment ces attentes ?

§ Quels sont les espaces collaboratifs ?

§ Quelles informations sont gardées lors de la formation du conducteur de scie ?

§ Les étapes de la mise en route de la scie et de son évolution technique doivent-elles s’intégrer dans un processus de formation ?

1.2.2 – La question de recherche

C’est une question qui est le fruit des échanges sur le terrain.

Elle se manifeste ainsi :

- Accompagner le changement ou accompagner l’appropriation des acteurs à ce changement ?

- La recherche se centre sur la place du formateur-chercheur et son rôle sur les lieux de travail.

Selon une “approche de la formation centrée sur l’activité” (Durand, 2006), nous formulons diverses questions:

- Quels sont les usages de la machine qui vont permettre l’appropriation par les opérateurs-techniciens de leur propre activité ?

- La vidéo peut-elle être envisagée comme un outil substantiel, “un retour sur soi”

nécessaire à l’appropriation d’un outil en constante évolution ?

- Des temps d’échanges structurés pourraient-ils être envisagés dans le temps libéré par l’automatisation des machines ?

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- La performance de la structure peut-elle se lier à une performance de la transmission dans des espaces à créer associant des acteurs des différents secteurs de l’entreprise et liés à la recherche et au développement ?

Notre question de recherche vise à appréhender le savoir-professionnel, cette énigme à laquelle a fait place le métier accompagné d’antan.

Le savoir-professionnel est en mutation constante. Ses caractéristiques sont les suivantes : - heuristique et éclectique,

- combinatoire, - procédurale,

- invisible quand “tout marche” et visible avec les aléas,

- expressif de manière individuel (le style) et collective (le geste), - incarné par une culture propre et commune.

Le défi vers la résolution de notre intrigue sur l’appropriation et la transformation en contexte industriel innovant est de saisir cette notion d’appropriation dans l’action, dans la collaboration et l’échange avec les agents de terrain.

Notre recherche questionne l’articulation entre des “méthodes à capitaliser” (CG, entretien n°140314) pour répondre aux exigences de production et l’activité nécessaire à déployer par les hommes et les femmes de terrain pour “agir en situation et atteindre une performance”

(Jobert, 2013, p.33). Nous cherchons, ainsi, à apporter notre contribution dans l’approche de l’énigme que constitue non plus seulement la faculté à résoudre un problème mais celle de

“pénétrer un monde partagé” (Varela, 1996, p.113).

L’objectif de notre recherche est de résoudre cette intrigue, ou tout au moins de rendre compte de quelques perspectives utiles à la formation en contexte de travail.

La formation apparaît comme intégrative du développement des compétences comme du bien-être, physique, social et mental, des personnes qui œuvrent, au sens de l’œuvre comme action d’insertion au monde de Hannah Arendt (1961/1983, p.233).

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PARTIE 2 CADRE THEORIQUE

Dans le Chapitre 2.1, nous convoquons une revue de littérature. Cette revue situe notre propos de recherche spécifique dans la base de données scientifiques à notre disposition.

Le Chapitre 2..2 développe les concepts théoriques sur lesquels s’appuie notre démarche de recherche et d’analyse des données. La démarche est itérative et incrémentale : c’est dans la friction avec le terrain qu’émerge le sens caché de nos interrogations initiales.

En effet, nous ne développons pas des hypothèses a priori. Notre parcours de recherche s’inscrit dans “la temporalité de la vie” (Varela, 1989, p.113) qui est celle de l’entreprise qui nous accepte, et plus spécifiquement les protagonistes dans leur activité au cœur de l’Atelier 11 de l’Unité de production débit-usinage

Chapitre 2.1 – Revue de littérature

Dans l’activité située que constitue le processus de recherche, cette revue de littérature s’inscrit dans différents champs de pratique afin de rendre compte, autant que faire se peut, de la réalité.

Notre visée est de mettre en perspective le vécu de chercheuse avec l’objet de professionnalisation que constitue la recherche. L’intention est triple et articule: a) la compréhension technique, organisationnelle et humaine du contexte; b) l’analyse des données issues de ce terrain spécifique, et c) la montée en généralisation des données qui s’inscrit dans des pratiques de recherche et développement, soit dit de recherche “utile”.

Le Paragraphe §2.1.1 délimite le discours managérial de production constitutif du terrain de recherche. L’intention est de se saisir de la notion de Lean Manufacturing qui organise les entreprises de gestion de production industrielle et comprendre comment l’entreprise M., environnement de notre recherche, est constituée d’un historique singulier et d’un monde commun.

Le Paragraphe §2.1.2 interroge le travail entre expérience, connaissance et culture à la lumière du courant d’ergonomie française dans lequel s’inscrit le programme empirique et

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technologique du cours d’action (Theureau, 2009). Ce courant de pensée et d’actions fait l’objet d’une tension organique ou ontologique : réaliser l’articulation de deux objectifs que sont, a) “(d)’une part un objectif centré sur les organisations et leur performance (…) (lié aux notions d’) efficacité, productivité, fiabilité, qualité, durabilité (…)” ; et b) “(…) un objectif centré sur les personnes, (appelant les) dimensions de sécurité, santé, confort, facilité d’usage, satisfaction, intérêt du travail (...)” (Falzon, 2004, cité par Daniellou, Dugué, Petit, 2010, p.3).

Le Paragraphe §2.1.3 délimite le concept d’appropriation dans une approche orientée socio- culturelle.

2.1.1 – La notion de Lean Manufacturing, la notion de flux et l’activité dans le supply chain : un mode de fonctionnement des entreprises industrielles

Le Lean qualifie la manière de gérer la production. Cette gestion implique un processus de fonctionnement humain et technologique par l’usage d’outils communs et spécifiques d’amélioration, tels que le Kanban, Obaya, les 5S, les 5M1. Notre propos n’est pas de détailler cette terminologie, ni le fonctionnement de ce type de management mais de cerner les principes organisateurs et les enjeux qui s’y réfèrent dans le contexte exigeant pour l’entreprise de la mise en place d’un nouvel environnement de pratique (“nouveaux métiers”) et de production.

En préambule de ce volet, nous faisons une détour par la définition du terme anglais de Lean telle que stipulée dans le Harrap’s shorter : “maigre, allégé, mince” et aussi “pauvre”. Les mots étant porteurs de sens et d’action, cette définition interroge le cap et la philosophie qui sous-tend, dans un contexte et une période donnée, les entreprises à ‘alléger’ leur processus de fabrication. En quoi et comment le facteur de transformation inhérent aux entreprises industrielles nécessite de “faire régime” ; et sur quoi, sur qui, porte cet allègement. Dès lors, nous pouvons interroger le fonctionnement de l’entreprise sur : comment est pensée l’appropriation dans ce contexte ? Quels sont les acteurs concernés par l’élaboration et la mise en œuvre, dans l’activité de travail, du processus d’appropriation et de transformation.

1Le Kanban, Obaya, les 5S, les 5M contribuent à la mise en œuvre des fondations du Lean que sont : “management visuel ou piloter avec les yeux ; la standardisation dont l’objectif est de reproduire une façon de faire qui a prouvé son efficacité et favorise le travail en commun ; la stabilité des flux de production car il est plus facile d’être agile et performant dans un monde organisé que dans le chaos”(Pillet & al, 2014, pp.309-310).

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Nous proposons une mise en exergue de la notion de Lean afin de comprendre le monde dans lequel s’ancre notre travail de recherche. La notion de monde est entendue au sens de champ de pratique spécifique qui définit des manières de voir et d’agir particulières.

Dans l’histoire industrielle, le Lean intègre les enjeux organisationnels de la gestion de production dont l’objectif principal est “produire ce qui est déjà vendu”. En ce sens, l’entreprise se doit d’être réactive, avec une adaptation rapide et permanente ; et proactive qui induit “la capacité d’influencer l’évolution des marchés, donc d’y introduire des produits nouveaux, avant les concurrents” (Pillet ; Martin-Bonnefous ; Bonnefous ; Courtois, 2014, p.7).

Le Lean c’est “l’entreprise en mouvement” (Pillet & al, 2014, p.320) : allégée, elle fonde son action sur “le management visuel, la standardisation et la stabilité des flux de production”. Le développement de l’entreprise se pense par l’activité qui est l’activité des processus propres à la logistique des entreprises dites Lean. La logistique, initialement “gestion des moyens de transport pour mettre à disposition des ressources les stocks nécessaires afin d’éviter toute situation de rupture” (p.235), est entendue actuellement, dans son concept de logistique globale, comme “la gestion des flux et son accélération comme dans un pipe-line” (Samii, A.K., cité par Pillet & al., 2014, p.236) ; d’après les auteurs, le terme pipe-line, par sa forme linéaire et fermée, fait référence à la notion d’efficacité. Cette image est reprise dans le concept de “supply chain”.

La notion de supply chain regroupe des activités en processus qui “(...) transforme(nt) des éléments d’entrée en éléments de sortie” comme le définit la norme ISO 90002.

La supply chain, constitutive de la création de la chaîne de valeur ou valeur ajoutée du produit, vise à la constante “amélioration des processus majeurs (...) (qui) implique la prise en compte permanente du client, la disparition des frontières entre fonctions, un regard transversal sur les entreprises qui implique le personnel, les technologies et l’information” (Pillet & al., 2014, p.

238). Or, paradoxalement aux intentions constitutives de la supply chain, les auteurs dissocient une chaîne de valeur externe à l’entreprise que sont le fournisseur, le distributeur et le client, d’une chaîne de valeur interne à l’organisation représentée par des activités principales situées en bas des activités de soutien (voir schémas p.17). La dissociation de ce qui constitue la valeur interne et la valeur externe interpelle, tout autant que la verticalisation

2La norme ISO est un concept de qualité des entreprises de production dite globale. Ce concept est un des outils du management industriel.

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des activités de soutien et activités principales dans un processus annoncé comme horizontal avec la “disparition des frontières entre fonctions” (Pillet & al., 2014, p.238).

La chaîne de valeur interne à l’organisation

(Pillet, Martin-Bonnefous ; Bonnefous ; Courtois ; 2014, p.240)

La chaîne de valeur externe à l’organisation

(Pillet, Martin-Bonnefous ; Bonnefous ; Courtois ; 2014, p.241)

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Dans le schéma de la chaîne de valeur interne à l’organisation où s’ancre notre activité de recherche, la notion d’activité est associée à la notion de tâche : “une activité est une ensemble de tâches élémentaires (…) elle est étroitement liée à ce qui se passe réellement dans le fonctionnement de l’organisation” (Pillet & al, 2014, p.239). Les tâches sont représentées par des activités principales ou de soutien dans l’intention du profit que doivent générer ces activités. Le client final, comme “point de départ” de la fabrication du produit est absent du schéma de la chaîne de valeur interne. Tout autant, l’activité humaine générée par les hommes et les femmes qui créent le produit, et ce aux différentes strates de l’organisation, n’apparaît pas dans le processus de valorisation du produit. Il est question, “d’activités qu’il faudra supprimer (…), d’activités inutiles et d’activités qui manquent (…), de délocalisation d’une partie des activités” (Pillet & al, pp.242-243) mais nulle trace du travail réalisé ou à réaliser, ni des “personnes (qui) s’engagent véritablement à respecter les choix décidés”

(p.245).

Si nous reprenons les principes de l’ergonomie française, c’est dans cette tension existante entre le pôle organisationnel et le pôle humain que se situe le travail de recherche en analyse du travail ou analyse de l’activité. Selon De Montmollin (1974, cité par Wisner, 1985), “on ne peut pas expliquer le travail en le décomposant en gestes élémentaires, on ne peut que le décrire”. Cela signifie que la réponse ou l’action visible du conducteur de scie pour s’approprier la scie B. dans un nouveau contexte organisationnel ne dit rien des signaux qui permettent sa transformation. De fait, les solutions trouvées par le conducteur de scie en contexte et de manière conjointe à l’évolution de ce contexte font partie d’un “immédiat de situation” que le conducteur incorpore en faisant. Or, ces solutions immédiates propres au protagoniste et à l’expérience vécue des interactions en activité sont inaccessibles aux conducteurs qui ne participent pas au processus de développement de la scie dans son contexte de gestion et d’exploitation. Ainsi, la mise en place de dispositif par tâches, compétences et procédures devient problématique car dans ces dispositifs de codage de l’activité ne sont pas pris en compte les signaux qui ancrent les solutions trouvées par le conducteur et qui permettent son organisation émotionnelle, corporelle et intellectuelle dans la réalisation de son activité.

De plus, la mise en forme linéaire de la chaîne de valeur tend à déposséder le protagoniste du processus d’appropriation de l’usage de la scie B. et de ses transformations successives. La perte du contexte d’émergence de la performance du conducteur efface (momentanément) la complexité des réorganisations nécessaires pour conduire le changement organisationnel de la

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gestion de production. En effet, chacun des acteurs met en place des stratégies de fonctionnement et de développement pour entrer, avec compétence, dans le flux imposé mais ces stratégies déployées par les protagonistes aux cours de leur activité de travail sont, a) non actées par les managers et dirigeants comme ressources existantes et potentiellement utilisables dans la globalité du fonctionnement de l’entreprise, b) récupérés par les managers pour construire de la procédure sans tenir compte de l’engagement et des interactions qui conduisent à l’efficacité de ces savoirs sur le terrain de la performance de production. Ce qui préoccupe les managers c’est le résultat visible à court terme : la ligne secondaire tourne comme prévu en septembre 2014. Cette performance du résultat met alors sur la berge ce que le processus d’appropriation de l’outil a pu engager de soi chez les protagonistes pour produire de la règle (Schwartz, 1988) et faire en sorte, collectivement, que le fonctionnement de l’outil réponde aux injonctions du cahier des charges et des intentions des dirigeants.

Le Bortef (2000) constate par ailleurs que “l’ingénierie d’une organisation professionnalisante”

s’appuie sur la création “d’un milieu ou un environnement favorables à l’émergence des actions compétentes” (p.393); ainsi, “l’agir avec compétence” articule les notions de savoir agir, vouloir agir et pouvoir agir, sachant qu’une “organisation du travail taylorienne n’autorisera que la mise en œuvre de compétences réduites à des savoir-faire morcelés” (Le Bortef, 2000, p.394).

Dans une perspective de mise en œuvre systémique d’une stratégie de changement, Malarewicz argumente l’idée que “les solutions immédiates importent moins que l’anticipation des changements ultérieurs” (2012, p.71). Pour cet auteur, l’intervention du formateur-consultant consiste non moins à apporter une solution pour résoudre un problème que de “mettre à nu” une “stratégie défensive” émergeante d’une planification stratégique qui s’organise “autour de l’idée d’une autorité centrale qui pense, décide, impose” (Genelot, 2001, p.307). Cette idée d’autoritarisme et de hiérarchisation verticale, notions desquelles émerge la problématique du travailler ensemble, constitue selon Philippon (2007), l’histoire du management français.

Or, les contextes économique et sociaux-culturels imposent des changements dans les rapports de l’entreprise et des clients, et de fait dans les rapports au sein de l’organisation:

c’est le client qui “tire” les nouveaux produits à produire et en conséquence, la demande du client impacte les adaptations à faire en terme de gestion de production, des adaptations qui sont de plus en plus rapides et exigeantes. Dans ce “renversement de, l’initiative producteur (à l’initiative) client, (soit du “poussé” au “tiré), (…), la planification émanant d’une tête pensante n’a plus beaucoup de sens quand il faut être à l’affût presque quotidiennement des

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changements de goûts de la clientèle” (Genelot, 2011, p.307). De fait, Genelot évoque la nécessité de penser en terme de formulations de scénarios et non plus en terme de planifications visant à “transformer en prévisions des variables insaisissables” (p.310).

Ces scénarios de formation s’ancrent dans le travail réel, dans l’activité qui se déroule et dans l’expérience vécue des acteurs en train de produire : la con-naissance, le “naître avec”, s’élabore dans le faire d’une activité individuelle et collective en vue d’une production commune et partagée. Mais, l’exercice devient difficile quand “(…) les objectifs intermédiaires inventés par les managers, devenus pour eux objectifs finaux, ont créé un niveau de réalité qui rend l’exercice du travail insensé (…) : l’utilité du produit final et sa qualité sont perdus de vue, les travailleurs ne savent plus pour qui ni pourquoi ils travaillent (…) le travail n’a plus de direction, plus de sens” (Méda, 2010, p.7).

C’est sur cette tension entre le pôle organisationnel et le pôle humain, et la difficulté à penser la formation dans ce contexte, que nous situons notre recherche sur l’appropriation d’un nouvel outil technologique. Cet engagement propre demande à expliciter la notion de travail et les dimensions qui l’organise : l’expérience, la connaissance et la culture.

2.1.2 – Le travail et ses dimensions : expérience, connaissance et culture

Notre recherche questionne les conditions d’appropriation d’un nouvel outil technologique et ce qui peut se concevoir comme environnement de formation favorisant cette appropriation en contexte de productivité concurrentielle.

Partant du “postulat que la question du travail est (…) centrale pour la formation” (Ulmann, (2011), et reprenant Schwartz, nous interrogeons “les dimensions du travail” (1988, p.25). Le travail se caractérise par des expériences, ou usages, singulières et collectives. C’est dans l’observation fine de ces usages particuliers, se référant à une culture spécifique et universelle, que l’accès à la connaissance du travail se concrétise. Pourtant, “l’investigation sur le travail (dans une visée compréhensive et humaniste) se heurte à de multiples obstacles” (Schwartz, 1988, p.27). L’auteur interroge la nécessité de conceptualiser l’expérience du travail au risque d’intellectualiser la chose. Cependant, il existe une forme d’incommensurabilité entre les acteurs et les spécialistes intellectuels du travail qui dépend de la manière dont le chercheur approche l’expérience du travail (Schwartz, 1988 ; Wisner cité par Schwartz, 1988).

Il y a dans le travail une zone de pénombre – une partie invisible – qui rend le travail humain.

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Selon Schwartz (1988), “(…) le moindre geste productif, en tant que socialisé, engage une personne : nul faire qui ne soit semé de micro décisions” (p.495).

Autour du questionnement sur l’appropriation et l’idée d’inaccessibilité de cette notion, nous percevons que l’engagement humain dans l’activité de l’outil de production détermine les conditions d’un travail réalisé : l’appropriation de gestes professionnels relève d’une in- corporation qui conditionne la transformation de l’acteur et de fait la transmission de gestes de métier.

Dans cette dynamique de “l’acte même de faire”, “l’appréciation est “de terrain” - une intelligence d’interface” dans laquelle “le dialogue (…) permet (...) - de traiter par priorité toutes ces petites choses qui n’ont l’air de rien et qui peuvent tout changer” (Schwartz, 1988, pp.439, 783 et 820). Cela signifie qu’il ne suffit pas de décréter le changement mais qu’il y a nécessité à “mettre en place une ‘culture de l’innovation’, un ensemble de pratiques, de réactions, de façons de penser qui favorisent, encouragent et soutiennent l’innovation”

(Genelot, 2011, p.322). Il s’agit dès lors de “progresser en se confrontant à ses valeurs”

(Henry 2012, p.150).

Ainsi, ce contexte d’innovation qui est à la fois “création et anticipation” (Genelot, 2011, p.324) soulève l’enjeu de l’appropriation comme processus humain créatif et interroge la notion d’innovation technologique qui définit non seulement la place des objets “ mais (…) surtout, un mode de vie, un mode d’organisation sociale” (Cros, 2009, p.582).

L’enjeu est aussi celui de la place du formateur en milieu industriel dans lequel toute la stratégie est organisée d’après le résultat et les principes de coût, “(faisant) l’économie de l’organisation de l’activité, de l’organisation du travail et de l’activité elle-même” (Jobert, 2013, p.32).

2.1.3 – La notion d’appropriation ou l’idée d’un processus humain créatif

En didactique, l’appropriation permet de “(…) rendre propre à un usage, à une destination (…)”. L’appropriation rend compte de “l’état de ce qui est adapté à quelque chose” (Rey, Dictionnaire culturel, tome 1, 2005, p. 427) : elle serait un moyen de pouvoir faire un usage adapté et orienté de la chose rendue propre à une situation précise. Ainsi, l’appropriation renvoie à l’idée que c’est dans son contexte que la chose devient telle qu’elle se présente ici et maintenant et devient, dès lors, nécessaire à son usage propre.

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Dans la logique du cours d’action qui offre à considérer “qu’il y a tout le temps de l’apprentissage dans l’activité” l’appropriation est de fait “quelque chose de transparent”

(Poizat, 20123). Dans le courant de l’anthropologie culturelle, Rogoff (1999) cible l’appropriation comme un devenir, une projection qui modifie l’engagement de l’acteur.

Bakhtine (1970), dans l’approche dialogique, montre que le processus d’appropriation – les mots d’autrui, le genre – relève d’une internalisation, d’un mouvement de construction entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’individu et le social pour lequel il y aurait un avant et un après.

Cette approche de l’appropriation est contextualisée avec la notion de geste professionnel (Clot, 2000), geste dont la transmission s’effectue dans une communauté de pratique : comme toute pratique, le geste professionnel s’inscrit dans un contexte et une mise en action. Or, selon Lave et Rogoff (1999), si l’appropriation se structure dans le social, elle est aussi associée à une activité de transformation qui va au-delà de l’apprentissage-développement argumenté par Vygotski (1997) : l’appropriation est quelque chose qui va élever l’acteur à lui- même dans un processus au cours duquel “cet être momentanément individué est “plus que lui-même” puisqu’il est porteur de l’individu plus individué que lui, qui va émerger” (Durand, Poizat & Goudeaux, sous presse).

Ainsi, cette dynamique créative de l’individu comme acteur autonome dans un environnement rejoint un des présupposés de l’enaction ou théorie de l’émergence en contexte sur laquelle s’appuie notre cadre théorique de recherche. Cette théorie précise que “(…) la plus importante faculté de toute cognition vivante est (…) de poser les questions pertinentes (…) Elles ne sont pas prédéfinies mais énactées (…) les critères de pertinence sont dictés par notre sens commun d’une manière toujours contextuelle” (Varela, 1989, p.91).

Cette dynamique, dans laquelle les choses se font en faisant4, rend compte de l’appropriation comme un processus : les éléments pour apprendre ne sont pas pré-définis mais se constituent en fonction de l’engagement du conducteur de scie dans un environnement qu’il perçoit selon un déjà-là le constituant ; cet engagement et cette perception de contexte sont différents pour chacun des protagonistes selon un cours de vie et un cours d’expérience qui leur sont propres.

Cela signifie que l’activité d’apprendre ne relève pas d’un apprentissage, d’une pratique

3Poizat, G., (2012). Le concept d’appropriation : intérêts et perspectives en formation des adultes. Pôle Travail et Formation. Conférence publique du 20 décembre 2012Université de Genève.

4Machado, A. (1875-1939)) : (…) Voyageur, le chemin/ C’est les traces de tes pas/ C’est tout ; voyageur, il n’y a pas de chemin/ Le chemin se fait en marchant/ Le chemin se fait en marchant/ Et quand tu regardes en arrière/

Tu vois le sentier que jamais/ Tu ne dois à nouveau fouler (…)

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particulière à moduler selon des critères structurant des paliers d’apprentissage : il s’agit d’une rencontre particulière et toujours spécifique entre l’activité du protagoniste et l’environnement dans lequel se déploie sa pratique. L’apprentissage relève alors d’un couplage individuation-appropriation (Poizat, 2012). Ce concept d’individuation- appropriation est argumenté par Simondon (1989, cité par Goudeaux, 2009, p.74) comme un processus de concrétisation. Reprenant l’idée évoquée par Goudeaux d’un phénomène de résonance interne ou transduction (Simondon, 1989), l’appropriation d’un nouvel outil relèverait d’une “information (...) – entendue au sens d’in-formation de Maturana et Varela, 1994 – (…) qui circule et se propage à l’intérieur d’un système le modifiant de part en part et produisant en fin de parcours une évolution du système dans son entier” (Goudeaux, 2009, p.74). La question de l’appropriation telle qu’elle occupe notre étude renvoie dès lors à élaborer une démarche compréhensive de ce qui permet au conducteur de scie de s’in-former pour réaliser une “opération de prise de forme” dans “une relation entre l’opérateur et la matière” (Goudeaux, 2009, p.72). Autrement dit, le processus d’appropriation et de transformation s’élabore dans la relation du conducteur de scie et du travail à réaliser avec la nouvelle scie dans le contexte d’une gestion de production qui se modifie dans l’usage de cette scie B. Or, cette implication particulière du protagoniste qui se déroule dans le faire est transparente : l’impact du processus d’appropriation dans la transformation d’un état A (être conducteur de la scie H.) à un état B (être “chef de gare” ou “superviseur” de la scie B) n’est pas visible de l’extérieur. Ce constat questionne alors la place du manager dans le collectif d’appropriation et de transformation, et la structure de la formation dans des contraintes de temps, d’espace et humaine très prégnantes.

Le contexte de gestion de production à l’unité ou Lean Manufacturing dans lequel vient prendre forme l’activité du conducteur de scie implique une nouvelle gestion du collectif de travail et des interactions pour réaliser cette activité. Dans l’histoire de l’humanité, l’outil sert de prolongement au corps et toute évolution de l’outil a une fonction de déploiement de l’action humaine : un bon marteau prolonge la main et permet au forgeron de déployer plus d’énergie et d’être plus précis. Cependant, “(…) L’outil n’est réellement que dans le geste qui le rend techniquement efficace” (Leroi-Gourhan, 1964, p.35). Ainsi l’artisan, dans “la synergie opératoire de l’outil et du geste” (Leroi-Gourhan, 1964, p.36) est reconnu dans son objet et se reconnaît à travers sa production (Crawford, 2009). Or, à l’ère post-industrielle, l’outil est déconnecté de l’humain par le jeu des interfaces : l’accès à la scie se fait par l’usage des écrans de supervision et le contrôle de la pièce “zéro défaut” est réalisé par une cellule

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automatique (la détection B-er, citée p.10). L’organisation des interactions homme-machine et homme-produit n’est plus reconnue dans l’activité elle-même et dans l’engagement de l’acteur : elle est pensée à travers le filtre des outils du Lean Management qui sont actés comme des “objectifs finaux” (Méda, 2010, p.2) dépossédant alors l’acteur du devenir que constitue l’appropriation. Visant à la mise en œuvre du supply chain, ces outils de management sont purement “instrumentaux et ne sont plus en rapport avec le bien à produire”

(Méda, 2010, p.2) : identiques quelque soit le contexte, historique, social, économique et de fabrication, ils s’attachent à la qualité du produit selon la logique du profit qui s’insère dans la logique de productivité soit “le rapport d’un nombre de pièces produites à une dépense d’énergie donnée” (Méda, 2010, p.2). Pour répondre à ces logiques en cascade et au principe du flux tiré, l’activité humaine est morcelée en tâches et procédures d’exécution qui gomment, en apparence, la complexité du geste professionnel. Or, “le geste, “système complet”

intégrant des composantes biomécaniques, cognitives et psychiques, est “un compromis entre les objectifs, la tâche, les moyens de travail et les caractéristiques individuelles de celui qui les réalise”” (Bourgois, Lemarchand, Hubault, Brun, Polin, Faucheux, & al, 2006, p.163, cité par Cuvelier et Caroly, 2009, p.59).

Dans cette réalité industrielle et dans la perspective de recherche pour répondre à la demande de l’entreprise sur la capitalisation des savoirs en vue de leur transmission, l’enjeu est la mise en place des moyens d’accéder à cette transparence de l’appropriation : il s’agit de voir comment s’organise ce processus individuel et collectif dans un contexte particulier de Lean Manufacturing et de mise en place du procédé de supply chain comme “amélioration des processus majeurs”. Cette intention de recherche sur les conditions d’appropriation d’un nouvel outil technologique s’appuie sur deux arguments qualitatifs nécessaires à la réussite d’une réforme technique que sont, a) l’évolution, au cours du changement, de l’ensemble du collectif des travailleurs afin de maintenir, à terme, un niveau de coopération satisfaisant, b) la création “d’un nouveau système de valeur et d’un nouveau code gestuel dans les techniques proposées, sans quoi les ouvriers y perdent les moyens de reconnaître leur rapport d’appartenance à la communauté” (Dejours, Dessors & Molinier, 1994, cités par Cuvelier et Caroly, 2009, p.70). Cela signifie que le processus d’appropriation s’insère dans un contexte humain, géographique, physique pré-existant à la nouvelle organisation et l’étude de ce qui se passe sur la scie H. ou “ancienne scie” comme porteuse d’un histoire individuelle et collective des pratiques est un moyen d’accéder au travail à réaliser sur la “nouvelle scie”, la scie B.

Ainsi, l’obsolescence programmée de la scie H. (en 2016) ne laisse pas moins de traces utiles

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de l’engagement des acteurs dans leurs manières de faire fonctionner une scie dans l’environnement particulier de l’entreprise.

Du point de vue de la formation, les environnements doivent non seulement tenir compte de la construction de cette mémoire collective et de la construction des savoir-faire mais aussi acter des moyens de co-composer ces constructions avec les formés et les éléments qui sont, pour eux, “(…) porteurs de signification et de transformation” (Durand, 2009, p.200).

Cette dimension de co-construction collaborative de la formation en contexte s’appuie sur une logique proscriptive et non plus prescriptive dans “l’idée que tout ce qui n’est pas interdit est permis” (Varela, 1993, p.264). Ainsi, l’orientation proscriptive laisse place à “la fantastique diversité” qui, dans le couplage de l’homme et de son environnement, est source de créativité et de continuité. Cette orientation s’inscrit dans le principe que tout travailleur met de lui- même dans le travail et que “le travail, c’est ce qui n’est pas donné par la prescription”

(Davezies, 1993, cité par Jobert, 2013, p.34).

Les espaces de formation peuvent alors se penser comme d’authentiques lieux d’émergence d’innovation en lien situé avec la pratique : cette pratique de formation qui prend sens dans l’activité quotidienne des hommes et des femmes pour répondre à l’en-cours de production et qui induit le processus d’appropriation et de transformation des acteurs.

Chapitre 2.2 – Approche théorique

Les concepts théoriques comme objets de référence sont des clefs d’accès aux données de terrain et de l’activité humaine en contexte de travail. Dans une situation singulière et significative, ils orientent l’activité de la chercheuse dans la dynamique de débusquer l’énigme de l’activité humaine comme “totalité dynamique intégrant des composantes internes (cognitives, intentionnelles, émotionnelles, mémorielles et perceptives) et externes (contexte d’action)” (Ria, Leblanc, Serres & Durand, 2006).

2.2.1 – Le cours d’action pour penser l’activité humaine

Le courant spécifique du cours d’action s’inscrit dans le courant de la recherche en ergonomie cognitive (Theureau, 2004). Le cours d’action est un “objet longitudinal particulier”

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(Theureau, 1992, p.51) : il autorise à rendre significative l’activité de l’acteur en activité en tant que “le cours d’action, c’est l’activité d’un (ou plusieurs) acteur(s) engagé(s) dans une situation qui est significative pour ce (ou ces) dernier(s), c’est-à-dire racontable et commentable par lui (ou eux) à tout instant” (Theureau, 1992, p.51).

Ce courant est sous-tendu par les principes que sont : l’énaction, la conscience pré-réflexive, l’activité, le primat de l’intrinsèque, et la notion de signes.

2.2.2. a – L’énaction et la conscience pré-réflexive

L’énaction et la conscience pré-réflexive sont deux concepts qui amènent à penser autrement l’activité cognitive et de fait, la manière dont les acteurs, et chaque acteur en particulier, appréhendent une situation donnée.

Selon Varela, Thompson et Rosch (1993), l’énaction est “l’étude de la manière dont le sujet percevant parvient à guider ses actions dans sa situation locale” (p. 235). Autrement dit, il s’agit d’étudier ce qui fait sens pour l’acteur dans la situation ou bien quelle est la chose qui énacte de l’environnement dans lequel s’insère l’acteur lui-même, et qui permet à ce même acteur d’agir de manière efficiente et ce dans un double mouvement : celui de répondre à la situation tout en préservant son intégrité physique, morale, intellectuelle.

Ainsi, chaque réponse à une situation relève d’une activité de production qui représente une réalisation sociale effective, et d’une activité de développement propre à chaque être humain : toute activité humaine est à la fois collective et individuelle ou singulière (Theureau, 2004). C’est pourquoi, couplée à une situation, l’activité se reconstruit sans cesse et s’inscrit dans l’héritage culturel d’une communauté d’appartenance.

Dans cette approche ‘cours d’action’, l’individu appréhende le monde, la situation, avec un déjà-là qui le constitue et lui permet de s’engager dans cette situation.

Ce déjà-là n’est pas une représentation du monde telle que le courant cognitiviste peut la définir. En effet, dans l’approche énactive de l’activité, ce qui donne sens à la réalisation effective de l’acteur c’est sa conscience pré-réflexive qui n’est pas une image pré-orientée ou une construction mentale interne. Autrement dit, l’action telle que le conducteur de scie l’expérimente, émotionnellement, physiquement, et intellectuellement, dans l’activité ici et maintenant de la mise en route de la nouvelle scie entre en résonnance interne avec le déjà-là de ce conducteur : l’activité qu’il réalise l’engage de facto dans un processus d’appropriation, un de-venir.

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L’intérêt pour la formation est que ce concept de conscience pré-réflexive est “(…) un médiateur de l’action du formateur en direction de l’activité du formé et de sa transformation (…)” (Durand, 2009, p.195). Le rôle du formateur est donc d’inciter l’acteur à “assurer sa réflexivité” en vue de “transformer intentionnellement son activité” (Durand, 2009). Cette incitation fait l’objet d’une méthode de recherche et d’intervention nommée méthode d’autoconfrontation que nous détaillons dans le §2.3.2.d.

2.2.2. b – L’activité dans le cours d’action

L’activité humaine relève d’un engagement individuel et social. Elle se construit dans une relation de la personne au monde dans lequel elle vit et agit. L’activité humaine organise et produit de la différence et du lien. Elle fait sens dans des contextes d’action et dans des temporalités spécifiques et généralisables.

Dans une approche de la formation centrée sur l’activité, Durand (2006, p.3) aborde l’activité selon trois plans, allant du général au spécifique : “ a) celui de tout acteur engagé dans une tâche ou une pratique, b) celui du système des activités sociales auxquelles prépare la formation, c) celui de l’activité des formés et des formateurs”.

Dotée d’un vécu, d’une expérience s’exprimant par une intuition d’agir, l’activité relève d’actions visibles et invisibles. Elle est la mise en forme gestuelle, verbale, individuelle et collective, d’un travail en train de se faire. Accéder à son déploiement c’est tenter d’accéder au processus opérationnel qui organise le conducteur de scie pour réaliser ce qui est attendu de lui, voire ce qui n’est pas attendu mais garantit de fait un flux continu de production.

En analyse du travail, le terme d’activité s’est substitué au terme de tâche tout en donnant au concept de tâche une place spécifique dans la conception de formation.

La tâche est ce qui est à faire dans le déroulement des procédures. Elle est séquencée et identique pour tous les agents. Ainsi la tâche est de l’ordre de la prescription. Orientée vers un but (Leplat, 1997), elle définit un sens à l’action, en amont de celle-ci. La prescription est souvent pensée comme émanant d’une hiérarchie de travail. De manière conjointe, ce pensé de la prescription s’articule aux prescriptions “propres aux normes de vie de chacun”

(Daniellou, 1996, p.11), entre autres normes ce sont celles des valeurs – culturelles, sociales, personnelles - desquelles chaque personne se réfère, plus ou moins consciemment, pour se mettre en activité. Cette articulation constitue ce que Schwartz (2000), cité par Daniellou

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