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De la douceur de l'eau dans le monde antique

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Academic year: 2022

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De la douceur de l'eau dans le monde antique

SCARIATI, Renato, HOCHKOFLER, Gianni

SCARIATI, Renato, HOCHKOFLER, Gianni. De la douceur de l'eau dans le monde antique. In:

Festival International de Géographie, Saint-Dié-des-Vosges (France), octobre 2003, 2003

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:20386

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DE LA DOUCEUR DE L'EAU DANS LE MONDE ANTIQUE

Renato SCARIATI

Avec la collaboration de

Gianni HOCHKOFLER

Université de Genève

"Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de la Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d'un vallon, au bord d'une eau vive, dans l'ombre courte des saules et des osières. Et quand octobre viendrait, avec ses brumes sur la rivière..."1 Cette belle phrase de Gaston Bachelard dessine un paysage qui évoque pour nous tous une foule d'images de lieux plaisants. Les points de suspension qui terminent étrangement la citation pourraient être complétés par chacun de nous par toutes sortes de descriptions, de tableaux paysagers qui correspondent à une biographie propre, à des espaces intimes qui sont l'expression de nos paysages existentiels. Et l'eau, dans ces paysages et ces lieux du souvenir, a une importance capitale.

Gaston Bachelard a très finement et très longuement analysé la puissance poétique de chaque élément de la nature, à l'intérieur de ce qu'il nomme "l'imagination de la matière". Il serait hors de propos de revenir ici sur ce thème, par ailleurs largement abordé dans une littérature abondante2. Nous nous sommes servi, pour notre part, d'une partie du célèbre ouvrage de Gaston Bachelard "L'eau et les rêves", comme point de départ de cette recherche. Le chapitre de ce livre qui nous a servi d'amorce est celui intitulé "La suprématie de l'eau douce". En résumé, Bachelard nous dit ceci : l'eau est douce par excellence, par nature, "c'est une

perversion qui a salé les mers", "l'eau douce est la véritable eau mythique"3. Et pour étayer ces énoncés, il fait référence à la mythologie grecque, en présentant Poséidon comme "le dieu de l'eau douce, le dieu de l'eau terrestre"4, plutôt que le dieu des mers, s'appuyant les travaux très convaincants du mythologue Charles Ploix5. Cette thèse étonnante nous a séduit, et nous avons voulu nous pencher plus en détail sur les représentations de l'eau chez les Grecs, puis chez les Romains. N'étant pas spécialiste de langue et de littérature grecque, nous avons pu bénéficier de l'appui de Clarisse Miazza, qui nous a généreusement assisté dans cette recherche.

Les représentations de l'eau chez les Grecs anciens

Ce titre prétentieux ne doit pas faire penser que nous allons affronter ici une question aussi vaste et aussi complexe. Des bibliothèques entières pourraient être constituées à partir de ce seul thème. Nous ne ferons ici qu'effleurer la question de ces représentations, en mettant en

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évidence deux idées fortes. La première est cette distinction, énoncée par Bachelard, entre eau douce et eau salée dans quelques oeuvres choisies de la littérature grecque6, et analysée par des sources directes et indirectes. La seconde idée, est que dans leurs représentations, les grecs inscrivent l'eau dans un système symbolique élaboré, dans lequel entrent en jeu d'autres éléments qui lui sont indissociablement liés : notamment la prairie, les fleurs, les cultures pour ce qui est du monde végétal, la grotte, la montagne, le sous-sol pour ce qui concerne le monde minéral. Cette deuxième idée n'a jamais cessé d'alimenter nos représentations, et nous la retrouvons tout au long de l'histoire, jusqu'à nos jours, comme nous essayerons de le montrer plus loin. Mais avant de développer ces deux idées, il nous faut rappeler, en simplifiant à l'extrême, que ce qui intéresse les Grecs dans la nature, "ce n'est pas la Nature en elle-même, mais la Nature en tant qu'elle intervient dans l'existence humaine et lui donne une base nécessaire et inéluctable. Au premier plan, il y a ce que l'homme doit en tirer pour satisfaire ses besoins, car il peut périr, ou vivre dans l'abondance selon la générosité de la Nature"7. Ceci explique également le sens sacré accordé à la nature, et l'existence de très nombreuses divinités, d'un système mythologique, d'une cosmogonie extrêmement complexes. Rapporté à l'eau, ce système fait apparaître des représentations parfois contradictoires. Ainsi, Hésiode par exemple, "comme il le fait pour l'eau douce, dissocie l'élément marin lui-même des divinités qui l'ont pour domaine et qui sont, en outre, capables de le contrôler"8. Et les Néréides sont non seulement "sans reproche", contrairement à la mer violente, mais encore capables d'apaiser la mer sans peine, pour répondre au désir des hommes. Cette personnification de la nature donne aux lieux des aspects bien particuliers, en leur attribuant des valeurs humaines, des valeurs existentielles telles que la naissance, la fécondité – la fertilité9, la mort et l'au-delà.

L'existence de ce système mythique inscrit dans la nature avait également pour effet de resserrer les liens entre l'homme et son environnement, les rapports déjà très étroits étant donné le caractère intrinsèquement agricole de la population, même lorsqu'il s'agissant de populations urbaines10. L'eau douce, dans ce contexte, apparaissait comme un élément vital au sens le plus biologique du terme, et matérialisait en quelques sortes, plus que tout autre

élément de l'environnement, ce lien à la fois vital, sacré et philosophique que les Grecs vivaient avec la Nature.

L'eau "amère" et l'eau douce chez les Grecs

On peut affirmer très clairement que l'eau, pour les Grecs, est l'eau douce. Mis à part les études de seconde main aboutissant à cette constatation, nous avons pu nous en convaincre grâce à un travail portant sur trois textes fondamentaux : la Théogonie et Les travaux et les jours d'Hésiode, et les Hymnes homériques. Nous avons relevé dans ces oeuvres les épithètes associées à l'eau douce et à l'eau salée (tableau n en annexe). Alors que l'eau douce est qualifiée souvent par des expressions telles que "eau claire, eau sacrée, eau aimable, eau courante, eau pure", pour ce qui est de l'eau salée, presque jamais le mot "eau" n'apparaît en tant que tel, mais plutôt : "flots, vague, onde, mer", avec les épithètes "amer, salé, saline" et d'autres qui montrent le caractère éminemment négatif de l'élément marin : "périlleuse, inlassable, implacable". Tout se passe comme si l'eau de mer ne "méritait pas" la

dénomination "eau", en d'autres termes, comme si la mer n'était pas constituée d'eau ! Cette considération paradoxale se vérifie par l'emploi d'expressions telles que : "le grand abîme de la mer, le gouffre des mers". On nie à l'eau de mer son statut d'eau tout simplement parque l'eau salée est "stérile", impropre à participer au même système symbolique que les plantes, les fleurs, les cultures.

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Ainsi, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est cette "stérilité", et non pas les dangers de la navigation, qui donne à la mer son image terriblement négative. Il est vrai que sa traversée inquiète, et à raison, vu qu'elle provoque souvent des naufrages. Les récits abondent de telles catastrophes, aussi bien dans les récits mythiques comme l'Odyssée que dans l'histoire de la navigation. La mer était une étendue faite de larmes, de souffrance, de désespoir que l'on ne pouvait parcourir de son plein gré. Pour étayer encore cette conviction, nous pouvons aussi relever que l'eau douce n'était pas perçue non plus comme exempte de risques. En effet, les rivières et les fleuves provoquaient déjà des inondations et des destructions, et les orages violents pouvaient aussi bien réduire à néant d'entières récoltes.

Mais contrairement à l'eau salée et stérile de la mer, dont rien ne pouvait racheter le caractère meurtrier, la qualité vitale de l'eau douce l'emporte sur les aspects funestes, et quand cette eau détruit, souvent, l'homme perçoit ces malheurs comme le signe d'une punition divine, avec une certaine culpabilité humaine.

Cependant, étant donné la géographie du pays, la mer ne peut être qu'omniprésente chez les Grecs. Comme le montre bien Clarisse Miazza11, la mer est présente à plusieurs titres dans la littérature. Comme élément de la narration tout d'abord : "on suit la navigation de nombreux héros, on y accompagne des départs, on y attend des retours, et elle est prétexte à de

nombreux mythes et personnages monstrueux". Comme élément de comparaison ensuite, puisque la mer "peut aussi servir à imager les caractères et les événements humains, dans un sens cependant plus souvent négatif que dans le cas de l'eau douce (le bouillonnement de la mer pour la colère par exemple). Enfin, comme élément du mythe : "le domaine marin est lié aux dieux olympiens en tant que l'un des pouvoirs sur lesquels repose l'ordre du monde, et à des divinités secondaires dont la fonction est souvent ambiguë, à la fois bienfaitrices et génératrices ou annonciatrices de malheurs".

Cette présence marine se manifeste également dans la tragédie grecque, et là encore, comme le montre Isabelle Boehm12, "la mer est un élément dominant dans l'évocation de paysages moins verdoyants [que les fleuves], au contraire souvent arides, et surtout moins calmes. Ses flots tumultueux qui se brisent sur les rochers sont un danger" ainsi, le chœur des captives grecques, dans Iphigénie en Tauride, "évoquera encore le sombre azur des houles marines, opposé aux roseaux verts de l'Eurotas et à l'eau claire de Dircé."13

On pourrait allonger à l'infini la liste d'exemples montrant cette "infériorité" de l'eau salée sur l'eau douce, mais il est un dernier cas qui mérite d'être cité tellement il est explicite, il s'agit de l'arrivée d'Ulysse au Pays des Phéaciens14. Jeté hors de son radeau par "le terrible ouragan",

"il resta un long temps submergé. Sous l'assaut de la grande vague, il ne put tout aussitôt remonter : les vêtements que lui avait procurés la céleste Calypso l'alourdissaient. Un long moment après, il émergea, de sa bouche crachant l'âcre saumure qui, abondante et bruissante, descendait de sa tête". Notons en passant cette image très peu "aquatique" de la mer, comme s'il s'agissait d'un liquide différent, nocif, funeste. C'est alors que la fille de Cadmos pris son vol, sous l'aspect d'une mouette, et lui donna les conseils nécessaires à sa survie. Après deux jours et deux nuits d'errance dans la mer, Ulysse se trouve proche de la terre ferme, mais à nouveau, la mer empêche sa délivrance : "La grande houle grondait contre l'aride rivage en mugissant terriblement, et tout était enveloppé de la poussière de l'eau salée." Aucun lieu

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n'était propice à son arrivée sur la côte. Mais "à force de nager, il pénétra dans l'embouchure d'un fleuve au beau cours". Il se retrouva ainsi à l'abri, et "s'étant écarté du fleuve, [il] se coucha sous les joncs et baisa la glèbe qui donne le blé". Ensuite, il estima "plus profitable de marcher pour entrer dans le bois qu'il découvrit tout près de l'eau (...) il entra sous deux bouquets d'arbres, qui avaient poussé en un même point, l'un formé d'un nerprun, l'autre d'un olivier. (...) Ulysse plongea dessous et fit aussitôt avec ses mains une large moisson pour sa couche, car il y avait là une quantité folle de feuilles répandues (...) ce fut ainsi qu'Ulysse se recouvrit de feuilles" et s'endormit. Le lendemain, Nausicaa et ses servantes, "atteignirent le cours du fleuve d'une rare beauté, aux lieux où l'on trouvait des lavoirs tout le long de l'année et quantité de belle eau débordante pour nettoyer le linge, fût-il fort sale". Ulysse parut à leurs yeux, "effrayant, ravagé par l'eau salée". Nausicaa accepta de le conduira à la ville, et ses servantes le pressèrent "de se baigner dans le courant du fleuve". Ulysse répondit : "je laverai moi-même mes épaules, pour en ôter l'eau salée". Il "se nettoya la peau de l'eau salée qui recouvrait son dos et ses larges épaules. Il s'essuya la tête et en ôta l'écume de la mer

inféconde. Puis, quand il se fut baigné tout entier, qu'il se fut oint grassement et enveloppé des vêtements que lui avait procurés la vierge indomptée, Athéna née de Zeus le rendit plus grand aux regards, plus fort, et laissa descendre de sa tête, en boucles paisses, une chevelure

semblable à la fleur d'hyacinthe..."15

Le lecteur nous pardonnera de nous être longuement étendu sur cet épisode, mais celui-ci nous a semblé particulièrement riche en images, et résumer à merveille ce que nous avons dit précédemment sur les représentations de l'eau salée et de la mer. Il nous permet également d'introduire l'autre versant de notre discours, celui consacré à l'eau douce.

L'eau vitale

Il serait fastidieux de revenir, par une sorte d'exercice de symétrie, sur les qualités de l'eau douce par rapport à l'eau salée. On aura compris à la lecture des paragraphes précédents les qualités de cette eau "véritable", par rapport à l'eau de mer "pervertie par le sel"16. Nous renverrons le lecteur à toutes les études présentant ainsi ces deux valeurs intrinsèques de l'eau douce : le don de vie, et le pouvoir purificateur ; toutes deux sont parfaitement adaptées au monde et à l'imaginaire de la Grèce antique.

De façon peut-être plus géographique, nous voudrions montrer plutôt dans quelle mesure l'eau douce est intimement reliée à d'autres éléments de l'environnement des Grecs, et ne prend son essence qu'au contact de ces éléments. Evoquant le Poème physique d'Empédocle, Massimo Venturi Ferriolo17 montre comment "l'eau est nécessaire à la végétation, mais n'est pas nutritive en elle-même". Ce n'est pas l'eau douce qui est la valeur en soi, mais son association avec des éléments auxquels elle est capable de donner vie, qui la réalisent en quelque sorte.

L'eau douce se révèle au contact avec la terre18, qui est comme une "vasque humaine", pour donner vie à la végétation (plantes, fleurs, cultures) et aux être vivants. Nous pensons, nous, que non seulement l'eau se réalise par les éléments auxquels elle donne vie, mais également au travers d'éléments de l'environnement qui lui sont associés au niveau des représentations, avec lesquels elle n'est liée que par un jeu d'images, de significations, et non plus de vie biologique. Il nous est facile de montrer par exemple la force évocatrice de couples tels que Eau – Grotte, Eau – Ombre (fraîcheur), Eau – Montagne. Si ce n'est pas l'eau qui fait la grotte (et l'inverse), elle est indispensable à sa représentation correcte et complète. Il en va de même pour la fraîcheur et l'ombre, comme pour les forêts. Nous reprendrons ces différents couples d'images plus loin, revenons maintenant à ce lien plus évident de l'eau avec les éléments

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auxquels elle donne vie.

Notre travail a été éclairé à ce propos par la très belle étude d'André Motte19, qui a examiné dans le détail la signification de la prairie et plus généralement des éléments de la végétation dans la Grèce antique. Curieusement, le point de départ de son étude est une saison : le printemps. En printemps, "la Grèce entière n'est qu'un jardin"20. Cette saison est sans doute la saison idéale, comme on peut le lire chez Hésiode21, celle qui voit refleurir la végétation et la promesse de riches cultures pour celui qui sait travailler la terre. Le "lieu idéal" chez les Grecs est associé à cette saison : végétation luxuriante, climat tempéré, assuré par la fraîcheur des brises, et surtout, eau en abondance pour se prémunir de la sécheresse destructrice. La lutte contre le soleil et contre la sécheresse est une constante chez une population qui dépend de la production agricole. Ainsi, la recherche d'eau et d'humidité d'une part, d'ombre et de fraîcheur d'autre part, déterminent la qualité de l'environnement.

On retrouve toutes ces qualités dans le célèbre Hymne homérique à Apollon. Léto, à la recherche d'un endroit idéal pour enfanter Apollon, s'adresse successivement à tous les lieux qui en auraient les qualités, notamment "les monts ombreux de l'Ida, la luxuriante Lemnos, la radieuse Claros, la fraîche Samos (...). Mais si fertile qu'elle fût (...) nulle d'entre elles n'eut assez de courage pour accueillir Phoibos [Apollon]". Elle s'adressa alors à "l'âpre Délos" par ces mots : "Personne ne touchera jamais tes bords, ni ne t'honorera de sa présence. Tu ne seras pas non plus, je pense, riche en bœufs ni en moutons ; tu ne porteras point de vignes, ni ne verras grandir des plantes sans nombre. Mais si tu possèdes le temple de l'Archer Apollon, le monde entier se rassemblera ici pour mener des hécatombes à tes autels ; sans cesse, une énorme fumée jaillira des chairs grasses : c'est par le bras d'autrui que tu nourriras tes habitants, puisqu'il n'y a pas de fertilité dans ton sol."22 Cette mauvaise image de Délos, qui est l'opposé du site idéal, est encore plus visible dans la réponse de l'île à la déesse : "Je crains, sitôt qu'il verra la lumière du soleil, qu'il ne méprise mon île, à cause de l'âpreté de son sol, et qu'il ne la retourne du pied pour la pousser dans les profondeurs de la mer. Alors, sans cesse, les grandes vagues viendront en foule battre mon front : pendant ce temps-là, il ira dans une autre terre qui aura su lui plaire, pour s'y bâtir un temple dans un bois sacré d'arbres touffus." Ce passage suffirait à lui seul pour comprendre l'aspect du lieu idéal par rapport au lieu maudit dans la mythologie grecque. Nous ne ferons ainsi qu'expliciter certains éléments de ce lieu idéal, et en particulier ce type de lieu idéal qu'est la prairie.

Le mot grec, que nous traduisons par "prairie", définit une terre humide pourvue d'une végétation abondante et spontanée. Il s'agit d'une terre "débordante de richesse et de jeunesse", qui incarne le mystère permanent de la vie. La prairie fascine les esprits parce qu'elle est identifiée à la fertilité et à la fécondité, ces "deux aspects d'une même puissance naturelle" qui garantit la vie, autant dans le règne végétal que dans le monde animal. Comme le montre André Motte, "ces prairies font partie des paysages habités : ils s'intègrent au paysage des cités. Fréquentes sont les images qui opposent les hauteurs habitées à la plaine humide et fertile qui les entoure"23. les Cités, si importantes dans l'histoire grecque, vont ainsi s'établir à proximité de telles prairies, car "le sol irrigué des prairies était plus qu'un espace accueillant ; il figurait réellement cette source commune de la vie qui était censée dispenser à tous la nourriture"24. Pourtant, "ces raisons pratiques qui motivent le choix de tels

emplacements sont, pour la mentalité antique, pénétrées et dominées souvent par des valeurs symboliques et religieuses ; c'est en raison surtout de leur puissance hierophanique que beaucoup de prairies se sont érigées en centre vitaux des communautés primitives".25

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On retrouve cette conjonction d'éléments dans l'image symbolique des fleurs. Celles-ci occupent dans la littérature et la mythologie une place importante. Utilisées continuellement dans les fêtes et les rites, elles témoignent de la complaisance d'une terre féconde, en

incarnant la beauté, la jeunesse et la féminité, "image du destin éphémère des hommes, mais aussi espoir d'une renaissance"26. Pour illustrer ce propos, nous évoquerons à nouveau un hymne homérique, le rapt de Perséphone qui "loin de Déméter au glaive d'or qui donne les splendides récoltes, jouait avec les jeunes Océanides à l'ample poitrine et cueillait des fleurs, - des roses, des crocus et de belles violettes -, dans une tendre prairie, - des iris, des jacinthes et aussi le narcisse que, par ruse, Terre fit croître pour l'enfant fraîche comme une corolle. (...) La fleur brillait d'un éclat merveilleux, et frappa d'étonnement tous ceux qui la virent alors, Dieux immortels ainsi qu'hommes mortels. Il était poussé de sa racine une tige à cent têtes et, au parfum de cette boule de fleurs, tout le vaste Ciel d'en haut sourit, et toute la terre, et l'âcre gonflement de la vague marine". On connaît la suite ! Perséphone se fait enlever par Hadès, et lorsque Déméter réussit à la libérer, ce n'est que sous le serment que sa fille passera

dorénavant une partie de l'année sous la terre.

Dans ce mythe symbolique du renouvellement annuel de la végétation, certains ont retrouvé les origines préhelléniques de la religion grecque, basée comme on le sait sur la croyance d'une Terre - mère, origine de toute chose. Si on poursuit sur cette veine, on peut

effectivement retracer l'origine mythique de l'eau chez les Grecs, qui serait une origine terrienne, chtonienne. En effet, on ne s'étonnera pas alors de retrouver également en Poséidon le dieu non seulement de l'eau douce, mais également des tremblements de terre ! On ne s'étonnera pas non plus de la présence d'un élément géographique qui sera dorénavant associé à l'eau douce, dans la production littéraire allant de la Grèce antique à nos jours : la grotte.

Pour résumer les représentations de l'eau par les Grecs, à l'intérieur de leur sensibilité à la Nature, nous redonnerons la parole à André Motte : "Les grecs on été sensibles aux

groupements harmonieux dont de nombreux sites leur offraient le spectacle. La nature leur paraît s'y discipliner pour former un microcosme dont les diverses parties sont génératrices de contrastes. L'espace ouvert et lumineux des prairies s'allie au monde ténébreux et fermé des grottes, des fissures, des eaux profondes, ouvertures sur un autre monde. De telles évocations sont très fréquentes et donneraient à penser que le mot prairie lui-même est inséparable de l'image d'une cavité. Du moins peut-on dire que les prairies se présentent à l'imagination des grecs comme des espaces à trois dimensions. Ils s'étalent en surface, mais ils ont aussi des profondeurs cachées."27 Dans l'imaginaire grec, l'eau de surface, celle des sources, des rivières, des fleuves, et celle des profondeurs ne font qu'un. Car pour les Grecs, la troisième dimension a une réelle importance aussi bien au niveau mythologique que dans les

représentations de leur l'environnement : le sous-sol, l'intérieur des montagnes, la profondeur de la terre. L'eau est avant tout une matière, une matière sacralisée par des manifestations divines, mais en même temps une matière indispensable à la vie, à la survie d'une population entière, une matière à la fois profane et sacrée.

Les représentations de l'eau dans le monde romain.

Toutes ces représentations de la Nature et de l'eau vont infiltrer le monde romain, dans ce mouvement d'hellénisation qui a fait tache d'huile dans le bassin Méditerranéen. Comme on le sait, les Grecs ont transmis un grand nombre de leurs images mythologiques à la religion romaine. On retrouvera évidemment l'importance de l'eau douce, liée au cycle de la végétation, à la nécessité d'une production agricole, à des divinités diverses, nymphes et

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néréides, qui vont peupler l'imaginaire des Romains comme ils ont habité celui des Grecs.

Nous avons voulu nous pencher de plus près sur les représentations de l'eau dans le monde romain, à travers trois directions méthodologiques croisées. En premier lieu, nous nous sommes intéressé aux villas littorales romaines d'agrément, en partant de l'idée que ces constructions originales pouvaient nous renseigner sur le rapport que les Romains

entretenaient avec l'eau. Ensuite, nous avons consulté des sources littéraires de première main de quelques auteurs latins qui évoquent le rapport à l'eau. Enfin, nous nous sommes référés à la littérature indirecte sur le sujet, en particulier à l'histoire du paysage, du jardin ou de l'Antiquité romaine. Nous tenons à remercier Gianni Hochkofler avec qui nous avons mené les recherches concernant cette période.

Les villas littorales romaines

Notre étude s'est portée uniquement sur les villas littorales d'agrément, qui ont essaimé sur les côtes de l'actuelle Italie, essentiellement dans le premier siècle avant Jésus-Christ. Pourquoi cet intérêt ? Notre curiosité a été mise en éveil, de façon très "géographique", par une simple comparaison cartographique. En effet, lors de la consultation de l'excellent ouvrage de Xavier Lafon, Villa Maritima28, nous avons trouvé une carte de localisation des villas romaines de littoral, maritime et lacustre, qui calque presque parfaitement avec une carte qui représenterait les lieux que nous considérons, aujourd'hui, comme de hauts-lieux touristiques et paysagers.

L'hypothèse qui en a découlé à l'évidence, est que la présence de l'eau a participé pour une large part au choix du site pour l'édification de ces villas. Mais, ce qui est plus important encore, ce sont deux hypothèses découlant de la première. Premièrement, si la présence de l'eau est importante pour le choix d'un site de littoral, le plus souvent marin, c'est que pour les Romains l'eau n'est plus considéré seulement comme un "élément", une matière, mais comme partie d'un paysage, ce qui, comme nous essayerons de le montrer, est particulièrement innovant par rapport à la culture grecque. Deuxièmement, si les deux cartes mentionnées sont à ce point superposables, c'est que les sites représentés possèdent des qualités de lieu et de paysage qui sont encore valables de nos jours. Autrement dit, nous hériterions aujourd'hui d'une "vision" des lieux, et de l'eau, encore proche de celle du monde romain antique. Mais nous reviendrons plus en détail sur ce dernier argument.

Ce qui vient d'être dit sur ces villas littorales ne doit pas faire penser que le choix de leur site dépend d'une vision paysagère de l'eau uniquement. En effet, les différentes villas que nous avons étudiées présentent certaines particularités qui montrent une importance majeure de l'eau douce, également en tant que matière, comme cela était déjà le cas dans les

représentations grecques de l'eau. Ici à nouveau nous retrouvons, d'une part, cette "supériorité de l'eau douce", d'autre part la fusion d'éléments symboliques tels que eau-végétation et eau- grotte, participant à une représentation plus générale de l'environnement.

Au sujet de la "supériorité de l'eau douce", on remarque que la présence de l'eau de mer à proximité directe des villas devait être contrebalancé par la présence d'une source, soit

naturelle, soit créée artificiellement. Les raisons de cette présence sont, d'une part, la croyance selon laquelle l'eau douce est favorable à la santé, à la pisciculture, ou au développement végétal, et d'autre part comme élément d'humanisation d'une nature sauvage, afin de la rendre vivable et plaisante. L'absence de sel dans l'eau est mentionnée souvent comme une qualité nécessaire à l'eau. Ainsi pour Pline, dans la description de sa villa de Laurentum : "Ce rivage est étonnamment favorisé. En quelque endroit qu'on creuse la terre, l'eau vient toute prête à votre rencontre, et s'offre pure et nullement altérée par le voisinage si rapproché de la mer"29.

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Mais le plus souvent, les auteurs mentionnent ces deux raisons simultanément, ne faisant pas de claire distinction entre elles. Ainsi, Stace nous décrit la villa sorrentine de Pollius Félix en ces termes : "la nature ménage le site : c'est la seule plage qui coupe la falaise et, sous les rocs abrupts, débouche dans la campagne. Voici le premier charme de ce lieu : on y voit fumer des bains à double carapace, et une eau douce descend de la terre vers la mer salée. C'est ici le bain que désirent le cœur léger de Phorcus, et Cymodocée aux tresses humides, et la verte Galatée. Devant la demeure, le maître azuré des ondes orageuses monte la garde, protecteur d'un foyer innocent : les vagues amies aspergent son sanctuaire d'écume. Alcide veille sur les champs fertiles : le port se réjouit aux pieds de ces deux divinités : l'une protège les terres, l'autre arrête la fureur des lames. Merveilleux est le calme de la mer : les flots fatigués laissent ici tomber leur colère, et les autans insensés soufflent avec plus de douceur : ici, les

emportements de l'ouragan se font plus timides, et dans sa sérénité la rade s'étend paisiblement, image du caractère du maître."30 Nous avons laissé courir la citation pour montrer le rôle de l'eau douce évoqué plus haut. La juxtaposition dans ce même paragraphe de l'arrivée d'eau douce dans l'eau salée et de la présentation d'une mer "merveilleusement

calme" exprime pour un lien de causalité, comme si, en associant ces deux images, c'était la douceur de l'eau qui avait le pouvoir de domestiquer la mer. La villa est ici située idéalement, au contact de la terre et de la mer. On pourrait même dire qu'elle a le pouvoir d'embellir le lieu, comme le dit encore Stace quelques lignes plus loin : "c'est une oeuvre digne d'une cité, et sa longue ligne s'impose aux âpres rochers. Là où jadis régnait le soleil au milieu de nuage de poussière, où la route était sauvage et sans agrément, c'est à présent un plaisir d'aller."

L'importance des grottes quant à elle, et d'une végétation luxuriante, est manifeste dans un grand nombre de sites, où leur présence en liaison avec l'eau devient l'élément identificateur de ces villas, comme dans le cas de la célèbre Grotte de Tibère à Sperlonga31, ou de la Villa Gradola/Damecuta à Capri, associée à la Grotta azurra. Il est essentiel à notre avis de comprendre que tous les éléments qui sont décrits ici se renforcent mutuellement dans leur signification symbolique. Pris séparément, aucun ne suffirait pour conférer à l'eau douce la représentation qui était la sienne à cette époque. Il faut parler ainsi de "lieu", pour rendre compte de cette complémentarité, et en particulier ici de "lieu idéal", comme on l'a fait pour la culture grecque.

On sait en fait que ce "lieu idéal"32 des Romains, si bien évoqué par exemple dans les deux premières Bucoliques de Virgile, est un héritage direct du "lieu idyllique" peint par Théocrite dans "La grande fête des Thalysies" : "(...) Pleins de joie, nous nous étendîmes sur des

couches profondes de jonc odorant et de pampres, fraîches coupées. Au-dessus de nos têtes un souffle habitait les peupliers et les ormes ; il y avait ce grelot d'une eau au travers de l'antre des Nymphes et, dans les branches nourries d'ombre, la strideur perpétuelle des cigales brûlées par le soleil. (...) A l'entour des fontaines, les abeilles rousses. Tout était gonflé de l'odeur de l'été très gras, l'odeur de la saison des fruits. A nos pieds, à nos flancs, des pommes et des poires croulaient, des rameaux couverts d'une nuée de petites prunes ployaient jusqu'à terre."33 Les nombreux auteurs qui se sont penchés sur la question n'ont pas manqué non plus de voir l'origine de ce "lieu idéal" dans la Grotte de Calypso, qui, comme le note Annie Bonnafé, "réunit tous ses éléments : verdure, ombre des arbres, herbe tendre et présence de l'eau vive". Comme cet auteur le précise à propos d'Hermès, "l'émotion ravie qu'[il] ressent lui-même, "tout immortel qu'il est", en approchant de ce lieu anticipe sur le plaisir sensuel qu'il s'attend à y éprouver"34. Cette dernière phrase, en apparence si anodine, nous permet d'introduire l'idée de "plaisir sensuel", en abordant un point qui nous paraît réellement nouveau dans les représentations de l'eau chez les Romains.

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L'eau, objet de plaisir

Ce qui nous a frappé tout au long de cette recherche, c'est l'apparition explicite de l'eau en tant qu'agrément, objet de plaisir et de désir, détaché de toute considération religieuse, voire sacrée. Cette nouvelle vision de l'eau peut s'analyser sous deux aspects différents.

Premièrement, l'eau devient objet de plaisir en tant qu'élément, élément tactile et sensoriel pur. On voit apparaître des comportements nouveaux, voire une nouvelle économique de l'eau, par le succès du thermalisme, des bassins, des piscines et des bains d'eau de mer. La promenade au bord de la mer était déjà appréciée, si possible au lever ou au coucher du soleil.

En tant que cadre pour parler philosophie : "J'assistais quant à moi à un combat ardent et tendu dans lequel chacun des deux défendait sa doctrine, alors que nous nous trouvions tous ensemble à Ostie avec Favorinus. Nous nous promenions sur le rivage comme la nuit

commençait déjà à tomber, au début de la belle saison."35 ; ou tout simplement pour le plaisir des sens et afin d'entretenir sa santé : "nous décidâmes alors de nous rendre à Ostie, cité des plus charmantes, sachant que mon corps trouverait dans les bains de mer un traitement agréable et propre à sécher ses humeurs. (...) Voilà pourquoi au point du jour nous nous dirigions vers la mer pour faire une promenade sur le rivage, où la brise vivifierait nos membres de son souffle caressant et où nous goûterions le plaisir exquis de sentir le sable s'enfoncer mollement en cédant sous nos pas. (...) Ici l'eau inondait doucement le sable du bord et l'étendait comme le tapis d'une allée ; la mer, toujours en mouvement même quand les vents sont tombés, se répandait sur le sol, non pas en vagues blanches et écumantes, mais en ondulations vagabondes et sinueuses, qui nous charmaient au plus haut point : car nous trempions nos pieds juste au seuil de l'onde, dont le flot tantôt s'approchait d'eux, comme par jeu, tantôt se repliait et se retirait, s'absorbant en lui-même. Aussi avancions-nous lentement et tranquillement, le long du rivage faiblement incurvé, distraits de notre marche par le

bavardage"36. Le lecteur nous pardonnera la longueur de la citation, rendue nécessaire par sa richesse thématique et pour faire ressortir le climat de la scène. On aura vu ici l'allusion aux épithètes homériques et à la représentation grecque de la mer dans l'image des "vagues blanches et écumantes", qui contraste avec l'aspect familier et ludique d'une mer domptée par la présence humaine, d'une mer bienveillante qui ne procure que du bienfait et de la

jouissance. Une sensualité certaine découle du tableau, encore mise en valeur par des

expressions telles que "ondulations sinueuses" ou "rivage incurvé". Dans un effet stylistique particulièrement subtil, on remarquera même dans cette "écume de la mer" l'évocation de la naissance d'Aphrodite37. Mais contrairement au texte d'Hésiode cité en note, la référence à la déesse est dans cette scène très profane, elle ne vient que souligner la sensualité du sable et de l'eau qui caresse les pieds des promeneurs.

Deuxièmement, l'eau devient objet de plaisir pour les yeux, comme nous l'avons dit

précédemment. Pline, dans un texte décrivant sa villa de Laurentum, montre bien l'importance de ces agrément du corps et des yeux simultanément. Après avoir passé en revue les

différentes chambres de la résidence, avec, pour chacune d'entre-elles une description de ce qui fait leur charme par rapport à l'environnement, la vue, et en fonction de chaque saison, Pline en vient à la piscine : "A ces locaux touche une piscine d'eau chaude merveilleuse dans laquelle on peut nager en regardant la mer, et (...) en cet endroit s'élève une tourelle ayant en bas deux chambres, en son milieu deux autres, et enfin une salle pour les repas du soir ; elle a vue sur une grande étendue de mer, une longue bande de rivage et de villas délicieuses (...) au rez-de-chaussée, une salle à manger où n'arrive, même quand la mer est démontée, que le retentissement de sa colère, assourdi déjà et s'évanouissant : elle donne sur le jardin et sur

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l'allée destinée aux litières qui encadre le jardin. (...) Cette allée est bordée de buis et de romarin (...)"38. On remarquera en passant, ce retour de l'élément marin, toujours effrayant mais qui, grâce à la distance, ne procure plus d'inquiétude. La mer, transformée en spectacle et en bruit, ne garde que son meilleur rôle, celui de "sonoriser le paysage"39. Enfin, comme pour compenser l'image de la mer trop sauvage, le texte passe immédiatement à la description du jardin, présentant une nature domestiquée et idéale. Mais Pline n'est de loin pas le seul à nous éclairer par ses oeuvres. Bien qu'il soit l'auteur latin le plus cité par tous les chercheurs qui se penchent sur la question du paysage chez les romains, nous trouvons autour de lui bien d'autres auteurs intéressants. Ainsi Cicéron, toujours sur le thème du panorama : "Le reste est on ne peut plus charmant, crois-le bien : la villa, le rivage, la vue de la mer, et tout ce qui m'entoure"40

On le voit, plus trace de nymphes et de Dieux dans les descriptions, si ce n'est comme élément stylistique et décoratif très profane. Le "religieux" deviendra toujours plus absent des textes, où prédomineront surtout des considérations sur la bonne santé corporelle, et encore plus souvent sur le simple plaisir, le ludique, le bien-être, comme nous avons pu le montrer à travers nos citations.

Itinerans...

Afin de compléter cette étude sur les textes directs et indirects, nous avons partiellement participé à une étude "sur le terrain" entreprise par Gianni Hochkofler41. Ce voyage nous a permis de confronter notre perception directe du paysage dont on jouissait depuis ces villas avec les descriptions qu'en on fait les auteurs latins déjà sensibles à ces qualités. Tacite, parlant des douze villas de Tibère à Capri, nous dit : "on découvrait le plus beau des golfes avant que l'éruption du Vésuve eût changé l'aspect du pays"42. Stace, quant à lui, se livre à une description du paysage que l'on a de chaque fenêtre, mettant en valeur différents haut-lieux du Golfe de Naples : "Chaque chambre possède un agrément particulier et sa mer à soi, et, au delà de la plaine de Nérée, les fenêtres tournées vers des côtés différents sont maîtresses chacune de sa terre : l'une regarde Inarimé [Ischia], l'autre a vue sur l'âpre Prochyta [Procida] ; de ce côté-ci se profile l'écuyer du grand Hector [le cap Misène] ; de cet autre, Nésis [Nisida], encerclée par la mer (...)"43.

Avec tous ces textes dans nos bagages44, nous avons visité une dizaine de sites

archéologiques, parmi lesquels ceux de Sirmione (Lac de Garde), des îles de Giannutri, Ventotene et Capri, ainsi que dans le Golfe de Naples, à Sorrento et à la Punta Campanella.

Cette étude nous a permis de vérifier, d'abord, que les sites choisis et les paysages visibles depuis ces villas correspondent à ce que l'on considérerait aujourd'hui comme un "beau"

paysage. A chaque fois, nous avons eu l'impression qu'une personne fortunée choisirait encore chacun de ces sites pour y édifier sa propre villa, et d'ailleurs, très souvent, des hôtels de charme ou des palaces se trouvent aujourd'hui à proximité directe de ces sites, jouissant d'une vue semblable. Par ailleurs, ces paysages se retrouvent dans des tableaux, des cartes postales, toutes représentations iconographiques tendant à montrer l'aspect "pittoresque" de ces lieux et de ces paysages de nos jours.

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Fig. 1. Contemplation et méditation depuis la villa romaine de Sirmione-del-Garda Photo : R. Scariati

Ensuite, nous avons pu voir en quoi la "vision" était importante dans ces sites. Non seulement la vision du paysage depuis les villas, mais la vision de ces villas dans le paysage, comme nous l'avons vu dans une précédente citation. Voir et être vu semble une qualité à laquelle les Romains étaient déjà sensibles, raison pour laquelle l'aspect des façades était particulièrement soigné du côté du littoral. Par ailleurs, on doit relever que ces villas se faisaient souvent face à travers les baies. Ainsi, les villas du Golfe de Naples pouvaient être vues à travers la baie par temps limpide, entre la presqu'île de Sorrente, la côte de Stabia et de Pompéi, la région napolitaine du Pausilipe, de Baies et de Misène, et l'île de Capri. De la même manière, certaines villas du Lac de Garde se faisaient face, de Sirmione au promontoire de Manerba.

Enfin, nous avons pu comprendre quelle était la place de l'eau dans ces paysages. Par opposition à l'eau chtonienne des grecs, associée à la roche, à la végétation, l'eau "paysage"

des romains est une eau associée à la lumière et au ciel. Cette eau vue de haut est comme une lumière émanant du paysage, elle reflète la couleur du ciel. Il s'agit alors d'une eau surface, d'une "nappe" aérienne, ouranienne pour reprendre un adjectif plus adapté à la mythologie.

Les couleurs de cette eau immobile, cristalline, n'est plus le vert de l'eau-élément, mais le bleu clair, le blanc, le rose. C'est la couleur de l'aube, du ciel azur, de l'immensité.

A ce point de notre texte, le lecteur aura été surpris de voir apparaître, depuis que nous évoquons la culture romaine, le terme de "paysage", qui continue à faire couler passablement d'encre à travers des disciplines aussi diverses que la philosophie et l'économie, la géographie et l'histoire de l'art, sans oublier l'aménagement du territoire et l'architecture. Nous ne

prétendons pas réouvrir ici, à la fin de cet article, une question si monumentale. Faut-il, comme le pensent Anne Cauquelin45 ou Alain Corbin46 refuser d'utiliser ce concept pour les

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civilisations antiques ? Ou bien, avec Alain Roger, parler dans de "proto-paysages"47 ? ou encore, introduire comme Augustin Berque48 l'idée d'un "paysage archétypal" ou, comme Massimo Venturi Ferriolo49, parler de "sensibilité paysagère" ? Pour notre part, et le lecteur l'aura compris, nous sommes davantage séduit par la thèse de Jean-Robert Pitte, selon laquelle

"la notion de paysage existait déjà dans les civilisations méditerranéennes de l'Antiquité"50, avec la nuance suivante. Nous pensons que si la proposition de Jean-Robert Pitte peut difficilement être controversée aujourd'hui pour ce qui est du monde romain antique, vu le nombre de textes et d'iconographie à caractère paysager qui en sont le témoin pour ne pas dire la preuve, le problème est complètement différent pour la civilisation grecque, où la

sensibilité à la Nature était d'un tout autre ordre, comme nous l'avons montré dans cet article.

Ainsi, nous serions plutôt enclin à penser que le concept de paysage remonterait, en Occident, à la société romaine de la fin de la République.

Cette parenthèse trop succincte sur la "question du paysage" nous a semblé nécessaire pour énoncer le dernier point de notre étude : l'héritage actuel des représentations antiques de l'eau.

La parole de l'eau douce aujourd'hui, entre culture et archétype

Nous avons dit que la culture romaine inaugure une nouvelle représentation de l'eau, qui vient s'ajouter à celle que connaissaient les Grecs, mais sans se substituer à elle. Chez les Romains, l'eau "élément", matérielle, chtonienne, utilitaire et sacrée à la fois, se double d'une eau

"paysage", visuelle, ouranienne, presque... abstraite. Or, à partir de ce moment, peu importe que cette eau soit douce ou salée, puisqu'on ne fait que la contempler, l'admirer, le plus souvent depuis un promontoire (Fig. 1, ci-dessus). Plus que l'eau, c'est l'image reflétée du ciel qui compte, c'est la brise fraîche qu'elle engendre, le "tableau" complet dans lequel elle s'insère qui est important. La distinction entre lac et mer ne seront plus de l'ordre de l'eau, mais de l'ordre du paysage : présence d'une rive opposée et, idéalement, d'un cadre de montagnes ? Ou bien horizon infini, où la mer et le ciel se joignent ? On le voit, la parole de l'eau comme "élément physique" est absente, et la publicité touristique entretient l'illusion et l'ambiguïté. Pour revenir un instant sur la villa romaine de Sirmione et sur le Lac de Garde, il est intéressant de voir comment ce lieu est offert aujourd'hui aux touristes autrichiens et allemands comme une Mer Méditerranée en miniature, avec son microclimat, ses citronniers, ses oliviers etc.51.

Quant à l'eau "matérielle", là aussi, nous pouvons établir un lien avec le monde contemporain.

Il nous semble en effet pouvoir retrouver dans de multiples exemples de notre quotidien l'importance de l'eau matérielle, et ce rapport étroit qui liait l'eau à d'autres éléments de la nature comme la végétation, les arbres, les bois, les fleurs d'une part, et les rochers, les grottes, la montagne d'autre part. Nous prendrons un seul exemple, celui de l'eau de boisson.

Nous sommes persuadé, et les adeptes des problématiques bachelardiennes ne nous contrediraient pas, que l'eau que nous buvons depuis les robinets en acier chromé de nos cuisines nous semblerait bien meilleure si nous la puisions à une vieille fontaine en pierre et en fer, mieux encore, directement à une source vive certifiée pure. Est-ce pour cette raison que la consommation se tourne, aujourd'hui, vers l'eau en bouteille ? Nous laisserons cette question en suspens. Par contre, il est clair que la symbolique utilisée pour les couleurs des

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bouteilles et de leurs étiquettes fait référence, de façon explicite, à tout ce que nous venons de dire au sujet de l'eau chtonienne des Grecs. En effet, la majorité des marques européennes utilisent le bleu, le blanc et le rose pour l'eau minérale naturelle, et le vert pour l'eau minérale gazeuse (Fig. 2, ci-dessous). On retrouve ainsi les deux associations d'images de l'Antiquité : le bleu couleur du ciel, du lac et de la mer, de l'air et de la pureté pour l'eau aérienne et immobile, calme et belle comme un paysage ; le vert végétal pour l'eau gazeuse, où le

"pétillant" est censé remplacer le mouvement de la source vive.

Fig. 2. Un exemple "d'eau-verte"

Source : Nestlé - Internet"

Nous avons vu par ces exemples que les racines de notre représentation de l'eau, aussi bien de l'eau matérielle que de l'eau visuelle, plongent dans les profondeurs de l'Antiquité gréco- romaine, voire même dans les civilisations antérieures à partir desquelles ces peuples ont élaboré leur propre culture et leur propre mythologie. Ne pourrait-on pas tout aussi bien penser que ces représentations remontent encore plus loin, pour être plutôt de l'ordre de l'archétype ?

Si nous suivions cette idée, ce que nous n'allons pas faire dans cette conclusion, il nous faudrait remonter à l'archétype de la fécondité-fertilité, qui est à l'origine de la religion

préhellénique importée d'Asie et qui a engendré la croyance en une Terre-mère originelle. Cet archétype est l'un des plus puissants de l'humanité toute entière, puisque la naissance, aussi bien dans le règne végétal que le règne animal (et donc l'Homme) est apparue partout et depuis la nuit des temps comme le mystère fondamental de la vie. Dans les cultures que nous avons étudiées, l'eau se trouvait au centre de cette cosmogonie, puisqu'elle permet cette fertilité, et par une transposition d'image évidente, la fécondité humaine. La question

mériterait d'être approfondie en multipliant ce genre d'études, et en comparant entre elles des situations géographiques et historiques différentes, afin de voir si dans d'autres civilisations ayant cet archétype comme axe central, l'eau conserve la même image et la même valeur.

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Annexe :

Tableau des épithètes et des images associées à l'eau salée et à l'eau douce dans Hésiode (Thégonie, Les Travaux et les jours) et dans les Hymnes homériques.

Eau salée Eau douce

la mer brumeuse la mer divine la mer immense la mer implacable la mer inlassable la mer mugissante la mer poissonneuse

la mer aux courants violents la mer retentissante

la mer sombre la mer houleuse la mer périlleuse la mer saline

la mer qui se soulève impétueusement la mer sans limites

la mer stérile la mer tumultueuse la mer vineuse la vaste mer

l'âcre gonflement de la vague marine

eau claire sources sacrées eaux sacrées

la source aux belles ondes

séduit par le courant d'une onde nonchalante une source aux eaux sombres

L'Arcadie aux milles sources L'Ida aux milles sources

Achéloüs aux tourbillons d'argent Caïque au beau courant

le cours limpide des fleuves le cours sacré de l'Océan le divin Scamandre le divin Simoïs

le fleuve aux mille tourbillons le fleuve parfait

le fleuve sacré

l'eau aimable et claire les fleuves au cours bruyant les flots argentés

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le gouffre des mers le grand abîme de la mer le large dos de la mer les ondes salées de la mer les sombres vagues l'étendue des mers l'onde amère

le grand abîme de la mer le vaste dos de la mer les flots salés

les hautes vagues

L'Ister au courant limpide l'Océan au courant profond l'Océan aux profonds tourbillons l'Océan fameux

une goutte de douce rosée

une source intarissable d'eau courante et pure

Bibliographie

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(18)

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Minucius Felix, Octavius, trad. Beaujeu J., Paris, Les Belles Lettres, 1964.

Pline le Jeune, Lettres, trad. Guillemin A.-M., Paris, Les Belles Lettres, 1987.

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Tacite, Annales, trad Wuilleumier P., Paris, Les Belles Lettres, 1990

Théocrite, Les Idylles, trad. Chappaz M. et Genevay E., Albeuve, Castella, 1983

Textes latins utilisés mais non cités dans cet article Catulle, Poésies, 31.1

Cicéron, Ad Familiarem, VII.I.1

Cicéron, Ad Atticus, II.3, XII.16, XIV.20

Pline le Jeune, Lettres, I.3, I.9, II.8, II.17, IV.30, V.6, IX.7 Pline l'Ancien, Histoire naturelle, II.224, XXXI

Plutarque, Vie de Lucullus, 39.4 Sidoine Apollinaire, Lettres, II.2 Stace, Silves III.1

1 Bachelard G., L'eau et les rêves, Paris, Corti, 1991, p. 10

2 Voir, à ce sujet, notamment, les travaux du Centre de recherches sur l'imaginaire Gaston

(19)

Bachelard, à Dijon

3 Bachelard G., L'eau et les rêves, Paris, Corti, 1991, p. 206 et 211 4 Bachelard G., L'eau et les rêves, Paris, Corti, 1991, p. 209 5 Ploix C., La nature des dieux, Paris, F. Vieweg, 1888.

6 Nous avons établi comme cadre chronologique de notre étude, essentiellement, la Grèce archaïque et classique.

7 Nilsson M.P., La religion populaire dans la Grèce antique, Paris, Plon, 1954, p. 26

8 Bonnafé A., Poésie, nature et sacré I : Homère, Hésiode et le sentiment grec de la nature, Lyon, Maison de l'Orient, 1984 , p. 197

9 Nous reviendrons brièvement à la fin de cet article sur cet archétype puissant en particulier.

10 voir à ce sujet Nilsson M.P., La religion populaire dans la Grèce antique, Paris, Plon, 1954 11 Document personnel de l'auteur

12 Boehm I., "Paysage et personnage dans la tragédie grecque", in : Paysages et milieux naturels dans la littérature antique, éd. par C. Mauduit et P. Luccioni, Université Jean Moulin Lyon 3, Centre d'études et de recherches sur l'occident romain, Lyon, 1998, p. 45-46.

13 Nous reviendrons plus longuement sur cette symbolique des couleurs différenciée : le bleu pour la mer, le vert pour l'eau douce.

14 L'Odyssée, Livres V et VI (la liste des traductions utilisées se trouve en fin d'article)

15 Nous avons volontairement étendu la citation jusqu'à cette image de la fleur d'hyacinthe, qui est, comme nous le verrons, un des éléments du système symbolique associé à l'eau douce.

16 Nous empruntons à nouveau ces termes à Gaston Bachelard

17 Ferriolo M.V., Etiche del paesaggio, Roma, Ed. Riuniti, 2002, p. 64

18 Cette idée nous renvoie très clairement au mythe préhellénique de la Terre-mère

19 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971

20 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971, p.6

21 Hésiode, Les travaux et les jours, 582 sq. L'importance du printemps est évidemment lié au mythe de la Terre-mère par l'intermédiaire de l'archétype de la fécondité.

(20)

22 Homère, Hymnes, A Apollon Délien I. 25-60

23 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971, p. 15

24 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971, p. 74

25 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971, p. 16

26 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971, p. 9

27 Motte A., Prairies et jardins de la Grèce Antique. De la religion à la philosophie, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1971, p. 18

28 Lafon X., Villa Maritima, Rome, Ecole française de Rome, 2001 29 Pline, Correspondance, II.17.25.

30 Stace, Silves, II.15 sq.

31 L'origine de ce nom de lieu est d'ailleurs Spelunca, "la grotte". On consultera au sujet de cette villa, notamment, CASSIRIERI N., La Grotta di Tiberio e il Museo archeologico Nazionale, Sperlonga, Roma, Istituto poligrafico e zecca dello Stato, 2000. On lira aussi l'excellent ouvrage de Lavagne H., Operosa antra, recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien, Rome, BEFAR, 1988.

32 On parlera plusieurs siècles plus tard de "locus amoenus"

33 Théocrite, Idylles, ...

34 Bonnafé A., Poésie, nature et sacré I : Homère, Hésiode et le sentiment grec de la nature, Lyon, Maison de l'Orient, 1984 , p. 157

35 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XVIII.I.2-4 36 Minucius Felix, Octavius,II.3-4 et III.2-5

37 "Tout autour, une blanche écume se dégageait, dans laquelle une jeune fille prit forme (...) alors, de la mer sortit la vénérable et belle déesse ; autour d'elle (...) la verdure croissait. Les dieux et les hommes l'appellent Aphrodite, parce qu'elle fut formée de l'écume." Hésiode, Théogonie, 42 sq.

38 Pline, Correspondance, 17.10-13.

39 Bachelard G., L'eau et les rêves, Paris, Corti, 1991, p. 22.

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40 Cicéron, Lettre à Atticus, XII.9.

41 Voir à ce sujet...

42 Tacite, Annales, IV.67.2.

43 Stace, Silves, II.73 sq.

44 En dehors des textes latins cités dans cet article, nous en avons consulté d'autres qui pourraient être utiles au lecteur intéressé par ces question. La liste se trouve après la bibliographie en fin d'article.

45 Cauquelin A., L'invention du paysage, Paris, Plon, 1989

46 Corbin A., L'homme dans le paysage, Paris, Textuel, 2001. Dans son ouvrage Le territoire du vide, A. Corbin se montre cependant plus nuancé, intégrant une sensibilité au paysage et une pratique du rivage dans la civilisation romaine, assez proches de la thèse soutenue dans cet article.

47 Roger A., Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997, p. 54

48 Berque A., Ecoumene : Introduction à l'étude des milieux humains, Paris, Belin, 2000.

49 Ferriolo M.V., Etiche del paesaggio, Roma, Ed. Riuniti, 2002, p. 19 50 Pitte J.R., "L'invention du paysage", L'Alpe, 16, 2002, p. 13–22, p. 13.

51 Hochkofler G., "La civilisation de l'olivier au lac de Garde", Le Globe, T. 138, 1998, p. 17- 63

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