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Justice pénale et nouvelle gestion publique

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Academic year: 2022

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Journée d'étude

« Justice pénale et nouvelle gestion publique »

Depuis au moins trois décennies, la nouvelle gestion publique apparaît comme le paradigme dominant au principe des transformations contemporaines de l'État (Bezès, 2009). Elle constituerait une réponse aux défauts traditionnellement associés à la bureaucratie (rigidité, manque d’efficacité, etc.), notamment par l'introduction de méthodes « managériales » issues du secteur privé dans l’optique de transformations internes (organisationnelles, culturelles et identitaires) des services.

Cette nouvelle logique gestionnaire se caractérise notamment par la mesure et la rétribution de supposées performances, la valorisation de la responsabilité individuelle1 et l’attention portée à la satisfaction d’une « clientèle ».

Avec l'introduction d'indicateurs de performance institutionnalisés via la LOLF, toutes les administrations publiques font face à de nouvelles injonctions à l'amélioration de leurs

« rendements », et ce quelques soient leurs spécificités historiques et/ou fonctionnelles. En dépit du statut de « secteur régalien » de la justice, les nouvelles logiques gestionnaires ont fini, comme ailleurs, par s'y imposer (Danet, 2010; Vigour, 2006), portées par une diversité d'acteurs unis par un même « sens commun réformateur » (Topalov, 1999; Vauchez, Willemez, 2006). L'objet de cette journée d'étude est alors de voir comment se produit concrètement l'intégration de logiques gestionnaires, voire marchandes au sein des institutions policière, judiciaire et pénitentiaire, et sur les formes que prennent leurs légitimations.

Il s'agira notamment de questionner l'idée selon laquelle ce nouveau paradigme s'imposerait de manière nette et univoque. Il faudra alors interroger l'hypothétique dynamique de

« modernisation », en prêtant attention à la fois à la permanence des structures et des pratiques des agents et aux résistances, ne serait-ce que passives, que ceux-ci peuvent opposer à ces mutations. Il convient à cet égard de ne pas exclure d'emblée l'hypothèse que ces évolutions soient avant tout des opérations de « monstration » (Alam, Godard, 2007), ou des mutations « de façade », ou celle selon laquelle la vague modernisatrice ferait place à un retour aux logiques administratives antérieures, ou encore qu'elle participerait au renforcement des « maux bureaucratiques » auxquels elle devrait remédier.

Dans cette perspective, l'un des objectifs de cette journée d'étude sera de restituer la pluralité des logiques à l'œuvre au sein de la sphère pénale. D'une part, il s'agira de rendre compte du fait que celle-ci est très largement éclatée, composée d'une multitudes de territoires et d'acteurs aux positions et logiques différentes, parfois concurrentes voire antagonistes, en dépit de leur regroupement sous la bannière d' « agents des politiques pénales ». De l'autre, il s'agira de voir comment les différents acteurs de la chaîne pénale se réapproprient ces différentes politiques. Pour ce faire il conviendra de porter une attention toute particulière aux divers acteurs de cette « chaîne » : policiers, magistrats, avocats, acteurs des politiques de sécurité au niveau local, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP, c'est à dire les anciens CIP), surveillants, directeurs établissements pénitentiaires, personnels soignants, etc.

Cette journée d'étude vise ainsi à interroger les institutions liées à la sphère pénale, tant à travers le prisme de l'analyse juridique (règles et normes) qui permet de les objectiver, qu'à travers celui des valeurs, routines, pratiques instituées, rôles et croyances stables et durables, partagées par un groupe d’acteurs publics ou privés. Il faudra voir ce que les acteurs font aux réformes (Crozier et Friedberg 1977), comment ils vivent et remplissent les rôles qui leurs sont dévolus et s'adaptent aux règlements qui leurs sont imposés (Lipsky, 1980), en dépassant l’image du local comme simple niveau d’exécution.

1 Voir le numéro de Politix, n°79, 2007, sur le Management.

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Cette journée d'étude aspire à une mise à l'épreuve des approches théoriques existantes en les confrontant aux réappropriations locales. Elle ne pourra cependant se satisfaire de mettre en exergue la pluralité des pratiques. Autant que possible, les contributions devront être mises au service d'ambitions de théorisation des tendances générales des politiques pénales au niveau national et/ou supra-national. Un certain nombre de travaux sur la justice pénale ont pu montrer qu'un ensemble de logiques (gestionnaires, sécuritaires, etc.) ont émergé au cours des dernières années. Il pourrait notamment être intéressant de voir dans quelle mesure celles-ci s'inscrivent dans un mouvement commun ou, au contraire, de discuter comment elles peuvent entrer en confrontation.

Dans cette optique, on privilégiera deux axes problématiques dans lesquels peuvent s’inscrire les contributions.

Axe 1 : Les politiques pénales reconfigurées par les « exécutants »

Le premier axe cherchera à questionner l'évidence selon laquelle les politiques pénales relèvent pour l'essentiel de la logique du centralisme jacobin, si bien que les transformations en termes de gestion publique seraient décidées « en haut » et simplement exécutées par les agents en charge de leur application. Un ensemble de travaux met ainsi en exergue, à partir d’approches ethnographiques ou socio-historiques, la marge d’appréciation dont disposent les agents « de base » dans l’application des politiques impulsées au niveau national (Dubois 1999, Spire 2008).

Nous serons notamment intéressés par des contributions qui montrent en quoi l'introduction de réformes constitue un moment de reconfiguration des rapports de pouvoir entre les acteurs – comment, par exemple, les rapports police/parquet, parquet/siège, magistrats/CIP sont-ils redéfinis par ces réformes ? – ou comment ces réformes participent à l'émergence de nouveaux acteurs et à la redéfinition des fonctions de justice. Dans le même ordre d'idées, il serait intéressant de s’interroger sur les manières dont les acteurs se saisissent des réformes (qu’elles soient tangibles ou avant tout objet de discours tactiques), et comment elles peuvent être, pour un même acteur, à la fois créatrices de contraintes et de ressources.

Nous serons particulièrement intéressés par des contributions qui portent sur ceux des acteurs du système pénal qui sont encore peu étudiés par les recherches en sciences sociales. Nous pensons notamment aux avocats, aux directeurs d'établissements pénitentiaires, mais également aux différents acteurs « périphériques » (experts psychiatres, personnels soignants, agents des greffes, travailleurs associatifs, etc.), lesquels participent pourtant à l'application concrète de ces politiques.

Enfin, il serait pertinent de mettre en lumière les différentes conséquences de ces nouvelles politiques gestionnaires : produisent-elles des effets « indésirables » aux yeux de leurs promoteurs ou, tout du moins, non voulus ? Existe-t-il concrètement d'autres finalités à la mise en place de ces réformes que celles qui sont officiellement revendiquées ?

Axe 2 : Les réformes de la justice à l'épreuve du territoire.

De manière étrange, les travaux portant sur le territoire comme dimension de l'application des poli- tiques pénales sont rares, alors même que ceux qui ont utilisé une telle perspective font état de diffé- rences significatives (Aubert, 2008 ; Delarre, 2008 ; Léonard, 2010). Les spécificités d'un territoire font pourtant partie des dimensions qui pèsent sur l'application des nouvelles politiques publiques.

L'hypothèse d'une application territoriale différenciée des nouvelles politiques pénales est-elle com- patible avec certains principes juridiques, tels que la notion de « procès équitable » définie par l'ar- ticle 6-1 de la CEDH, ou plus généralement avec l’exigence d’égalité de traitement devant la jus- tice ? Cela n'implique-t-il pas des contradictions liées au découpage et aux compétences respectives

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des différentes juridictions ?

Les travaux qui montreront quelles sont les différentes dimensions du territoire et en quoi celles-ci pèsent sur l'application d'une politique publique nous intéresseront particulièrement. Ainsi, la division du travail interne, et plus généralement l'organisation d'une institution, sont liées à son territoire. Celui-ci se caractérise également par la population qui y réside ou y transite, ou encore par d'autres dimensions, comme les moyens à disposition des juridictions (partenaires associatifs, etc.). De manière générale, il s'agira ici de se demander en quoi la mise en place des nouvelles politiques pénales en matière de justice et le sens qu'elles prennent est fonction du territoire particulier dans lequel elles s'inscrivent.

Nous serons également intéressés par les travaux qui portent leur attention sur l'imbrication des différents découpages territoriaux selon les acteurs en charge des politiques pénales. A titre d'exemple, la juridiction dans laquelle la peine est prononcée ne correspond pas nécessairement au territoire dans lequel elle est exécutée. Quelles conséquences cela implique-t-il ? Existe-t-il des effets d'ajustement en fonction des ressources à disposition des différents professionnels ? Le redécoupage de la carte judiciaire engendre-t-il des conséquences à ce niveau ?

Enfin, les recherches étudiant les territoires locaux en tant que terrain d'expérimentation en vue de la mise en place d'une politique pénale au niveau national pourraient permettre de renouveler les problématiques sur la question. Ainsi, nombreuses sont les politiques publiques qui ont été

« testées » au niveau local avant d'être institutionnalisées (Lévy, 1984; Bastard, Mouhanna, 2007).

En quoi consistent les plus récentes de ces expérimentations ? S'inscrivent-elles dans les tendances actuelles des nouvelles politiques publiques ? Ou, au contraire, apparaissent-elle comme révélatrices de l'émergence d'une nouvelle « philosophie » des politiques pénales, en concurrence avec celle qui serait dominante ?

Hakim Bellebna, doctorant contractuel – CERAPS – Lille 2 Thomas Léonard, doctorant, allocataire-moniteur – CERAPS – Lille 2 Gaëtan Cliquennois – CRIDEP à l'UCL - Chargé de recherche au FRS-FNRS – Associé au

CERAPS Les propositions de communication (environ 4000 signes), précisant méthodes et terrains, devront être adressées avant le 15 mai 2011 à Hakim Bellebna (hakim.bellebna@etu.univ-lille2), à Thomas Léonard (tl.leonard@laposte.net) et à Gaëtan Cliquennois (Gaetan.Cliquennois@ehess.fr). La liste des communications retenues sera annoncée fin juin 2011. Les propositions acceptées feront l'objet d'un programme édité pour la journée d'étude. Les communications (50000 signes au maximum), accompagnées d'un résumé de 1500 signes, devront être remises par les auteurs avant le 15 octobre 2011.

Comité scientifique : Thomas Alam, Gilles Chantraine, Rachel Vanneuville, Camille Viennot, Jean- Gabriel Contamin, Jacques Commaille, Grégory Salle, Dan Kaminski et Alison Liebling.

Comité d'organisation : Thomas Léonard, Hakim Bellebna, Gaëtan Cliquennois.

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Bibliographie

Alam T., Godard J., Réformes sectorielles et monstration de la modernité. Les usages des savoirs managériaux dans les politiques de l’emploi et de l’alimentation, in Politix, 3, 79, 2007, 77- 100

Aubert, Laura, « L’activité des délégués du procureur en France : de l’intention à la réalité des pratiques », in Déviance et société, 32, 2008, 473-494.

Bastard, B. et Mouhanna, C., Une justice dans l’urgence. Le traitement en temps réel des affaires pénales, Paris : PUF, coll. « Droit et justice », 2007.

Bezes P., Réinventer l'Etat, 1962-2008, Paris, PUF, 2009

Crozier M., Friedberg E., L'acteur et le système : les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1977

Danet J., La justice pénale entre rituel et management, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010

Delarre S., « Établissements et territoires », Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, n° 23, 2008

Dubois V., La vie au guichet : relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 1999

Léonard, Thomas, « Les ''territoires'' de la violence : les faits et leur répression par les tribunaux en France », in Cycnos, 26, 2, 2010

Lévy, René, Pratiques policières et processus pénal : le flagrant délit, Déviance et contrôle social, N°39, CESDIP, Paris, 1984

Lipsky M., Street-level bureaucracy : dilemmas of the individual in public services, New-York [N.Y.] : Russell sage foundation, 1980

Spire A., Accueillir ou reconduire : enquête sur les guichets de l'immigration, Paris, Raisons d'agir, 2008

Tovalov C., La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France 1880-1914, Paris, EHESS, coll.Ci- vilisations et Sociétés, 1999

Vauchez A., Willemez L., La justice face à ses réformateurs (1980-2006), Paris, Presses Universi- taires de France, 2007

Vigour, Cécile, « L'introduction d'une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux po- litiques », Droit et société, 63-64, 2-3, 2006, 425-455

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