Les Tueurs en Série
idées
reçues
Les Tueurs en Série
Michel Barroco
Économie & Société
E D I T I O N S
idées
reçues
Michel Barroco
Docteur en linguistique et sémiologue, il a axé sa thèse de doctorat sur le thème de la manipulation dans le discours des tueurs en série. Intervenant à l’Institut Français de la Presse, il analyse les différentes façons de mettre en mots et de repré- senter la figure du tueur en série.
Du même auteur
– Du serial killer aux slashers-movies : pour une sémiotique du croque-mitaine, Actes du Colloque « Culture en mouvement », 2002.
– Manipulation énonciative, organisateur discursif dominant et projet de monde. Le cas du serial killer Edmund Kemper, Actes du Colloque de la Journée de la formation doctorale de l’université Paris V, 2004.
SERIAL KILLER n.m. : traduction française : tueur en série - traduction québécoise : tueur sériel. Nom donné à un meurtrier récidiviste ayant tué au moins trois personnes, sans qu’il les connaisse au préalable, sans mobile évident et avec une façon de procéder (modus operandi) similaire.
Il est poussé soit par des pulsions sexuelles, soit par un désir de puissance ou de domination.
Il tue la plupart du temps de façon rapprochée avec une arme blanche ou par strangulation.
Il peut être nécrophile* ou cannibale mais ce n’est pas une constante.
Le statut d’objet que revêt la victime à pour consé- quence que le serial killer n’éprouve aucun remord après les meurtres.
On le distingue en tueur organisé et désorganisé selon qu’il est psychopathe* (tueur organisé – la majorité d’entre eux) ou psychotique*.
La plupart d’entre eux sont responsables pénalement.
* Les mots signalés par un astérisque sont expliqués dans un glossaire en fin d’ouvrage.
Introduction . . . . 9
Origines des serial killers
« Les tueurs en série sont un phénomène
récent. » . . . . 15
« Jack l’Éventreur est le premier tueur en série. ». .25
« Les tueurs en série sont un phénomène
américain. ». . . . 31
« Tueurs en série, tueur de masse, c’est la même chose. » . . . .37
Portrait du serial killer
« Les tueurs en série sont des hommes. » . . . . 45
« Les serial killers sont des détraqués sexuels. » . . 51
« Ils ont une double personnalité. » . . . . 55
« Les tueurs en série sont fous. » . . . . 59
« Les tueurs en série sont des cannibales. » . . . . 65
Les causes de leurs actes
« La pornographie est la cause des actes des tueurs en série. » . . . . 73
« Ils en veulent à leur mère. » . . . . 79
« Ils tuent toujours de la même façon, selon un rituel. » . . . . 83
« Ils ne tuent que des femmes. » . . . . 89
Les moyens pour les arrêter
« Il faut une formation spécifique pour les
arrêter. » . . . . 95
« Les profilers mettent leur santé mentale en danger. » . . . .99
« Avec la mise en commun des fichiers informatiques, on devrait les arrêter
plus facilement. » . . . .105
Conclusion . . . . 111
Annexes
Index des tueurs en série cités dans cet ouvrage . 117
Glossaire . . . . 123
Pour aller plus loin . . . . 125
Jack L’Éventreur, Guy Georges, Ted Bundy, John Wayne Gacy, Émile Louis, Hannibal Lecter, Jason Voorheess, Freddy Krueger… Tous sont des tueurs en série. Certains sont réels d’autres n’existent qu’au cinéma (Lecter, Voorheess, Krueger) mais la plupart sont non seulement connus mais célèbres.
Devenu un phénomène surmédiatisé ces dernières années, le tueur en série n’en finit pas de faire parler de lui. Livres, reportages, films, les serial killers sont devenus non seulement un phénomène de société mais de vraies icônes populaires.
On ne compte plus les films américains ou français opposant un profiler* charismatique à un serial killer machiavélique. Chaque saison littéraire voit son contingent de serial killer novels envahir les vitrines des librairies. Des magazines font leur une sur « les mystères des tueurs en série », des articles de revue sociologiques, psychologiques ou linguistiques analysent leurs actes et leurs discours.
Plus morbide, des fan-clubs existent, directement accessibles sur le web, des jeux de société sont en vente libre, un courant musical hardcore s’appelle murder metal et raconte en chansons les actes de serial killers comme Ed Kemper, les toiles que John Wayne Gacy a peintes en prison sont cotées sur le marché de l’art et achetées par des personnalités…
Le serial killer a envahi notre horizon culturel. La raison de cette omniprésence est qu’il fascine et qu’il fait vendre. Au-delà d’une certaine morale, il est un moyen d’attirer du public et donne aux grandes
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télévision de conséquentes rentrées d’argent ou d’excellentes audiences comme c’est le cas pour TF1 quand elle diffuse Le maître du Zodiaque.
Le personnage est littéralement fascinant. On parle ici de personnage car il ne s’agit pas d’une représentation réelle du serial killer. Si Anthony Hopkins doit sa gloire tardive à Hannibal Lecter, le trait principal du tueur en série n’est pas d’avoir le charisme de l’interprète du docteur Lecter. Bien au contraire la plupart ne sont pas des hommes particu- lièrement brillants ou des génies du crime, même si certains ont réussi à échapper à la police (le Zodiaque justement) où à les tenir en échec pendant des années comme le Green River Killer.
En écho à cette représentation du tueur en série, l’autre personnage qui vient immédiatement à l’esprit quant on parle des serial killers est le profiler, le super enquêteur aux capacités hors du commun traquant le Mal incarné. En réalité des bourreaux de tra- vail qui scrutent des rapports de plusieurs centaines de pages pour trouver un élément d’information qui permettra de mettre la main sur un assassin multiré- cidiviste.
Chose remarquable, nous avons tous un savoir sur les tueurs en série (en savons-nous par exemple autant sur les terroristes ?). Il y a un discours déjà-là, à la portée de tous qui donne des réponses. Ainsi on peut entendre fréquemment que le tueur en série « a subi un traumatisme durant son enfance », qu’il a
« un dédoublement de la personnalité », ou qu’il est
« fou ». Autant d’éléments qui ne sont pas de vrais réponses. Qu’est-ce que cela signifie avoir une double
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contemporain, gentil le jour méchant la nuit ? Que signifie être fou quand on parle de tueur en série ? Ne pas savoir ce qu’on fait au moment des meurtres ? Entendre des voix ordonnant de tuer ? Ne pas pou- voir s’empêcher de tuer et en ressentir une vraie jouissance ? Les enquêteurs qui les traquent, les célèbres profilers, sont-ils si efficaces ? Ont-ils des dons particuliers ou tout du moins une sensibilité leur permettant « d’entrer dans la tête des tueurs » qu’ils pourchassent ?
Autant de questions qui accompagnent ces tueurs extrêmes. Autant de questions qui rendent compte de l’attrait morbide qu’ils provoquent. Le serial killer est partout, et c’est justement parce qu’il est pris dans des discours divers qu’il nous intéresse. Il est à la croisée d’un imaginaire très riche où se rencontrent les savoirs les plus divers.
Nous savons tous quelque chose sur les tueurs en série, ils sont pris dans le langage ordinaire et par là même véhiculent des lieux communs, des savoirs tout faits qui donnent néanmoins des éléments de réponse. C’est de cela dont il sera question dans les pages de cet ouvrage…
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ORIGINES DES SERIAL KILLERS
”
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récent. »
Mais quel est ce phénomène nouveau à côté duquel les pires films d’horreur semblent parfois des contes de fées ? Playboy, 1983
Dans les années 80, on pouvait considérer les tueurs en série comme un phénomène nouveau. Ce type de criminalité était en pleine expansion depuis la fin du XXe siècle et on dénombrait 3 nouveaux tueurs en série chaque mois en 1985.
Mais les serial killers ne sont pas nés avec le monde moderne. Des comportements meurtriers parfois très anciens correspondent parfaitement aux meurtres en série actuels. On pourrait citer un grand nombre de tueurs dont la petite ou la grande histoire a gardé le nom, mais ce qui nous intéresse ici c’est ce qui a permis de parler de « phénomène nouveau ».
En plus du développement statistique du nombre de meurtres, c’est la médiatisation du phénomène qui nous intéresse. C’est le statut « extraordinaire » qu’on leur a donné et qui n’a rien de commun avec celui des autres meurtriers. Parce qu’ils défraient la chronique par la violence de leurs actes, parce qu’ils fascinent et effraient, les tueurs en série sont devenus à partir des années 80 de véritables stars.
Les discours sur les tueurs en série revêtent diffé- rentes formes (psychologiques, sociétales…) et occu- pent les supports grand public, car le serial killer fait vendre. Pas seulement dans les journaux, qui voient leur tirage augmenter lors de la médiatisation des
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rie, au cinéma, à la télévision. Il est une valeur sûre du thriller. Mary Higgins Clark, Thomas Harris, Michael Connelly leur sont redevables de leur succès. Il existe également des fan-clubs de tueurs en série, acces- sibles directement sur Internet (C’est le cas pour Jeffrey Dahmer : http://groups.yahoo.com/group/
dahmerfan/).
On trouve également des forums où les internau- tes s’échangent des informations sur leurs tueurs en série préférés : (http://groups.yahoo.com/group/
Serial_Killer_Site/).
Il existe aussi des jeux de société baptisés Jack the Ripperet Serial Killer. (Serial Killerse présente sous la forme d’un plateau de jeu et contient des cartes dites cartes du crime ainsi qu’un sac contenant 25 bébés.)
Les tueurs en série en profitent également.
Les écrits de tueurs en série sont vendus (et collec- tionnés !) ainsi que des bandes dessinées aux noms aussi évocateurs que Rectum Errectum, Tears, Psycho Killerset Psycho Specialqui racontent leur histoire ou l’histoire de serial killers de fiction.
Le tristement célèbre Charles Manson a publié sa biographie en 1974. Il a également été sollicité par le groupe Gun’s and Roses pour écrire les paroles d’une de leurs chansons (The spaghetti incident en 1993).
Les Nine Inch Nails ont enregistré leur disque dans la maison où est morte Sharon Tate (actrice victime de « La Famille* » de Manson et femme du réalisa- teur Roman Polanski).
Au cinéma, des producteurs et des acteurs lui doivent leur carrière (Anthony Hopkins doit en grande partie sa notoriété à son interprétation d’Hannibal Lecter.) Certains tueurs en série, comme John Wayne Gacy, ont peint en prison et des comédiens célèbres
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leurs toiles.
En France, en 2002, un exemple de meurtre violent lié au cinéma a été cité avec ce jeune homme qui a assassiné une de ses camarades de 17 coups de cou- teaux. Il se disait passionné par la trilogie de Wes Craven : Scream (films qui mettent en scène une jeune femme aux prises avec un tueur en série masqué).
On cherche dans les modes de vie modernes des causes au phénomène et à son ampleur. Le cinéma a-t-il créé des modèles de tueurs ? L’essor de la pornographie a-t-il favorisé celui des comportements déviants ? L’anonymat des grandes agglomérations est-il un terrain propice au meurtre discret ? Un autre cas plus ancien est celui de Florence Rey et d’Audry Maupin qui, en 1994, à Paris ont participé à une course-poursuite entraînant la mort de 5 personnes. On a trouvé chez la jeune femme des posters du film d’Oliver Stone, Tueurs nés. Pourtant il n’y a pas de liens entre les films violents et le fait de devenir un tueur en série. La por- nographie a été également utilisée comme argument par certains serial killers, tel que Ted Bundy, pour expliquer leurs actes. Selon lui, la pornographie agis- sait comme une drogue qui donnait une excitation insatiable et amenait peu à peu le lecteur à un stade où « vous vous demandez si le fait de passer à l'acte à ce moment-là, vous apportera plus de plaisir que seu- lement de le lire et de le regarder ».
L’univers de la grande ville est également mis en avant au travers de l’anonymat qu’elle peut engendrer.
SDF, fugueurs peuvent être autant de victimes ano- nymes pour les tueurs en série. Les autres raisons invoquées concernent la famille et l’éducation et ici, ce qui est plus récent, la psychologisation des relations
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« Science et Avenir » le tueur en série Arthur Shawcross explique que sa mère l’a forcé à avoir des relations sexuelles avec lui, Ed Kemper, dans une interview accordée à Stéphane Bourgoin déclare qu’il « aurait dû s’identifier à son père mais qu’il n’y parvenait pas. » Autant de reprise de discours psychologiques qui don- nent plus aux tueurs en série des façons de se dire que de véritables réponses.
Mais ces causes modernes ne suffisent pas à expli- quer un phénomène qui est en réalité plus ancien - et pas seulement américain. Les tueurs en série sont pré- sents depuis longtemps dans nos sociétés. L’Antiquité a eu ses empereurs romains, le Moyen-âge ses grands assassins comme Gilles de Rais, le Grand Siècle ses empoisonneuses. La France n’a pas été épargnée. Elle abrite des tueurs en série depuis des siècles. Parmi les grandes affaires criminelles qui ont marqué notre pays, deux, particulièrement fameuses, mettent en scène des tueurs en série. Leurs noms sont d’ailleurs passés à la postérité : il s’agit du docteur Petiot et de Landru.
Marcel Petiot est né en 1897 à Auxerre. Enfant brillant, il perd ses parents très tôt. On observe très rapidement chez lui des tendances sadiques* (il tor- ture des animaux). En 1916, il part pour le front. Il y est gravement blessé. Il manifeste par la suite des troubles mentaux qui le feront réformer. Il obtient peu après (sans doute de manière frauduleuse) son diplôme de médecine et va exercer dans la bourgade de Villeneuve-sur-Yonne. Il y devient maire puis conseiller général, mais a des démêlées avec la justice (il détourne des fonds municipaux).
Il s’installe ensuite à Paris et c’est sous l’Occupation qu’il commence à tuer en série.
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Ouvrages généralistes
Le spécialiste français des tueurs en série reste Stéphane Bourgoin. Auteur d’un grand nombre de livres sur le sujet on retiendra Serial killers : enquête sur les tueurs en série (Grasset, 1993) et l’édition augmentée de 2004.
Toujours de Stéphane Bourgoin Le livre noir des serial killers (Grasset 2004) qui est une compilation des différentes études et interviews menées auprès de tueurs en série comme Ed Kemper. On regrettera cependant la façon parfois « sensation- nelle » dont sont traités les récits.
Son ouvrage Les tueurs en série sont parmi nousest une des- cription exhaustive de l’univers des serial killers (les tueurs en série en France, les fichiers informatiques utilisés dans les enquêtes…)
Le mémoire de Thierry Toutin Aspect problématique du crime en sérieest particulièrement recommandé. Il est consultable à la Bibliothèque des Littératures Policières de Paris.
L’ouvrage Tueurs en série. Enquête sur les serial killers (Plein Sud, 1995) d’Elisabeth Campos et Richard D. Nolane trace entre autres les portraits des « précurseurs » des tueurs en série comme la comtesse Bathory et Joseph Vacher. Ils consacrent également un chapitre aux tueurs en série cannibales et aux duos de serial killers.
Tueurs en série de Lygia Négrier Dormont et Ronald Nossintchouk propose une analyse globale du phénomène.
Très intéressant dans son approche sociologique Ceux qui aiment tuer (Granger, 1994) de Daniel Pujol et Thierry Simon. Les auteurs consacrent plusieurs chapitres à la relation serial killer – media – violence aux États-Unis.
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Denis Duclos (Pocket, 1994). Point de vue très intéressant sur la violence américaine dans les medias. On peut ne pas adhérer à son hypothèse du guerrier fou mais l’analyse n’en est pas moins passionnante.
Sur les femmes tueuses en série
On lira Women who kill(A&B, 2001) de Carol Ann Davis qui étudie précisément le phénomène des femmes meurtrières récidivistes.
Sur le profilage
On pourra lire Agent Special du FBI – J’ai traqué des serial killers (Éditions du Rocher, 1997), mémoire de John Douglas, écrit en collaboration avec Mark Olshaker. Une vie qui se lit comme un roman sur l’itinéraire professionnel et personnel d’un enquêteur du FBI.
On pourra lire également Micki Pistorius, une femme sur les traces des serial killers de Stéphane Bourgoin (Éditions n°1, 2000)
Sur Jack l’Éventreur
Les ouvrages sur le meurtrier de Whitechapel sont très nombreux.
On a utilisé pour documenter notre ouvrage : Jack l’Éventreur et les fantasmes victoriensde Roland Marx (Éditions Complexe, 1987). Ce livre propose une étude sur la société victorienne au moment des meurtres de Whitechapel. Pour plus d’informa- tions on consultera la bibliographie exhaustive que propose Stéphane Bourgoin dans son livre Serial Killers.
Sur les approches psychiatriques
Le criminel sexuelde Jacques Boucharlat (Anthropos, 1997) analyse le parcours d’un criminel sexuel et La foliedu docteur Jean Thuilier offre en plus d’une histoire de la psychiatrie un très bon dictionnaire avec des définitions précises des perversions que l’on retrouve chez les tueurs en série.