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Ressources plurilingues en classe de FLE: représentations, normes et pratiques pédagogiques dans le contexte sociolinguistique tanzanien

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Ressources plurilingues en classe de FLE: représentations, normes et pratiques pédagogiques dans le contexte sociolinguistique

tanzanien

LULANDALA, Mussa Julius

Abstract

L'enseignement du français langue étrangère en Tanzanie s'inscrit dans un contexte multilingue le swahili, l'anglais et plus de 120 langues des communautés ethniques existent. Pour la majorité des élèves tanzaniens du cycle secondaire, le français est leur quatrième langue. C'est donc un contexte qui constitue un terrain particulièrement intéressant pour l'exploitation des ressources plurilingues pour l'appropriation du FLE. Inspirée d'une approche socio-didactique, et à la lumière des données vidéo, orales, et écrites, la présente étude aborde des questions de représentations et de pratiques vis-à-vis des langues et des ressources bi-plurilingues. En particulier, l'étude a mis en évidence que la majorité des sujets sont, à des degrés variables de connaissance, exposés à quatre langues, à savoir une LCE, le swahili, l'anglais et le français; le swahili étant la langue la plus partagée par les partenaires de la classe de FLE. Compte tenu de la nature plurilingue, de la relative asymétrie de la classe des débutants en FLE et des facteurs sociaux externes à la classe de langue; nous [...]

LULANDALA, Mussa Julius. Ressources plurilingues en classe de FLE: représentations, normes et pratiques pédagogiques dans le contexte sociolinguistique tanzanien. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2015, no. L. 838

URN : urn:nbn:ch:unige-771838

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:77183

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:77183

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UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DES LETTRES

Ecole de Langue et de Civilisation Françaises

Ressources plurilingues en classe de FLE: représentations, normes et pratiques pédagogiques dans le contexte

sociolinguistique tanzanien

Thèse de Doctorat en Français Langue Etrangère

Présentée par

MUSSA JULIUS LULANDALA

Composition du jury

Prof. Laurent Gajo (Directeur de thèse, Université de Genève) Prof. Kirsten Adamzik (Présidente du jury, Université de Genève) Prof. Thomas Bearth (Membre du jury, Université de Zurich)

Prof. Marinette Matthey (Membre du jury, Université Stendhal-Grenoble 3)

(3)

i

Remerciements

L’aboutissement du présent travail est le produit de la participation de nombreuses personnes et institutions à qui je suis profondément redevable. Ma reconnaissance s’adresse tout d’abord à Monsieur le Professeur Laurent Gajo d’avoir accepté de diriger ma thèse de doctorat. Je lui suis particulièrement reconnaissant pour son expertise, sa disponibilité, sa patience, ses conseils et son soutien matériel et moral apportés à la réalisation de ce travail. Je dois souligner que ses différents travaux dans des domaines vastes et diversifiés m’ont fourni une base solide pour les différentes étapes de ma thèse.

Je voudrais, en deuxième lieu, exprimer mes remerciements au Gouvernement Suisse pour son soutien financier qui a permis d’effectuer un séjour de deux ans à Genève, qui était particulièrement enrichissant et durant lequel j’ai pu rédiger une partie importante de ma thèse. En troisième lieu, je remercie le Décanat de la Faculté de Lettres pour un financement partiel de mon dernier séjour à Genève et la facilitation de mes déplacements en Suisse et à l’étranger.

En quatrième lieu, je remercie l’Université de Dar es Salaam qui a également participé au financement de mon dernier séjour à Genève.

Mes remerciements s’adressent également à Judith Pellizari, à l’ELCF, et à mes collègues de l’Université de Dar es Salaam: Dr. Rose Upor, Faraja Lugome, Alfred Mulinda et Christophe Bordereau, pour leur soutien matériel et moral. Je suis particulièrement reconnaissant à Christophe Bordereau pour la relecture de mon travail final. Je remercie aussi ma femme, Lilian, pour sa patience lors de mes absences et pour ses encouragements tout au long de mon travail.

A tous et toutes les enseignant(e)s et les élèves de FLE dans les écoles secondaires tanzaniennes qui ont fait partie de cette étude, je dis merci pour leur volonté et leur disposition à fournir les données qui m’ont été tant précieuses pour la réalisation du présent travail.

(4)

ii

Je remercie enfin tous les boursiers du Gouvernement Suisse des années académiques 2009- 2011 pour leur amitié et les bons moments que nous avons partagés lors de mon séjour en Suisse.

(5)

iii

Dédicace

A la mémoire de ma mère qui m’a exposé à la lecture dès le plus jeune âge

(6)

iv

Liste d’abréviations et d’acronymes

Ang: Anglais

CECRL: Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues CIDE: Convention Internationale pour les Droits de l’Enfant DIL: Didactique Intégrée des Langues

DNL: Discipline Non-Linguistique ESR: Education for Self-Reliance Fra: Français

EMPS: English Medium Primary Schools FLE: Français Langue Etrangère FLS: Français Langue Seconde IF: Immersion en Français

LCE: Langue de Communauté Ethnique

LE: Langue Etrangère

L2: Langue Seconde

MTC: Marques Transcodiques MOI : Medium of Instruction NKC: National Kiswahili Council

RAS: Regional Administrative Secretary SMPS: Swahili Medium Primary Schools

Sw: Swahili

TIE: Tanzania Institute of Education

UA: Union Africaine

CEA Communauté Est Africaine

NB: Sauf cas spécifique, le masculin générique est utilisé pour désigner les deux sexes, afin de faciliter la lecture du document.

(7)

v

TABLE DES MATIERES

Remerciements ... i

Dédicace ... iii

Liste d’abréviations et d’acronymes ... iv

TABLE DES MATIERES ... v

TABLE DES FIGURES ET DES TABLEAUX ... ix

Résumé ... xi

CHAPITRE 1 ... 1

PRESENTATION DU SUJET ... 1

1. 0 Introduction générale ... 1

1.1 Questions de recherche ... 5

1.2 Objectifs de la recherche ... 6

1.3 Hypothèses de recherche ... 6

1.4 Raisons du choix du sujet et constats de départ ... 7

1.5Cadre théorique ... 9

1.6 Nature des données et méthodes de recueil ... 9

1.7 Domaine et utilité de l’étude ... 10

CHAPITRE 2 ... 11

LE MULTILINGUISME DANS LE CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE ET SOCIOEDUCATIF TANZANIEN: ELEMENTS DESCRIPTIFS ET CADRE ANALYTIQUE ... 11

2.0 Introduction: la Tanzanie et les langues en présence ... 11

2.1 Les politiques multilingues : pratiques et représentations ... 11

2.2 La situation multilingue et sa gestion : l’époque précoloniale (avant 1885) ... 13

2.2.1 Avant l’arrivée des missionnaires chrétiens ... 14

2.2.2 L’époque des missionnaires chrétiens (vers 1860) ... 16

2.3 Le multilinguisme et la politique linguistique: l’époque de la colonisation allemande (1885-1918) ... 17

2.3.1 La place du swahili et des LCEs à l’époque allemande ... 20

2.4 La colonisation britannique: de la diglossie à la triglossie ... 22

2.5 Le multilinguisme à l’époque postcoloniale ... 25

2.5.1 Le rôle du swahili à l’époque postcoloniale ... 26

2.5.2 L’anglais à l’époque postcoloniale ... 30

2.5.3 Les LCEs à l’époque actuelle : quel avenir ? ... 33

2.5.4 Le bilinguisme et la langue de scolarisation : dilemme de choix ... 44

2.5.5 Le français et le système éducatif tanzanien ... 54

2.5.5.1 Le système éducatif tanzanien ... 54

(8)

vi

2.5.5.2 Le français dans le système éducatif tanzanien: aperçu historique et situation

actelle ... 56

2.6 Conclusion ... 59

CHAPITRE 3 ... 61

CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE ... 61

3.0 Introduction ... 61

3.1 Quelques notions traversantes et ajustements terminologiques ... 61

3.2 La notion de communication ... 70

3.2.1 Les caractéristiques de la communication bi-plurilingue ... 75

3.2.2 De la communication à l’interaction: essai d’articulation ... 80

3.3 Spécificités interactionnelles en classe de langue ... 82

3.4 Stratégies de communication et interaction en langue étrangère ... 86

3.4.1 La classification des stratégies de communication ... 92

3.4.2 Stratégies bi-plurilingues et statut des marques transcodiques ... 99

3.5 Les représentations et leur genèse ... 106

3.5.1 Représentations, attitudes et stéréotypes: essai d’articulation ... 112

3.5.2 Les représentations sociales du point de vue sociolinguistique ... 114

3.5.3 Représentations sociales et répertoire plurilingue ... 117

3.5.4 Représentations sociales dans la didactique des langues et du plurilinguisme . 119 3.5.5 L’évolution des représentations vis-à-vis des ressources bi-plurilingues dans la didactique des langues ... 120

3.6 Approches plurielles, universalisation et contextualisation en didactique des langues 123 CHAPITRE 4 ... 132

CADRE METHODOLOGIQUE ... 132

4.0 Introduction ... 132

4.1Approche de l’étude ... 132

4.2 Nature des données et méthodes de recueil ... 133

4.3 Terrain d’étude ... 137

4.3.1 Ecoles choisies et informateurs ... 138

4.3.2 Caractéristiques des écoles enquêtées ... 139

4.4 Problèmes de terrain ... 143

4.4.1 Sentiments d’insécurité et liberté d’expression ... 143

4.4.2 Démarche relative à l’utilisation de l’autorisation de recherche ... 144

4.4.3 Le décalage entre la rentrée scolaire et la reprise des cours ... 145

4.4.4 Le petit nombre de cours de français dans l’emploi du temps ... 146

4.4.5 Les écoles où le français est exclu du programme scolaire ... 146

4.4.6 Problèmes de transport ... 147

4.4.7 Abandon du français en quatrième année: absence d’enquêtés ... 148

(9)

vii

4.4.8 Le nombre insuffisant d’enseignants ... 148

4.4.9 Plurilinguisme et asymétrie de compétences langagières: quelle langue d’enquête ? ... 148

4.4.10 Conclusion ... 149

CHAPITRE 5 ... 152

PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES ... 152

5.0 Introduction ... 152

5.1 Répertoires langagiers et représentations sociales des langues ... 152

5.1.1 Les élèves et les langues en contact ... 153

5.1.2 L’auto-évaluation du niveau de connaissances dans les différentes langues 155 5.1.3 Représentations sociales des langues ... 167

5.1.4 Impressions de premier contact avec le français ... 179

5.1.5 Descriptions du français par les élèves ... 184

5.1.6 La proximité et la distance entre les langues ... 187

5.1.7 Conclusion ... 195

5.2 Pratiques plurilingues: continuité et discontinuité entre les domaines scolaire et extrascolaire ... 195

5.2.1 Pratiques linguistiques en contexte extrascolaire ... 196

5.2.2 Pratiques et politiques linguistiques scolaires ... 203

5.2.3 Conclusion ... 214

5.3 Les connaissances bi-plurilingues et la résolution des problèmes de communication en classe de FLE ... 215

5.3.1 Les représentations sociales vis-à-vis des stratégies bi-plurilingues dans l’interaction pédagogique ... 215

5.3.2 Connaissances plurilingues et dynamiques de l’interaction: organisation, progression, stratégies de résolution des problèmes de communication et approches méthodologiques ... 241

5.3.2.1 Stella Matutina Seminary School ... 242

5.3.2.2 Malangali Boys’ Secondary School ... 254

5.3.2.3 Loyola Secondary School ... 263

5.3.2.4 Azania Boys’ Secondary School ... 275

5.3.2.5 Jangwani Girls’ Secondary School ... 282

5.3.2.6 Zanaki Girls’ Secondary School ... 287

5.3.2.7 Benjamin Mkapa Secondary School ... 294

5.3.2.8 Kazima Girls’ Secondary School ... 300

5.3.2.9 Nsumba Secondary School ... 309

5.3.2.10 St. Joseph Girls’ Seminary School ... 312

5.3.2.11 Conclusion ... 319

(10)

viii

CHAPITRE 6 ... 322

CONCLUSION GENERALE, PERSPECTIVES SOCIOLINGUISTIQUES ET DIDACTIQUES ... 322

6.0 Rappel ... 322

6.1 Conclusion générale ... 322

6.2 Perspectives sociolinguistiques et didactiques ... 330

7.0 BIBLIOGRAPHIE REFRENCEE ... 334

Annexes ... 347

Annexe I:Questionnaire for French Teachers ... 347

Annexe II: Questionnaires for French pupils ... 351

Annexe III: Interview guide for French pupils ... 355

Annexe IV:Teachers’ interview guide ... 356

Annexe V : Fiche d’observation ... 358

(11)

ix

TABLE DES FIGURES ET DES TABLEAUX

Figure 1: Constellation sans pôle ... 14

Figure 2: Constellation unipôlaire ... 15

Figure 3: Constellation bipôlaire ... 44

Figure 4: Les perspectives formelle et fonctionnelle de l’alternance codique ... 78

Figure 5: Relation bidimensionnelle des axes exolingue/endolingue et bilingue/unilingue .... 79

Figure 6: Typologie des stratégies de resolution de problèmes de communication adaptée de Bange (1992) ... 98

Figure 7: Les états mentaux et la genèse des représentations (notre schématisation) ... 109

Figure 8: Impressions de premier contact avec le français chez élèves ... 180

Figure 9: Impressions de premier contact avec le français chez enseignants ... 183

Figure 10: Continuum entre langue en usage et langue en mention ... 328

Figure 11: Orientations méthodologiques et plurilinguisme ... 329

Tableau 1 : Triglossie : la « Tripartite Education Policy » et la répartition fonctionnelle des langues ... 25

Tableau 2 : Fishman's (1990, 1991) Graded Intergenerational Disruption Scale for Threatened Languages ... 42

Tableau 3 : Répartition fonctionnelle des langues à l’époque actuelle ... 43

Tableau 4: Les grandes époques de la planification linguistique in vitro ... 60

Tableau 5: Représentations collectives et individuelles ... 111

Tableau 6: Ecoles visitées et informateurs ... 151

Tableau 7: Exposition aux langues chez les élèves ... 154

Tableau 8: Langues selon le niveau de connaissance chez les élèves ... 164

Tableau 9: Langues selon le niveau de connaissance chez les enseignants ... 166

Tableau 10: Langues selon la préférence chez les élèves ... 168

Tableau 11: Raisons de la préférence pour l’anglais chez les élèves ... 169

Tableau 12: Raisons de la préférence pour le français chez les élèves ... 170

Tableau 13: Raisons de l’aversion des LCEs chez les élèves ... 170

Tableau 14: Langues selon la préférence chez les enseignants ... 172

Tableau 15: Raisons de la préférence pour le français chez les enseignants ... 172

Tableau 16: Langues selon leur importance chez les élèves ... 175

Tableau 17: Langues selon l’importance chez les enseignants ... 178

(12)

x

Tableau 18: Représentations du francçis chez les élèves ... 186

Tableau 19: Place de pronoms en français et en swahili ... 192

Tableau 20: L’utilite de l’anglais dans l’appropriation du FLE ... 221

Tableau 21: Stratégies de communication mises en ceuvre par les enseignants ... 238

Tableau 22a: Stratégies de communication mises en ceuvre par les élèves ... 239

Tableau 22b: Stratégies de communication mises en œuvre par les élèves…………..…….241

Tableau 23: L’intervention des autres langues dans la classe du FLE ... 321

(13)

xi

Résumé

L’enseignement du français langue langue étrangère en Tanzanie s’inscrit dans un contexte multilingue où le swahili, l’anglais et plus de 120 langues des communautés ethniques existent. Pour la majorité des élèves tanzaniens du cycle secondaire, le français est leur quatrième langue. C’est donc un contexte qui constitue un terrain particulièrement intéressant pour l’exploitation des ressources plurilingues pour l’appropriation du FLE. Inspirée d’une approche sociodidactique, la présente étude aborde des questions de représentations et de pratiques vis-à-vis des langues et des ressources bi-plurilingues. Un intérêt particulier est porté aux liens entre les contextes sociolinguistique et didactique dans une interaction complexe.

L’étude est composée de six chapitres. Le premier chapitre pose la problématique de la recherche, définit les objectifs, formule les hypothèses et explique les raisons du choix du sujet et son utilité. Le second chapitre présente le contexte sociolinguistique tanzanien et propose quelques éléments descriptifs et un cadre analytique. Le troisième chapitre fournit les fondements théoriques de l’étude, qui s’articulent autour de quatre entrées centrales, à savoir la communication (l’interaction), les stratégies – notamment plurilingues – de résolution de problèmes de communication, les représentations sociales et les approches plurilingues en didactique. Le quatrième chapitre propose un cadre méthodologique et de différents aspects relatifs au terrain de recherche. Le cinquième chapitre présente et analyse les données en vue de proposer quelques éléments de réponse à nos différents questionnements. Le dernier chapitre présente les conclusions et propose des perspectives sociolinguistiques et didactiques.

Mots-clés: représentions, ressources bi-plurilingues, stratégies de communication, pratiques linguistiques, politique linguistique et éducative.

(14)

1

CHAPITRE 1

PRESENTATION DU SUJET 1. 0 Introduction générale

Le bi-plurilinguisme est un sujet en circulation tant dans les recherches sociologiques que sociolinguistiques et dans les études portant sur la didactique des langues étrangères et secondes. L’intérêt a, depuis quelques années, été, d’une part, d’étudier le répertoire et sa construction, d’autre part d’analyser les pratiques bi-plurilingues des points de vue synchronique ou diachronique. Si ces dernières années ont connu un nombre croissant d’études s’intéressant aux questions relatives aux représentations sociales du bi- plurilinguisme (Moore 2001, cite les travaux de Matthey 1997, Zarate & Candelier 1997, Candelier 1997), la tendance actuelle est de croiser les représentations et les pratiques bi- plurilingues relatives à l’utilisation et à l’appropriation des langues en les situant dans les contextes de contact de langues, à savoir et, comme nous le verrons plus tard, des contextes scolaires et extrascolaires.

Le bienfondé de la tendance actuelle repose sur le fait qu’il existe des liens étroits entre les représentations et les pratiques relatives à l’utilisation et à l’appropriation1 des langues. Il est incontestable que l’image que l’on se fait de la langue cible, des locuteurs « natifs2 » et de son enseignement-apprentissage peuvent avoir une incidence non seulement sur l’utilisation, mais également sur le processus de construction des savoirs en langue et notamment la motivation pour son apprentissage. Du côté de l’enseignant, les représentations sociales du bi-plurilinguisme peuvent jouer sur ses pratiques pédagogiques.

Notre intérêt est centré sur l’appropriation du français langue étrangère3 en Tanzanie, qui est un pays multilingue et dont les habitants sont majoritairement plurilingues. S’intéresser au contexte tanzanien, c’est aussi s’intéresser à un contexte généralement scolaire d’appropriation du français. Notre étude se focalise particulièrement sur les représentations et les pratiques bi-plurilingues relatives aux interactions en classe de français langue étrangère.

Même s’il existe d’autres contextes d’appropriation, à savoir extrascolaires et mixtes, nous

1 Notion que nous employons comme hypéronyme neutralisant la dichotomie entre acquisition et apprentissage et que nous abordons de manière détaillée dans le cadre théorique.

2 Notion à réinterroger dans la partie théorique.

3 Désormais FLE.

(15)

2

nous accordons sur le fait que, comme l’indique Bange (1992), la classe de langue étrangère constitue le lieu d’apprentissage par excellence, car c’est dans l’institution scolaire que l’apprentissage de la langue étrangère est fixé comme objectif réalisable; ce qui n’est pas le cas, par exemple, pour les contextes extrascolaires, où l’appropriation de savoirs linguistiques se poursuit comme but secondaire à une autre activité communicative et dépend non seulement de la fréquence des contacts et des interactions avec les locuteurs « natifs », mais également de l’audace de l’apprenant à prendre les risques et à supporter de perdre la face dans des situations de communication qui, souvent, s’avèrent plus exigeantes que les outils linguistiques disponibles. Ainsi, comme le dit Bange (ibid.), la classe de langue étrangère permet d’échapper aux difficultés et au hasard de la communication extrascolaire, car elle met en place des conditions particulières permettant un apprentissage plus guidé selon un programme conçu de façon à prendre en compte le niveau de l’apprenant et ses besoins de communication.

Il faut rappeler que la finalité de toute intervention pédagogique pour l’appropriation d’une langue étrangère est l’atteinte de l’autonomie langagière par le sujet apprenant. Pour parvenir à l’autonomie langagière, il faut que l’enseignant de langue étrangère crée des conditions favorables à la maximisation des apprentissages. En effet, c’est la qualité et la quantité des données langagières (l’input) et des activités pédagogiques qui présentent les conditions primordiales pour l’optimisation de l’apprentissage. Remplir ces conditions ne suffirait pas si la place du sujet apprenant, qui constitue le centre de l’intervention pédagogique, n’était pas clairement définie et si celui-ci n’était pas activement impliqué dans l’ensemble du processus.

Il faut reconnaitre que l’élève n’est pas un récepteur passif et qu’il agit sur les données langagières qui lui sont présentées. Il conviendrait de dire que c’est l’action même de l’élève sur les données langagières qui donne lieu à des acquis langagiers. Il est donc primordial de reconnaitre l’interdépendance entre la cognition et l’interaction dans le processus de construction des savoirs et des savoir-faire linguistiques.

Dans la classe de langue, l’élève peut être impliqué dans le processus d’appropriation par l’intermédiaire des différentes activités pédagogiques se réalisant à travers les interactions qui sont souvent organisées de manière variable: enseignant/groupe classe, enseignant/élève, enseignant/petits groupes d’apprenants, etc. Mais l’efficacité de ces interactions est, en partie, fonction de la capacité des interactants à négocier le sens pour parvenir à une compréhension mutuelle et à la construction de nouveaux acquis.

(16)

3

Par ailleurs, l’efficacité des activités interactionnelles en classe de langue dépend largement d’un certain degré de partage des savoirs et savoir-faire linguistiques, pragmatiques et socioculturels par les partenaires de la classe. Or, l’asymétrie, notamment des savoirs linguistiques, constitue la principale caractéristique de la plupart des classes de langues en milieu scolaire. Ainsi, on pourrait dire que l’enseignement d’une langue étrangère aux élèves sans aucune base linguistique dans cette langue constituerait un grand défi pour l’enseignant qui ne dispose pas d’une formation adéquate lui permettant de mettre en œuvre les différentes stratégies de communication et d’exploiter l’environnement socio-pédagogique de la classe.

Le défi repose principalement sur l’absence de savoirs de base en langue étrangère sur lesquels pourraient s’appuyer la construction de nouveaux savoirs. De ce fait, l’apprentissage doit s’appuyer sur d’autres bases: les langues déjà connues (notamment si celles-ci sont partagées par les partenaires de la classe) et surtout les connaissances générales du monde (connaissances encyclopédiques) et les savoirs socioculturels partagés qui, comme nous l’indiquerons plus tard à l’instar de Bange (1992), fournissent la réciprocité des perspectives entre les interactants.

Dans le système éducatif tanzanien, l’enseignement du français n’intervient qu’en première année du secondaire (à l’âge d’à peu près quinze ans), à l’exception du petit nombre d’écoles primaires privées qui proposent cet enseignement. Il faut souligner qu’il existe actuellement, dans le secteur public, quelques écoles primaires pilotes pour l’enseignement « précoce » du français et, comme on le verra plus tard, un programme est conçu à cet effet. Dans le cadre de la présente étude, nous nous sommes proposé comme population cible les élèves de première et de quatrième années du secondaire. Notre choix s’explique par le fait que (à l’exception du niveau universitaire) c’est le secondaire qui a la plus longue tradition de l’enseignement du français en Tanzanie.

Etant donné que la plupart des élèves de FLE commencent leur première année du secondaire sans aucune base en français, il est utile de présenter brièvement la description typique de la classe de débutants4 en français. Du point de vue de leur répertoire langagier, les partenaires

4 Il faut entendre débutant selon la définition des niveaux du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.

(17)

4

de la classe de FLE (enseignants et apprenants) en première année du secondaire ont principalement les caractéristiques suivantes :

 Enseignants « non natifs » de français; souvent formés en Tanzanie avec, pour certains enseignants, un stage de quelques semaines ou quelques mois dans un pays francophone;

 Elèves sans aucune connaissance de base en français, à l’exception des cas rares d’apprenants provenant des écoles primaires privées communément désignées comme

« English Medium Primary Schools »5, dont certaines proposent des cours de français ;

 Apprenants ayant un niveau élémentaire en anglais (communiquant avec beaucoup de difficultés), sauf le cas de ceux provenant des EMPS qui maîtrisent assez bien l’anglais ;

 Enseignants avec un bon niveau en anglais (généralement, meilleur qu’en français) du fait d’avoir fait des études secondaires et supérieures en anglais ;

 Enseignants et élèves ayant un très bon niveau en swahili ;

 Enseignants et élèves ayant souvent des langues de communautés ethniques différentes.

Nous voulons, d’emblée, préciser que le terme de langue de communauté ethnique6 est employé dans la présente étude pour désigner une langue utilisée par une collectivité sociale partageant une identité socioculturelle voire géographique commune et dont les membres se reconnaissent ou sont reconnus par d’autres groupes sociaux en tant que tels. Ces caractéristiques sont, entre autres, la langue, les traditions, le folklore, la musique. Cette conception d’une communauté ethnique est adaptée d’Alba (1992), qui invalide toute association de la notion d’ethnie aux représentations stéréotypées qui se sont développées au fil du temps; y compris celle de lier et de limiter le terme aux notions de race et de tribu.

L’application de ce terme dans le contexte sociolinguistique tanzanien repose sur deux raisons. En premier lieu, chaque communauté linguistique tanzanienne est constituée de membres partageant la langue, les traditions, le folklore, la musique, la localité géographique et, dans certains cas, une religion traditionnelle7 commune. En deuxième lieu, l’adoption de ce terme sert à distinguer les LCEs du swahili, car ce dernier est une langue locale mais sans aucune appartenance ethnique vu sa composition linguistique arabo-bantoue. Ainsi, le terme

5 Désormais EMPS.

6 Désormais LCE.

7 Dans ce cas, une religion qui n’est ni occidentale ni orientale.

(18)

5

de LCE nous parait plus adapté aux réalités sociolinguistiques tanzaniennes que le terme usuel de langue locale, qui serait trop généralisateur. Après cette précision, nous poursuivons notre argumentation.

Les caractéristiques de la classe débutante en FLE présentées dans la partie précédente permettent de résumer que le swahili est la langue la plus partagée par les partenaires, alors que l’anglais n’est que partiellement partagé du fait qu’il existe un grand écart entre, d’une part, les compétences de l’enseignant et celles des élèves et, d’autre part, les élèves provenant des EMPS et ceux provenant des Swahili Medium Primary Schools8. Le français (objet d’enseignement-apprentissage), quant à lui, n’est pas du tout partagé. Il est également utile de signaler que, vu le grand nombre9 de communautés ethniques en Tanzanie, les LCEs sont rarement partagées par les partenaires de la classe. De ce fait, si on conçoit la classe de FLE comme consistant en un groupe d’individus réunis autour d’un projet commun qui est l’enrichissement de leur répertoire langagier par l’appropriation d’une nouvelle langue, nous pouvons également penser que le caractère plurilingue relativement partagé de la classe des débutants en FLE a le potentiel de servir (si les partenaires veulent et savent comment s’en servir) de capital pour la réalisation de ce projet.

On pourrait dire que l’enseignant est, en collaboration avec les autres partenaires de la classe, le grand décideur dans la gestion de ce capital. Or, cette petite entité scolaire est tributaire d’un système social plus large et elle n’est pas imperméable à l’influence extérieure des déterminations sociales pouvant comprendre non seulement les institutions impliquées dans la formation des enseignants, mais également les politiques éducatives et linguistiques.

L’influence de ces déterminations sociales sur la manière dont le groupe classe gère et se sert de son capital plurilingue n’est pas négligeable. Cette influence peut intervenir sous la forme de représentations sociales des langues et du plurilinguisme. Il est important de souligner que l’enseignant, en tant que représentant de la langue étrangère, transmet plus facilement ses représentations et ses pratiques aux élèves.

1.1 Questions de recherche

Compte tenu de la nature plurilingue, de la relative asymétrie de la classe des débutants en FLE et des facteurs sociaux externes à la classe de langue, qui peuvent apporter des limites

8 Désormais SMPS.

9 Actuellement, le nombre de langues de communautés ethniques est estimé à plus de 120.

(19)

6

en ce qui concerne l’utilisation des ressources linguistiques partagées par les partenaires, deux questions intéressent cette étude :

i. Quelles sont les stratégies verbales, non verbales et paraverbales que les partenaires de la classe mettent en œuvre dans la communication pédagogique ? ii. Si les stratégies bi-plurilingues interviennent dans la classe de FLE, quelles sont

les représentations des partenaires vis-à-vis de ces stratégies ?

1.2 Objectifs de la recherche

Afin de trouver les éléments de réponse à nos différents questionnements, nous visons les objectifs suivants :

i. Décrire les répertoires langagiers des élèves;

ii. Identifier les représentations sociales des langues afin de comprendre la nature des rapports que les sujets enquêtés entretiennent avec les différentes langues constitutives de leur répertoire;

iii. Examiner les pratiques linguistiques scolaires en contraste avec les pratiques extrascolaires;

iv. Analyser les représentations sociales vis-à-vis de l’utilisation des autres langues dans la classe de FLE;

v. Identifier les différentes stratégies de résolution de problèmes de communication (verbales et, en fonction du contexte, non verbales et paraverbales) en vue de comprendre la part des stratégies plurilingues.

1.3 Hypothèses de recherche

Au vu des caractéristiques linguistiques des élèves decrites précédemment, nous pouvons formuler quelques hypothèses:

i. La plupart des élèves sont exposés à quatre langues, dont le swahili est la plus partagée par les partenaires de la classe de FLE;

ii. Les représentations sociales vis-à-vis des différentes langues en contact sont principalement fondées sur des facteurs utilitaires selon lesquels les langues les plus utiles sont les plus valorisées;

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7

iii. Contrairement aux pratiques extrascolaires qui sont relativement libres, les pratiques linguistiques à l’école sont caractérisées par une politique linguistique en faveur de l’anglais;

iv. Bien que les attitudes vis-à-vis des ressources bi-plurilingues aient évolué de manière positive, comme on peut le constater en Europe (Moore 1996), des attitudes normatives persistent encore chez les enseignants tanzaniens de FLE;

v. Les stratégies bi-plurilingues ne reçoivent qu’une place minimale dans la résolution des problèmes communicationnels en classe de FLE;

vi. Bien que le swahili soit la langue la plus partagée par les partenaires de la classe de FLE, les conditions sociolinguistiques et matérielles font de l’anglais la langue la plus utilisée dans les cas d’intervention d’autres langues en classe de FLE;

vii. Certaines pratiques linguistiques et pédagogiques sont observables dans toutes les écoles, alors que d’autres varient en fonction du contexte particulier de chaque école.

1.4 Raisons du choix du sujet et constats de départ

Notre intérêt pour le présent travail de thèse découle de notre parcours personnel d’appropriation de langues, notamment dans les milieux scolaires. Ici, nous nous permettons de présenter brièvement la voie que nous avons suivie vers la construction plurilingue de notre répertoire linguistique. Nous appartenons à la communauté ethnique bena, et le bena est notre langue première. Après avoir acquis, en milieu extrascolaire, deux autres LCEs (le hehe et le kinga), nous sommes entrés dans le contexte scolaire (école primaire) où nous avons commencé l’apprentissage du swahili, médium d’instruction, langue nationale et première langue officielle de la République Unie de Tanzanie. Nous avions un niveau débutant10 (ayant quelques notions) dans cette langue. A l’école (dans une communauté hehe), il était strictement interdit de communiquer en langue de communauté ethnique. Toute non- conformité à cette interdiction était châtiée. En classe, il nous était difficile de participer aux activités pédagogiques par peur d’utiliser un mot d’une ‘‘langue interdite’’. Ainsi, il fallait apprendre et maîtriser le swahili et, en même temps, l’utiliser pour l’acquisition des savoirs des disciplines non linguistiques (désormais DNLs). Cette politique «de facto » de la promotion du swahili au détriment d’autres langues reposait principalement sur la volonté du gouvernement postcolonial d’assurer l’unification linguistique du pays. Une discussion plus

10 Débutant selon la définition des niveaux dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.

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développée sera présentée dans le chapitre qui suit, où nous décrivons les différents aspects du contexte sociolinguistique tanzanien.

A l’école secondaire, nous avons fait face aux politiques linguistiques exigeant l’utilisation de l’anglais. Il faut rappeler que, au cycle primaire, cette langue devenue medium de scolarisation, n’était qu’une matière enseignée. Ainsi, nous et les autres élèves provenant des Swahili Medium Primary Schools (SMPS) n’avions qu’un niveau élémentaire et nous pouvions difficilement produire une phrase correcte en anglais. Il nous était interdit d’utiliser le swahili, sous peine de divers châtiments, majoritairement corporels. A ce niveau, il fallait éviter le swahili (qui est pourtant la langue dominante dans la communication extrascolaire en milieu urbain) et s’efforcer de communiquer en anglais et de l’utiliser, en même temps, pour l’acquisition des savoirs des différentes matières enseignées. Nous avons ainsi constaté qu’il existait des normes monolingues strictes imposées à des individus bi-plurilingues.

Le français, dont l’enseignement commence en première année du secondaire (form one), ne fut pas vraiment une exception. En tant que débutant, nous avons appris cette langue à travers des cours très monologaux, pendant lesquels l’enseignant parlait la plupart du temps, car nous autres n’avions pas les moyens langagiers qui nous donnaient droit à la parole. Nous avons tout de même assisté à des cas extrêmement rares dans lesquels les enseignants avaient recours au swahili ou à l’anglais pour exprimer certains concepts ou règles grammaticales en français.

De manière générale, nous avons assisté à une construction plurilingue par déconnexion, qui est susceptible de nuire à l’atteinte de l’autonomie langagière dans les langues faisant partie du répertoire de l’apprenant. En réalité, le sujet est, en quelque sorte, forcé d’abandonner l’utilisation d’une langue pour en apprendre une autre avant même d’avoir suffisamment développé sa pensée dans cette première, particulièrement pour le cas des LCEs au primaire.

C’est une attitude négative vis-à-vis du plurilinguisme car, comme le montrent Gajo (2001) et d’autres linguistes, l’apprentissage de la nouvelle langue vient chasser l’usage et la maîtrise de langue première comme si les deux étaient mutuellement exclusives. Ceci peut entrainer la mise en place d’un bi-plurilinguisme soustractif.

Cette expérience personnelle et les constats de départ nous ont poussé non seulement à étudier les politiques linguistiques scolaires de façon systématique, mais également à comprendre les

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représentations et les pratiques relatives au bi-plurilinguisme dans la communication en classe de FLE en prenant en compte le contexte sociolinguistique tanzanien. Ainsi a vu le jour la présente étude.

1.5 Cadre théorique

Quatre entrées sont centrales à la présente étude, à savoir la communication, les stratégies de résolution de problèmes de communication, les approches plurilingues en didactique des langues et les représentations sociales. La notion de communication sera traitée du point de vue général et du point de vue du plurilinguisme. Différents travaux seront exploités, notamment ceux de Hymes (1972), Sperber et Wilson (1986), Bange (1992- et -2005), Gajo et Mondada (2000), Gumperz (1982) et Caubet (2002), etc. En ce qui concerne la notion de stratégie de communication, nous avons déjà souligné plus haut que notre intérêt porte principalement sur les stratégies verbales bi-plurilingues et, en fonction du contexte, les stratégies non verbales et paraverbales seront abordées. Ainsi, nous partirons de la typologie des stratégies de communication établie par Bange (1992), qui interroge de manière synthétique un certain nombre d’autres typologies dont celles de Tarone (1977), de Knapp- Potthoff et Knapp (1982) et de Faerch et Kasper (1983). Autrement dit, la notion de stratégie de communication sera également abordée en général et en lien avec le plurilinguisme. De même, la didactique des langues sera abordée du point de vue général et en lien avec le plurilinguisme. Pour les questions relatives à la didactique du plurilinguisme, nous explorerons principalement les travaux de Candelier (2005), (2006) & (2008), Castellotti (2001b) Coste, Moore et Zarate (1997) et Gajo (2009).

Par ailleurs, l’étude des représentations sociales s’effectuera en lien avec la communication, les stratégies de résolution de problèmes de communication et la didactique des langues, et sera fondée sur les travaux conduits depuis une dizaine d’années en linguistique, plus particulièrement ceux de Calvet (1999), Moore (2001), Matthey (1997) et Py (2004). Nous partirons des travaux sociologiques fondateurs de Durkheim (1968), Weber (1971) et Moscovici (1961) ainsi que ceux de Jodelet (1989). Le cadre théorique est présenté dans le troisième chapitre.

1.6 Nature des données et méthodes de recueil

Pour atteindre les objectifs définis plus haut, nous avons employé principalement des données qui comprennent des enregistrements vidéo – partiellement transcrits – d’interactions en

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classe, des questionnaires et des entretiens semi-directifs. Une fiche d’observation et quelques photos ont également été employées. Les données ont été recueillies dans onze écoles secondaires réparties dans cinq régions de Tanzanie. La répartition régionale prend en compte la variété contextuelle du paysage sociolinguistique du pays qui conduit à l’hétérogénéité11 des pratiques pédagogiques des différentes écoles. Pour chaque école étudiée, trois groupes de sujets ont été concernés par l’enquête, à savoir les élèves de première et de quatrième année ainsi que les enseignants de FLE. L’emploi d’une variété d’outils de recueil de données se justifie par notre besoin, d’une part, de confronter les différentes données et, d’autre part, de porter un regard croisé entre les représentations et les pratiques. Une présentation plus complète du cadre méthodologique est fournie dans un chapitre consacré à cet effet.

1.7 Domaine et utilité de l’étude

La présente étude s’inscrit dans le domaine de la sociodidactique12 du Français Langue Etrangère. Du point de vue scientifique, nous pensons qu’une étude de cette nature fournira une contribution aux travaux portant sur les représentations et les pratiques bi-plurilingues dans l’appropriation des langues étrangères. Par ailleurs, elle pourra nourrir les théories sur la didactique contextualisée en milieu multilingue. Du point de vue pratique, les résultats de la présente étude seront également utiles aux enseignants et aux concepteurs des programmes de français langue étrangère (Tanzania Institue of Education) destinés à l’enseignement- apprentissage ainsi qu’à la formation des enseignants. Ainsi, nous pensons que cette étude fournira des pistes de réflexion sur la nécessité de reconnaitre et de valoriser les ressources plurilingues dans les programmes. Peut-être que le Ministère tanzanien de l’éducation et de la formation pourra, par le biais du Tanzania Institue of Education, exploiter la possibilité de mettre en place des dispositifs destinés à former les enseignants et à concevoir des programmes basés sur les approches plurielles, notamment la didactique intégrée des langues et l’intercompréhension entre langues parentes.

Dans le chapitre qui suit, nous nous proposons de présenter le contexte sociolinguistique et socioéducatif tanzanien dans lequel s’inscrit le présent travail. Notre présentation s’appuiera sur des éléments descriptifs et sur un cadre analytique

11 Les questions d’hétérogénité et d’homogénéité des pratiques didactiques en fonction du contexte sociolinguistique sont abordées plus explicitement dans le chapitre du cadre méthodologique.

12 Notion récente que nous employons au sens de Dabène et Rispail (2008) pour désigner, en didactique des langues, une didactique de la variation qui prend en compte les situations linguistique et sociolinguistique des enseignants et des élèves.

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CHAPITRE 2

LE MULTILINGUISME DANS LE CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE ET SOCIOEDUCATIF TANZANIEN: ELEMENTS DESCRIPTIFS ET CADRE ANALYTIQUE

2.0 Introduction: la Tanzanie et les langues en présence

La Tanzanie, comme beaucoup d’autres pays africains, jouit d’une grande diversité linguistique. Les langues des communautés ethniques sont estimées à plus de 120. Il existe également des langues « exogènes13 ». En s’appuyant sur les données du Summer Instute of Linguistics (SIL14), on peut distinguer six familles de langues en présence, du point de vue génétique. Cependant, la plupart des langues appartiennent à la famille bantoue, par exemple, le swahili, le bena, le sukuma, le ngoni, etc. Il y a également des familles couchitique (l’assa, l’alagwa, l’iraqw et le burungi), sémitique (l’arabe standard et dialectal), nilo-saharienne (le ndorobo, le taturu, le luo et le massai), khoisane (le hadzabi), indo-iranienne (le gujarat et le kachchi) et indo-européenne (l’anglais et le français). Il y a, depuis peu, certains centres de langues privés qui proposent des cours d’allemand15, de chinois et d’espagnol, mais la présence de ces langues est statistiquement non significative.

2.1 Les politiques multilingues : pratiques et représentations

Il est incontestable que la planification et la gestion linguistiques constitue un aspect plus important dans les situations multilingues que dans les situations monolingues, bien que ces dernières soient extrêmement rares dans le monde moderne. En effet, ce sont les politiques linguistiques qui, en partie, peuvent faire du multilinguisme un atout ou une source des conflits sociaux. Les politiques linguistiques ont également une incidence sur les rôles et les statuts respectifs accordés aux différentes langues en présence. A leur tour, les rôles et les statuts peuvent modifier non seulement les pratiques langagières, mais également les représentations sociales vis-à-vis des langues, voire en déterminer la vitalité. Le présent chapitre se propose de situer la question du multilinguisme tanzanien dans son contexte sociolinguistique et socioéducatif, pour comprendre les rôles et les statuts accordés aux

13 Langues issues de l’influence extérieure, à titre d’exemple, l’anglais, l’arabe, le gujarat, etc.

14 Voir SIL sur http/www.ethnologue.com.

15 L’allemand, langue issue de la colonisation allemande, n’a pas pu s’étendre en Tanzanie pour des raisons historiques qui seront expliquées plus loin dans ce chapitre.

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langues dans une perspective historique. Nous rappelons que l’histoire de la planification linguistique en Tanzanie est marquée par trois grandes époques: l’époque précoloniale, avant 1’année 1885, l’époque coloniale (1885-1961) et l’époque postcoloniale, qui commence en 1961. L’intérêt pour un aperçu historique réside dans le fait que les politiques linguistiques éducatives actuelles ainsi que les pratiques et les représentations sociales des langues et du multilinguisme en Tanzanie sont bâties sur des fondements posés au fil du temps par différents acteurs, à savoir, les commerçants arabes, les missionnaires chrétiens, les colonisateurs allemands, les colonisateurs britanniques et les gouvernements postcoloniaux.

Pour cette description, nous nous appuyons principalement sur des travaux réalisés par différents chercheurs qui ont travaillé sur la situation linguistique tanzanienne, notamment ceux de Calvet (1993), Calvet (1999), Mhina, (1976), Lwaitama et Rugemalira (1990), Roy- Campell (2001) et Rubagumya (1990). Nous nous efforcerons toutefois d’inscrire l’interprétation des différentes informations dans le cadre des pratiques et des représentations16 sociales du bi-plurilinguisme car, comme l’explique Calvet (1999), à côté de l’utilisation des codes linguistiques, nous avons toujours des idées sur ces codes, des présupposés et des stéréotypes.

Avant de poursuivre notre argumentation, nous présentons brièvement les définitions des termes relatifs à l’intervention sur les langues. Les notions de politique linguistique et de planification linguistique sont employées au sens proposé par Calvet (1993). La première renvoie à un ensemble de choix conscients en matière de langue et vie sociale et la seconde à la mise en application de la politique linguistique. La notion de gestion linguistique, proposée par le même auteur (ibid.), sera également employée pour désigner l’ensemble des pratiques impliquées dans la résolution des problèmes de communication dans une situation multilingue, la gestion in vivo relevant de la pratique sociale par les locuteurs eux-mêmes et la gestion in vitro procédant d’une intervention explicite par des experts ou des autorités politiques sur les problèmes de communication.

Centrales pour cette section sont également les notions de diglossie et triglossie. La notion de diglossie fut lancée par Ferguson (1959) pour renvoyer à la répartition fonctionnelle inégale entre deux variétés d’une langue selon laquelle une variété remplit des hautes fonctions (à

16 Les notions de plurilinguisme et de représentation sont abordées dans la partie théorique.

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l’école, l’administration, etc.) et jouit d’un prestige social plus élevé que n’a pas la variété basse. Le champ d’application de cette notion fut élargi par Fishman (1967) pour désigner non seulement les variétés d’une même langue mais aussi deux codes différents ayant une répartition fonctionnelle et un prestige inégaux. C’est dans ce sens élargi que nous employons la notion de diglossie et, lorsqu’il s’agit de rapports entre plusieurs codes ou plusieurs variétés linguistiques, la notion de triglossie sera utilisée. Nous voulons également signaler que plusieurs codes peuvent occuper la même place en ce qui concerne la répartition fonctionnelle et statutaire.

Pour une meilleure description du contexte sociolinguistique tanzanien, nous nous appuyons sur le modèle gravitationnel formulé par De Swaan(1993) et développé de manière significative par Calvet (1993). En effet, c’est un modèle emprunté à l’astrophysique selon lequel les langues en présence dans un espace géographique donné correspondraient à une constellation. Si différentes langues sont reliées à une langue centrale par des locuteurs bilingues, on parle d’une constellation unipolaire formée d’une langue centrale et de langues périphériques non reliées entre elles. Il est aussi possible d’avoir une constellation bipolaire se composant de deux langues centrales et plusieurs langues périphériques. L’une des deux langues centrales peut être plus centrale qu’une autre; cas dans lequel on parle d’une langue super-centrale et d’une langue centrale tout simplement. Dans les situations multilingues sans bilinguisme, on parle d’une constellation sans pôle, car il n’y a pas de langue centrale. Le lien qui s’établit entre la langue centrale et les langues périphériques est considéré comme la gravitation. Selon Calvet (ibid.), la force de gravitation de la langue centrale est déterminée par sa véhicularité et son étendue géographique.

2.2 La situation multilingue et sa gestion : l’époque précoloniale (avant 1885) On peut sous-diviser l’époque précoloniale en deux périodes; avant et après l’arrivée des missionnaires chrétiens. Certes, la période précédant les missionnaires chrétiens plonge dans la nuit des temps, mais nous centrons notre description uniquement sur la partie de cette période ayant une incidence significative sur la situation sociolinguistique de la Tanzanie actuelle.

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14

2.2.1 Avant l’arrivée des missionnaires chrétiens

Avant l’arrivée des missionnaires, il existait déjà des liens commerciaux entre le Moyen- Orient et la Côte maritime de l’Afrique orientale (les marchandises étaient l’or, le sel, les colliers et, plus tard, les esclaves). Les plus anciennes relations commerciales datent de plus d’une dizaine de siècles. Elles ont été décrites dans le texte intitulé The Periplus of the Erythrean Sea, qui date du milieu du 1er siècle apr. J-C. dont l’auteur n’est pas connu, mais ces relations étaient limitées à la côte nord-est de l’Afrique. En effet, ce sont les relations commerciales entretenues avec les Arabes d’Oman vers le 18e siècle qui ont joué un rôle fondamental dans l’évolution de la situation sociolinguistique tanzanienne. On peut dire de manière très générale qu’avant ces relations, les contacts entre les différentes communautés linguistiques étaient très limités, vu l’absence d’intelligibilité mutuelle entre un nombre considérable de langues. Il faut souligner que chaque communauté occupait une localité géographique bien délimitée. Ainsi, on peut très généralement supposer qu’il n’y avait ni bilinguisme vertical17 du fait de l’absence d’une langue véhiculaire, ni bilinguisme horizontal18 du fait de l’absence de liens entre les différentes langues. Selon le modèle gravitationnel des langues, il s’agissait d’une constellation sans pôle.

Avant l’entrée du swahili à l’intérieur de la Tanzanie continentale Figure 1: Constellation sans pôle

Aucune langue centrale

17 Lorsqu’un locuteur d’une langue périphérique parle aussi la langue centrale (qui souvent est une langue véhiculaire).

18Lorsqu’un locuteur d’une langue périphérique (non véhiculaire) parle également une autre langue périphérique (voir Calvet 1993).

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Par conséquent, il n’y avait ni bilinguisme, et peut-être, ni diglossie. Les langues étaient déconnectées entre elles. En gros, on peut supposer que, durant cette époque, les représentations vis-à-vis des langues locales étaient moins prononcées.

Avec l’arrivée des commerçants arabes vers le 18e siècle, le bilinguisme a commencé à se développer, notamment sur la côte est de la Tanzanie continentale. Selon Mhina (1976), les Arabes ont trouvé une communauté ethnique qui habitait sur la côte orientale et qui parlait une langue bantoue. Ils l’ont désigné comme les Sahels, c’est-à-dire le peuple de la côte, d’où le nom swahili. Ces derniers ont commencé à apprendre la langue indigène pour faciliter les contacts commerciaux en exportant beaucoup de lexique arabe. Ensuite, ils ont commencé à pénétrer l’intérieur de la Tanzanie jusqu’à la frontière avec l’actuel Congo Kinshasa (ibid.).

En véhiculant le commerce, le swahili fut lui-même véhiculé vers l’intérieur du pays et au- delà. Ainsi, le paysage sociolinguistique a graduellement commencé à prendre les caractéristiques suivantes:

 le swahili est devenu langue véhiculaire non seulement pour des contacts commerciaux, mais également pour l’islam et la civilisation arabe;

 le long des routes commerciales, une constellation unipolaire a graduellement commencé à se développer avec, comme langue centrale, le swahili, à travers le bilinguisme vertical avec les LCEs;

Après l’entrée du swahili à l’intérieur de la Tanzanie continentale Figure 2: Constellation unipôlaire

SWAHILI LCE LCE

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 c’était peut-être le début des rapports diglossiques entre le swahili, langue de commerce et langue de la religion islamique, et les autres langues locales, qui ne remplissaient que la fonction de communication intracommunautaire ;

 le swahili était aussi considéré comme langue de la nouvelle civilisation et d’ouverture à l’extérieur des communautés ethniques (ibid.). On peut ainsi dire que la véhicularité du swahili était le produit de la gestion linguistique in vivo par les locuteurs eux- mêmes, en l’occurrence, les commerçants arabes et le peuple bantou de la côte.

2.2.2 L’époque des missionnaires chrétiens (vers 1860)

Le principal but des missionnaires19 était la christianisation du territoire tanzanien, mais cela nécessitait le choix d’une langue susceptible de l’accomplir. Vu son caractère véhiculaire, on se serait attendu à ce que le swahili soit le choix naturel pour les missionnaires mais, comme l’indique Mhina (1976), cela ne fut pas le cas pour la plupart des missionnaires. Cette langue fut très vite associée à l’islam car:

 elle était majoritairement utilisée par les commerçants arabes et le peuple de la côte dont la plupart étaient islamisés;

 elle employait l’orthographe arabe et était utilisée comme langue de scolarisation dans les centres coraniques. En fait, l’orthographe latine du swahili actuel fut introduite par les missionnaires de l’association U.M.C.A (Universities Mission to Central Africa) en 1860;

 une partie importante de son vocabulaire étaitd’origine arabe (actuellement 40%).

De ce fait, le swahili fut considéré comme étant très lié à la langue du coran, qui ne pourrait servir qu’à l’islamisation. Ainsi, la plupart des missionnaires décidèrent d’apprendre les autres langues indigènes et de commencer à traduire la bible et les cantiques dans ces langues. Ils prêchaient et alphabétisaient la population indigène dans leurs langues respectives (ibid.). C’est le temps où le swahili a connu une descente en statut, et on pourrait dire qu’il y avait là une tentative à déplacer le pôle central de la constellation linguistique qui avait, jusque-là, commencé à se former, par la marginalisation de la langue centrale au profit des langues périphériques. Les représentations des missionnaires vis-à-vis du swahili laissent penser qu’une langue peut fusionner avec sa fonction au point de ne plus pouvoir dissocier

19 Missionary Activities in East Africa from 1860, National Archives of Tanzania.

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17

son identité de sa fonction. Ainsi, une langue qui sert à propager une certaine religion devient la langue de cette religion. En principe, on peut se permettre de dire que c’est l’intervention des missionnaires chrétiens qui a marqué le début de la gestion in vitro du multilinguisme tanzanien.

2.3 Le multilinguisme et la politique linguistique: l’époque de la colonisation allemande (1885-1918)

C’est la conférence de Berlin sur la partition de l’Afrique qui marqua le début de la domination allemande en Tanzanie en 1885. Arrivés en Tanzanie, les colonisateurs allemands étaient confrontés au problème de communication face à la multitude de langues. Ils ont constaté que le swahili était déjà une langue partagée par les communautés ethniques habitant le long des routes commerciales, même si le nombre de locuteurs bilingues était faible. Ils ont donc choisi le swahili. Nous pensons que leur choix était basé sur le caractère véhiculaire du swahili. Ainsi, contrairement à la vision des missionnaires, le gouvernement colonial a considéré le swahili comme simple outil de communication, et son association avec l’islam ne présentait pas un obstacle à son emploi. La primauté fut accordée aux avantages économiques que présentait cette langue.

Par conséquent, les missionnaires ont été obligés par les autorités coloniales allemandes d’employer le swahili dans leur mission d’évangélisation et de scolarisation. Après un long désaccord, les missionnaires chrétiens ont accepté l’utilisation du swahili comme langue de scolarisation, mais en utilisant la graphie latine. Par ailleurs, ils ont commencé à traduire la bible et les autres livres religieux en swahili et à écrire des livres de grammaire du swahili.

Mais ils ont demandé tout de même de pouvoir continuer à prêcher en langues des communautés ethniques, car la plupart des indigènes ne comprenaient pas le swahili. Leur demande fut acceptée et l’accord fut donné par l’administration coloniale pour l’utilisation des langues ethniques dans la mission d’évangélisation, mais pas pour la scolarisation (Mhina, 1976).

Par ailleurs, l’auteur (ibid.) indique que les fonctionnaires de l’administration coloniale venus de la métropole étaient obligés d’apprendre le swahili afin d’établir un contact avec les responsables indigènes et l’ensemble de la population. Ils devaient passer un test de swahili avant l’entrée en fonction. En effet, certains dispositifs d’enseignement du swahili étaient mis en place même à Berlin en Allemagne.

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18

Ainsi, le swahili a connu une restauration de son prestige et une expansion accélérée. Il a maintenu sa place centrale dans une constellation linguistique en pleine expansion, car les liens du bilinguisme ne se formaient pas uniquement le long des routes commerciales mais dans l’ensemble du territoire tanzanien. Il a ainsi acquis un statut de plus en plus prestigieux par rapport aux LCEs du fait d’être langue de l’administration, de la scolarisation et de la religion. On pourrait dire que c’est la gestion linguistique allemande qui a consolidé les rapports diglossiques en accordant plus de fonctions au swahili. Par ailleurs, les autres langues locales ont maintenu leur rôle de langues d’évangélisation et de communication intracommunautaire.

Suite à l’intervention du gouvernement colonial allemand, on peut voir que les représentations sociales du swahili chez les missionnaires chrétiens ont évolué de manière positive. Ils ont constaté que le swahili était un outil très efficace dans la mission de christianisation. Cela a conduit les missionnaires chrétiens à s’engager dans le travail d’expansion du swahili.

L’évolution des représentations des missionnaires vis-à-vis du swahili conduit à reconnaitre, d’une part, le rôle capital que la politique linguistique peut jouer dans la construction et la modification des représentations sociales des langues et, d’autre part, l’influence de ces dernières sur la première. Ainsi, la politique linguistique et les représentations sociales des langues peuvent s’influencer mutuellement. Par ailleurs, nous constatons que, si les représentations linguistiques peuvent être formées, elles peuvent également être transformées.

Il est évident que les attitudes vis-à-vis du swahili et des LCEs ainsi que les approches de la planification linguistique sont très variées selon les colonisateurs. Par exemple, il est intéressant, au niveau sociolinguistique, de constater que les colonisateurs allemands, contrairement aux Anglais et aux Français, n’avaient aucun intérêt à l’expansion de leur langue. Selon Mhina (1976), pendant les premières années de leur installation en Tanganyika, des tentatives ont été faites pour enseigner l’allemand comme langue seconde mais, après avoir évalué les implications sociales, éducatives et économiques et sur le conseil du gouvernement allemand en métropole, l’administration coloniale allemande abandonna ce projet. Par conséquent, l’allemand est resté comme langue de l’administration coloniale centrale, notamment entre les colonisateurs eux-mêmes. Les documents administratifs à l’adresse des administrateurs centraux étaient rédigés dans cette langue.

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19

S’il nous parait utile de comprendre les implications socio-économiques et éducatives qui ont empêché les allemands de réaliser leur projet d’enseignement de l’allemand comme langue seconde, nous craignons que les informations dont nous disposons ne puissent répondre de pleinement à cette question. Néanmoins, nous disposons de certaines indices permettant, bien que partiellement, d’apporter quelques éléments de réponse. Plusieurs explications ont été avancées (voir, par exemple, Roy-Campell, 2001). D’abord, il est fort probable que les allemands furent débordés par la multitude de LCEs. Cependant, on se serait attendu à ce que ce multilinguisme présente une occasion pour introduire leur langue, car les différentes communautés auraient eu besoin d’une langue leur permettant d’avoir un contact entre elles.

Ainsi, cet argument n’est que peu plausible.

Une autre explication qui a été avancée repose sur le fait que l’enseignement de l’allemand comme langue seconde impliquerait des coûts en matière de formation des enseignants, de préparation de matériel et d’autres aspects logistiques. Par contre, l’utilisation et la promotion de toutes les langues locales, Mhina (1976) l’a bien indiqué, constituerait une aventure impossible tant au plan linguistique qu’économique. D’ailleurs, la priorité, à cette époque, était accordée aux activités procurant des bénéfices pour les colonisateurs. De ce fait, le swahili fut le choix le plus économique, car c’était une langue déjà utilisée par une population considérable.

La dernière explication, selon laquelle les Allemands n’auraient pas voulu que les territoires colonisés acquièrent l’éducation au moyen de l’allemand de peur que ces derniers développent un sentiment d’égalité avec leurs maîtres, semble plausible. Cette hypothèse devient plus tangible au vu de la grande distance qu’il y avait entre l’administration centrale allemande et le reste du peuple. D’ailleurs, et comme l’indique Mhina (ibid.), il n’y avait pas de rapports sociaux entre les colonisateurs et les colonisés en dehors des situations officielles.

Cet argument est fortement soutenu par Roy-Campell (op.cit) dans les propos suivants :

“Swahili had its first taste of official status during the German colonial rule beginning in the late nineteenth century, when it was designated for nationwide use in education and colonial administration. After some controversy over whether German or Swahili should be used as the medium of instruction in schools, Swahili was eventually chosen, although the colonial government’s motivation for this decision has been called into question.

Rather than desiring Tanzanians to learn in a language they spoke because it

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