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Arbres fixateurs d'azote : champ ouvert pour la recherche

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Academic year: 2021

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(1)

champ ouvert

pour la recherche

Les arbres fixateurs d'azote possèdent la propriété

remarquable de fixer l'azote de l'air. Subviennent-ils

ainsi totalement à leurs propres besoins en azote,

contribuent-ils à l'enrichissement du sol et à la nutrition

des cultures annuelles associées, en particulier dans

les régions tropicales ? La réponse à ces questions

n'est à l'heure actuelle pas encore claire.

Si de nombreuses observations ont été conduites

à travers le monde, les programmes de recherche

sur ces thèmes restent encore très ponctuels.

Cette synthèse fait le point des résultats disponibles

depuis une quinzaine d'années.

F. GANRY

CIRAD-CA, BP 5 0 3 5 , 3 4 0 3 2 M ontpellier C e d e x 1, France

Y. R. DOMMERGUES

BSFT, CIRAD Forêt-ORSTOM 4 5 bis, avenue de la Belle G ab rielle 9 4 7 3 6 , Nogent-sur-Marne, France

O

n admet généralement que les arbres, qu'ils soient fixa­ teurs d'azote ou non, exer­ cent un effet favorable sur la fertilité des sols par ce rta in s m écanism es, c o m m e la r é d u c tio n des pertes en éléments nutritifs par la d im in u tio n de l'érosion, leur redistribution dans les différents horizons du sol, l'a mé­ lioration des propriétés physiques et de la fraction organique du sol. Les arbres fixateurs d'azote (azote de l'air) peuvent être des légumineuses (espèces associées sym biotiquem ent avec des rhizobiums) ou des plantes a ctino rh izie nn es (espèces associées

avec des frankias). O n peut supposer q u ' i l s p o u r r a i e n t n o n s e u le m e n t subvenir à leurs propres besoins en azote mais aussi assurer, au m oins partiellem ent, la n utrition azotée de c u ltu re s associées. En fa it, ce rôle n'est pas clairem en t établi (GANRY et DOMMERGUES, sous presse). Les essais au c h am p et les observations

i n s i t u d o n n e n t des r é s u lta ts très divergents. C'est ainsi que certaines expériences m ontrent un effet béné­ fique alors que d'autres indiquent un é p u is e m e n t du sol ( L U N D G R E N , 1978).

Ces résultats contradictoires dépen­ d ent de n o m b re u x facteurs. Toutes les espèces de légumineuses ne sont pas fixatrices d'a zote. Par exemple, p o u r la s o u s - f a m ille des c é s a lp i- niacées, GILLER et V . ^ i D N (1991) observent que 23 % seulement des espèces examinées ont des nodules. Q uant aux espèces fixatrices d'azote, elles présentent des variations intra- spécifiques parfois considérables de leu r p o te n t ie l fix a te u r. La fix a tio n d ' a z o t e est un p ro c e s s u s p a r t i ­ culièrem ent sensible aux contraintes du m ilieu, qui peuvent la lim iter ou même l'in h ib e r. Le bilan azoté d'un écosystème com portant des espèces f i x a t r i c e s p e u t ê tre n é g a t if si les exportations d'azote, provenant des récoltes, dépassent les apports. La figure 1 représente les flux d'azote d 'u n écosystè m e sans f e r t ilis a t io n (engrais ou fumier), constitué par un

(2)

D o s s i e r a z o t e

Fixation d 'a z o t e Autres intrants (1 ) T3<D Cxi Mobilisation et remobilisation Azote d e l 'a r b r e Récolte Emondes Litières aériennes Résidus de récolte Absorption par l'arbre (recyclage) Litières souterraines Azote du sol Absorption par les cultures Litières souterraines Azote d e la culture a n n u e lle Récolte Surface du sol Pertes (2)

(1 ) apports autres que la fixation d'azote : dépôts secs et humides, absorption de N H 3, irrigation, apports par alluvions, eau du sous-sol.

(2) pertes : lessivage, drainage, érosion par l'eau, érosion par le vent, pertes gazeuses (dénitrification, volatilisation de N H 3).

Figure 1. Les trois principaux pools de l'azote (azote de l'arbre, azote du sol et azote des récoltes), les apports et les pertes dans un système agroforestier constitué par un arbre fixateur d'azote et une culture annuelle associée.

Stabilisation de dunes littorales au nord de Dakar par des plants de Casuarina equisetifolia inoculés.

C liché Y. R. Dommergues

arb re fix a te u r p h r é a to p h y te (c'e st- à -d ire c a p a b le d 'u t i li s e r l'e a u des nappes phréatiques profondes) asso­ cié à une c u ltu re a nn u e lle . L'azote p ro v ie n t du processus de fixa tion et des apports par les pluies et les pous­ sières (dépôts secs et h u m id e s , de l'ordre de 3 à 10 kilogrammes d'azote par hectare et par an). Les pertes sont constituées e sse n tie lle m e n t par les e x p o r t a t io n s de la c u lt u r e , par la v o la tilis a tio n , la d é n it r ific a t io n , le lessivage et l'érosion.

Nous nous Intéressons ici à la fixation et aux transferts (ou flux) d'azote pour des é c o s y s tè m e s a g r o fo r e s tie rs et forestiers.

La fixation

biologique de

l'azote p a r l'arbre

Il est essentiel de d é te rm in e r avec a u t a n t de p r é c is io n q u e p o s s ib le l'entrée d'azote dans chaque écosys­ tème renfermant une espèce fixatrice d'azote. Pour effectuer ces mesures, on e m p lo ie les méthodes suivantes : b ila n s , m é th o d e s p a r d if f é r e n c e , te chniques isotopiques (notam m ent la d ilu t io n Isotopique, l'a b o n d a n c e natu re lle en azote 15N, la m éthode de la v a le u r A), é v a lu a t io n de la n o d u l a t i o n , d é t e r m i n a t i o n des uréides et des amides dans la sève du x y lè m e , m é th o d e de r é d u c tio n de l'a c é ty lè n e (PEOPLES e t a l., 1989 ; D A N S O e t al., 1992). Dans le cas des arbres, l'é v a l u a t i o n de la f i x a t i o n d 'a z o te est c o m p liq u é e par l 'i n t e r ­ férence de processus spécifiques liés à leur nature pérenne.

Pour une espèce v é g é ta le d o n n é e associée à une bactérie fixatrice d o n ­ née, la q u a n tité d 'a z o te fixée varie c o n s id é r a b le m e n t a vec les c o n d i ­ tions de clim a t et de sol. Sans facteur lim ita n t, l'arbre e x p rim e ra it p le in e ­ ment son potentiel fixateur, ou fix a ­ tio n p ote ntie lle (PFN). SI un facteur l i m i t a n t in t e r v ie n t , la f i x a t i o n est réduite : on mesure alors la fixation d'azote réelle (FNR ; tableau 1 ).

(3)

Tableau 1. Potentiel fixateur d'azote et fixation réelle d'azote pour Casuarina equisetifolia. C. equisetifolia peut fixer des quantités d'azote importantes lorsqu'il est cultivé dans des conditions quasi optimales (cas de Bel-Air à Dakar, Sénégal). Au champ, en conditions semi-arides, la fixation réelle de cette même espèce est réduite sous l'effet de contraintes de climat et de sol : dix fois moins pour Notto (Sénégal) et deux fois moins pour Malika (Sénégal). La différence entre les deux stations peut être attribuée à trois faits : le sol de Notto est plus pauvre que celui de Malika ; Notto est située à cinq kilomètres de la mer, alors que Malika est en bordure de la côte et bénéficie de précipitations occultes non négligeables (embruns marins et rosées nocturnes) ; les méthodes employées pour les évaluations sont différentes.

Site et référence bibliographique Méthode

de mesure* Age de la plantation Azote fixé par arbre (valeur cumulée) Azote fixé par arbre et par an (moyenne)

Potentiel fixateur d'azote (arbres cultivés dans des conditions optimales d'irrigation et de fertilisation en conteneurs d'un mètre cube)

Bel-Air à Dakar TND 24 mois 84,8 g 42,4 g

(SOUGOUFARA et al., 1990) AV 24 mois 84,4 g 42,2 g

Fixation réelle d'azote

Notto (SOUGOUFARA et al., 1989) TND 3 ans 13 ,4 g 4,5 g

Notto (MARIOTTI et al., 1992) TND 3 ans 18,0g 6,0 g

Notto (MARIOTTI et al., 1992) NA 3 ans 13,0g 4,3 g

Malika (DOMMERGUES, 1963) Bilan 13 ans 377,0 g** 29,0 g

* Méthode de mesure de la fixation d'azote : TND, méthode par différence ; AV, valeur A ; Bilan, méthode des bilans ; NA, abondance naturelle de 15N.

** En admettant que la densité de plantation est de 2 000 arbres par hectare.

La fixation potentielle

Il est bien établi que la fixation poten­ t i e ll e d é p e n d des c a ra c té ris tiq u e s génétiques de la souche de la bacté­ rie associée et de celles de la plante hôte. Jusqu'alors, les projets forestiers ou agroforestiers, à quelques excep­ tio n s près (B R U N C K e t a l., 1990), n'ont jamais pris en compte l'aptitude d 'u n e so uch e de r h iz o b iu m ou de fra n k ia à fix e r l'a z o te en sym biose (c'est ce que l'on appelle l'effectivité d'u ne souche). Le rôle de l'arbre dans la symbiose est aussi très important. En se fondant sur les résultats publiés jusqu'à présent concernant la nod u ­

lation et la quantité d'azote fixé, il a été possible de classer quelques-unes des espèces les plus utilisées en fo nc­ tion de leur potentiel fixateur (tableau 2) (N A T IO N A L RESEARCH C O U N C IL , 1 9 8 0 , 1 9 8 3 , 1 9 8 4 ; G ILL E R et WILSON, 1991 ; DANSO et al., 1992 ; S U B B A R A O e t a l . , 1 9 9 3 ) . En p r e m iè r e a p p r o x im a t i o n , on p e u t c o n s i d é r e r q u ' u n e e s p è c e a un potentiel de fixation élevé lorsqu'elle fix e en m o y e n n e 30 à 50 grammes d 'a z o t e p a r a rb re et par an. C ela correspond à 60 à 100 kilogrammes d 'a z o te fix é ch a q u e année par une plantation de 2 000 arbres par hectare.

La fixation réelle

La fix a tio n réelle d 'a z o te a souvent été surestimée. Les quantités d'azote f ix é s o n t en g é n é ra l in f é r ie u r e s à 30-50 kilogrammes par hectare et par an ( S U T H E R L A N D et SPRENT, 1993). Certains facteurs e n v iro n n e ­ mentaux en lim itent le processus : la carence en phosphore, la sécheresse, l'acidité et l'alcalinité du sol, l'excès d'azote (favorable à la croissance de la plante mais inhibiteur de l'activité de fixation).

Des observations suggèrent que, dans un écosystèm e ferm é, la fix a tio n a tendance à d im inu er avec l'âge de la p la n t a t io n par s u ite de l 'a c c u m u ­ lation progressive d'azote disponible. Cette a c c u m u la t io n s e ra it re s p o n ­ sable de la raréfactio n de la n o d u ­ la t io n s o u v e n t o b s e rv é e d an s les peuplements âgés.

Par a ille u rs , il est p ro b a b le q ue la durée de fixa tion active d 'u n e p lan­ t a t io n v a rie b e a u c o u p s u iv a n t les espèces ligneuses, la densité de plan­ ta tion et les c o n d itio n s de c lim a t et de sol. La n o d u la t io n et la fix a tio n d 'a z ote peuvent aussi rester actives lo n g te m p s : c 'e s t le cas des p la n ­ tations d 'u n e ving ta in e d'années de

Casuarina e q u is e tifo lia au Sénégal ou d 'A llo c a s u a rin a v e rtic il lata en Tunisie (DOMMERGUES, comm. pers.).

Tableau 2. Classement des espèces d'arbres fixatrices d'azote, en fonction de leur potentiel de fixation (PFN) (DOMMERGUES, 1995).

Espèces à PFN élevé

Leucaena leucocephala, Calliandra spp.,

Casuarina equisetifiolia, C. glauca, C. cunninghamiana,

Acacia mearnsii, A. mangium, A. auriculiformis, A. crassicarpa, Gliricidia sepium, Sesbania spp.

Espèces à PFN moyen

Prosopis juliflora, Acacia saligna

(synonyme : A. cyanophylla)

Espèces à PFN faible

Acacia raddiana, A. Senegal, A. cyclops, Faidherbia albida

Espèces à PFN nul

(les légumineuses non nodulantes figurant ci-dessous appartiennent à la sous-famille des césalpiniacées, sauf Parkia biglobosa qui est une mimosacée)

Bauhinia sp., Cassia siamea,

Ceratonia siliqua, Parkia biglobosa, Parkinsonia aculeata, Tamarindus indica

(4)

Les symbioses fixatrices d'azote

Il e x is te tr o is g ro u p e s de b a c té rie s fixatrices d'azote associées aux plantes supérieures :

- le vaste g ro u p e des R h i z o b iu m , associés à des légumineuses*1) ; la symbiose est p lu s fr é q u e n te avec les espèces des sous-familles des papilionacées et des m im o s a c é e s q u 'a v e c c e lle s des césalpiniacées ;

- les Frankias, bactéries filamenteuses sporulante (actinom ycètes), associées aux plantes dites actinorhiziennes. Ces dernières, sauf exception, sont des arbres et des arbustes, par exemple des genres

Alnus, Casuarina, Elaeagnus ;

- les cya n o b a c té rie s , associées à des hôtes divers a lla n t des cycades<2) aux

Azolla (petite fougère aquatique que l'on rencontre en particulier dans les rizières). Ce troisième groupe ne concerne pas les plantes ligneuses.

Reconnaissance et étapes préliminaires

Une bactérie d o it être com patible avec l'hôte auquel elle s'associe. En d'autres termes, il existe une relation spécifique, d'intensité variable, entre les deux parte­ naires de la symbiose. Cette spécificité im plique un système de reconnaissance parfois désigné par l'expression « d ia ­ logue m oléculaire ». Dans le cas de la symbiose rhizo b ie n n e , il a été montré q u e la p la n te o u v re le d ia lo g u e en exsudant des flavonoïdes qui activent les gènes de la nodulation de la bactérie. Cette a c tiva tio n p rovoque la synthèse d'une molécule-signal de la nodulation (lip o c h ito o lig o s a c c h a rid e ) q u i, à son to u r , d é c le n c h e c h e z la p la n te des processus préparant la pénétration de la bactérie dans la racine et la genèse du nodule : déformation de poils absorbants (dans le cas d 'u n e in fe c tio n par cette v o ie ) , a c tiv a tio n de la d iv is io n des c e llu le s c o r tic a le s , f o r m a tio n d 'u n méristème nodulaire.

Infection et développement du nodule

L 'In fe c tio n de la racine par les rh izo - biums ou par les frankias a lieu soit par les poils absorbants, soit directem ent à travers l'épiderme racinaire. Après péné­ tration dans les tissus végétaux, les rhizo- biums s'installent à l'intérieur de cellules

(1). La g r a n d e f a m il le des lé g u m in e u s e s comprend trois sous-familles : les papilionacées, les mimosacées, les césalpiniacées.

(2). Les c y c a d e s sont des g y m n o s p e rm e s primitifs à allure de fougères arborescentes ou de palmiers, qui forment des nodules fixateurs d'azote — dits racines coralloïdes — avec des cyanobactéries.

où ils subissent une d iffé re n cia tio n en bactéroïdes ; c'est à ce stade fin a l de l'infection que les bactéries synthétisent la nitrogénase, enzyme catalyseur de la fixation de l'azote de l'air.

Dans le cas de la symbiose actinorhizienne, les hyphes de frankias qui ont pénétré dans les cellules végétales se différencient en vésicules. Celles-ci sont le siège de la synthèse de la nitrogénase.

La morphologie et la structure du nodule rh izobien diffèrent de celle du nodule actinorhizien. Pour le premier, les tissus vasculaires entourent la zone infectée, alors que pour le second, c'est la zone infectée qui entoure les tissus vasculaires. Quelques plantes (par exemple Sesbania

rostrata, Aechynomene spp., Casuarina

cunninghamiana) portent des nodules à la fois sur les racines et sur les tiges.

L'équation chimique de la fixation biologique d'azote

Le processus de fixa tio n bio lo g iq u e de l'a z o te consiste dans la ré d u c tio n de l'azote atmosphérique (N2) sous la forme ammoniacale, utilisable par la plante : N 2 + 6 e~ —► 2 N H 3 (1)

Il y a s im u lta n é m e n t ré d u c tio n d 'a u moins deux protons en hydrogène : n e_ + n H+ —► n/2 H 2 (2)

La réaction globale est donc la suivante : N 2 + (6 + n) e - + (6 + n) H+ - * 2 N H 3 + n/2 H2 (3)

En fait, n peut varier de 2 à 9 ; mais on adm et souvent que n = 2. L 'é q u a tio n globale devient alors :

N2 + 8 e - + 8 H+ 2 N H 3 + H 2 (4) La réaction de fixation d'azote est cataly­ sée par un complexe enzymatique connu sous le nom de nitrogénase. Les trois caractéristiques majeures de la réaction de fixation sont sa sensibilité à l'oxygène, son coût énergétique élevé et son inhibi­ tion par l'azote minéral.

De n o m b re u x com p o sé s, autres que l'azote atmosphérique, qui renferment aussi des triples liaisons, peuvent être réduits par la nitrogénase, par exemple l'a c é ty lè n e (C2 H 2), q u i est ré d u it en éthylène (C2H4) :

C2H 2 + 2 e " + 2 H + - t C2H 4 (5)

Cette réaction est à la base de la méthode de mesure indirecte de la fixation d'azote (ARA), qui consiste à évaluer la quantité d'éthylène formé par un système fixateur.

Nodules rhizobiens sur le système racinaire

d 'A c a c ia holosericea. Contrairement aux nodules sphériques qui sont déterminés, ces nodules sont de type indéterminé : ils peuvent continuer à croître par leur apex.

C liché A. G a lia n a

Nodules de Casuarina equisetifolia.

Ces nodules actinorhiziens peuvent devenir très volumineux : leur diamètre dépasse fréquemment dix centimètres dans le cas d'arbres âgés d'une dizaine d'années.

C liché Y. R. Dommergues

(5)

Les méthodes de mesure de la fixation d'azote

A u c u n e é tu d e sérieuse de la fix a tio n d'azote ne peut se concevoir sans com ­ porter une évaluation quantitative in situ.

Différentes méthodes sont utilisées pour cela ; si aucune n'est parfaite, la co m b i­ naison de plusieurs d'entre elles permet de quantifier le processus avec une préci­ sion satisfaisante.

La méthode par différence Deux cas doivent être distingués.

1. Si la plante fixatrice est cultivée sur un m ilie u dép ou rvu d 'a z o te , la teneur en azote total de la plante à la récolte repré­ sente la quantité d'azote fixé pendant la culture. Cette méthode, très fiable, est couram m ent em ployée en chambre de culture ou en serre pour tester l'effectivité (aptitude à fixer l'azote) des souches de rhizobiums et de frankias.

2. Si la plante fixatrice est cultivée sur un m ilieu co n ten an t de l'a z o te , il devient nécessaire de cu ltiv e r en même temps, dans le même milieu et dans des condi­ tions identiques, une plante de référence non fixatrice. L'hypothèse de départ est la suivante : la plante fixatrice absorbe la même quantité d'azote du sol (Ndfsi) que la p la n te non f i x a t r ic e (N d fs o ) : Ndfsi = Ndfso. La quantité fixée (Ndfa) est mesurée par la différence entre la teneur en a z o te to ta l de la p la n te f ix a t r ic e (Ndfa + Ndfsi) et la teneur en azote total de la p la n te non f ix a t r ic e (N d fs o ). On peut alors écrire :

Ndfa = (Ndfa + Ndfsi) - Ndfso. La méthode des bilans

Dans un écosystème donné, si l'on admet que les apports d'azote (autres que la fixa­ tion) sont égaux aux pertes, la fixation est alors égale à l'accroissement en azote des deux pools d'azote (sol et plante) pendant une période considérée. On détermine la teneur en azote total des deux pools en d é b u t et en fin d 'e x p é rie n c e et on en déduit la quantité d'azote fixé Ndfa : Ndfa = Ntpi + Ntsi - (Ntpo + Ntso) avec

Ntpi azote total de la plante en fin d'expérience ;

Ntsi azote total du sol en fin d'expérience ; Ntpo azote total de la plante en début d'expérience ;

Ntso azote total du sol en début d'expérience.

Pour déterminer la fixation d'azote d'une plantation d'arbres, il est également pos­ sible de comparer la teneur en azote total du systèm e s o l/ p la n t a tio n a vec un systèm e té m o in , par e x e m p le une parcelle m aintenue en jachère nue ou non reboisée.

La méthode de réduction de l'acéylène (test de l'ARA)

De la comparaison des réactions (4) et (5) (voir encadré « L'équation chimique de la

fixation biologique d'azote »), on déduit que la réduction d'une molécule de N2 im plique 8 électrons (8 e- ), alors que celle de C2H2 implique 2 électrons (2 e- ). Le coefficient permettant de convertir la quantité d'acétylène réduit en azote fixé est alors de 2/8 = 1/4.

Pratiquement, la plante est soigneu­ sement déracinée. Le système racinaire avec les nodules est mis en incubation pendant 30 à 60 minutes dans un réci­ pient étanche dont 10 % de l'a ir a été remplacé par de l'acétylène. On prélève ensuite un échantillon du gaz d 'in c u ­ bation pour y doser l'éthylène formé, en chromatographie en phase gazeuse. L'analyse des composés azotés du xylème

Cette méthode, au demeurant assez élé­ gante, ne concerne que les légumineuses qui exportent, sous form e d 'u ré id es (allantoïne, acide allantoïque) l'azote fixé dans les nodules. Il s'a git en fa it de quelques arbres : Sesbania grandiflora,

Acacia mearnsii. La proportion de ces composés dépendant de l'activité fixa­ trice, il est possible d'estimer le pourcen­ tage d'azote fixé de la plante (% Ndfa) en s'a ppuyant sur l'é v a lu a tio n de la proportion d'uréides dans la sève. Les méthodes isotopiques (deux exemples)

Dilution isotopique après enrichissement du sol en 15N

Les plantes fixatrices et non fixatrices sont cultivées simultanément sur un sol ayant reçu la même quantité d'engrais azoté enrichi en 15N (jusqu'à 30 % d'atomes). Le postulat sur lequel est fondée cette méthode est que les deux plantes utilisent dans la même proportion l'azote du sol et l'azote de l'engrais azoté 1SN. Le pour­ centage d'azote fixé (% Ndfa) est donné par la formule :

% Ndfa = (1 - Ei/Eo) x 100 avec

Ei excès isotopique dans la plante fixatrice ; Eo excès isotopique dans la plante non fixatrice.

L'excès isotopique E est égal à la diffé­ rence (% d'atomes 15N dans les tissus végétaux - 0,3663 %), la valeur 0,3663 % correspondant à la proportion naturelle d'atomes de 15N dans l'atmosphère ter­ restre.

Si Nt est la teneur en azote total de la plante fix a tric e , la q u a n tité fixé e est : Ndfa = % Ndfa x Nt.

Cette méthode est appliquée avec succès à la sélection des clones.

M éthode de l'abondance naturelle

L 'azote de l'a tm o s p h è re est co n s titu é e s s e n tie lle m e n t de 14N 2 (9 9 ,6 3 3 6 % d'atomes), le reste (0,3663 % d'atomes) étant de l'azote sous la forme 15N 2. En revanche, beaucoup de sols sont enrichis nautrellement en 15N. Comme cet enri­ chissement est faible, il est exprimé par le ta u x de 15N (en p a rtie s p o u r m ille , 6 15N). Réch.* - Ratm.** 8 15N (%>) où R : Ratm.’ 15N + 14N 14n + 14n x 1 00 0 (* : é c h a n t i l l o n d u sol ou de p la n t e ; ** : atmosphère)

Les végétaux non fixateurs ont le même taux de 15N que le sol sur lequel ils pous­ sent. Les plantes fix a tric e s ont en revanche un taux plus faible car elles pui­ sent une partie de l'azote de l'air, pour lequel 5 1SN est par définition nul. Le principe de la quantification de la fixation de l'azote par la méthode de l'abondance naturelle est le même que celui de la dilution isotopique après enri­ chissement en 1SN, mais aucun apport supplémentaire de 15N n'est fait puisque seule la teneur naturelle des sols et des végétaux est prise en compte. Le pourcen­ tage d'azote fixé (% Ndfa) est calculé à partir de la formule :

% Ndfa = (815Nr - 8 15Nf)/ ( 8 15Nr - b) x 100 avec

8 15Nr composition isotopique de la plante de référence non fixatrice ; 8 15Nf composition isotopique de la plante fixatrice ;

b, coefficient de fractionnement isotopique tenant compte de la légère diminution de 15N (0,2 à 2 pour mille) dans l'azote fixé, entraînée par le processus de fixation. L'évaluation du nombre et du poids des nodules

L'évaluation du nombre et du poids des nodules est une approche simple, trop souvent négligée, qui donne un ordre de grandeur de la fix a tio n de l'azote. Lorsque les conditions de milieu sont favorables, on admet, en moyenne, que

1 gramme de nodules (poids sec) d'un arbre fixateur (légumineuse et espèce actinorhizienne) fixe 1 gramme d'azote par an.

(6)

D o s s i e r a z o t e

Cultures en couloir entre haies de Leucaena leucophala à Machacos, Kenya.

Cliché Y. R. Dommergues

o-- 2 Ho--o--o--o--o--o--o--1--- 1---1---1---1---1---1

0 1 2 3 4 5 6 7

Années écoulées depuis la plantation de Leucaena

Figure 2. Variation en fonction du temps des valeurs moyennes du taux de ' (8 ' 5N) des feuilles et des branches de Leucaena

leucocephala ainsi que des plantes non fixatrices d'azote du sous-bois (VAN KESSEL et al., 1995).

Particularités de la

nodulation des arbres

La n o d u la t io n des arbres présente tr o is c a r a c té r is tiq u e s q u e l 'o n ne retrouve pas, ou plus rarement, pour les plantes annuelles : elle peut être pérenne, profonde ou aérienne. La n o d u l a t i o n est p é r e n n e p o u r toutes les espèces a ctinorhiziennes. Pour les légum ineuses, les nodules pérennes s e m b le nt plus rares, bien q u 'ils aient été observés dans le cas d 'A l b i z i a le b b e c k . La pérennité des nodules présente un avantage certain p u i s q u e la f i x a t i o n d 'a z o t e p e u t recommencer dès que les conditions sont favorables : Il n'est pas néces­ saire d'a tte nd re une n ou velle infec­ t i o n , p ro c e s s u s q u i r e q u i e r t des conditions plus difficiles à réunir que la r e p ris e de l ' a c t i v i t é à p a r t ir de n o d u le s d é jà e xistants (REDDELL, 1993).

La nodulation profonde a été signalée pour des espèces phréatophytes légu­ mineuses — Prosopis j u liflo r a , (FEL- KER et CLARK, 1982 ; JENKINS ef al., 1988) — ou actinorhiziennes comm e

A llo c a s u a rin a d ecaisneana. Dans ce dernier cas, des nodules ont été trou ­ vés à des profondeurs supérieures à 10 mètres (REDDELL, 1993). Cette c a ra c té ris tiq u e p e rm e t à l'a rb re de

c o n t i n u e r à f i x e r l 'a z o t e m ê m e lorsque les horizons supérieurs du sol sont desséchés.

La n o d u la tio n aérienne est co n n u e depuis longtem ps p ou r des lé g u m i­ neuses annuelles appartenant notam­ m e n t a u x g e n re s S e s b a n ia et

A e s c h y n o m e n e . E lle a aussi été observée récemment sur des espèces pérennes te lle s q u ' A e s c h y n o m e n e

e la p h r o x y lo n , C asuarina c u n n in g h a - m ia n a et C. gla u ca (D U H O U X et al., 1993). La nodulation aérienne confé­ rerait à l'arbre une certaine indépen­ d a n c e à l'é g a r d de d iv e rs e s contraintes du milieu : excès d'azote d is p o n ib le , e ng orge m e nt, to x ic ité s minérales.

Les transferts

d'azote

Le processus de transfert de l'azote fixé à des plantes non fixatrices a été c l a i r e m e n t m o n t r é p ar une e x p é ­ rience de VA N KESSEL e t al. (1995), qui a consisté à suivre les variations en f o n c t i o n du te m p s , de l ' a b o n ­ d a n c e n a t u r e l l e de l 'a z o t e 15N d a n s un p e u p l e m e n t d e n s e de

L. l e u c o c e p h a l a c o m p o r t a n t un so us-bois d'espèces non fix a tric e s d'azote (figure 2).

Les modalités

mises en œuvre

A moins de faire ainsi appel au mar­ quage is o to p iq u e , Il est d if f ic ile de suivre le transfert de l'azote fixé dans les différents compartiments de l'éco- système, en raison de l'interférence de tr o is processus liés à la n atu re p é r e n n e de l ' a r b r e f i x a t e u r : recyclage, m o b ilis a tio n et r e m o b ili­ sation dans les tissus de l'arbre, redis­ t r i b u t i o n d a n s le p r o f i l du s o l. Pratiquement, on fait une évaluation a p p ro x im a tiv e de ces transferts en d é t e r m i n a n t les v a r i a t i o n s de la teneur en azote du sol ou celles des rendem ents des cu ltu re s a nn ue lle s associées.

Le recyclage partiel d e l'azote

Tous les arbres réutilisent (ou recy­ clent) en partie l'azote m inéralisé à partir des litières organiques (feuilles, ram eaux, fleurs et fruits tombés) et des résidus racinaires (desquamation et exsudations racinaires, nodules), qui se décomposent dans le sol sous l ' e f f e t de la m i c r o f a u n e e t des m icroorganism es. Il faut égalem ent a jo u te r le flu x d 'a z o te résultant du lessivage des houppiers et du ruissel­ le m e n t de l'e a u le lo n g des tro n c s

(stem-dow).

(7)

Certaines observations suggéreraient que la proportion d'azote recyclé des arbres fix a te u rs s e ra it in fé r ie u r e à c e l l e des a rb re s n o n f i x a t e u r s : e n v ir o n 20 % de l 'a z o t e a s s im ilé p o u r ces derniers, 3 % p o u r A ln u s

g lu tin o s a (aulne) et 7 % pour A c a c ia

holosericea (LANGKAMP et al., 1982 ; WHEELER, 1991).

La mobilisation et la

rem obilisation de l'azote

Les réserves azotées de l'arbre (résul­ tat d 'u n processus de m o b ilis a tio n ) subissent une re m o b ilis a tio n et des transferts qui peuvent être importants p u is q u e , d 'a p r è s D O M E N A C H et KURDALI (1989), 10 % des réserves azotées d ' A . g lu t in o s a sont m o b il i ­ sées et transférées pour la repousse.

La redistribution de l'azote

dans le profil du sol

Les arb re s, q u ' i l s s o ie n t f ix a te u rs d'azote ou non, remontent en surface des éléments nutritifs, situés dans les horizons profonds, notamment l'azote m inéral. Les espèces phréatophytes r e m o n t e n t en o u t r e des é lé m e n t s n u t r i t i f s des n a p p e s p h r é a t i q u e s situées ju s q u 'à p lu s de 30 m ètres (JENKINS e t a l., 198 8 ; D U P U Y et DREYFUS, 1992). Parmi les éléments redistribués en surface, le phosphore occupe une place importante, surtout dans le cas où les arbres sont myco- rhizés (WHEELER, 1991). En effet, le système rac ina ire des arbres, q u 'ils soient fixateurs ou non, peut fo rm er des s y m b io s e s a v e c des c h a m ­ p ig n o n s . L 'u n e des p r i n c i p a l e s propriétés de ces cham pignons dits « m y c o rh iz ie n s » est de f a c ilite r la n u t r i t i o n de la p la n t e h ô te en é lé m e n ts m in é r a u x peu m o b ile s , notamment le phosphore.

Exemples de transfert

de l'azote des arbres

vers le sol

Les données d'enrichissement du sol en azote grâce aux arbres fixateurs s o n t trè s v a r i a b l e s et d é p e n d e n t la r g e m e n t des c o n d it io n s e x p é r i ­ mentales et des conditions naturelles.

Les champignons mycorhiziens

et la mycorhization

Les champignons mycorhiziens sont des champignons symbiotiques des racines qui forment sur ces dernières des organes mixtes ra c in e /c h a m p ig n o n appelés m ycorhizes. Ils sont de deux types : endomycorhizien ou ectomycorhizien. Les champignons endomycorhiziens à vésicules et arbuscules (VAM ) Ces champignons primitifs ne sont pas visibles à l'œil nu car ils se développent à l'intérieur des racines. Ils s'associent à la plupart des plantes, dont de nombreux arbres fixateurs d'azote, par exemple des espèces des genres Leucaena, Acacia,

Dalbergia, Casuarina.

Les champignons ectomycorhiziens Ils sont plus évolués (truffe, bolet, scléro- derme, etc.) et parfaitement visibles à l'œil nu. Le champignon est présent dans la racine et à l'extérieur, formant un manchon continu de mycélium autour des racines courtes. Ils s'associent en p a r tic u lie r à des conifères ou à des

espèces (fixatrices ou non) appartenant p a r e x e m p l e au g e n r e A c a c i a (LE TACON et al., 1989).

Symbioses multiples

Les arbres fixateurs d'azote peuvent être associés avec leur symbiote fixateur (rhizobiu m ou frankia) et avec un ou plusieurs champignons mycorhiziens. La plante bénéficie de l'a pp ort d'azote atmosphérique des bactéries fixatrices et tire parti de l'amélioration de l'alimen­ tation en phosphore et en eau permise par les champignons.

La mycorhization

Cette opération consiste à introduire une culture de champignon m ycorhizien dans le sol, à p ro x im ité , ou sur des racines d'une plante. Elle est nécessaire seulement dans le cas où l'objectif est la régénération de sols dont la microflore mycorhizienne est réduite ou absente : remblais, déblais, sols épuisés et dégra­ dés, sols désertiques.

Plantations forestières

non exploitées

Dans un sol sodique de la station de Banthra à Lucknow en Inde, GARG et J A IN ( 1 9 9 2 ) c o n s t a t e n t q u 'e n 8 ans, la te n e u r en a zote du sol (à l'origine de 0,02 %) a été m ultipliée par 4 sous une p la n ta tio n d 'A c a c ia

n ilo tic a et par 6 sous une plantation de P. ju liflo r a .

Au Sénégal, dans un reboisement de C. e q u ise tifo lia âgé de 13 ans, D O M ­ MERGUES (1963) a évalué le stock d'azote du sol à 309 kilogrammes par hectare alors que dans le sol voisin de même nature, hors reboisement, ce stock était de 80 kilogrammes par hectare. Plus récemment, MAILLY et MARGOLIS (1992) ont trouvé que le stock d 'a z o te du sol sous des p la n ­ t a tio n s de C. e q u i s e t i f o l i a situées dans la même région était d'e nviron 1 567 kilogrammes par hectare ; mais c e tte é v a l u a t i o n , n e tt e m e n t p lu s élevée que la première, correspond à des p la n t a t i o n s p lu s âgées (17-34 ans) et à des sites différents.

(8)

Plantations forestières

de production

Lorsqu'il s'agit de plantations e x p lo i­ tées pour leur biomasse, la situation est également variable. Dans certains cas, le bilan azoté du sol est positif, p ro b a b le m e n t parce que la fix a tio n est très a c tiv e . En A f r iq u e du Sud, O R C H A R D et D A R B Y ( 1 9 5 6 ) o n t c o m p a r é s ix site s p la n t é s en A. de c u rre n s var. m o llis s im a (syno­ nyme A. m earnsii) et six sites témoins n o n p la n té s . A p rè s 30 a n n é e s de c u lt u r e (trois g é n ératio ns d'arbres) d ' A. mearnsii, la teneur moyenne en azote des sols était passée de 0,35 à 0 , 5 3 % , ce q u i c o r r e s p o n d à un a p p o r t m o y e n d ' a z o t e de 1 8 0 ± 4 0 k i lo g r a m m e s p a r h e c t a r e et par an.

Le b il a n d 'a z o t e sous p la n t a t i o n f o r e s t iè r e p e u t ê tre n é g a t i f si les coupes e xpo rte nt plus d 'a z ote q u 'il n'en a été fixé. En Malaisie, HALEN- D A (19 89 ) c o n sta te que la to ta lité de la b io m a s s e a é r ie n n e d ' u n e p la n ta tio n d 'A c a c i a m a n g iu m âgée

Acacia raclcliana cultivé en conteneurs de polyéthylène. De gauche à droite : inoculation avec rhizobium seul (1 R) ; double inoculation avec rhizobium et champignon endomycorhizien ( 1 RM) ; inoculation avec rhizobium seul et apport de phosphate (1 RP). C liché Y. R. Dommergues

Tableau 3. Biomasse et teneur en azote des composantes d'une plantation d'Acacia mangium âgée de 6,8 ans (HALENDA, 1989).

Composantes Biomasse (poids sec)

tonnes par hectare %

Azote

kilogrammes par hectare %

Fruits et fleurs 0,6 0,5 14,7 2,4 Feuilles 4,7 3,8 148,1 24,0 Rameaux (diamètre > 1 cm) 2,9 2,4 24,9 4,0 Branches (diamètre > 1 cm) 12,4 10,0 111,5 18,1 Branches mortes 5,2 4,2 32,6 5,3 Troncs 97,4 79,0 284,2 46,1 TOTAL 123,2 616,0

de 7 ans renferme 616 kilogrammes d'azote par hectare (tableau 3). Si les exportations portaient sur la totalité de cette biomasse, les pertes d'azote seraient considérables et l'o n abo u ­ t ir a it ainsi à l'é p u is e m e n t du stock d 'a z o te du sol. Pour d im i n u e r ces pertes, il f a u d r a it l im i t e r l ' e x p l o i ­ tation au bois seul, qui correspond à u n e e x p o r t a t i o n m o i n d r e , de 284 kilogrammes d'azote par hectare en 6 ans. En fait, il faut aussi com pta­ biliser les pertes dues aux autres pro­ cessus — le lessivage, l'érosion et le drainage, la vo la tilisa tion de l'azote amm oniacal, la d én itrific a tio n . Elles p o u r r a ie n t a tte in d r e 10 à 20 k i l o ­ grammes par hectare et par an (WET- SELAAR et GANRY, 1982 ; GANRY, 1 9 9 0 ) . En d 'a u t r e s t e r m e s , p o u r obtenir un bilan d'azote équilibré en l'absence d'apport d'engrais azoté et en lim ita n t les expo rta tion s au bois s e u l, il s e r a it n é c e s s a ir e q u e la fixa tion d'a zote atteigne ou dépasse 5 0 - 6 0 k ilo g ra m m e s par h ecta re et par an.

Arbres associés à des cultures

annuelles ou pérennes

Les arbres fixateurs peuvent c o n t r i­ buer à la nutrition azotée des cultures annuelles associées.

Dans le cas p a r t i c u l i e r des o b s e r­ vations faites après d éfrichem ent de forêt, cet a p p o rt n'e st pas suffisant p o u r p r é v e n ir la d i m i n u t i o n de la te n e u r du sol en a z o te q u i s u it le défrichement. LAL (1989) le constate au sud du N ig e r i a : la t e n e u r en azote du sol, im m é d ia te m e n t après

défric h e m e n t de la forêt secondaire âgée de 5 ans, é t a i t de 0 , 2 1 4 % dans l'h oriz on 0-5 centimètres et de 0 ,134 % dans l'h o r iz o n 5-10 c e n ti­ mètres en 1982. Après quatre années de m is e en c u l t u r e en m aïs et en n ié b é ( V i g n a u n g u i c u l a t a ) , en l'absence de haies vives de L. leuco­

c e p h a la , la teneur en azote est to m ­ bée à 0 , 0 3 8 % p o u r l ' h o r i z o n 0-5 centim ètres (1 7 % de la teneur in itia le ) et 0 ,0 4 2 % p o u r l'h o r iz o n 5-10 centimètres (31 % de la teneur i n i t i a l e ) en 1 9 8 6 . En r e v a n c h e , l ' i n s t a l l a t i o n des h a ie s v iv e s de

L. l e u c o c e p h a l a , a vec a p p lic a t io n des branchages ém ondés sur le sol cultivé, a eu pour conséquence une d im in u tio n m oind re de la teneur en a z o te du sol : 0 , 1 0 3 % (48 % de la t e n e u r i n i t i a l e en a z o te ) d a n s l'horizon 0-5 centimètres et 0,090 % (67 % de la t e n e u r i n i t i a l e ) d an s l'h o riz o n 5-10 centimètres en 1986. Les pertes d'azote sont probablement dues en m ajeu re partie aux e x p o r ­ ta tion s des cu ltu re s successives de maïs et de niébé ainsi qu'à des pertes d'origine physique (érosion, lessivage, v o la tilis a tio n ) ou m ic r o b io lo g iq u e (dé n itrific a tio n ). Elles n 'o n t été que p a r t i e l l e m e n t c o m p e n s é e s p ar l'association avec L. leucocephala. Dans d'autres contextes, SANCHEZ ( 1 9 8 7 ) s u p p o s e q u e , l o r s q u e les arbres p ou s s en t s p o n ta n é m e n t, le niveau relativement élevé de fertilité o b s e rv é à le u r p r o x i m i t é ou sous leurs h ou pp ie rs est a nté rie ur à leur in s t a lla t io n . GEIGER e t a l. (1 9 9 2 ) émettent la même hypothèse pour le couvert de F aidherbia a lb id a , réputé

(9)

en ré g io n s a h é lie n n e p o u r l'e f f e t favorable q u 'il a sur les rendements du m il, de l'a ra chid e ou du sorgho. Seules des expérimentations précises c o n d u it e s dans d if fé r e n ts m il i e u x pourraient permettre de confirm er ou d 'infirm e r ces observations.

Exemples de transfert

de l'azote des arbres

aux cultures associées

L 'a z o te fix é par des lég um ine us e s a n n u e lle s ne s e m b le pas t o u jo u r s transféré à d'autres plantes. Ce p ro ­ cessus dépendrait donc de conditions e ncore mal connues (FUJITA e t al., 19 9 2 ; A N D E R S O N et S IN C L A IR , 1993). En revanche, dans le cas des arbres fixateurs, ce transfert existe, bien q u 'il ne porte pas sur la totalité de l 'a z o t e f ix é p u is q u e l 'a r b r e en

r é a b s o r b e u n e p a r t i e et q u e des pertes interviennent sim ultaném ent. L 'e xpé rien ce de V A N KESSEL e t al. (1995) citée plus haut, m ontre sans a m b i g u ï t é q u ' i l y a t r a n s f e r t de l 'a z o t e f i x é v e rs les p la n t e s du sous-bois.

Dans ce domaine, des données exis­ tent pour les systèmes agroforestiers suivants : cultures en couloirs, parcs arborés, jachères forestières, a m en­ dem ents avec des co m p o s ts ( V O N CARLO WITZ, 1989).

Cultures en couloirs

Dans le cas des systèmes en couloirs

(a lle y cro p p in g ), les cultures sont ins­ tallées sur des bandes entre des haies d 'a rb re s so uve nt fix a teu rs d 'a z o te , a ppartenant n o ta m m e n t aux genres

Erythrina, G lir ic id ia , Inga, Leucaena, M i m o s a , R o b i n i a et S e s b a n ia . Les arbres sont régulièrement émondés et les ém o nd es ( p r u n in g s ) sont a p p li ­ quées sur le sol cultivé et constituent un engrais vert (green m anure) ou un mulch.

En Australie, sous un c lim a t tropical s e m i- a r id e c o n t i n e n t a l , XU e t a l. (1993) constatent que cette pratique améliore significativement les rende­ ments du maïs c u lt iv é en c o u lo ir s entre des haies de L. le u c o c e p h a la distantes de 4,5 mètres. Au Nigeria, s u r la s t a t i o n de l ' i n t e r n a t i o n a l Institute of Tropical Agriculture (IITA) à Ibadan, S A N G IN G A e t al. (1988) c o nd uisen t le m êm e système c u ltu ­ ral. Ils o b s e rv e n t q u 'u n e p a rtie de l'a zote fixé par L. le u c o c e p h a la est transféré au maïs par les émondes. Il s'en suit une augmentation de rende­ m e n t du maïs é q u iv a le n t e à c e lle i n d u i t e p a r 80 k i lo g r a m m e s p ar h e c ta r e d 'e n g r a is a z o té p o u r les p arcelles où L. l e u c o c e p h a la a été i n o c u l é ( s o u c h e de r h i z o b i u m IRc 1 0 4 5 ) ou é q u iv a l e n t e à c e lle procurée par 40 kilogrammes dans le cas des haies sans inoculation.

a p p liq u é e s sur maïs. Les é m o nd es app orten t 300 kilogram m es d'a zote par hectare ; cela se trad uit par une augmentation de rendement du maïs é q u iv a len te à celle de l'a p p lic a tio n d 'u n e trentaine de kilogram m es par h e c ta re de s u lf a t e d ' a m m o n i u m . Cette fa ible e fficacité s 'e x p liq u e ra it p a r le f a i t q u e les f e u i l l e s et les ra m e a u x lib è r e n t r a p id e m e n t le u r a z o te (5 0 % au c o u r s des q u a t r e premières semaines après leur a pp li­ cation sur le sol) qui est minéralisé et p erdu en g ra nd e p a rtie par v o l a t i ­ lis a tio n ou lessivage ( S A N G I N G A

e t a l. , 1 9 8 8 ). U n e a u tre p a r tie de l'azote fixé est transférée aux cultures par les litières foliaires et racinaires (y compris les nodules). Dans l'expé­ rie n c e de M U L O N G O Y (1 9 83 ), la q u a n tité d 'a z o te transféré par cette voie serait sensiblement la même que la quantité apportée par les émondes.

Parcs à Faidherbia a lb id a

ou Prosopis cineraria

Les p a rc s à F. a l b i d a (S a h e l) ou P. c i n e r a r ia (Inde) sont considé ré s c o m m e d 'e x c e lle n ts systèmes agro­ fo re s tie rs . O n a d e p u is lo n g te m p s

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Culture de maïs entre haies de Leucaena

leucocephala qui viennent d'être émondées à Machacos, Kenya. C liché Y. R. Dommergues

Bien s o u v e n t, l 'a z o t e a p p o r té par les é m o n d e s est m al u tilis é par la c u lt u r e , c o m m e le m o n tr e l'e x p é ­ r ie n c e de M U L O N G O Y (1 9 8 3 ) conduite dans le sud du Nigeria pour les é m o n d e s de L. l e u c o c e p h a l a

(10)

D o s s i e r a z o t e

re m a rq u é q u e les re n d e m e n ts des c u ltu re s installée s sous ces arbres étaient significativem ent plus élevés que hors de leur couvert (M U T H AN A, 1 9 8 5 ; CTFT, 1 9 8 8 ; A R Y A e t a l., 1991 ; V A N DEN BELT, 1992). Mais en z o n e s a h é lie n n e ( c li m a t s e m i- aride, m oins de 600 m illim è tre s de p luie par an), la fix a tio n p ote ntie lle de F. a lb id a est faible et inférieure à c e lle de c e rta in s A c a c ia {A. s e y a l, GUEYE, c o m m . pers.). La f ix a tio n réelle, déterminée par la méthode de l'abondance naturelle, est également faible (SCHULZE e t al., 1991). Cela n 'e s t pas s u r p re n a n t p a rc e q u e la n o d u la tio n est p ra tiqu em en t inexis­ t a n t e d a n s ces c o n d i t i o n s . Sous

F. a lb id a , l'a m é lio ra tio n de fe rtilité observée n'est pas due à la fix a tion s y m b io tiq u e mais p lu tô t à d'autres fa c te u rs , c o m m e la m a tiè re o rg a ­ n iq u e laissée par les a n im a u x p ar­ qués à l 'o m b r e des h o u p p ie rs . En r e v a n c h e , en C a s a m a n c e (sud du Sénégal), sous un clim a t plus humide (1 000-1 500 millimètres de pluie par an), la n o d u l a t i o n est a b o n d a n te ( D U P U Y et D REYFU S, 1 9 9 2 ) ; la co n trib u tio n de la fixation d'azote à l'a m é lio r a tio n de la f e r t ilit é du sol

Au sein des nodules actinorhiziens, les frankias forment des structures spéciales appelées vésicules, qui sont le siège de la fixation d'azote. Ces vésicules sont sphériques dans des nodules

d'Hippophae rhamnoïdes obtenus par inoculation avec la souche D11. C liché D. Gauthier

pourrait ne pas être négligeable, mais ju s q u 'à présent, il n 'e x is te a u c u n e mesure sur le flux correspondant. Q u a n t à P. c i n e r a r i a , les d o n n é e s sur la f i x a t i o n r é e lle s o n t e n c o r e in s u f f i s a n t e s p o u r a p p r é c i e r la participation de cet arbre à l'a pp ro vi­ sionnement du sol en azote.

Les jachères forestières

améliorées

La ja c h è re fo re stière a m é lio ré e est u n e p l a n t a t i o n d 'a r b r e s fix a t e u r s d 'a z o t e in s é ré e d a n s le c y c l e cultural. C'est l'un des systèmes agro­ forestiers les plus réalistes à condition que la phase de c u ltu re ne soit pas trop longue et ne conduise pas à des modifications irréversibles du milieu. A N D E R S O N et S IN C L A IR ( 1 9 9 3 ) décrivent un système expérimenté en zone sahélienne. A c a c ia Senegal est c u l t i v é p e n d a n t u n e d i z a i n e d'années. La végétation est ensuite brûlée pour laisser la place à une ou deux années de sorgho. Les jeunes sem is d'/4. S e n e g a l se r é in s t a lle n t s p o n ta n é m e n t sur le sol laissé en jachère. Puis le cycle recommence. A la Réunion, les c u ltures de géra­ nium o nt été trad itio n n e lle m e n t ins­ tallées après défrichement de la forêt. Après 5 à 7 années de c u ltu r e , les terres sont a bandonnées et r e c o lo ­ nisées par A c a c i a m e a r n s i i. C ette e s p è c e , à f o r t p o t e n t ie l f i x a t e u r , régénère le sol et constitue ainsi une bonne jachère am é lio ré e (BENOIT, 1991 ; GIRARD et SIGALA, 1991 ). U n e e x p é rim e n ta tio n a été ré c e m ­ ment mise en place par le Centre de c o o p é r a t i o n i n t e r n a t i o n a l e en r e c h e r c h e a g r o n o m i q u e p o u r le d é v e lo p p e m e n t (CIRAD, France) en Côte d'ivoire. Elle permet de com pa­ rer l'effet de quatre jachères de légu­ mineuses arborées (Acacia m a n g iu m ,

A . a u r i c u l i f o r m i s , A l b i z i a le b b e c k , L. l e u c o c e p h a l a ) et d 'u n e ja c h è r e n a tu r e lle h e rb a c é e ( C h r o m o la e n a

o d o r a t a , s y n o n y m e : E u p a t o r i u m

o d o r a t u m ) , sur la te n e u r en a zo te total du sol et sur le re n d e m e n t en maïs. La jachère forestière ne modifie pas de fa ç o n s p e c t a c u l a ir e c e tte

teneur ni le rendement (tableau 4). En revanche, la jachère à A. l e b b e c k a un e f f e t s i g n i f i c a t i f f a v o r a b l e sur l'e ffic ie n c e de l'engrais lorsque le m u l c h issu du f e u i l l a g e des arbres n'est pas brûlé. Le b rû lis est déconseillé, car s'il se traduit par un accroissement de rendement et une m o i n d r e p é n i b i l i t é du t r a v a i l en p r e m iè r e a n n é e , il p r o v o q u e une d i m i n u t i o n du s t o c k d ' a z o t e du sol p a r v o l a t i l i s a t i o n (O L IV E R et GANRY, 1994).

Prosopis ¡uliflora (algaraba) est une espèce phréatophyte multicaule originaire du Pérou. Elle est plantée sur de grandes surfaces depuis 1944 dans le nord-est du Brésil et peut produire jusqu'à 400 kilogrammes de gousses par an. Ces gousses constituent un aliment de premier choix pour le bétail.

C liché Y. R. Dommergues

(11)

Tableau 4. Effet de jachères forestières de 4 ans à Acacia mangium, A. auriculiformis,

Albizia lebbeck, Leucaena leucocephala et d'une jachère naturelle à Chromolaena sp. du même âge, sur la teneur du sol en azote total (horizon 0-15 centimètres) et sur l'absorption d'azote par le maïs (OLIVER, non publié).

Espèce Teneur du sol

en azote total (%)

Azote absorbé par le maïs (grammes par mètre carré)

Jachères forestières A. mangium 0,185 b 14,85 a* A. auriculiformis 0,159 b 7,55 b A. lebbeck 0,248 a 13,58 ab L. leucocephala 0,213 ab 11,20 ab Jachère naturelle Chromolaena sp. 0,205 ab 9,99 ab

* Dans chaque colonne, les chiffres suivis par la même lettre ne diffèrent pas significativement suivant le test de Newman-Keuls (P = 0,05).

Tableau 5. Stratégies d'amélioration de la fixation de l'azote.

Amélioration de la plante hôte

Critères

Méthodes

Potentiel fixateur d'azote élevé Croissance rapide

Enracinement profond

Compétition réduite

à

l'égard des autres végétaux Tolérance aux contraintes du milieu, notamment salinité et sécheresse

Nodulation aérienne (dans certains cas particuliers) Amélioration génétique par les voies classiques (notamment hybridation)

Tri de provenances ou d'individus d'élite, suivi de leur multiplication végétative, puis identification des combinaisons hôte/rhizobium ou frankia les plus performantes

Transformation (transfert de gènes)

Amélioration des souches compatibles de rhizobiums ou de frankias

Critères

Méthodes Inoculation

Effectivité (aptitude

à

fixer l'azote) élevée Aptitude compétitive élevée

Tolérance aux contraintes du milieu

Aptitude

à

modifier favorablement la physiologie de la plante hôte

Tri de souches sauvages

Construction de nouvelles souches par génie génétique Culture de rhizobiums ou de frankias

Préparation et conditionnement des inoculums

Elimination de contraintes environnementales

Sécheresse Déficiences nutritionnelles Facteurs biologiques défavorables

Récolte des eaux pluviales Irrigation

Fertilisation et mycorhization Pesticides et lutte biologique Stérilisation, y compris solarisation*

* La solarisation est l'opération qui consiste à appliquer, pendant un ou deux mois, un film plastique noir à la surface d'une parcelle dont le sol a été préalablement humidifié (STAPLETON et DEVAY, 1986). Si l'ensoleillement du site considéré est suffisant, la température du sol s'élève assez pour détruire une partie de la microflore et de la microfaune pathogènes (par exemple les nématodes). Des microorganismes utiles sont également tués, comme certains champignons mycorhiziens ; il faut alors les réintroduire par inoculation.

A griculture et développem ent ■ n ° 7 - Septembre 1 9 9 5

Les composts

Certains résidus d'arbres (émondes) se d é c o m p o s e n t tro p ra p id e m e n t ; cette d é c o m p o s itio n n'est pas syn­ chronisée avec les besoins de la plan­ te cultivée. Leur compostage pourrait a m é lio r e r la q u a lit é de la m a tiè re o rg a n iq u e in c o rp o r é e au sol. U ne tentative a été effectuée dans ce sens pour valoriser les bas-fonds inondés et non cultivés au Sahel (GANRY et GUEYE, 1992). Les bas-fonds ont été plantés en Sesbania rostrata qui a été ensuite composté pour être apporté à des cultures. O n a suggéré que ces c o m p o s ts p o u r r a ie n t être e n r ic h is en résidus à d é c o m p o s it io n lente, p ro v e n a n t d'espèces te lle s q ue les c a s u a r in a c é e s a fin d ' a l l o n g e r la p h a s e de m i n é r a l i s a t i o n et de r é p o n d r e p lu s e f f i c a c e m e n t a u x besoins de la plante cultivée.

L'amélioration de la

fixation biologique

de l'azote

Les essais au cham p conduits dans de n o m b re u x pays tro p ic a u x m ontrent que, sauf exception, la fixation réelle est insuffisante pour assurer le main­ t i e n des ré s e rv e s a z o té e s du sol c h a q u e fo is q u ' i l y a u n e r é c o lt e exportée, forestière ou agricole. Il est possible d'a m éliorer la fixation b io lo ­ giq u e grâce à d ifférentes stratégies (tableau 5) (DREYFUS e t al., 1988 ; D AN SO et al., 1992 ; HARDARSON, 1993).

L'amélioration

de l'arbre hôte

L'a m é lio ra tion de la plante, hôte de la b a c té rie f i x a t r i c e d 'a z o t e , p eut porter sur plusieurs points :

- la capacité de fixation de l'azote en présence d 'u n certain seuil d'a zote disponible dans le sol ;

- l'architecture du système racinaire de l'arbre ;

- les c o n d i t i o n s de l ' i n o c u l a t i o n préalable.

O n a déjà souligné que la teneur en a z o te d i s p o n i b l e du sol (a z o te

(12)

m in é r a l et a z o te m in é r a l i s a b l e ) inhibe la fixation à partir d 'un certain seuil (S A N G IN G A e t al., 1987). O n sait que l'a p titu d e à fixe r l'azote en présence d'a zote c o m b in é est f o n c ­ t i o n des d if f é r e n c e s g é n é t iq u e s (HERRIDGE et BETTS, 1988). Bien q u e les c o n n a is s a n c e s a c t u e l le s s o ie n t re s tre in te s d an s le cas des a rb re s , il a p p a r a î t q u e q u e lq u e s espèces c o n t in u e n t à f ix e r l'a z o t e d an s ces c o n d i t i o n s , c o m m e l'a u ln e (D O M E N A C H e t a l., 1989 ; WHEELER, 1991). Les investigations portant sur cette p a rtic u la rité m é ri­ te ra ie n t d 'ê tre la rg e m e n t d é v e lo p ­ pées a fin d 'i d e n t i f i e r les espèces, les p r o v e n a n c e s ou les c lo n e s les p lu s « t o l é r a n t s » à l 'a z o t e disponible.

L'a rc h ite c tu re du système racinaire de l'a r b r e est u ne c a r a c t é r is tiq u e e s s e n t i e l l e en a g r o f o r e s t e r i e , en regard de la c o m p é t itio n e ntre les p la n te s c u lt iv é e s a ssociée s et les arbres. A ve c son système racina ire pivotant, F. a lb id a ne montre aucune c o m p é titiv ité à l'égard des cultures adjacentes d'a rachide, de mil ou de niébé, alors que des arbres d o n t le système racinaire est traçant, comm e A. n ilo tic a et A. to r tilis (synonyme : A . r a d d i a n a ) , les c o n c u r r e n c e n t

f o r t e m e n t ( f i g u r e 3). Ils p e u v e n t ainsi in d u ire une perte de 50 % de ren de m e nt ju s q u 'à une distance de 2 , 5 0 m è tre s de la lig n e d 'a r b r e s . D a n s le cas de P. j u l i f l o r a , la c o m p é t i t i o n est m i n i m e et ne p rovoque pas de baisse significative de production des cultures associées (CAZET, 1989).

Un autre problème a été soulevé par les c h erche urs : est-il ju d ic ie u x de sélectionner la plante hôte de la bac­ térie fix a tric e pour une plus grande promiscuité, c'est-à-dire pour qu'elle p u is s e n o d u l e r a v e c un g ra n d n o m b r e de s o u c h e s de b a c té r ie s existant déjà dans le m ilie u , ce qui é v it e r a i t l 'i n o c u l a t i o n (H E N Z E LL, 1 9 8 8 ) ? La p r o m i s c u i t é p ré s e n te l 'i n c o n v é n i e n t grave d 'e x p o s e r la plante à l'infectio n par des souches à faible effectivité. La tendance actuelle est, au contraire, de s électionner la p la n t e h ôte p o u r une p lu s g ra n d e s p é c ific ité par ra p po rt à la souche. Une méthode simple vient d'être pro­ posée pour trier des génotypes ayant une p ré fé re n c e m a rq u é e p o u r une s o u c h e e f f e c t i v e ( H A R D A R S O N , 1993).

D 'u n e m an iè re générale, l'a m é l io ­ ration de l'arbre peut être obtenue en s u iv a n t les a pp ro c he s de sé le c tio n

Faidherbia albida

Poids des racines : 0,31 kg Poids de la tige : 0,2 0 kg

Diamètre de la tige au collet : 1,7 cm Hauteur de la tige : 0,7 0 m

Acacia nilotica ssp. adstingens

Poids des racines : 0,9 8 kg Poids de la tige : 1,50 kg

Diamètre de la tige au collet : 3,8 cm Hauteur de la tige : 1,50 m

Figure 3. Systèmes racinaires d'Acac/a

nilotica et de Faidherbia albida âgés de 32 mois, plantés dans un sol ferrugineux tropical très sableux, à la station de Thinaba au Sénégal (CAZET, 1989).

L'amélioration des propriétés

symbiotiques de l'arbre fixateur d'azote

La fixation de l'azote peut être améliorée en sélectionnant les plantes hôtes en fonction de leur potentiel fixateur (nodu­ lation et quantité d'azote fixé) et de leur tolérance aux contraintes de l'environne­ ment (en particulier la salinité et l'excès d'azote minéral).

Pour cela, les techniques classiques fondées sur l'hybridation sexuée n'ont pas encore été employées. En revanche, le tri des provenances et des clones a déjà été utilisé, le principe étant identique à ce lu i qui préside à la sélection des souches. Une fois les clones d'élite identifiés, il faut procéder à leur multipli­ cation végétative. Les progrès dans les méthodes de m ic ro p ro p a g a tio n permettent d'envisager à moyen terme la mise en place de p la ntatio ns multiclonales hautement performantes.

Depuis quelques années, la transfor­ m ation génétique est tentée pour quelques espèces d'arbres fixateurs

(Robinia pseudoacacia, Allocasuarina v e r t i d I lata ). En 1991, l'é q u ip e de DUHOUX et al. (1992) a réalisé la tran s fo rm atio n d 'A . v e r t ic i ll a t a en utilisant une souche d ' Agrobacterium

rhizogenes comme vecteur de gènes. Mais le phénotype obtenu était anormal (absence de d o m in a n c e a pic ale et abondance du système racinaire). C'est seulement tout récemmment que des chercheurs ont obtenu un phénotype normal grâce à Agrobacter tumefaciens (AISSATOU et FRANCHE, comm. pers.). Des recherches app ro fon d ie s sont encore nécessaires pour m aîtriser parfaitement ces techniques.

Bouturage de Casuarina equisetifolia en vue de l'obtention de clones résistants à

Pseudomonas solanacearum.

C liché D. Gauthier

(13)

rouge, qui résulte de la réduction du colorant (INT) ajouté aux billes en INT-Formazan, indique que les cellules de frankia sont bien vivantes après leur inclusion dans l'alginate.

C liché H. G . Diem

Inoculum de champignon endomycorhizien

(Glomus mosseae) inclus dans l'alginate. Comme on ne sait pas cultiver ce champignon in vitro (contrairement aux rhizobiums et aux frankias), on le multiplie sur des racines vivantes découpées en petits fragments, que l'on aperçoit à l'intérieur des billes.

C liché H. G . Diem

• V ' 4 .

'

Rhizobium en culture in vitro. C liché E. L. Schmidt

Fleurs de Leucaena leucocephala. C liché Y. R. Dommergues

Calliandra calothyrsus

est une espèce fourragère qui fixe activement l'azote à condition d'être inoculée. C liché Y. R. Dommergues Micro-colonies (diamètre de 50 à 200 |im) de la souche de frankia Br cultivée in vitro (culture âgée de 4 jours). C liché J. Schwencke

Champignon endomycorhizien vésiculo-arbusculaire (Clomus mosseae) : vésicules dans le cortex d'une racine.

C liché H. G . Diem

(14)

D o s s i e r a z o t e

traditionnelle, en pratiquant le tri de génotypes ou en envisageant dans l'a v e n ir des transformations génétiques (DUHOUX et al., 1992 ; SOUGOUFARA et al., 1992).

L'amélioration de la bactérie

et de l'inoculation

L'amélioration de la bactérie symbio­ tique est obtenue par tri de souches sauvages que l'on teste in vitro ou en serre (figure 4) et au champ de façon à o b te n ir les m e ille u re s c o m b i­ naisons entre le génotype de l'arbre et la souche de rh iz o b iu m ou de frankia (SOUGOUFARA et al., 1992). Ces souches sélectionnées sont utili­ sées pour l'inoculation des arbres en pépinière (BRUNCK ef al., 1990). La technique d 'in oc u la tio n revêt une grande importance (SOUGOUFARA

et al., 1989 ; DIEM et al., 1988).

Acacia mangium ' x 2 3~]

I I I I I I I I 23c 13c TAL 72 AG3 PBG3 BayeIR ORS800 CB756 Souches

Acacia auriculiformis

ORS800 TAL 72 13c PBG3 AG3 CB756 BayeIR 23c Souches

Figure 4. Tri en serre, sur le critère de l'effectivité de souches de rhizobium (Brad/rhizobium sp.) associées à

Acacia mangium et A. auriculiformis.

Les valeurs qui ne diffèrent pas significativement (test de Newman-Keuls, P = 0,05) sont regroupées sous la même barre horizontale. Pour chaque groupe de valeurs, on a fait figurer la moyenne à droite de la barre correspondante (GALIANA et al., 1990).

L'inoculation

Préparation de l'inoculum

Il faut d'abord préparer une culture de la bactérie fixatrice d'azote. La culture in vitro des rhizobiums est au point depuis très longtemps. Pour les frankias, l'isolement et la cu ltu re présentaient des d iffic u lté s d o n t la p lu p a rt sont résolues depuis peu. La bactérie est adsorbée sur un support, en général de la tourbe stérile. Un nouveau mode de conditionnement consiste en l'inclusion des cellules bactériennes dans des billes d'alginate (DIEM et al., 1988). Les résultats ont été satisfaisants pour l'inoculation de

Casuarina glauca en Egypte (GIRGIS et al., 1991) et & Acacia mangium en Afrique de

l'Ouest (LESUEUR et al., 1994). Ce type de conditionnement a également été utilisé avec succès pour la préparation de l'inoculum de champignons endomycorhiziens.

Conservation et contrôle de la qualité

Le contrôle de la qualité des inoculums est indispensable. Il porte sur le nombre de bac­ téries vivantes (supérieur à un certain seuil) et sur les contaminations éventuelles.

Application de l'inoculum

Dans le cas des arbres, l'in oculum est mélangé aux graines au moment du semis en pépinière ; il peut aussi être mis dans des trous autour des grains quelques semaines à quelques mois après le semis.

Quand est-il nécessaire d'inoculer ?

L'inoculation des espèces tropicales est indispensable toutes les fois que les popu­ lations natives du symbiote compatible (c'est-à-dire capable de s'associer avec un arbre donné) sont inexistantes ou insuffisamment nombreuses (approximativement moins de 50 rhizobiums par gramme de sol). La nécessité d 'in o cu le r dépend dans une large mesure de la spécificité des arbres à l'égard de leurs symbiotes. De ce point de vue, les arbre s fi x a te u rs d 'a z o te , c o m m e les autres p la n te s f i x a tr ic e s , p e u v e n t ê tre classés en deux groupes.

Le premier groupe comprend les plantes hôtes très spécifiques. Elles nodulent et fixent l'a z o te de l ' a i r avec un n o m b re lim ité de souches. C 'e st le cas de L eucaena

le u c o c e p h a la , A c a c ia m a n g iu m , G l i r i c i d i a s e p iu m , C a llia n d r a c a lo th y rs u s , Allocasuarina spp., Casuarina spp. L'inoculation est presque toujours nécessaire. En

l'absence d'inoculation, la croissance de la plantation est défectueuse, sauf dans les sols exceptionnellement riches en azote.

Le second groupe comporte les plantes hôtes peu (ou non) spécifiques. Elles nodulent par le biais d'un large éventail de souches génétiquement différentes. On peut citer

A c a c ia cra s s ic a rp a , A. a u r i c u li f o r m i s , A l b i z i a le b b e c k , T e p hro sia c a n d id a , Paraserianthes falcataria, Cymnostoma spp. L'inoculation est en général inutile, car il

existe assez de souches compatibles dans le sol, sauf dans le cas des sols très dégradés. Toutefois, l'in o c u la tio n pourra se révéler u tile lorsque l'on disposera de souches compétitives, meilleures fixatrices que les souches natives.

Fermenteur constitué p a r une bonbonne de 2 0 litres

p our la culture de F ra n kia . Ce type de fermenteur

très simple permet de préparer suffisamment de culture pour ensemencer environ 5 0 0 semis en pépinière, ce qui correspond après la transplantation à 0 ,2 5 hectare si la densité de plantation est de 2 0 0 0 plants p a r hectare.

Clichés M . G irgis

Inoculum de F ra n k ia séché à l'a ir et conservé

dans des sachets en plastique. Cet inoculum peut se conserver plusieurs années. Pour l'u tiliser, on le remet en suspension dans une solution de phosphate.

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