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mort en 1930, commence à être fort appréciée en deçà et au delà des Pyrénées

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Dépôt Institutionnel de l’Université libre de Bruxelles / Université libre de Bruxelles Institutional Repository

Thèse de doctorat/ PhD Thesis Citation APA:

van Praag-Chantraine, J. (s.d.). Gabriel Miró: essai biographique et critique (Unpublished doctoral dissertation). Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres, Bruxelles.

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GABRIEL MIRO

8fe5.

j>. . [

F

Essai biographique et critique

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seconder de sa haute culture littéraire et de sa vivante érudition.

Sa bienveillante amabilité et son inlassable dévouement nous ont constam ment soutenue au cours de l'élaboration de cette étude.

C'est à lui et à notre ancien maître, le Professeur Josep Carrier que nous devons notre initiation à la beauté des lettres espagnoles; ce dernier a bien

i

voulu nous entretenir sur l'homme qu'était Gabriel Miro, qu'il avait connu

à Barcelone.

Nous adressons également notre affectueuse gratitude au Professeur J. A.

van Praag de l'Université d'Amsterdam, dont la profonde connaissance de la langue et de la littérature espagnoles nous a souvent éclairée.

Nos remerciements vont aussi à Madame Olympia Miro-Luengo, la fille de

l'écrivain qui nous a fourni quelques précieux renseignements sur la généalogie

t

de sa famille; a Monsieur Vicente Rarnos, biographe de Miroj au Professeur Grossmann de l'Université de Hambourg et à sa disciple Mademoiselle Ursula Filter, docteur es lettres; au Professeur E. King de l'Université de Princetown

. . t

(U. 3. A.) et au compositeur Oscar Espla.

181253

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mort en 1930, commence à être fort appréciée en deçà et au delà des Pyrénées

parmi une élite de lettrés.

Ses livres qui intéressent moins par leur intrigue que par le raffinement de leur langue et de leur style incomparables, par la philosophie et la pénétrante poésie qui s'en dégagent ainsi que par la subtilité de l'analyse psychologique, n'arriveront jamais à séduire les masses, même en Espagne.

C'est une littérature de gourmets et non de gourmands.

Gabriel Miré vécut à une époque florissante de la littérature espagnole

que certains ont pu saluer comme une Renaissance, un apogée un peu comparable

à celui du siècle d'or.

Miro a dix-neuf ans en "98", année où naissait en Espagne un mouvement littéraire fécond en chefs-d'Oeuvre; il écrit ses premiers essais au début de ce siècle et nous livre dès 1915 une lignée d'oeuvres maîtresses que seule sa mort prématurée va interrompre.

Quelle place peut-on conférer à Miro dans l'effervescence littéraire des environs de 1900? S'est-il ou non intégré dans un des cénacles d'hommes de lettres qui captèrent les jeunes talents avides d'appui et de directives?

A-t-il opté pour l'indépendance? Fut-il aussi isolé que certains le disent et dans cette tour d'ivoire n»a-t-il pas été touché, par quelques influences

fécondantes?

(9)

Telles sont les questions que nous nous sommes souvent posées au cours de notre étude et auxquelles nous essayerons de répondre.

Fut-il le benjamin du groupe de "98" ainsi que le propose Julio Cejador y

Frauca? (l)

"1898", on le sait, fut l'année du Traité de Paris qui mit fin à la guerre de Cuba, où l'Espagne, en perdant sa dernière colonie, assista à l'écroulement total de ses ambitions d'outre-mer. "98", symbole de désastre historique pour la terre ibérique, deviendra par 1a volonté de quelques écrivains symbole d'un réveil artistique sans précédent depuis des siècles en Espagne, le signal d'une

révolution spirituelle de grande portée.

Ces Espagnols s'appellent Unamuno, Azonn, Antonio Machado, Pio Baroja, pour

ne citer que les plus célèbres.

Certes, cette appellation de "génération de «98" suscita main-tès^

co ntrove rse s j sans entrer dans ces polémiques, disons qu'elle désigne

les écrivains qui ressentirent le choc de la défaite de leur patrie assez pro

fondément pour en être influencés dans leur pensée et dans leurs oeuvres.

Sans se jeter dans la mêlée politique, ces jeunes artistes -leur aîné Miguel de Unamuno n'avait que trente-quatre ans- voulurent servir l'Espagne littéraire et artistique en la secouant de sa longue léthargie.

(1) Julio Cejador y Frauca: Historia de la Lcngua y Literatura Castellana,

Madrid, 1920, tome 12, p. 39.

(10)

Génération née des lendemains d'une défaite, elle se nourrit fatalement de pessimisme mais non de défaitisme, et ce pessimisme lucide deviendra le ferment

catalyseur de son action. Le passé le plus immédiat est honni: les hommes de

"98" ne tolèrent pas plus Castelar au gouvernement qu'ils n'admettent le sec

Nunez de Arce ou le prosaïque Campoamor dans leur fief.

Angoissés par l'avenir, ils veulent ouvrir toutes grandes les fenêtres de

l'Espagne sur le monde et la rendre enfin "exigeante^d'influences étrangères.

La vocation traditionnelle de moraliste des écrivains espagnols reprend ses droits, ils veulent affronter l'avenir en faisant cet examen de conscience

nécessaire à ceux qui veulent bien se connaître pour mieux combattre; leur

besoin de toucher â'l»âme, à l'essence même de leur patrie les transforme en d'anxieux pèlerins jetés sur les routes d'Espagne.

Ces voyageurs, issus d'une catastrophe politico-sociale, ne peuvent rester insensibles à la grande stérilité des campagnes asséchées, à la tristesse des ' villes anéanties dans leur torpeur, à la grande misère du peuple; de cette indignation même va naître un amour profond pour ces paysages typiquement espagnols dont l'âpre beauté n'avait pas été assez chantée jusqu'alors et que

ces artistes verront d'un regard neuf.

Peu à peu naît une vision inédite de l'Espagne, une exaltation lyrique de ses sites et, parmi ceux-ci, une prédilection particulière pour la Castille,

qui fut la grande 'révélation esthétique" de la génération de «98.

Ces écrivains vont tenter d'arracher à cette région-mère le secret de sa

force. Venus des cotes pluvieuses de l'Atlantique et de la riante Méditerranée,

ils se rencontrèrent sur la Meseta.

(11)

C'est là que le Levantin Azorin, les Basques Unamuno et Baroja, l'Andalou Machado, vont trouver l'essence de leur inspiration.

"Castilla misérable, ayer dominadora, (Càstille misérable,hier dominatrice,

"envuelta en sus andrajos desprecia Enveloppée dans ses haillons, qui cuanto ignora. méprise tout ce qu'elle ignore,

"gEspera, duerme o suena?" Esoère-t-elle, dort-elle ou songe-t

elle?

"Castilla varonil, adusta tierra, Càstille courageuse, terre brûlée,

"Castilla del desdén contra la suerte, Càstille du dédain contre le sort,

"Castilla del dolor y de la guerra, Càstille de la douleur et de la guerre.

"tierra inmortal, Castilla de; la terre immortelle, Càstille de la mort!) muerte!" (l)

En cette apostrophe anxieuse, Antonio Machado résume tout le drame des

jeunes {espagnols éperdument épris de leur orgueilleuse patrie qu'ils veulent

sauver en dépit d'elle-même tout en restant fidèle à son passé.

Aussi la génération de "98" remettra-t-elle en honneur les vieux poètes un

peu oubliés comme le Padre Berceo, Juan Ruiz, archiprêtre de Hita, le Marquis^..;

de Santillana, et ressuscitera-t-elle le peintre des âmes tourmentées: Le Greco.

Elle fait de Larra y Sanchez de Castro son idole, saluant dans l'écrivain romantique le "seul grand artiste de race (castizo) de son époque".

Sans être athées, ces écrivains n'adhèrent pas avec soumission à l'idéal

catholique traditionnel dont ils souhaitent la réforme; ils admirent l'initiativ de la '^Instituciori libre de ensenanza" et sont reconnaissants au courageux Griner

(1) Antonio Machado: "Campos de Castilla", "A Orillas del Duero", vers cités par Julian Marias: Antonio Machado; Diccionario de Literatura Espanola;

Madrid, Revista de Occidente, 2ème éd., 1953, p. L5k-

(12)

de los Rios (l) d'avoir "rêvé" dès les années quatre-vingt^ à "une nouvelle prospérité de l'Espagne" (sonaba un nuevo florecer de Espana" , A. Machado").

i

Rares sont les histoires de la littérature qui rattachent Gabriel Miro à cette génération. (2)

Miro, en effet, n'entre véritablement dans la carrière littéraire qu'après 1905; à cette date, la génération de "98" a déjà livre au public l'essentiel de son "message". (3)

Margarita de Mayo (ii) rattache Miro à la. génération de "98" en aliénant "sa

vision pessimiste du monde, "la haute spiritualité des personnages qu'il crée,

(1) Giner de los Rios, Francisco: né à Ronda en 1839, mort à Madrid en 1915.

Philosophe, professeur de Philosophie du droit à l'Université Centrale de Madrid. Il a contribué à répandre en Espagne le système philosophique de l'allemand Krause, après Sanz del Rio.

Les krausistes étaient rationalistes en matière de religion, pleinement libéraux en politique, opposés à la routine scolastique, ouverts à toutes les influences étrangères.

(2) et (h.): Avec Julio Cejador y Frauca, Margarita de Mayo assimile Miro à la

génération de "98". - Voir: Maria de Macztu: Antologia del siglo XX, Prosistas

espanoles,^.e éd.-jcçl*" Austral, Buenos-Airss,1952, étude de Margarita de Mayo.

Par contre, maints auteurs,écartent Miro de ce grouoe: Fernandez Almagro: "Vida

y literatura de Valle Inclan, p. 53. Adolfo Lizôn Gadea: "Gabriel Miro y los

de su tieppo", p. 55-56. Gonzalo Torrente y Ballester: "Literatura espanola

contençoranea",(1898-1936), Madrid, 19L9. Maria Teresa Pico: "El sentimiento

del paisaje en Gabriel Miro", (1879-1930), Columbia University, 1951; cité

par Ursula Filter: "Gabriel Miro im Rahmen seiner Zeit unter besonderer Beruck- sichtigung von Landschaftsbild und. Naturdarstellung"; Fakultat der Universifât Hamburg; Hamburg (1953).

(3) Martmez Ruiz;dit Azorin: "El aima castellana" (1900), "La yoluntad" (1902),

"Antonio Azorin" (1903), "Las confesiones de un pequeno filosofo (l90i+), "Los pueblos" (1905), "La ruta de Don ^uijote" (1905) (mais "Castilla" ne paraît

qu'en 1912).

Miguel de Unamuno: "En torno al cas^icismo" (1905), "Vida de don Quijote y Sanche" (1905), ("El sentimiento tragico de la vida" verra le jour en 1912).

Antonio Machado: "Soledades" (1899-1907),("Campos de Castilla" ont été écrits

en 1907-1917).

P10 Baroja: "Camino de perfecciôn (1902), ("El ârbol de la ciencia" paraîtra

en 1911).

(13)

l'ambiance oppressante où il les fait fréquemment évoluer" (l), sa tendance à

s'introduire lui-même dans son oeuvre comme protagoniste, son culte de la nature

et enfin la magie évocatrice de son style, "qui élève sa prose à un niveau qui n'a été atteint par aucun autre écrivain de son époque" (l).

Certes.,l'oeuvre de Miro, sans être nihiliste, est pessimiste, une grande

i

mélancolie se dégage souvent de sa prose somptueuse. Comme Azorin, il aime faire oeuvre autobiographique eij suivant les traces de ce dernier, il crée son porte- parole Siguenza. (2)

Cependant notre écrivain ne peut être assimilé au mouvement de "98" car trop

de réserves viennent infirmer ces arguments.

S'il a partagé le désespoir de sa. génération devant la ruine des espoirs colonialistes de l'Esoagne, son oeuvre n'en porte pas la marque directe.

Sauf quelques brefs articles tels EL SENOR DE ESCALONA (1907), EL SENOR

CUENCA (1908), ainsi que PARABOLAS Y RECUSRD03 (1909) où il critique quelques aspects de la justice, de l'enseignement et de la politique de son pays, son

(1) Maria de Maeztu: "Antologia del siglo XX; Prosistas espanoles"; Ue éd.;

col. Austral, Buenos-Aires, 1952 : "por el corte espiritual de los individuos que créa y por el ambiente agobioso en que con frecuencia los mueve..."

"que éleva su prosa a un piano no alcanzado por ningun otro escritor de su época".

(2)Après les pseudonymes de "Candido" (1893) et de "Arihman" (18910, Martmez

Ruiz adoptera dès 1902 celui d«Azorin.

Siguenza apparaîtra dans l'oeuvre mironienne en 1903.

(14)

oeuvre reste à l'écart des problèmes nationaux. (l>)

S'il partage avec ses aînés le culte du paysage, il le sert de façon toute

différente.

Tout d'abord son modèle n'est pas le même.

Les hommes de "98" ont les yeux fixés sur la Càstille et consacrent à cette

terre le meilleur de leur talent.

•Miro ne s'intéresse que très incidemment à la région mère de l'Espagne, de son propre aveu il ne sera vraiment inspiré que par la terre de son enfance et de sa jeunesse, la Province du Levant,

Il s'écarte encore de la génération de "98" par son attitude philosophique devant le paysage; ses aînés, en effet, exaltaient la Càstille parce que liée au passé historique et moral de l'Espagnol.

Chez Unamuno, par exemple, l'homme tient la première place, le paysage rï»est que prétexte à méditation; nullement panthéiste, il estime que la nature et l'homme ne peuvent s'interpénétrer»

Les créatures mironiennes ne forment qu'un avec le paysage et l'auteur s'identifie à tel point avec la nature que s'il ne peut s'unir à elle il se

sent exclu du cosmos.

Son compatriote Azorin est sans nul doute l'artiste qui, par son amour et son interprétation des sites, se rapproche le plus de l'optique mironienne.

(l) Miro fut contemporain de la défaite des troupes espagnoles à Barranco del Lobo (Maroc, 1909). Cet échec eut de terribles répercussions: l'impopularité de l'appel aux réservistes commandé par le gouvernement Maura (le protecteur de Miro), la révolte du peuple catalan contre la monarchie et sa sanglante répression qui provoqua la mort de Ferrer.

Il fut .témoin des désordres intérieurs qui amenèrent en 1923 la dictature de Primo de RiVera.

(15)

Mais ici encore, Miro, dans sa compréhension des choses, se révèle plus

profond que son prédécesseur car, mieux que Martinez Ruiz, au-delà des minu tieuses descriptions^, il nous livre une vision synthétique du monde.

Nous ajouterons encore que les idoles de "98" ne furent pas celles de Mirô,

qu'il préféra aux poètes primitifs les mystiques du siècle d'or et qu'il s'inté ressa bien moins aux philosophes étrangers qu'aux écrivains de langue française

comme Maeterlinck, Stendhal, Flaubert, Proust.

Parallèlement à ce courant de "pessimisme dynamique" dont certains voulurent

trouver l'expression plastique chez Zuloaga, se développait une génération plus exclusivement éprise de beauté formelle, plus soucieuse d'art que d'engagement:

le modernisme était né.

Maria do Maeztu définit..ainsi ce mouvement, littéraire:

"C'était une littérature des sens, frémissante d'attraits

"sensuels, éblouissante de chromatisme. Elle se ruait vers

"les succès de la sonorité et de la forme. C'était une

"littérature dirigée d'une façon surprenante vers le monde

"extérieur", (l)

Précédé du prestige d'"Azul" (1888) et de "Prosas profanas" (1896), Rubén Dario arrivait à Madrid en '98 où une jeunesse désorientée attendait un guide.

(1) maria de Maeztu: "Antologia del siglo XX, Prosistas espanoles", Ue éd.,

col. Austral, Buenos-Aires, 1952, p. 26: "era una literatura de los sentidos,

"trémula de atractivo sensual, deslumbradora de cromatismo. Corria precipi-

"tada tris los éxitos de lasonoridad y de la forma. Era una literatura

"asombrosamente encarada con el mundo exterior."

(16)

Le génial chantre nicaraguôen ne sera pas influencé par le désastre national

qu'il ne pouvait d'ailleurs ressentir, en étranger, dans sa chair et dans son

sang.

Nourri aux sources de la poésie française du 19ème siècle, professant ouvertement son admiration pour Hugo, Théophile Gautier, Leconte de Lisle et surtout pour Verlaine dont il est le fils spirituel, assimilant les apports romantiques, parnassiens et symbolistes, il les transmue, les adapte, les

"castillanise" pour offrir a l'Espagne, qui avait été trop peu attentive aux résonnances intimes des "Rimas" de Gustavo Adolfo Bécquer, la renaissance lyrique qu'elle attendait depuis deux siècles.

A la fin du siècle dernier et au début du vingtième, les influences de la

i

littérature étrangère ont été particulièrement sensibles en Espagne. Dario s'est parfois inspiré d'Edgar Poej Ferez de Ayaladc Walt ./hitman, Valle-Inclan du poète portugais Eça de Queiroz. Miguel de Unamuno et Juan-Ramon Jiménoz ont subi l'emprise de Carducci; d'Annunzio a influencé Miro à ses débuts.'

Quant au prestige de la France, il est considérable. On trouve chez Valle- • Inclan des reflets du 18e siècle français, qu'il a vu à travers le prisme des

"Fêtes galantes" de Verlaine.

Jimênez a prêté l'oreille aux vers musicaux d'Albert Samain et on trouve

i

chez Antonio Machado un sentiment qu'il apoelle "el hastio", qui n'est autre

que le "spleen" baudelairien. Enfin le génie de Paul Valéry a rayonné sur

Jorge Guillén.

La génération de "98", en adoptant le modernisme, aurait pu trouver sa révolution littéraire toute faite.

(17)

L'a-t-elle en fait assimilé aussi complètement que pourraient nous le faire croire certaines anthologies qui confondent les deux mouvements?

Les différences entre le modernisme et le mouvement de "98" relèvent du

style et de la pensée; de plus l'attitude adoptée devant le monde est diamé tralement op-oosée.

La révolution poétique de Dario s'était élaborée, en terre étrangère, dans

une atmosphère "fin de siècle" qui avait vu naître un Des Esseintes.,. relevant

parfois de cette poésie dont le visage "aux yeux cernés" apparaissait à Valbuena Prat passif et automnal.

Les promesses de Dario et la révélation de son style magique suscitent

t

l'admiration de Manuel Machado, Villaespesa, Valle Inclan, mais ne peuvent séduire totalement les ascètes intellectuels de "98".'

Lorsqu'en 1905 le sol hispanique inspire enfin Rubén Dario, loin de rejoindre ses cadets, il opposera à leur pessimisme ses "Cantos de vida y esperanza".

Le goût de la "technique poétique", la recherche du mot rare, le choix des moyens d'expression, la musicalité de la langue de Dario lui attireront l'admira

tion d'Azorm. Unamuno y sera hostile et tous les autres chefs de file de la

génération de "98" seront rebelles à cette tendance à l'artifice, à ce goût

de l'effet extérieur, dangers latents du modernisme. Le jeune Miro a subi

l'influence littéraire moderniste et fut sans nul doute conquis par les acqui

sitions verbales, métaphoriques et musicales où pouvait si bien se mouler son talent de styliste.

(18)

La recherche du mot, rare, la hantise du tableau incomparable et ces axarts d'unet

mélancolie fin de siècle imprègnent ses premières oeuvres telles LE ROMAN DE MON

AMI (1908), LES CERISES DU CIMETIERE où l'on trouve parfois des artifices litté

raires qui nous paraissent actuellement un peu démodés.

Dans le reste de son oeuvre, sa prose prend une allure beaucoup plus per

sonnelle et Baquero Goyanes (l), sans nier les attaches de Miré avec le style

moderniste, insiste sur l'épuration qu'il lui fit subir; ce critique fait de lui un "néomoderniste", un épurateur des formes colorées et sensuelles héritées de

i

ÎJario.

Il existe une union étroite et profonde entre le style et la pensée et il

est évident que Miro trop sincèrement épris de la nature, trop attaché à

l'authenticité, devait se détacher rapidement des charmes "fin de siècle" et

puiser souvent modèles et conseils chez les classiques castillans et parmi

ceux-ci,et avec une prédilection particulière, chez les mystiques.

Nombreux sont les critiques qui, se basant sur la puissante originalité du

style mironien, le situent en dehors de tout cénacle littéraire, de toute école, dans l'isolement qu'il s'est choisi, où il aimait vivre et créer. (2)

(1) Baquero Goyanes: "Conciencia estilistica de Gabriel Miro", art. paru dans la

revue Siguenza, Alicante, novembre 1952.

(2) Parmi ces critiques nous citerons:

Aubrey F.G.Bell: "Contemporary Spanish L^terature", p. lipL;

M.Fernandez Almagro: "Perfiles de G. Miro" paru da.ns" "Cosmo'Dolis", noV.1929j

Maria Teresa Pico: "El sentimiento del paisajc en G. Miro", Columbia

University, 1951 (manuscrit);

R. Vidal: "Gabriel Miro. Le style. Les-moyens d'expression", Université de Toulouse, 193U (manuscrit).

(19)

Dans sa retraite exigeante, il est indéniable que Miro, outre les influences symbolistes (l) incluses dans le modernisme, a été touché par l'efficacité des

procédés impressionnistes. (2)

Nous nous rallions à cette façon de voir en ce qui concerne la période la plus féconde de Miro qui se situe de 1915 à sa mort et où l'artiste conquiert

sa pleine personnalité.

Des traductions d'ouvrages de Miro ont paru et paraissent en Amérique, en Angleterre, au Danemark, en Tchécoslovaquie, en; Allemagne, en Hollande, en Suède,

en Suisse, en Italie! (3).

Parmi les pays étrangers, c'est en France et dans les pays d'expression

française que son oeuvre a trouvé le moins d'échos.

Valéry Larbaud, ce grand Européen des lettres, a voulu faire connaître le

père spirituel de Siguenza dans son pays par le truchement de quelques confé

rences et de traductions malheureusement trop rares. (U)

Un autre grand admirateur de Mir0 en France, le regretté Jean Raymond Vidal,

n'a pu publier qu'une seule traduction, celle des CERISES DU CIMETIERE, parue

en 19^.

(1) Influence symboliste relevée par

Aubrey F.G. BeIl:"Conteraporarv Spanish Literature"(déjà cité).

L.J. Woodward:"Les images et leur fonction dans Nuestro Padre San Daniel", Bulletin hispanique, tome LVI, 195J_,, Bordeaux, éd. Féret et fils, pp. 110 & 132, Valéry Larbaud: Préface à sa traduction "En semaine sainte", Paris, Kra, 1925.

P.15

(2) Influence impressionniste relevée par:

Guillermo Kaul: "El estilo de Gabriel Miro", Cuadernos de literatura, Madrid.

1948, p. 119. '*

Juan Hurtado y Angel Gonzalez Palencia: "Historia de la literatura espanola",

p. 1005: cité par Ursula Filter..

(3) et (I4.) voir bibliographie.

(20)

En dehors des études de ces deux traducteurs et exégètes, nous n'avons pu relever en langue française que quelques petits contes et fragments, épars dans des revues littéraires françaises, suisses et belges, (l) Aussi avons-nous

essaye, dans cette modeste monographie, de faire apprécier et connaître davantage ce grand maître levantin.

Nous avons cru utile de faire précéder notre analyse d'une courte biographie

de l'auteur.

A notre connaissance, aucune "Vie de Gabriel Miro" n'a vu le jour en langue

française.

En outre, l'expérience personnelle de notre écrivain se reflète puissamment dans son oeuvre, pour une bonne part autobiographique. Aussi nous sommes-nous quelque peu étendue sur la jeunesse et l'adolescence de l'artiste dont on retrouve maints faits, transposés dans ses écrits.

Nous ne nous sommes pas attardée à la période de maturité, celle-ci étant moins importante quant à la genèse de sa production littéraire.

Vu la grande rareté des traductions en langue française, (d'ailleurs toutes

épuisées actuellement et introuvables en librairie) nous avons estimé indispen

sable de résumer brièvement les intrigues des romans, à travers la psychologie

àes personnages et de traduire de larges extraits, faute de quoi notre critique

esthétique eût pu sembler dénuée de fondement et d'objet.

Après avoir étudié le style, la langue et les moyens d'expression de Miro, nous avons opéré une coupe transversale à travers son oeuvre et essayé d'en dégager les thèmes essentiels.

(l) voir bibliographie.

(21)

V I E

D E

G A B R I E L M I R A

( 1879 - 1930 )

(22)

d'une distillation poétique et lumineuse de l'essence même du Levant.

Ce natif d'Alicante nous a laissé un témoignage amoureux } une frémissante évocation lyrique des êtres et des choses d'une contrée ibérique peu connue.

Certes, il créa la province littéraire du Levant, tout comme Azorin, quelques années plus tôt, avait créé la province littéraire de Càstille. Mais il y a plus : Miro s'identifie à sa terre au point de ne former qu'un avec elle.

Parler de sa terre, c'est parler de lui-même, du parfum de son enfance, de son euphorie quand il est près d'elle, de sa nostalgie dés qu'il s'en éloigne.

Jamais le Levant n'est pour lui une circonstance fortuite, un décor occa sionnel; c'est le personnage principal; c'est le Levant qui commande l'unité

de son oeuvre.

Cependant, si miro puisera presque toute son inspiration dans cette province, qui de Valence s'étend aux confins de Murcie pour s'enfoncer à l'intérieur des campagnes jusqu'à Valdepeïlas, et qui lui inspirera presque toute son oeuvre, il n'en sera, pas oour autant un écrivain régional.

Sa psychologie subtile, son sens poétique intense, sa. langue d'une richesse, d'une pureté et d'un raffinement inouïs, élèveront cet artiste à un niveau

universel.

Siguenza, son double, celui qui lui ressemble comme un frère, commence le pèlerinage sentimental de DEL VIVIR (première nouvelle autobiographique importante de Mirô) en ces termes : "Siguenza, homme solitaire, amoureux du

(23)

•ANOS Y LEGUAS , c'est le même homme que nous retrouverons, avide de la même contemplation : "Plus de vingt ans sans voir, sai s toucher, sans respirer mon paysage!". (2)

C'est à Alicante que le 28 juillet 1879 il vit le jour; (3)c'est là-que tout enfant il ressentit déjà son attachement pour ce pays où s'unissent la terre et la mer, la race casanière du paysan et la race errante du marin :

"Siguenza ne put voyager; mais l'impérieux désir du départ et la fascination des horizons lointains le ramenaient sans cesse aux bords des quais." (4)

La Méditerranée et plus spécialement les eaux qui baignent Alicante sont pour lui jouissance et tentation : "Le besoin le tourmentait d'aller au rivage pour jouir de la Méditerranée." (5)

(1) Gabriel Mirô : Obras complétas; Madrid, Biblioteca nueva, 1943; vol.l

"Del Vivir",p.7 : "Siguenza, hombre apartadizo, que gusta del paisaje y de humildes caserios, caminaba por tierra levantina...".

(2) Gabriel Mirô : Obras complétas; Madrid, Biblioteca nueva, 1938, vol.VI,

"El libro de Siguenza1} p.267 : "Mas de veinte anos sin ver, sin tocar, sin aspirar mi paisaje."

(3) Le nom de famille :Mirô est encore assez fréquent aujourd'hui en Catalogne.

"Nous croyons, nous écrivît Madame Olympia Mirô de Luengo, la fille cadette de l'écrivain, qu'un ascendant de notre famille vécut en Espagne, probablement

en Catalogne, parce qu'au Monastère de Poblet (province de Tarragone) il exis

tait ou existe une tombe d'un Miro." (Lettre de Madame Olympia Mirô de Luengo, datée du 26-6-1956).

Le père de Mirô était ingénieur des Ponts-et-Chaussées; comme le grand-père de l'écrivain, il était originaire d'Alcoy, netite ville de province du Levant,

où se situera l'action du roman "El Abuelo del rey".

La mère de G. Mirô, Doïïa Encarnaciôn Ferrer, était née à Orihuela, où se passe

ront les romans "Nuestro-Padre San Daniel" et"El Obispo leproso".Les grands- parents maternels étaient originaires de Murcie et d'Orihuela. Dans l'ascendance de G. Mirô, nous n'avons pas trouvé d'hommes de lettres.

(4)id.note (2) p.83 : "Siguenza no pudo viajar; pero el prurito viajero, el ansia de la lejania continuaba llevandole a las orillas de los muelles".

(5)id.,p.68:"Ansiaba y necesitaba ir a la ribera, gozar del Mediterràneo".

(24)

Pénétrons dans la ville qui respire l'odeur acre du oort et les embruns de la mer, cette ville si apaisée, encore si endormie à cette époque.

Parcourons maintenant avec lui le "Paseo de la Reina" où Gabriel et son frère se livrèrent aux jeux enfantins sous la garde vigilante du fidèle servi teur Nuno el Viejo,oui. deviendra une des figures pittoresques du roman auto

biographique : !NINO Y GRANDE'.

Non loin de là, au N° 20 de la Calle de Castanas, se trouve sa maison natale.

Avant de devenir interne, à l'âge de sept ans, au collège des Jésuites

d'Orihuela, qui apparaîtra dans ses romans sous le nom d'"01eza", Gabriel fréquente le jardin d'enfants dirigé par un certain Francisco Alemany.

L'image de ce doux pédagogue, qui sut si bien évoquer aux enfarts d'Alicante le paradis céleste, n'apparaîtra que tardivement dans son oeuvre, dans :

'ANOS Y LEGUAS .

Voici comment Mirô l'évoque : "Une ample redingote, aux ourlets de satin,

aux pattes de crin; des lunettes cachant son regard strabique; le front luisant et les bottines ternes", (l)

Au sortir de l'école, Mirô et son petit frère se mêlent aux autres écoliers

pour donner libre cours à leur exubérance.

Ils aiment échapper à la surveillance de Nuno el Viejo et attendent avec une angoisse mêlée de curiosité le cri effrayant qu'une folle, agrippée à sa "reja"

(grillage d'une fenêtre)., lance chaque jour, inévitablement à cinq heures et

demie de 1'acres-midi.

(1) Gabriel Mirô : Obras complétas, Madrid, Biblioteca nueva, 1938, vol. XI •

"Anos y léguas",p. 252 : "levita floja de rebordes de raso, patillas de crin;

anteojos cerrandole la mirada estribica; frontal relue!ente y botas chafadas".

(25)

point d'assombrir maint souvenir lumineux de jeunesse, deviendra un "trauma"

psychique et une des sources du pessimisme qui caractérisera l'écrivain :

"Et du brasier éteint du passé monte sans cesse le cri de l'infirme, qui perce la joie des enfants sortant du collège".(l)

Ce choc quotidien fait pressentir à Mirô un monde d'angoisse et de cruauté,

qui formera un des climats de son oeuvre.

Un sentiment d'abandon et de désespoir envahit l'âme de l'enfant, quand à 7 ans on l'envoie, ainsi que son frère Juan, comme interne au collège des Jésuites d'Orihuela, le bourg où naquit sa mère. (Colegio de Santo Domingo).

Nous sommes en 1886; le petit Gabriel y restera jusqu'à l'âge de 12 ans.

Ces années, dont il gardera une empreinte de tristesse affreuse, se reflètent

intensément dans son oeuvre.

Du train qui traverse la campagne d'Orihuela, il aperçoit au loin les tours du pensionnat des Jésuites : "Siguenza regardait descendre le soir, angoissé et malade de tristesse, d'une tristesse si amère et si profonde qu'il ne la sentait plus comme une impression venant de lui-même, mais comme une réalité douée d'une vie propre, séparée, puissante, plus forte que notre âme; la tris tesse se joignait à tout ce qu'il voyait. La plaine et les vapeurs qui en montaient, les arbres, les monts et le ciel, tout était imprégné de tristesse;

cette même tristesse qui 1'etreigna.it quand tout petit, vêtu de son uniforme (l) Gabriel Mro: Obras complétas, Madrid, Biblioteca Nueva, 1938,

Vol. VÎV-S.E1 humo dormido", p. 28 .: - •'•> ••.,•• V

"Y del humo dormido sube siempre el clamor de la lisiada entre alegria de chicos que salen del colegio".

(26)

de collégien, il sortait avec la brigade des écoliers", (l)

Durant ces années de réclusion, le petit Mirô fut un enfant timoré-, terri blement solitaire, constamment replié sur lui-même.

Comme amis, il n'avait que ceux qui lui inspiraient de la pitié, tel le nommé.Cuenca : "parce qu'il était beaucoup plus petit que moi, très frêle, nâle, très triste, distrait." (2)

Privé de la compagnie de cet être maladif, on ne sait pour <->uel motif, il ne le reverra que mort et l'image d'un petit cercueil ';troit hantera à

jamais son esprit angoissé.

Tenu à l'écart par certains pour la pureté rigoureuse de ses moeurs -

"je n'avais pas de petits amis, ni d'amitiés particulières", dit-il - il était d'autre part exploité par la brutalité d'autres compagnons : "Les rires s'en flèrent, stridents, prolongés et aigus comme des coups de poignard féroces et

effilés." (3)

S'il cherchait secours, il se heurtait "à l'ombre effrayante d'un saint

évêque de taille inaccoutumée". (U)

(1) Gabriel Miro: Obras complétas, Madrid, Biblioteca Nueva, 1938, Vol. VI: "El humo dormido", pp. 19-20 î

"Siguenza contemplaba la tarde, angustiado, enfermo de tristeza, una tristeza tan acerba, tan densa, que le parecia que no era solo un sentimiento suyo,

sino que tenia una realidad propia, separada, grande, mâs fuerte que nuestra aima; la. tristeza se le incorporaba de todo lo que veia, oorque la vega, sus humos, sus àrboles, los montes y el cielo, todo estaba heoho, cuajado de tris teza; la misma que le oprimia siendo chiqùito,cuando, vestido de uniforme de

colegial, salia con su brigada".

(2) Gabriel Mirô : Madrid, Biblioteca nueva, Obras complètes, vol.VI (1938) :

"El libro de Siguenza" p. 23 : "Es que era mucho raenor que yo : delgadito,

palido, rauy triste, distraido".

(3) Gabriel Mirô : Obras complétas, Madrid, Biblioteca nueva, 1938, vol IV :

"Nirio y grande"^ p.2;^ ; "Y no tenia "queriditos", ni amistades particulares".

P.32 : "Crecieron las risas, estrident.es, largas y agudas, que me transi an como

féroces y buidos punales".

(4) id.p.21 : la sombra pavorosa do un santo obispo de talla descomunal".

(27)

ni pour exalter son élan vital.

Durant la semaine réservée aux exercices pieux, les écoliers étaient non seulement astreints à lire des livres dévots et à chanter des cantiques mais ils devaient surtout écouter ces sempiternels sermons quotidiens : "le Péché", '«la Mort", "le Jugement dernier".

"C'étaient des paroles qui nous cernaient sans cesse comme les

oiseaux entouraient de leur vol le domaine, les murs et les tours du collège", (l)

Quel changement délicieux, lorsque dans les patios sinistres et glacés

du couvent surgissent soudain les figures ensoleillées des mamans et soeurs des collégiens. "Nous entendions leurs rires de belles dames, nous savourions leurs délicats parfums." (2)

Souvent le petit Gabriel a les réactions d'un enfant frustré de la présence de sa mère, un enfant qui aurait beaucoup de tendresse à recevoir et à donner, mais cherche encore l'être sur qui puisse se fixer son immense besoin d'amour.

Alors apparaît dans sa pauvre existence la soeur d'un ami, IJÉLêna.

Les fugitives rencontres que purent avoir la jeune fille et l'adolescent

constituent les seuls points de lumière qui émergeront, de la grisaille journa lière de l'internat. Ce souvenir triomphera même de l'oubli car vingt ans après, dans NINO Y GRANDE, cette petite Melone inspirera encore à l'écrivain une analyse il) Gabriel Mirô r Madrid, Biblioteca nuevâ. Obras complétas, vol. IV : "Nino y

grande". (1938) p. 45 : "eran palabras que se cernian siempre sobre nosotros como las aves que rodeaban la querencia de los muros y torreones del colegio", (2) Gabriel Miro : Obras complétas, Madrid, Biblioteca nueva, vol. IV : "Nino y

grande" (1938) p. 24 : "Oiamos sus risas de damas, hermosas, recogiamos sus delicados perfumes".

(28)

"(le sentiment) était plus fort que moi, il était mon maître

"sojverain car l'image aimée ne m'abandonnait ni au dortoir,ni dans la chapelle, ni à table, ni dans les patios, ni dans les

classes." (l)

La violence impérieuse de ce sentiment torture l'enfant délicat et craintif, qui redoute à tout instant que son amour ne soit découvert ou, pis encore,

incompris :

"Je me sentis rouge et tremblant; éperdu de bonheur et de

"crainte. C'est que le Père Préfet, bien caché dans un vieux

"rosier qui fleurissait dans la nudité du cloître, nous épiait

"dessus son bréviaire". (2)

Durant les longues heures d'étude, son esprit tente de s'évader et de saisir

le moindre appel du monde extérieur.

Mais arrêté par l'épaisseur des murs, rien ne parvient à ses oreilles, si ce n'est le bruit du train qui lui apporte tant de souvenirs heureux, ou le chant

d'un forgeron dont il envie la saine liberté.

Son mauvais état de santé l'isolera davantage encore de ses condisciples, ce

qui nous vaudra cette évocation pénible :

"La. mélancolie de mon esprit se traduisit nar une vulgaire crise

"de rhumatisme du genou gauche. Toujours en retard, je devais

(1) Gabriel Mirô: Obras complétas, Madrid, Biblioteca nueva, vol. IV :"Nino y

fwen no m ^"h26 À"^ *"*" qUe y° ei*' y Soh^° ™> ^s ÎTamada nTeTlos" %£?£%£.* * ^^^ * W 1& ^ ^ ni la

(2) td' V'2l '• "Es ^e el Padre Prefecto nos avizoraba por encirna de su breviario

y recatado en un viejo rosal nue florecia en la desnudez del claustro»

(29)

Encore enfant, l'interdépendance du moral et du physique l'avait déjà frappé.

Terrassé par un rhumatisme articulaire aigu qui avait eu des répercussions sur son coeur, il devait passer des heures interminables à l'infirmerie du collège, où, par la fenêtre de la. salle, il pouvait se pénétrer de la vue des champs

d'Orihuela.

Ce fut pour l'enfant la première révélation du paysage levantin que son oeuvre

future allait immortalis er.

"Je regardais le paysage traversé par un fleuve bleu.

"Les arbres de la rive aux branches doucement oloyées me

"paraissaient des âmes affligées. Dans la molle tranquillité

"des lointains, mon âme s'étendait comme sur un pré". (2)

Le sentiment d'angoisse, né de la solitude et de la peur du monde, progressera constamment en lui, prendra sournoisement possession de son âme; il sera incapable de s'en libérer quelque peu en se confiant à ses petits camarades incomprehensifs ou à ses maîtres en qui il voit de redoutables censeurs.

Dans ses romans, il réalisera la parfaite adaptation littéraire de

l'atmosphère lourde et étouffante de l'institution dont il a reçu l'indélébile

empreinte.

(1) Gabriel Miro: Obras complétas, Madrid, Biblioteca nueva, vol. IV : "Nino y grande" (1938) p. 22 : "La melancolia de mi animo se tradujo y manifesté inexplicablemente en mi cuerpo por un plebeyo reuma de la rodilla izquierda.

Habia de ir en pos de lasbrigadas, zaguero y cojo, como cria lisiada de

un rebano".

(2) id. p. 44 ' "Yo miraba el paisaje abierto por un no azul. Los ârboles desmayados y dulces de la ribera se me figuraban aimas afligidas. En la blanda quietud del confin se tendia mi vida como en un pra.do."

(30)

Les années de collège constitueront "l'isthme tragique qui unit son enfance à la vie nouvelle qui commencera peut-être demain", (l)

t

A l'âge de 10 ans, Gabriel écrit sa première dissertation littéraire UN DIA DE CAMPO (Un jour à la campagne).

Trois années plus tard, nous le retrouvons à Alicante, où il commence ses études de bachelier ; il a retrouvé enfin sa ville bien aimée, toute baignée de Méditerranée ("mi ciudad traspasada de Mediterraneo"). Dans sa vie, comme dans son oeuvre, retourner à Alicante, revoir le "Levante" après une longue absence,

équivaut à redécouvrir le paradis terrestre.

N'est-il pas significatif qu'aucun de ses personnages n'échappe à cet

envoûtement ? Seul le désespoir ou quelque événement tragique peut les chasser momentanément de la terre levantine. Quand ils reviennent, même après une longue

disparition, ils considéreront ces années d'absence comme une période d'égarement.

Et pourtant, cet attachement de Mirôpour le pays d'Alicante laisse le lecteur

un peu perplexe.

Cet intellectuel raffiné, ce rêveur, ce poète exquis devenait subitement aveugle à toute médiocrité dès que sa ville était en jeu. Car nombreux sont les voyageurs, si enthousiastes pourtant quand il s'agit d'autres coins de la terre ibérique, qui nous ont laissé des descriptions désabusées et tristes

d'Alicante.

(1) R. Sije : "El clamor de la verdad", Orihuela, 2 oct. 193%(P.9 : "el tràgico

istmo que une su infancia con la vida nueva que empezara, acaso, manana".

(31)

"Rien à dire d'Alicante", écrit T' Serstevens (l), "c'est Almena, c'est

Malaga, en plus ou moins banal et commercialisé. La promenade (le long de la mer) s'y appelle "El paseo de los màrtires"; le port est de l'autre côté du paseo

avec ses ordinaires coques de fer flottant parmi les epluchures et les irisations du mazout. Il en est de ces villes-ci comme des mauvais livres qu'on a jugés dès

les premières pages."

Et nous lisons dans "l'Espagne" de Doré Ogrizek :

"Dès que l'été commence à s'échauffer, les Madrilènes accourent

"vers Alicante, plage la plus accessible mais où ils ne trouve-

"ront guère de fraîcheur, car ses alentours sont arides.

"Collines pelées, rochers qui se pulvérisent de sécheresse

"entre les hérissements hostiles des aloès ; salines dont

"l'éclat blesse le regard; tel est le cadre de cette cité

"moderne où l'on chercherait vainement les minarets chantés

"par Victor Hugo. Il n'y à rien à voir à Alicante, sinon

"le palmier à cinq têtes du Paseo de los Màrtires et au

"couvent de Santa Clara un des trois linges de Véronique,

"la Sainte."(2)

Par contre, nous lisons dans le journal de Valéry Larbaud des notations assez enthousiastes sur Alicante, la côte et le "Hinterland".

Voici ce que l'auteur de "Fermina Marquez" écrivait le 5 décembre 1917 :

"Ces promenades (sur l'Esplanade) me font beaucoup de bien et

"puis la mer, le port, la côte sont très divertissants à regarder.

(1) A. T» Serstevens : "Le nouvel itinéraire espagnol" p.75-76. Paris> Segep ;

1951.

(2) Doré Ogrizek : "L'Espagne" p. 324 - colli Odê.

(32)

On ne peut trouver morne une ville de province quand on a un pareil panorama à sa portée", (l)

En automne 1918, Valéry Larbaud faisait à nouveau escale à Alicante d'où

il notait le 21 novembre :

'Mes promenades le long de l'Explanada et les belles couleurs 'des images réfléchies dans l'eau du port ! Toute la joie et 'tout le bonheur du monde (ou plutôt de l'hémisphère) hivernal 'semble avoir fui le Nord pour demeurer ici dans cette atmos-

•phère lumineuse et. transparente.

'Les matinées, la qualité exquise de l'air et de la lumière 'vers huit heures du matin, le silence, le calme sur la mer 'déserte, la jeunesse de toute chose !". (2)

Romarquons que Valéry Larbaud(È&î> un des rares littérateurs français qui s'efforça de faire connaître Miro en France par des conférences et par quelques traductions (il publia la traduction d'un chapitre de EL HUMO DORMIDO sous le titre EN SEMAINE SAINTE ainsi que MATINEE, petit poème en prose extrait du LIVRE DE SIGUENZA.(3)

Valéry Larbaud n'a jamais rencontré Miro.(au moment où il séjourna à Alicante, Mirô était déjà fixé à Madrid) mais les deux écrivains échangèrent quelques

lettres (non publiées).

(1) Oeuvres complètes de Valéry Larbaud, tome 9 : "Journal inédit",1954* Paris,

NRF Gallimard.

(2) id. p. 276.

(3) "En semaine sainte" (De "El humo dormido') trad. de Valéry Larbaud paru dans

"Intentions", Paris, 1923-

"Une matinée" (De"El libro de Siguenza1) trad. de Valéry Larbaud paru dans

"L'âne d'or", Montpellier, I924.

(33)

À quatorze ans, en 1893, Gabriel quitte sa ville pour suivre son père à Ciudad Real, où ce dernier est appelé pour des raisons professionnelles. Dans la patrie de Don Quichotte : "Personne ne nous attendait, personne ne nous

connaissait" (1), et à propos de la maison qu'ils avaient choisie, il écrira :

"Les enterrements passaient tous devant notre portail". (2)

Les plaines du pays de la Manche, dont l'implacable désolation ne lui rappelle en rien la campagne levantine, lui inspireront, quelques années après, PAISAJES

TRISTES :

"Rien n'est plus affreusement monotone que ces plaines nues

"et rouges de la Manche. En été, le soleil violent les embrase

"sans pitié. Les mottes rousses de terre brûlante,à moitié

"ouvertes comme des grenades^répandent un souffle de feu

"énervant et épuisant." (3)

En dépit du titre, PAISAJES TRISTES, le premier livre de Mirô n'est pas uniquement consacré aux paysages ; disons plutôt que Miro commence son oeuvre littéraire par un acte humanitaire.

La dure condition des paysans condamnés à faire fructifier une.terre, ingrate, avait douloureusement impressionné le jeune homme et le souvenir de la vie amère

(1) Gabriel Miro : Obras Complétas, Madrid, Biblioteca nueva, vol. IV : "Nino y

grande", 1938, P» 53 ; "Nadie nos aguardaba ; nadie nos conocia".

(2) id. p. 54 : "los entierros pasaban todos delante de nuestro portai".

(3) cité par Vicente Ramos : "Vida y obra de Gabriel Mirô" Madrid, éd. El Grifôn,

vol. XXIV, 1955*p. 47 : "Nada tan angustiosamente monotono como esas peladas y rojas llanuras manchegas. En verano, un furioso sol las envuelve despiadada- mente. Los bermejos terrones de la ardorosa tierra, medio abiertos como

granadas, despiden un halito de fuego énervante y agostador." (Paisajes tris tes).

(34)

des esclaves modernes ("amarguras de esos esclavos modernos") lui arrache des

cris de révolte et de pitié.

Il tâchera de leur porter secours en éveillant en chacun d'eux des

sentiments de justice et d'équité car, ainsi que nous le verrons -..plus loin, il croira à 1'action individuelle bien plus qu'à l'agitation collective :

"Mirô n'ignorait pas le flot incessant de discours vides qui criaient la grande injustice, mais qi-i ne réussissaient qu'à augmenter les sarcasmes.

Non, cela n'était pas le remède." (l)

Le père de Gabriel, nommé ingénieur en chef de la province du Levant, sera fort opportunément rappelé de Ciudad Real et notre futur écrivain pourra poursuivre ses études.

Figueràs Pacheco décrit le jeune homme, à cette époque, comme "un beau type à la silhouette élancée,a.u teint frais et aux yeux clairs pleins d'expression.

Il s'habillait avec élégance, mais simplement. Il portait un costume bleu;

ses chaussures étaient toujours brillantes. Sa personnalité et ses vêtements rehaussaient sa beauté. Tous ses gestes révélaient de la distinction sans la moindre trace d'affectation ni d'artifice". (2)

(1) Vicente Ramos : "Vida y obra de Gabriel Mirô", Madrid, éd. El Grifon,

vol. XXIV, 1955» P« 47 : "No desconocia Miro la continua muchedumbre de hueros discursos que clamaban ante tamàna injusticia, los cuales solo

conseguiah aumentar el sarcasme No era ese el remedio."

(2) Figueràs Pacheco : "Siguenza" (Revista literaria del Sureste, Alicante,

Novembre, 1952, n° 1 : "Un guapo chico, silueta ga.lla.rda, buen color de

cara y ojos claros llenos de expresiôn. Vestia con elegancia no en pugna

con la sencillez. Llevaba un traje azul y sus zapatos estaban siempre lustrosos. Persona e indumentaria coincidian su pulcritud; sus ademanes todos revelaban distincion sin asomo de afectacion o artificio."

(35)

Rapprochons de ce portrait celui que, dans une conversation, nous a tracé de lui le poète José Carner, qui l'avait connu intimement lorsque Miro avait trente-cinq ans : "Il était très beau, d'une beauté douce, à expression sensuelle. Invinciblene nt attiré par la beauté sous toutes ses formes, il en exprimait l'essence dans un espagnol d'une pureté absolue. Son style, comme sa conversation, reflétait la haute distinction naturelle de sa personne".

Comme Félix, le héros des ":CERISE3 DU CIMETIERE', une affection cardiaque (chez Mirô, séquelle du rhumatisme articulaire aigu, contracté au collège d'Orihuela) lui fait perdre une année d'études secondaires. Enfin, promu bachelier, il, siivra, par correspondance, des. cours de droit, donnés par l'Université de Valence, qu'il terminera à l'Université de Grenade en 1900.

Comment le jeune homme conciliera-t-il les exigences de ses études avec son goût de la lecture et sa vocation croissante d'écrivain ?

"Il consacrait le matin à ses cours et l'après-midi à ses classiques, Jean de la Croix, Sainte Thérèse, Fray Luis de Leôn, Fray Luis de Granada, Padre Rivadeneyra, Isla, Gradin, la, Bible,... Il lisait avec avidité et sa lampe ne s'éteignait qu'à une heure très avancée, à l'aube. Il menait une vie retirée et il passait des mois sans sortir de son quartier." (l)

Pour se soumettre à la volonté paternelle, le jeune Gabriel s'initiait

au Droit, payant ainsi son tribut au solide sens pratique de la classe bourgeoise dont il était issu.

(l) Guardiola O'rtiz : Biografia intima de Gabriel Mirô, Alicante 1935 - p. 84

"Dedicaba la. manàna â sus asignaturas y la tarde à sus clàsicos : Juan de

la Cruz, Santa Teresa, Fray Luis de Léon, Fray Luis de Granada, Padre

Rivadeneyra, Isla, •Graciàn, ia Biblia,... Leia ividamente y su quinqué no

se apagaba hasta las altas horas de la madrugada. Llevaba una vida de retraimiento y se oasaba los raeses sin salir del barrio."

(36)

Mais tout en lui révélait un goût invincible pour la carrière littéraire

en même temps qu'une attirance très caractérisée pour les oeuvres philo

sophiques, morales et religieuses.

Sa lecture préférée restera la Bible dont l'esprit imprégnera tous ses

livres et lui dictera LAS FIGURAS DE LA PASIÔN DEL SENOR .11 nous en donne lui-même le témoignage dans CARTAS FAMILIARES où il nous raconte qu'à son

livre de chevet, la Bible, il ajoute les oeuvres morales les plus

significatives de l'Antiquité, telles celles des Stoïciens et de Marc-Aurèle.

Son intérêt pour les problèmes psychologicues, déjà apparent dans

PAISAJES TRISTES , s'accentue dans "CARTAS FAMILIARES" où il dénonce l'envie comme responsable de tous les maux : cette véritable maladie de l'âme ne peut être combattue que par l'amour et l'humilité.

Cette même année, il publiera encore DEL NATURAL , nouvelle plus ou moins

autobiographique, et VULGARIDADES: où il porte un jugement affligé sur

la littérature fin-de-siècle et exalte le génie attique.

Ces premières publications avaient attiré sur lui l'attention admirative de la jeunesse d'Alicante où il devint rapidement le centre d'une "tertulia"

animée.

Le die ton espagnol "En parlant, on comprend le monde" se transforme dans les "tertulias" •..••-. "En parlant, on commence à faire de la littérature" (l)

Cl) Diccionario de la literatura espaliola, Madrid, Revista de Occidente,

2e éd., 1952, p. 693 : "hablaido se entiende la gente " se transforma

en la Tertulia en "hablando se empieza a hacer literatura".

(37)

Ces "tertulias" ne se tenaient plus dans les salons mondains, comme

au 18e et 19e siècle, mais fort souvent dans les cafés à la mode.

La. tertulia que Mirô présidait était tout simplement l'atelier des

cordonniers : les frères Senabres. L'enseigne choisie fut; "Ateneo Senabrino"

et la devise : "Ecole sincériste".

Dans ce groupe, chaque membre était tenu à œ>nfesser l'opinion qu'il

avait de lui-même.

"Je crois que j'ai du talent" dit Mirô et Vieente Ramos.gui nous

———————————i

rapporte ce propos ajoute : "Sa réponse laconique révéla une conviction absolue, dénuée de vanité", (l)

Certes, il était sans vanité, ce jeune homme qui travaillait sans relâche à parfaire son style, qui soumettait chaque mot à la critique de

son culte exigeant du verbe : le mot qui, pour lui, aura une vie aussi

intense que l'être.

Lorsque Siguenza parcourt la. campagne natale, il aime se répéter des mots à haute voix, dont la musicalité le grise : "C'est,(nous dit-il dans 'ANOS Y LEGUAS?) la découverte de notre parole devenue une réalité tangible".

Critique intransigeant pour lui-même, Mirô s'opposera à ce que les essais précités paraissent dans l'édition de ses oeuvres complètes.

Le même sort frappera 'LA MUJER DE OJEDA , sa Première nouvelle (écrite en 1901) dont le lourd climat spirituel annonce déjà l'atmosphère de (1) Vicente Ramos : "Vida y obra de Gabriel Mirô", Madrid, éd. El Grifôn,

vol. XXIV, 1955, p. 59 : "Creo que tengo talento..." - "Su repuesta

lacônica revelo absoluta convicciôn sin vanidades.

ii

(38)

!

DEL VIVIR 3. nouvelle, que nous analyserons en détail plus loin et où Miro retrace l'étrange pèlerinage qu'il s'imposa en faisant un séjour à Parcent, village de cauchemar où toute une colonie de lépreux vit en liberté.

Lorsqu'il y arrive en 1903- il a 24 ans —c'est "un jeune homme de noir vêtu, pâle, de figure allongée, au regard mélancolique, fixe, attifé de la cravate chiffonnée du poète", (l)

Deux ans auparavent, à l'âge de 22 ans, il avait épousé Clemencia Maignon à l'Eglise de San Juan Bautista dans le quartier alicantin de Benalua, où il fit sa connaissance. Clemencia était la fille de Don Antonio Maignon, consul

de France à Alicante.

Marié, Miro vivra plusieurs années dans la maison de ses parents où sa femme donne le jour à deux filles: Clemencia et Olympia, dont la première

dédia une étude à son père en guise do préface à l'édition de ses OBRAS COMPLETAS Sans pouvoir affirmer que Miro vit à ce moment totalement isolé, on peut dire qu'en général, il manifeste peu d'attirance pour le monde. De ses amis les plus dévoués, se détachent Figueràs Pacheco, qui publiera dans sa revue "El

Ibero" tous les essais écrits par Miro jusqu'en 1905, ainsi que Adelardo Parilla,

a qui nous devons le très beau portrait peint de l'écrivain: "El retrato de la

mecedora" (Le portrait de Miro dans le rocking-chair).

1

Gabriel Miro est déjà âgé de 26 ans quand il devra subir les assauts d'amis

"raisonnables" qui ne voient en lui qu'un jeune avocat sans cause,

(l) Gomez de la Serna: Nue vos retrato s contemporaneos, Buenos-Aires, Ed. Suda.- mericana, 19ir5, p. 287: "un joven enlutado, palido, dc_cara alargada, de

mirar melancolico y fijo, tocado con la corbata desalinada del poeta".

(39)

employé au traitement annuel de 1800 pesetas à la Direction de l'Hôpital

civil de San Juan de Dios.

Ses conseillers veulent le persuader d'embrasser la carrière juridique :

"Pourquoi ne te fais-tu pas juge ? Un juge est le Seigneur de l'endroit;

il paraît sacré; tous le respectent et de plus, il débute avec 16.000 réaux,

au moins." (l)

Comment ne pas se rendre à de pareils arguments quand on est marié et

responsable du bien-être de deux enfants ?

Aussi Miro se laisse convaincre et monte à Madrid pour y présenter les

examens qui donnent accès à la'carrière de juge.

Mais., ces démarches qu'il fait sans joie, ces examens qu'il présente

sans conviction ne lui apportent qu'échecs et déboires.

En 1905, il eetrefusé, comme II le sera deux années plus tard.

Mais, si "à quelque chose malheur est bon", noue pouvons diro que c'est à ces vaines tentatives que nous devons le savoureux essai paru dans

EL LIBRO DE SIGUENZA' : "EL SENOR DE ESCALONA;

Ecarté définitivement d'une carrière pour laquelle il n'avait que peu

de capacité et aucune attirance, il s'engagera résolument dans la voie

des lettres.

En janvier 1908, vient la première récompense : le jury du "Cuento Semanal" de Madrid, composé de Valle Inclan, Pio Baroja et Felipe Trigo, (1) Gabriel Mirô : Obras complétas; Madrid, Biblioteca nueva, 1938; vol. VI

"El Libro de Siguenza",p. 10 : "Por que no te haces juez ? Un juez es dueno del lugar; parece sagrado; todos le acatan y ademis comienzà por

dieciseis mil reaies lo menos."

(40)

20

attribuera à Miro le prix pour son récit NOMADA.

Le succès de cette nouvelle sera unanime et trouvera des échos dans la presse

espagnole entière. Et sa ville natale, jusqu'ici réticente, quant au talent de l'écrivain, manifestera sa solidarité avec son concitoyen: associations et con fréries alicantines rivaliseront d'efforts pour rendre un hommage, fervent à

l'émule d'Azorin.

t

A Madrid, un banquet est organisé en l'honneur de Gabriel Miro, auquel

i ' '

assistent,entre autres, Pio Baroja, Ramon del Valle-Inclan et Jacinto Benavente»

Mais le jeune auteur pourra à peine jouir de son bonheur.

Le jour même où NOMADA sortait en librairie, on pouvait lire dans le "Diario"

d'Alicante du 6/3/1908, une chronique nécrologique consacrée à l'ingénieur Juan Miro, père de notre écrivain.

Le destin de Miro se reflète dans toute sa production de romancier.

L'image d'une joie balayée subitement par une douleur - plus imperative qu»elle- reviendra fréquemment dans l'oeuvre du maître levantin comme un obsédant leii>-:

motiv.

Nous songeons au destin de don Diego de NOMADA, à Félix des CEREZAS DEL

CEMENTERIO, à Augustin d'EL ABUELO DEL REY, à Pauline de NUESTRO PADRE SAN DANIEL,

à EL SENOR AUGU3TO (ce donte du volurae DEL VIVIR), aux héros et héroïnes roman tiques des nouvelles du recueil DENTRû DEL CERCADO, à tant d'autres encore.

Les nombreux exemples de "trouble-fête", de bonheurs mêlés d'amertume, ne sont certes pas uniquement les fruits de l'imagination du créateur de Si^ienza.

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