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améliorer les connaissances dans le traitement des sols
Yasmina Boussafir
To cite this version:
TERDOUEST - UN PROGRAMME DE RECHERCHE ANR POUR
AMÉLIORER LES CONNAISSANCES DANS LE TRAITEMENT DES
SOLS
TERDOUEST – A FRENCH RESEARCH PROGRAM TO INCREASE KNOWLEDGE IN SOIL TREATMENT
Yasmina BOUSSAFIR1 1
IFSTTAR, département Géotechnique Eau et Risques, Paris, France
RÉSUMÉ – L’amélioration des connaissances en matière de traitement des sols doit
permettre de tendre vers 100% de réemploi des matériaux extraits des déblais en remblai. Dans le domaine ferroviaire ces objectifs sont également recherchés au moins jusqu’au niveau de la plateforme support d’assise. Le projet TerDOUEST dont la SNCF est partenaire doit permettre d’apporter des réponses de performance, de durabilité, de dimensionnement de plate-forme et d’analyse environnementale en matière de réemploi des matériaux après traitement.
ABSTRACT – Improved knowledge on soil treatment should help to achieve 100%
reused material from cuts to fills. In the railway field these objectives are sought at least to the level of the subgrade platform. The TerDOUEST’s project whose SCNF is a partner, must help to provide answers for performance, durability, design platform and Environmental Analysis for reuse of materials after treatment..
1. Introduction
Figure 1 : logos des partenaires du projet TerDOUEST
TerDOUEST est l’acronyme de Terrassement Durable - Ouvrages En Sols Traités. Les objectifs principaux du projet de recherche sont de déterminer les mécanismes de déclenchement de la prise hydraulique dans les sols fins, de définir les conditions qui garantissent la durabilité du traitement et de donner des éléments qui permettent d’évaluer les impacts environnementaux d’un chantier de terrassement utilisant (ou non) de la chaux et/ou des liants hydrauliques.
En effet, bien qu’il s’agisse de techniques connues depuis l’Antiquité, les effets de la chaux ou des liants d’une façon générale sur les minéraux argileux sont scientifiquement peu connus et les mécanismes qui permettent d’expliquer les augmentations de rigidité et de performance mécanique sont loin d’être maîtrisés aussi bien que dans un béton. Dans un béton, un liant développera des phases cimentaires entre les grains et ces phases s’observeront très bien à l’échelle microscopique. A la même échelle, comme illustré respectivement sur les Figure 2 et Figure 3, on n’observera pas les mêmes phénomènes, car les phases cimentaires se développent de manière intime entre les particules argileuses dont les dimensions sont 100 fois inférieures à la taille des grains de sables les plus fins (1 à 2 microns pour les particules argileuses contre 0,1 mm pour les silts).
Figure 2 : sable traité au ciment : on distingue nettement la phase cimentaire qui se développe au contact et autour des grains de sable ce qui permet de faire la liaison entre
les particules et rigidifie le matériau - crédit photo LCPC.
Figure 3 : limon traité chaux-ciment (même échelle que la Figure 2) : on ne distingue plus aucune trace de cimentation. La phase cimentaire se développe à l’échelle des agrégats
argileux, soit à des tailles inférieures au micron – crédit photo LCPC
In fine, le projet TerDOUEST doit permettre de réutiliser dans des conditions maîtrisées
les déblais issus des terrassements en proposant les techniques de traitement de sols qui conviendront. L’aléa qui subsiste pour le réemploi des déblais doit à terme diminuer pour atteindre dans l’idéal une valorisation proche de 100% des terres excavées et limiter ainsi la mise en décharge des terres inertes.
2. Les enjeux du projet TerDOUEST
Le traitement des sols est une activité importante des entreprises de terrassement. Cette technique est amenée à gagner en importance car elle permettrait de réduire la quantité de terres mises en dépôts au détriment des ressources minérales de plus en plus rares et de plus en plus chères issues des carrières.
Ceci répondrait, dans le mesure où les travaux de recherche de TerDOUEST concluraient dans ce sens, à remplir une des conditions du Grenelle de l’Environnement et par ricochet, un des objectifs affichés de la convention d’engagement volontaire de la profession signée en mars 2009. Il faut rappeler que dans les grands projets d’infrastructures la part des terrassements peut atteindre 33% du coût total de l’ouvrage et que cette activité, malgré un savoir faire reconnu supporte une part d’aléa et de risque non négligeable, aléas et risques tous deux liés à l’hétérogénéité des matériaux réellement rencontrés dans les déblais et à l’incertitude sur la durabilité des performances dans le temps.
Figure 4 : carte des grands projets ferroviaires à l’horizon 2020 (source www.rff.fr) Il faut également préciser que dans les années à venir, plus de 2000 km de lignes neuves seront construites (Figure 4) à l’horizon 2020, avec dans un futur proche, la construction de la phase 2 de la LGV Est, la liaison Le Mans-Rennes, la liaison Tours-Angoulême… Ceci renforce encore d’avantage les enjeux et l’intérêt collectif pour l’amélioration des techniques de traitement des sols.
3. Les moyens mis en œuvre dans le projet TerDOUEST
Le projet de recherche TerDOUEST (Figure 5) a été structuré selon quatre axes appelés modules. Les 4 modules font appel aux douze partenaires impliqués dans le projet. Ces quatre modules s’intéressent chacun à un aspect particulier du traitement et des objectifs transversaux ont été introduits dans chacun d’eux pour ajouter de la cohérence à l’ensemble.
Le premier module apporte des éléments fondamentaux permettant d’expliquer le déclenchement ou non d’une prise hydraulique dans un sol ; le deuxième module doit apporter un éclairage sur les paramètres extérieurs susceptibles de modifier la prise dans le temps ; le troisième module vise à vérifier la possibilité de réaliser en vraie grandeur un ouvrage utilisant des sols traités ; et le quatrième et dernier module traite des aspects environnementaux permettant d’analyser les impacts et les risques des travaux utilisant ces techniques.
Figure 5 : logo du projet TerDOUEST
3.1. Module A - Processus physico-chimiques et comportement géotechnique des sols traités (pilotage IFSTTAR)
L’originalité de la démarche proposée repose sur une approche multi-échelle. Les travaux menés dans ce module visent à caractériser les mécanismes qui permettent d’expliquer le déclenchement d’une prise hydraulique, les interactions qui apparaissent entre les liants et les sols, et les caractéristiques mécaniques qui en découlent.
Les laboratoires impliqués ont ainsi réalisé de nombreux essais sur des matériaux traités afin de caractériser les performances obtenues (résistance en compression, gonflement, résistance au cisaillement…). Les mêmes éprouvettes de sols traités ont ensuite fait l’objet d’observations à plusieurs échelles depuis le microscope optique en passant par le microscope électronique à balayage jusqu’à l’observation en résonnance magnétique nucléaire (qui permet d’accéder à l’observation des atomes). Le résultat de ces caractérisations sera exploité dans des travaux de modélisation.
Les essais ont été menés de manière pratiquement identique sur 2 matériaux qualifiés de « référence » mais de comportement très différent vis-à-vis du traitement de sol : une kaolinite et une bentonite. Ces matériaux ont été achetés afin de disposer d’échantillons les plus proches possible de l’argile de référence étudiée. La même démarche d’étude a été adoptée avec deux matériaux d’origine naturelle issus des travaux de terrassement du module C (voir paragraphe 3.3) et de comportement également très différents vis-à-vis du traitement : un limon (classé A2 selon la norme NF P 11-300) et une argile très plastique (classée A4 selon la norme NF P 11-300). Huit tonnes de matériaux naturels ont été prélevés à Héricourt avec l’entreprise Roger Martin pour répondre aux besoins des études en laboratoire, en collaboration étroite avec le module B et C.
Un autre travail mené en parallèle dans le module A a également comme objectif d’identifier les éléments (qualifiés de perturbateurs) susceptibles d’inhiber ou de modifier le processus de prise hydraulique.
3.2. Module B - Durabilité des sols traités (pilotage LAEGO)
Une démarche novatrice a été mise en œuvre pour apprécier les évolutions à court, moyen et très long termes des performances obtenues après traitement. En effet, un des verrous bloquant l’utilisation plus large des sols traités concerne l’absence d’information sur la durabilité des traitements réalisés ou autrement dit : quel crédit peut-on accorder aux performances obtenues en laboratoire et à leur extrapolation sur un ouvrage en terre.
L’observation sur des ouvrages réels a ainsi été associée aux travaux de laboratoire afin de vérifier la pertinence des résultats obtenus avec des conditions maîtrisées de laboratoire. Une fois identifiés les processus d’évolution d’un sol traité, leur modélisation avec un code couplé géochimie/hydrodynamique sera réalisé tout en les associant aux
T
Deux remblais de la LGV Est et du TGV Nord ont fait l’objet d’investigations par carottage afin d’avoir accès à des matériaux traités depuis un certain temps et subissant des conditions réelles de trafic. Dans le cas de la LGV Est il s’agissait d’un remblai vieux de 7 ans, dont le parement de talus a été raidi grâce à un traitement au liant hydraulique routier. Dans le cas du TGV Nord, il s’agissait d’ausculter les sols supports (en partie supérieure des terrassements) traités à la chaux il y a plus de 20 ans.
3.3. Module C - Construction et suivi d’un ouvrage expérimental de référence (pilotage CETE Normandie Centre – CER Rouen)
Le domaine des terrassements repose beaucoup sur l’empirisme et la capitalisation des expériences de chantier. TerDOUEST s’est donc fixé comme objectif de réaliser un ouvrage en vraie grandeur en utilisant des matériaux sélectionnés faisant également l’objet d’essais de laboratoire dans les modules A et B. Cet ouvrage conçu pour être suivi dans le temps a fait l’objet d’une conception particulière afin de coupler les observations de chantier, des mesures par capteurs et des mesures par des essais in-situ ou sur carottes.
Cet ouvrage en vraie grandeur permettra de valider (ou non) l’utilisation de sols fins traités en terrassement dans des parties d’ouvrages jusqu’ici exclues du domaine traditionnel à savoir les bases de remblai en zone inondable, les talus en zone humide, les couches de formes ferroviaires… Le remblai a pu être hébergé dans le cadre d’un projet routier en cours de réalisation en Haute-Saône : le projet de doublement de la RD.438 à Héricourt, et ceci grâce aux efforts (entre autres) du conseil général de Haute-Saône et de l’entreprise Roger Martin, membres associés à TerDOUEST par le biais d’une convention. Ce remblai de 5 mètres de haut (dont 1 mètre enterré sous le terrain naturel pour augmenter les conditions de saturation des matériaux) fait office de digue dans le cadre d’un bassin de rétention des eaux pluviales en provenance de la plate-forme routière.
mètres de long environ est dédiée à la simulation d’une plate-forme ferroviaire, avec une sous-couche d’assise en GNT 0/31,5mm en provenance d’une carrière agrée par la SNCF (partenaire du projet), une couche de forme en limon traité à 1% de chaux et 5% de ciment, et une arase en limon traité pour moitié à 3% de chaux vive seule et pour l’autre moitié à 3% de ciment seul. La mise en œuvre d’un ballast doit encore être réalisée. Le remblai ne faisant pas l’objet de trafic réel, il sera prévu de solliciter artificiellement la plate-forme grâce au portancemètre ferroviaire développé dans le cadre du projet européen Inotrack. Les cycles imposés par l’outil simuleront un trafic ferroviaire et « vieilliront » artificiellement la structure. Les capteurs posés dans les sols supports et au niveau de la couche de forme permettront d’enregistrer les signes en fatigue de la structure composée en sols traités.
3.4. Module D - Méthodes et outils d’analyses économiques et environnementales des projets de terrassement (pilotage EGIS)
La société s’intéresse de plus en plus à l’impact environnemental des projets et aux conséquences des choix imposés en phase travaux sur l’environnement. Ainsi, des analyses ont été menées sur des ouvrages récents du patrimoine RFF tels que la LGV Est ou la LGV Rhin-Rhône (Le Monde, 2010), mettant en évidence certains impacts liés au traitement des sols.
Dans le cadre du module D, les membres du projet TerDOUEST travaillent à définir des outils qui permettront aux maîtres d’ouvrages et aux maîtres d’œuvre d’analyser leur projet en termes d’impacts environnementaux. Les indicateurs utilisés classiquement comme le CO2 et l’énergie ont été évidemment abordés mais ils ont surtout été complétés
et enrichis par les aspects environnementaux propres aux terrassements, peu ou mal connus, et qui souffrent de moyens de quantification tel que : la préservation des ressources naturelles, la gestion des déchets de chantier, les enjeux sociétaux en réponse aux critères de l’agenda 21...
Les premiers résultats des réflexions menées avec un certain succès dans ce module sont présentés dans le cadre de Géorail 2011.
4. Conclusion
Le projet TerDOUEST est un projet ambitieux dont les retombées sont attendues tant dans les métiers de l’ingénierie (conception et maîtrise d’œuvre) que par les entreprises et les laboratoires de recherche. Les intérêts pour les maîtres d’ouvrages sont évidents et concernent l’assurance de la qualité, la durabilité des ouvrages, les conséquences et les impacts environnementaux et la maîtrise des coûts des projets de terrassement.
Les techniques de traitement des sols jusqu’ici limitées aux ouvrages en remblai, pourront à terme être utilisées de manière plus diversifiées dès que les mécanismes mis en jeu auront été identifiés et que les risques seront maîtrisés pour la conception des ouvrages en zone inondables, des talus d’ouvrages de grande hauteur ou des assises des voies ferrées. En milieu ferroviaire, sont ainsi clairement visées la justification du couplage entre la durabilité des matériaux traités et la durée de vie de l’ouvrage. À plus ou moins brève échéance, des avancées sont attendues pour permettre de faire évoluer les référentiels de conception et de réhabilitation des lignes.
5. Références bibliographiques
Site internet de TerDOUEST www.cnrs-imn.fr/TerDOUEST/
Boussafir Y., Jacques C., Puiatti D., Abdo J., Robinet A. (2009). TerDOUEST – un
projet de recherche pour des terrassements durables grâce au traitement des sols. Revue
Générale des Routes et Aérodromes n°881 déc.2009 jan.2010 - pp.62-67.
Robinet A., Delhomel A. (2006). Le traitement des sols pour la construction des lignes
nouvelles. Revue Générale des Chemins de Fer juin 2006.
Thomas D., Robinet A., Delhomel A. (2005).° Le recours au traitement sur les lignes
nouvelles françaises - 2nd symposium on Treatment and Recycling of Materials for Transport Infrastructure (TREMTI), Paris, France, 24-26 October 2005.
Le Monde (2009). Premier bilan carbone d’une ligne à grande vitesse. Le Monde du 14 octobre 2009.
Ferber V., Jatteau C., Landes B., Brosselier E. (2010). Évaluation environnementale
des travaux de terrassements : application à un cas de chantier. Revue Générale des
Routes et Aérodrome n°884 avril-mai 2010.
