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Investissement direct à l étranger et échanges extérieurs : un impact plus fort aux États-Unis qu en France

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Academic year: 2022

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Lionel Fontagné et Michaël Pajot*

* Lionel Fontagné est professeur à l’université Paris I (TEAM-CNRS) et conseiller scientifique au CEPII et Michaël Pajot est économiste à la Di- rection de la Prévision, bureau des échanges extérieurs et membre de TEAM-CNRS.

Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.

INVESTISSEMENT

Investissement direct à l’étranger et échanges extérieurs : un impact plus fort aux États-Unis qu’en France

L’investissement direct à l’étranger (IDE) et l’activité étrangère des firmes multinationales se développent à un rythme soutenu. De tels investissements sont susceptibles de se substituer directement aux échanges, les exportations se

trouvant remplacées par les ventes sur place des filiales implantées à l’étranger.

Mais ils peuvent également accroître la compétitivité des firmes concernées sur le marché d’accueil, contribuant ainsi à favoriser les exportations en provenance du pays investisseur : l’IDE s’avère alors complémentaire des échanges

internationaux. De la substitution (aux conséquences négatives pour l’activité de la firme ou du secteur économique dans le pays de départ) à la complémentarité (aux conséquences au contraire positives), bien des situations intermédiaires peuvent se rencontrer, suivant le niveau d’analyse retenu : micro ou macroéconomique, dans ce dernier cas, détail plus ou moins grand des nomenclatures d’activité suivant lesquelles sont appréhendés investissement et échanges.

Au niveau microéconomique, l’effet de substitution serait prédominant : l’IDE constituerait pour la firme une alternative aux échanges de biens notamment lorsque les coûts de transport sont élevés. À l’inverse, au niveau

macroéconomique, l’effet d’entraînement sur les exportations jouerait à plein et cela en contradiction avec le principe de substitution de Mundell. La controverse reste cependant ouverte, avec ses conséquences importantes du point de vue des économies d’origine et d’accueil des investissements.

Une base de données, portant sur les échanges et les IDE entre 1984 et 1994 permet d’y apporter quelques éléments de réponse, en testant les relations entre

exportations, importations et solde commercial d’une part, et IDE d’autre part, dans le cas de la France et des États-Unis.

L’IDE sortant s’avère alors avoir un impact sur les échanges beaucoup plus fort aux États-Unis. Des effets de substitution peuvent être compensés par les

exportations induites par l’IDE dans d’autres branches (effets de stimulation).

L’IDE d’une branche industrielle à destination de l’étranger stimule autant les exportations de cette dernière que celles du reste de l’industrie, et cet effet d’entraînement est encore plus marqué pour l’IDE réalisé en France par

l’étranger. Aux États-Unis, qu’il soit entrant ou sortant, l’IDE favorise le déficit

commercial. Enfin, l’IDE entrant est en moyenne plus défavorable que l’IDE

sortant à la balance commerciale.

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L

a division internationale du travail a ré- cemment profondément évolué. L’usine est devenue globale : différentes filiales d’un même groupe, localisées dans différents pays, concourent à la production d’un même bien.

Une part importante des échanges internatio- naux portent donc sur des produits destinés à retourner dans les processus de production : biens intermédiaires, composants ou pièces détachées. Les économies tendent alors à se spécialiser verticalement sur certains stades du processus de production, plutôt que sur des branches. Et au sein même des branches, les échanges croisés se développent rapidement, en particulier ceux associés à des positionne- ments de gamme différents (voir Fontagné et Freudenberg, dans ce numéro). Plus générale- ment, la technologie, l’éducation, l’innovation apparaissent comme les clés de la compétitivi- té dans la nouvelle société de l’information.

Mais surtout, l’investissement direct à l’étran- ger (appelé IDE dans ce qui suit) (1), et l’activi- té étrangère des firmes multinationales se développent à un rythme soutenu. Ils touchent tous les secteurs : agriculture, industrie, servi- ces. Les flux d’IDE ont enregistré une augmen- tation record de 19 % en 1997, et à nouveau de 10 % en 1998, pour atteindre environ 440 mil- liards de dollars. Environ 450 000 filiales de firmes multinationales sont installées dans le monde (UNCTAD, 1998). Ces filiales repré- sentent aujourd’hui 6 % du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial, chiffre à comparer à 2 % en 1982 (Hummels et al., 1998). Le commerce intra-firme représente un tiers des exportations mondiales et les ventes des filiales étrangères augmentent plus vite que les exportations mon- diales. Les exportations totales des filiales ont atteint le chiffre de 2 000 milliards de dollars en 1997, et leurs ventes sur place 9 500 milliards.

Ces bouleversements justifient que l’on s’inter- roge sur les relations entre échanges internatio- naux et IDE (cf. encadré 1). Du point de vue du pays d’origine (2) de l’IDE, si l’investissement direct est un substitut aux échanges, les expor- tations seront partiellement remplacées par des ventes sur place des filiales implantées à l’étranger. Le niveau d’activité dans le pays d’origine en sera affecté et avec lui l’emploi dans la branche concernée (3). À l’opposé, en cas de complémentarité, investir à l’étranger si- gnifiera une plus grande compétitivité sur le marché d’accueil, donc des exportations ac- crues, ce qui devrait bénéficier à l’activité et à l’emploi dans l’économie d’origine. Récipro- quement, l’investissement entrant devrait avoir

des effets défavorables pour la balance com- merciale du pays d’origine de cet IDE. Toute- fois, cette complémentarité peut également concerner les importations en provenance du pays hôte. Ainsi, dans le cas d’une délocalisa- tion, une partie de la production à l’étranger pourra être réexpédiée par la filiale vers l’éco- nomie d’origine. Il est toutefois difficile de dis- cerner dans ce dernier cas les effets sur l’activité dans le pays d’origine. Sans délocali- sation, la production aurait pu être amenée à disparaître tout ou partie, en raison de la perte d’avantage macroéconomique de l’économie d’origine. Finalement, assimiler l’effet net de l’IDE sur la balance commerciale à un indica- teur des changements du niveau d’activité qu’il induit dans le pays d’origine revient à en gon- fler de manière exagérée les effets négatifs.

Cette question de la complémentarité entre in- vestissement direct et échanges internationaux a été examinée par un groupe de travail de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), mis en place lors de la Conférence de Singapour à la fin 1996 et ayant rendu ses conclusions deux ans plus tard (WTO, 1998).

Elles soulignent que la complémentarité est pour l’IDE un contexte beaucoup plus fréquent que celui de substitution. Toujours à l’OMC, c’est également le point de vue de Drabek (1998) qui réfute l’inquiétude des politiciens voyant dans les interrogations sur la nature de cette relation un motif de refus d’un accord international sur l’investissement : (« la plupart des auteurs laissent à penser que la complémen- tarité est le cas courant ») (p.11).

Ces affirmations tranchent avec les conclusions plus nuancées de la littérature. C’est la complé- mentarité qui semblerait ainsi prévaloir au ni- veau macroéconomique, alors que les relations entre IDE et échanges au niveau microécono- mique ou au niveau sectoriel détaillé sont plus complexes. Les effets nets sur la balance com- merciale du pays d’origine et du pays hôte méri- tent également d’être examinés attentivement.

Enfin, les déterminants communs de l’IDE et du commerce doivent être pris en compte. Investir et exporter dans une même branche ne signifie pas nécessairement qu’il y ait complémentarité

1. Par convention, la détention par l’investisseur de plus de 10 % du capital de l’entreprise destinataire de son apport financier (cible de l’investissement) constitue le critère permettant de distinguer l’IDE des investissements internationaux de portefeuille. Se reporter à l’encadré 1.

2. Dans le pays d’accueil les effets devraient en principe être symétriques, s’il n’y avait pas d’effet sur les échanges avec pays tiers.

3. Et non dans l’économie : nous raisonnons en équilibre partiel.

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Encadré 1

IDE ET COMMERCE : COMPLÉMENTARITÉ OU SUBSTITUTION ?

L’IDE se distingue des investissements internatio- naux de portefeuille par la volonté de l’investisseur de prendre une part à la gestion de l’entreprise destinataire de son apport financier (cible de l’in- vestissement). Par convention, la détention par l’investisseur de plus de 10 % du capital est le seuil le plus souvent retenu. Les bénéfices réin- vestis ou les prêts à long terme entre maison mère et filiales sont des IDE. Pour les nouveaux investis- sements, on distingue le « greenfield » correspondant à une implantation ex nihilo (la nouvelle usine de Toyota en France) des fusions acquisitions. Enfin les flux annuels d’IDE doivent naturellement être distingués des stocks en fin d’année (les « posi- tions »). Cet article privilégie une approche en termes de flux d’IDE. Une difficulté dans la mesure de ces derniers réside dans la différence entre les déclarations du pays hôte et celles du pays desti- nataire. Nous prenons ici en considération les données du pays investisseur.

Une mesure pertinente de l’importance de l’activité des firmes multinationales est fournie par le rap- port de l’IDE à l’investissement domestique. Il est de 5,5 % au niveau mondial. Un chiffre à comparer avec respectivement 8 % et 11 % pour l’IDE en- trant et sortant de France (cf. tableau).

L’IDE est susceptible de se substituer au commerce, ce qui peut se percevoir aussi bien en termes de flux qu’en termes de stock de l’investissement.

L’implantation en France de Toyota servira d’exemple pour percevoir la différence entre complémentarité et substitution. Du point de vue de Toyota au Ja- pon, une substitution IDE-commerce signifierait que la vente en France de Yaris fabriquées en France se substituerait en totalité ou en partie à celle de Yaris fabriquées au Japon. C’est la pers- pective adoptée par le MITI japonais (MITI, 1997) lorsqu’il fait ses calculs : un dollar de production en France est considéré détruire un dollar d’expor- tations japonaises. La complémentarité signifie au contraire que les ventes sur place de Yaris, ou l’ex- portation vers la France de composants pour les fabriquer, s’ajouteraient aux exportations initiales de Toyota vers la France. Une telle perspective prend ses distances par rapport au point de vue un

peu trop systématique adopté par le MITI. En effet, substitution et complémentarité jouent conjointe- ment sans que l’on puisse dire, à priori, quelle force l’emportera : d’ores et déjà, alors que l’usine Toyota en France ne produit pas encore, le produc- teur japonais vend plus de Yaris dans notre pays que si l’implantation n’avait pas été décidée. Il s’agit là de complémentarité puisqu’aucune Toyota produite en France ne se substitue pour l’instant à une exportation du Japon. Il est même probable que d’autres modèles de la marque se vendent mieux en France. Dans un deuxième temps, d’au- tres firmes de l’industrie automobile japonaise que Toyota seront amenées à exporter vers la France.

Il en ira ainsi de certains fournisseurs du construc- teur. Encore ne s’agit-il que des relations de complémentarité au sein de l’industrie automobile.

Mais les relations IDE-commerce « débordent » très largement de cette industrie : on parlera dans la suite de cet article de « spillovers ». Ainsi, des exportations japonaises de machines outils et de robots nécessaires à la fabrication en France de la Yaris ne manqueront pas d’être enregistrées.

Cet exemple permet de percevoir la distinction entre complémentarité et substitution entre IDE et com- merce au niveau micro-économique (Toyota), au niveau de l’industrie automobile japonaise, au ni- veau de l’industrie japonaise dans son ensemble (point de vue du MITI). Enfin, un investissement dans les services peut avoir un impact sur l’indus- trie (Carrefour vend notamment des produits français à Rio de Janeiro) : il s’agit cette fois d’une complémentarité macro-économique entre IDE et commerce. La difficulté centrale concernant la complémentarité macro-économique est de distin- guer ce qui relève de l’impact de l’IDE, de ce qui relève des conditions macro-économiques généra- les. L’IDE et le commerce sont apparemment complémentaires au niveau macro-économique dans les relations franco-allemandes. Mais il s’agit en grande partie d’une illusion statistique : ce sont simplement les mêmes déterminants qui expliquent l’IDE et les échanges. Les deux pays sont proches, ont une frontière commune, ont désormais une monnaie commune, sont tous les deux de grande taille (en termes économiques), ont un revenu par tête élevé, etc.

IDE entrant et sortant en pourcentage de la FBCF domestique pour quelques pays (1996)

Entrant Sortant Entrant Sortant

Économies industrialisées 3,6 5,2 Économies en

développement 8,7 3,3

États-Unis 7,0 6,9 Afrique 7,3 0,4

Canada 6,2 8,2 Amérique latine, Caraïbes 12,8 0,7

Royaume-Uni 14,6 19,1 Europe centrale et orientale 19,9 1,8

France 8,2 11,3 Asie 7,4 4,3

Source : UNCTAD (1998) Annexes.

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entre ces deux modes d’internationalisation : les exportations auraient pu être encore plus élevées sans IDE ; de même, un pays exporte et investit à l’étranger dans les branches pour les- quelles les firmes multinationales domestiques ont un fort avantage spécifique. L’objectif de cet article est de procéder à un examen minu- tieux de ces relations, en utilisant des données d’IDE et d’échanges commerciaux désagré- gées par partenaire et par secteur, et ceci dans une optique comparative France/États-Unis.

Des conséquences financières négatives pour l’investissement...

Depuis Stevens et Lipsey (1992), il est usuel de distinguer entre conséquences financières et réelles de l’IDE. Les premières ont un impact assez indirect sur les échanges, au contraire des secondes.

Les interactions financières de l’IDE se réfè- rent à une substitution possible entre investisse- ment direct à l’étranger et investissement dans l’économie d’origine. Si les arguments théori- ques ne permettent pas de trancher, un certain nombre de travaux empiriques aboutissent à une relative prédominance de la substitution , sur données de firmes américaines, Stevens et Lipsey (1992), et Belderbos (1992) sur données de firmes néerlandaises. À long terme, une telle substitution peut modifier l’avantage du pays investisseur, ou se traduire par un moindre ac- croissement de la production nationale et donc moins de variété ou de qualité offerte. Au total, la part de marché serait réduite (Erkel-Rousse et al., 1999).

Du point de vue du pays d’accueil, la théorie ne donne pas davantage d’orientation dans un sens ou dans l’autre. Les entrées d’IDE peuvent évincer l’investissement domestique, dans la mesure où les firmes étrangères bénéficient d’un avantage initial tant sur le marché des biens ou services vendus, que sur le marché des facteurs (accès aux capitaux, à la main-d’œuvre qualifiée). À contrario, les retombées positives en matière technologique augmentent le rende- ment du capital dans cette économie d’accueil et y favorisent donc l’investissement. À nou- veau, la réponse est de nature empirique.

Borenzstein et de Gregorio (1995) mettent en évidence un effet positif : l’IDE promeut l’in- vestissement domestique dans l’économie d’accueil, l’accroissement final de l’investisse- ment total représentant une fois et demie à deux fois l’entrée initiale d’IDE.

... compensées par de nouvelles exportations ? En ce qui concerne les implications réelles de l’IDE, la question est de savoir s’il déplace l’activité et l’emploi en se substituant aux échanges. De ce point de vue, différents méca- nismes peuvent être invoqués (cf. encadré 1) pour identifier la coexistence d’effets de substi- tution et de complémentarité. Il reste alors à évaluer l’importance quantitative de ces deux types d’effet pour en connaître l’impact net.

Les économistes abordent généralement la question en partant du point de vue microéco- nomique de la firme. Exportation et IDE sont alors deux stratégies alternatives de pénétration des marchés étrangers (Barlet, 1992). Sous l’angle de la gestion (voir la recension en la ma- tière de Blomström et Kokko, 1994) les au- teurs, plus nuancés, placent au cœur de l’analyse le taux de survie des exportations (Ex- port Survival Rate) défini comme la proportion de vente sur place des filiales qui aurait pu être conservée sans IDE (c’est-à-dire par des expor- tations). Les taux avancés, très bas, n’attei- gnent 10 % que dans quelques rares cas. Deux effets font l’objet d’une attention toute particu- lière : le gain de part de marché étranger associé à l’IDE, et l’importance des exportations de parties et composants vers les filiales.

Les analyses économiques se placent sur un plan différent : il s’agit généralement de mesu- rer le sens et l’importance de l’effet net de com- plémentarité/substitution (cf. encadré 2).

Lipsey et Weiss (1984) observent, sur données individuelles de firmes américaines, que 1 dol- lar de production locale est associé à des expor- tations américaines additionnelles à hauteur de 9 à 25 cents. Mais c’est la Suède, au bénéfice de la base de données originale entretenue par l’Industrial Institute for Economic and Social Science Research de Stockholm, qui a fait l’ob- jet des études les plus poussées. Swedenborg (1979 et 1982) conclut que l’IDE n’a pas d’ef- fet significatif sur les exportations de la maison mère suédoise, les ventes sur place se substi- tuant à ces exportations mais en impliquant de nouvelles, portant sur des biens intermédiaires ou finis. Un dollar de vente sur place se substi- tue à 2 cents d’exportations mais crée 12 cents de nouvelles exportations, soit un effet net de complémentarité de 10 cents. Finalement, plus qu’à un impact sur la valeur des exportations, c’est bien à une modification de la nature des exportations suédoises (notamment vers plus de biens intermédiaires) que conduit l’IDE sor- tant. Blomström, Lipsey et Kulchycky (1988)

(5)

concluent également à un effet de complémen- tarité, tandis que la prise en compte des mar- chés tiers, sur lesquels les ventes de la filiale peuvent se substituer à celles de la maison mère, conduit Svensson (1993) à observer un léger effet de substitution, effet qui pourrait tou- tefois être lié, selon l’auteur, aux conditions parti- culières de la période d’observation. Andersson (1993) ou Blomström et Kokko (1994) confir- ment que c’est la structure des exportations suédoises qui est affectée plus que le volume.

Au total, la validation empirique de l’hypo- thèse microéconomique de substitution est fai- ble. D’ailleurs, de nombreux développements de l’approche standard montrent que le schéma de substitution IDE/commerce ne résiste pas à la concurrence imparfaite (Helpman, 1984), à la concurrence simultanée sur plusieurs marchés (Gara, 1997) ou encore à l’introduction de l’in- certitude (Becuwe, Mathieu et Sevestre, 1997).

Un substitut au commerce pour la firme si ses coûts de transport sont élevés ? Les nouvelles approches du commerce interna- tional, plaçant la concurrence imparfaite au cœur de l’analyse, soulignent le rôle central des économies d’échelle et des coûts de transport dans le processus de décision des firmes. Les rendements croissants limitent le nombre d’unités de production efficaces, tandis que les coûts de transport, et plus généralement, l’en- semble des obstacles aux échanges, jouent en sens opposé. Le type de relation observé dé- pend donc à priori de l’activité de la firme et des difficultés d’accès au marché étranger (Brainard, 1993a). La compréhension et la

prise en compte de cet arbitrage (appelé dans la littérature « proximity-concentration trade off ») sont essentiels pour l’analyse empirique de la relation nous intéressant. Lorsque les coûts fixes spécifiques à la firme sont élevés, et les coûts fixes associés à chaque unité de production limités, la multinationale localise ses unités de production à proximité de ses marchés et l’IDE se substitue au commerce si les coûts de transport sont non négli- geables (Markusen et Venables, 1995). L’exemple de Coca-Cola illustre cette configuration.

L’effet d’entraînement sur les exportations joue d’abord au niveau macroéconomique Dans cette partie, nous essayons d’évaluer l’or- dre de grandeur des relations de complémenta- rité entre flux d’IDE et de commerce au niveau macroéconomique. À cette fin, nous estimons une équation d’exportation pour 21 pays de l’OCDE. Cette équation est alors utilisée en si- mulation pour construire un univers théorique (dé- nommé « anti-monde »), dépourvu d’IDE, servant de référence pour apprécier l’ordre de grandeur de l’effet de complémentarité.

Nous modélisons les exportations de 21 pays OCDE vers leurs 20 partenaires appartenant au même échantillon, sur la période 1980-95. La valeur des exportations bilatérales est détermi- née par la taille du marché de destination (le PIB normalisé du partenaire), la différence de PIB et de PIB par tête entre le pays exportateur et son partenaire, une variable de « résistance » (les coûts de transport approchés par la distance géographique séparant le principal centre éco- nomique du déclarant de celui de son parte- naire), la dimension « régionale » représentée

Encadré 2

ESTIMER LE SENS ET L’IMPORTANCE DE LA RELATION ENTRE L’IDE ET LE COMMERCE

Deux stratégies peuvent être développées On peut estimer séparément deux équations d’ex- portation et d’IDE et calculer la corrélation des résidus ou, de façon équivalente, régresser le résidu de l’équation de commerce sur l’IDE. Si les équa- tions sont correctement spécifiées la corrélation des résidus capte la relation de complémentarité/substi- tution évoquée ici, toutes choses égales par ailleurs.

C’est la solution de Eaton et Tamura (1994), Gra- ham (1996), ou Brenton, Di Mauro et Lücke (1998).

Une alternative réside dans l’introduction de l’IDE dans des équations de commerce. On obtient alors l’effet d’une variation de l’IDE sur le commerce, en

contrôlant les déterminants communs de ces deux modes d’internationalisation (taille des pays, etc.).

C’est ce que fait l’essentiel de la littérature, quitte à instrumenter la variable d’IDE (Swenson, 1999). Se pose alors la question de l’arbitrage entre coupe ou panel, et dans ce dernier cas le choix des effets. On a retenu ici la solution du panel. Obtenir des élasti- cités est difficile lorsque l’on travaille sur des données de flux d’IDE, en raison des désinvestisse- ments interdisant de log-linéariser les équations. Il faut alors transformer la variable d’IDE avant d’en prendre le logarithme (cf. encadré 3), ce qui interdit une lecture directe des élasticités. Aussi parlerons- nous ici de l’effet d’un dollar d’IDE sur la valeur en dollars des exportations ou importations.

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par des variables muettes de frontière com- mune et d’appartenance commune à l’Union européenne. Enfin, la prise en compte des flux d’IDE bilatéraux totaux entrants et sor- tants, en plus des variables explicatives précé- dentes, permet d’avancer des éléments de réponse à la question soulevée. Il s’agit donc d’une variante de l’équation de gravitation classi- que. Une telle méthode fondée sur les travaux de Bergstrand (1989) est aujourd’hui largement uti- lisée. Nous lui adjoignons un effet fixe (4) pour chaque pays déclarant, afin de tenir compte de l’influence des déterminants des échanges non contrôlés par ailleurs. Enfin un effet fixe sur les périodes contrôle le cycle des affaires. Le détail des variables est donné en annexe. L’équation est log-linéarisée, ce qui impose une transfor- mation de la variable d’IDE (cf. encadré 3).

Outre les résultats standards (effet positif de la taille du marché (5), effet négatif des coûts de transport, effet positif de l’existence d’une frontière commune), on retiendra que la dif- férence de revenu par tête entre le pays expor- tateur et le marché de destination (qui est une mesure de l’intensité de la différence d’avan-

tage comparatif entre ces deux pays) va à l’en- contre des exportations bilatérales (voir sur ce point Fontagné et al., 1998). Sans surprise, l’appartenance à l’Union européenne favo- rise les échanges entre les différents partenai- res, une fois contrôlés leur taille, les coûts de transport ou leur caractère contigu.

Considérant les deux variables d’IDE total, nous obtenons des élasticités proches de 0,5 (cf.

encadré 3), celle associée à l’IDE sortant étant plus élevée que celle associée au flux symétri- que. Ceci signifie par exemple que les IDE français aux États-Unis entretiennent une rela- tion de complémentarité plus forte avec les ex- portations françaises à destination du marché américain que les IDE en provenance des États- Unis (équation 1 dans l’encadré 4).

Encadré 3

TRANSFORMATION DE LA VARIABLE IDE (LOG-LINÉARISATION)

Le modèle macroéconomique permettant de quantifier un univers théorique dépourvu d’IDE et pouvant, de ce fait servir de référence (« anti-monde ») subit une transformation log-linéaire : un problème apparaît dès lors que les données d’IDE sont nulles ou négatives (désinvestissement net). La solution adoptée ici con- siste à définir une nouvelle variable bénéficiant de propriétés satisfaisantes par rapport à notre objectif de log-linéarisation, à savoir, des données strictement po- sitives. La transformation effectuée est la suivante, par exemple pour l’investissement sortant :

TOUT log

1 5 000IDE

Le plus important désinvestissement net de notre échantillon est de – 4 600 millions de dollars. Les observations étant toutes strictement supérieu- res à – 5 000 millions de dollars, le ratio IDE

5 000 sera strictement supérieur à – 1 et par conséquent, 1 IDE

5000 est strictement positif. La nouvelle variable peut subir une transformation logarithmique (cf. gra- phique).

Cette transformation permet d’obtenir des données négatives, nulles ou positives, selon que la valeur de l’IDE est respectivement négative, nulle ou positive : IDE 0 1 IDE

5000 1 TOUT 0

IDE 0 1 IDE

5000 1 TOUT 0

IDE 0 1 IDE

5 000 1 TOUT 0 La même transformation est appliquée à l’investisse- ment entrant.

0

-6000 -4000 -2000

0 2000

4000 6000 8000 10000

-3 -2 -1 0 1 2 3 4 5

Graphique

Transformation de la variable IDE par log-linarisation*

* Cette transformation est appliquée aux variables entrant et sortant d’IDE, à savoir les FOUT et FIN (cf. annexe AI) de l’équation 1, devenant TOUT et TIN.

4. Le test statistique approprié rejette les Moindres Carrés Ordinaires. Et compte tenu de la nature des effets à contrôler, relevant de déterminants structurels plutôt que de comportements individuels aléatoires, une formulation à effets fixes est préférable à une formulation à effets aléatoires, ce qui est confirmé si l’on calcule le test correspondant.

5. En interprétant l’élasticité qui y est associée, on notera qu’il ne s’agit pasd’uneélasticitédesexportationsàlademande,mais à la demande normée.

(7)

Cette équation peut être utilisée en simulation pour rendre compte d’un univers théorique dé- pourvu d’IDE : cet « anti-monde » servira de référence pour juger de la situation réelle. On peut ainsi apprécier le pourcentage d’accroisse- ment des exportations bilatérales associé à l’existence de flux d’IDE entre chaque paire de pays (cf. tableau 1). On obtient des ordres de

grandeur très importants dans le cas des rela- tions entre États-Unis et Japon, notamment concernant les exportations japonaises vers les États-Unis (149 %). Cet écart ne semble pas cor- roborer les inquiétudes manifestées par le MITI japonais à l’encontre de l’IDE (cf. encadré 1).

Les relations commerciales entre Royaume-Uni et États-Unis apparaissent également fortement Encadré 4

LES EXPORTATIONS AU SEIN DE L’OCDE : UNE ÉQUATION D’EXPORTATION BILATÉRALE

L’équation suivante est estimée entre 21 pays OCDE sur la période 1980-1995. Le déclarant est noté i , le partenaire j et la période t .

Les pays sélectionnés sont les suivants :

Allemagne, Belgique-Luxembourg, Danemark, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Grèce, Suède, Espagne, Portugal, Autriche, Finlande, Norvège, Suisse, Canada, États-Unis, Australie, Japon et Nouvelle-Zélande.

ln Xi j t 12,76

120,19 0,689 85,36

. ln GDPPNj t 0,291 7,95

. DFGDPPi j t 0,048 6,21

. ln DFGDPPHi j t

0,718 58,51

. ln DISTij 0,838 18,90

. ln ADJij 0,109 2,87

. ln UEi j t

0,529 8,29

. ln TOUTi jt 0,438 6,25

. ln TINij t ei et [1]

n : 3011

R2ajusté: 89,43 % FValue:653,63 prob F:0,0001

Indice de conditionnement : 28,90 15,60 sans constante Test de Lagrange:71 558

Testde Hausman : 133

Statistique de Student entre parenthèses

Tableau 1

Accroissement des échanges bilatéraux associé à l’IDE en 1994 (Exportations de i vers j)

En % i j EU Jap All R-U Fra Ita P-B Blx Dan Fin Nor Suè Irl Aut Sui Esp Por Grè Can Aus Nzl

États-Unis (EU) - 86 70 98 63 35 0 32 7 4 9 14 15 4 47 18 2 0 99 17 6

Japon (Jap) 149 - 12 22 5 2 16 9 . 0 0 1 4 0 2 . . . 8 13 1

Allemagne (All) 9 1 - 38 21 - 7 20 12 0 - 2 - 1 - 3 10 7 . 8 4 1 0 0 0

Royaume-Uni (R-U) 101 3 21 - 14 9 62 6 2 1 7 9 5 1 - 1 8 3 . - 3 33 6

France (Fra) 42 2 19 35 - 14 15 26 1 1 0 - 2 4 1 6 . 1 1 2 0 .

Italie (Ita) 6 1 4 7 11 - 14 6 1 0 0 0 1 0 3 7 1 1 1 0 .

Pays-Bas (P-B) 17 0 17 38 7 6 - 17 1 1 3 20 9 2 20 4 . . 3 3 .

Belgique et

Luxembourg (Blx) - 1 - 4 44 -26 35 - 5 14 - 2 0 - 1 30 1 - 13 - 7 - 13 - 1 - 1 4 - 3 0

Danemark (Dan) 11 0 3 13 2 0 5 4 - 3 11 9 7 0 2 10 0 0 1 0 0

Finlande (Fin) 3 0 4 10 3 0 10 2 15 - 2 5 . . - 1 . . . 1 0 .

Norvège (Nor) 14 1 1 3 0 0 3 0 7 3 - 0 0 0 1 0 0 0 0 0 .

Suède (Suè) 10 1 - 4 6 - 10 0 58 0 0 5 - 2 - - 5 2 7 . . . 0 . .

Irlande (Irl) . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . .

Autriche (Aut) 1 0 7 1 0 0 0 1 . . . 0 . - 1 . 0 . 1 . .

Suisse (Sui) 47 - 2 16 23 11 1 11 4 1 . . 8 . . - - 1 . . . 0 .

Espagne (Esp) 21 3 15 - 1 14 9 12 10 0 1 0 0 1 0 6 - 5 0 0 0 .

Portugal (Por) 1 . 3 0 1 0 1 1 . . . 0 . . . 2 - . 0 . .

Grèce (Grè) . . . . . . . . . . . . . . . . . - . . .

Canada (Can) 86 6 . - 14 . . . . . . . . . . . . . . - . .

Australie (Aus) 20 2 0 29 3 . 3 2 . . . . 0 . . . . . 2 - 4

Nouvelle-Zélande (Nzl) 7 0 0 2 . . 11 0 . . . . . . . . . . 12 12 -

Source : simulation fondée sur l’équation 1 (cf. annexe II).

(8)

stimulées par l’IDE. La lecture de la première li- gne de ce tableau reflète la répartition géographi- que des IDE américains. L’Allemagne et la France s’y trouvent largement distancés par le Royaume-Uni et le Canada. La complémentari- té entre flux d’IDE et flux commerciaux se vé- rifie surtout pour les couples de pays situés dans le quadrant Nord-Ouest du tableau. Ce constat s’inscrit en faux des argumentaires usuellement développés : la complémentarité ne présente aucun caractère systématique.

Cette relation, obtenue en utilisant des données d’IDE total, doit maintenant être réexaminée au niveau des branches.

Une nouvelle approche fondée sur des données d’IDE sectorielles et bilatérales On se limite maintenant à une comparaison des cas américain et français. Ces deux pays entretiennent en effet des bases statistiques relatives à l’IDE suffisamment détaillées au niveau sectoriel et bilatéral, et sur une période suffisamment longue, pour autoriser une ana- lyse approfondie. L’IDE est encore appréhendé en flux. À nouveau, des équations d’échange de type gravitationnel sont estimées en panel, séparément pour chacun de ces deux pays fai- sant face à ses différents partenaires.

À cette fin, nous avons construit une base de données d’échange et de flux bilatéraux d’IDE, utilisant une nomenclature commune pour les deux types de flux. Les données françaises d’IDE étant plus détaillées, nous pouvons utili- ser la nomenclature française pour travailler sur les données françaises ; la comparaison en- tre résultats pour la France et pour les États- Unis se fera alors en utilisant une nomenclature commune, moins détaillée (6). Le degré de dé- composition sectorielle de la nomenclature doit en effet être le même si l’on veut pouvoir com- parer les coefficients estimés.

À la différence de l’approche globale du para- graphe précédent, les équations ne seront pas log-linéarisées (7). En effet, plus l’on descend à un niveau fin, plus le nombre de valeurs d’IDE nulles ou négatives augmente : les problèmes de correction deviendraient trop importants.

Les coefficients obtenus ne devront donc pas être interprétés comme des élasticités.

La base de données française comporte 20 812 observations correspondant à 43 pays partenai- res et 44 secteurs dont 19 relevant de l’industrie

ou de l’agriculture (8) (nous parlerons d’« in- dustrie » par commodité dans la suite) sur 11 an- nées (1984-94). La nomenclature américaine ne comporte que 22 secteurs y compris les ser- vices et agrège le secteur de l’agriculture dans

« autres industries ». Nous disposons alors de six secteurs « industriels » dont la liste est don- née dans le tableau 6. Nous utilisons la même période que pour la France et considérons 38 pays partenaires.

Si l’on se réfère aux approches théoriques rap- pelées au début de cet article, le degré de com- plémentarité ou de substitution entre flux d’IDE et d’échanges dépend largement du niveau d’analyse retenu. La substitution joue à plein au niveau de la firme. À l’autre extrémité, c’est au niveau macroéconomique global que la complémentarité s’avère maximum, les don- nées individuelles de branches et les données de l’industrie considérée globalement consti- tuant des cas intermédiaires. Aussi la stratégie d’estimation des équations d’exportation et d’importation bilatérales doit-elle tenir compte de cette particularité.

La démarche comporte trois étapes : dans un premier temps, estimation de la relation entre IDE et échanges internationaux au niveau des branches industrielles considérées séparément au sein d’un panel. Dans un second temps, nous traitons l’industrie comme un tout et réexami- nons cette relation. À cette occasion, la diffé- rence entre les coefficients estimés et ceux obtenus à l’étape précédente nous renseigne sur l’intensité des effets de stimulation de branche à branche : un investissement dans l’automo- bile peut avoir des retombées positives en matière d’exportation de composants électroniques. Si nous traitons l’industrie comme un tout, la rela- tion IDE-échanges observée rendra compte de cette retombée positive. Enfin, si nous traitons l’ensemble des secteurs comme un tout, nous captons d’éventuelles retombées entre les IDE dans les activités de services et les échanges de biens. Cette méthode assure ain- si une cohérence aux décontractions de l’équation globale en équations relatives à des

6. Cette opération implique une perte d’information et réduit la qualité des estimations. Les données françaises n’enregistraient pas les bénéfices réinvestis jusqu’à 1996. De plus, les données françaises considèrent comme secteur de destinaiton des IDE sortants le secteur investisseur, et le secteur de la filiale française en cas d’IDE entrant. Dans le cas des États-Unis au contraire, le Bureau of Economic Analysis considère systématiquement le secteur de la filiale.

7. Fontagné et Pajot (1998) proposent des estimations log-linéarisées et soulignent les difficultés de l’exercice.

8. Voir la liste de ces secteurs dans le tableau 10.

(9)

secteurs plus détaillés. En effet, elle permet de retrouver, au terme du parcours, la relation ma- croéconomique mentionnée dans la section précédente. Ainsi le cercle se trouve-t-il bouclé.

Cette modélisation est compatible avec celle utilisée précédemment, à quelques variantes près. Nous estimons séparément une équation d’exportations bilatérales et une équation d’im- portations bilatérales, pour chacun des panels asymétriques : France face à ses partenaires, États-Unis face à leurs partenaires. Cette modé- lisation se distingue donc de celle de la section précédente considérant un panel symétrique de 21 pays OCDE face à leurs 20 partenaires. No- tre échantillon comprend maintenant d’autres partenaires que les pays OCDE dans l’échan- tillon. Les variables explicatives retenues sont les suivantes (cf. annexes I et II) :

- Variables macroéconomiques : taille des mar- chés, approchée par la moyenne des PIB (9) du pays déclarant et de son partenaire commercial (AVRGDP), différences de taille des pays estimée par la mesure de Balassa-Bauwens (10) (DFGDP), demande de variété et niveau de vie approchés par la moyenne (11) des revenus par tête du déclarant et de son partenaire (AVRGDPH), intensité de l’avantage comparatif mesurée par la différence des revenus par tête (DFGDPH), coûts de transport approchés par la distance géographique (DIST), existence d’une frontière commune (variable muette ADJ), appartenance de chacun des partenaires à une union économique, à une zone de libre- échange ou à une union douanière (variable muette CPOL).

- Les variables sectorielles prendront des va- leurs identiques d’un pays à l’autre : la con- centration, les économies d’échelle, la part des emplois qualifiés dans l’emploi total du secteur, l’intensité en capital peuvent être uti- lisés. Dans tous les cas, le degré insuffisant de finesse de la nomenclature sectorielle est un obstacle important. Nous adopterons donc deux démarches distinctes. Tout d’abord, nous calculons les économies d’échelle pour une économie fictive agrégeant les firmes françaises, britanniques allemandes et ita- liennes, à un niveau élevé de détail de l’acti- vité (3 chiffres de la Nomenclature d’Activités de la Communauté européenne).

La productivité relative pondérée des plus de 500 employés par rapport aux moins de 500 employés est une mesure fruste, mais suffi- sante pour notre objet, de la pente de la

courbe de coûts (SCALE). La seconde solution consiste à capter l’ensemble des déterminants sectoriels non contrôlés dans un effet fixe par secteur, se substituant alors à la variable d’économies d’échelle. En fait, l’arbitrage entre ces deux solutions a des conséquences impor- tantes pour la spécification des équations, mais non pour leurs résultats.

- Finalement, l’IDE est intégré dans l’équation en distinguant ce qui relève de la dimension bilatérale (entrant : FIN, sortant : FOUT) et des relations avec les pays tiers (resp. FINOTH, FOUTOTH). Cette distinction est suggérée par les résultats mentionnés plus haut.

Les coefficients des variables macroéconomi- ques ont toutes le signe correct, sans qu’il soit besoin de détailler ici ces résultats. À l’inverse de ce que l’on constatait pour les pays de l’OCDE dans le cadre de l’approche globale précédente, et dans la mesure où nous intégrons ici non seulement des pays OCDE mais égale- ment des pays en développement, le signe de la variable d’intensité d’avantage comparatif de- vient compatible avec la théorie classique du commerce international. Cela peut précisément s’expliquer par l’adjonction aux pays de l’OCDE, de pays en développement.

Une modélisation pour traduire la géographie des échanges français Nous considérons dans un premier temps le panel de branches correspondant aux don- nées françaises ; ce panel a trois dimensions : industrie, pays partenaire de la France (desti- nation des exportations ou origine des impor- tations françaises), et période d’observation.

Nous adjoignons aux variables énumérées au paragraphe précédent un effet fixe sur les périodes, ainsi qu’alternativement un effet fixe portant soit sur les branches, soit sur les partenaires (12).

9. À la différence de la section précédente, nous sommes contraints d’utiliser des PIB au taux de change courant, plutôt que des PIB à parité des pouvoirs d’achat, pour ne pas surestimer la capacité d’importation des pays en développement présents dans notre échantillon (voir Fontagné et al. 1999) pour une analyse détaillée de cette difficulté pour le calcul des potentiels d’échanges avec les pays en transition.

10. La formule de cette normalisation classique est donnée dans l’annexe I.

11. En conformité avec la nouvelle théorie du commerce international, nous considérons le marché intégré formé par les deux pays pris en compte.

12. Hummels (1998) propose un traitement extensif de la question de l’introduction d’effets fixes dans les modèles de gravitation.

(10)

Une première spécification des équations bila- térales d’exportation et d’importations fran- çaises (équation [2]), juxtapose les variables macroéconomiques aux quatre variables d’IDE. L’arbitrage entre concentration et proximité (cf. Brainard, 1993b) est pris en compte par la combinaison de la variable d’économies d’échelle et d’un effet fixe sur les partenaires. Par exemple, la distance en- tre le déclarant et son partenaire est intégrée dans cet effet fixe, dans la mesure où nous n’avons ici qu’un seul déclarant. Les autres facteurs relatifs à l’histoire, à la langue ou à la culture communes sont également inté- grés par cette spécification.

Dans un second temps, nous utilisons une spé- cification des équations bilatérales d’exporta- tions et d’importations françaises (équation [3]), qui fait appel à une autre combinaison de variables pour rendre compte de l’arbitrage en- tre concentration et proximité : la variable d’économies d’échelle est abandonnée pour un

effet fixe sur les branches, contrôlant l’ensemble des spécificités sectorielles (intensité capitalisti- que, structures de marché etc.). Réciproque- ment, nous excluons l’effet fixe sur le partenaire et nous réintroduisons les variables de distance et de contiguïté.

Enfin, la robustesse des coefficients est véri- fiée en excluant les variables relatives à l’arbi- trage concentration-proximité et en intégrant alternativement des effets fixes sur les branches (équation [4]) ou les pays (équation [5]).

Finalement, les effets fixes illustrent parfaite- ment la « géographie des échanges français », au sens donné à ce terme par la nouvelle théorie du commerce international : l’importance des coûts de transaction, qu’ils soient associés à des coûts de transport, des structures de préfé- rences tarifaires et non tarifaires, ou des dimen- sions culturelles ou historiques, est un déterminant important des échanges (Hummels, 1996) (cf. encadré 5).

Tableau 2

Équations d’exportation : France, 1984-1994, panel de 19 branches

Variables (1)

Effet sur les périodes et sur les...

... partenaires (1) ... branches (1)

... branches (intro. coûts de transaction) (1)

... partenaires (intro. économies

d’échelle) (1)

Équation [5] Équation [4] Équation [3] Équation [2]

Constante - 77,47 124,65*** 18,382 - 233,75***

- 1,439 8,858 1,225 - 3,669

FOUT 0,497*** 0,487*** 0,491*** 0,541***

7,336 6,706 7,232 7,767

FIN 0,293*** 0,388*** 0,284*** 0,111

2,950 3,626 2,841 1,124

FOUTOTH 0,042*** 0,002 0,002 0,082***

4,561 0,168 0,174 8,173

FINOTH 0,154*** 0,032* 0,034** 0,085***

10,476 1,854 2,141 5,506

AVRGDP 0,0004*** 0,0003*** 0,0002*** 0,0005***

11,499 20,926 24,258 12,646

DFGDP - 173,65** - 367,77*** - 183,06 - 199,41**

- 2,052 - 21,840 - 11,036 - 2,111

CPOL 166,20*** 409,33*** 247,95*** 189,12***

3,642 41,399 22,612 3,713

SCALE 100,84***

5,725

ADJ 490,55***

35,343

DIST - 0,0029***

- 3,297

R2ajusté 0,482 0,40 0,48 0,55

Test de Fisher 140,55 167,37 217,24 143,78

Nombre d’observations 8987 8987 8987 7095

Test de Lagrange 49723 24055 30919 47222

Test de Hausman 37,18 6,97 (0,4) 3,34 (0,9) -

Indice de conditionnement 7,5 (2,7) 7,5 (2,7) 9,1 (3,6) 16,4 (6,5)

1. On se reportera à l’annexe I pour la signification des variables, à l’annexe II pour le détail des équations.

Lecture : les statistiques de Student sont en italique.

*** : test significatif à 1 % ;

** : significatif à 5 % ;

* : significatif à 10 %.

Tests entre parenthèse : sans constante.

Source : base de données constituée à partir de données de la Banque de France, du Chelem et du FMI.

(11)

France : la complémentarité joue également à un niveau sectoriel fin

Dans le cas français, la complémentarité entre échanges et flux d’IDE, déjà mise en évidence au niveau macroéconomique global, se confirme également au niveau sectoriel. Les tableaux 2 et 3 présentent les estimations correspondant aux équations [2] à [5] données dans l’annexe II, en considérant trois dimensions : partenaire j, indus- trie k et année t. L’indice i correspond systémati- quement à la France. Ainsi, chaque dollar additionnel d’investissement direct français à l’étranger est associé à 54 cents d’exportations additionnelles et à seulement 24 cents d’impor- tations additionnelles, dans l’industrie considé- rée, et vis-à-vis du partenaire considéré (13).

Ainsi, malgré les effets de substitution pou- vant exister au niveau des branches indivi- duelles (cf. tableau 10), l’hypothèse de

complémentarité entre flux commercial et flux d’IDE se trouve validée. Ceci ne signifie pas pour autant, nous y reviendrons, que cette situa- tion soit systématiquement vérifiée pour cha- que industrie, ou vérifiée avec la même intensité. Enfin, d’autres mesures de l’activité internationale des firmes, comme la production à l’étranger ou les stocks d’IDE pourraient don- ner des résultats divergents.

Par ailleurs, la complémentarité de l’IDE sor- tant avec les échanges ne joue pas seulement sur les exportations. Les importations du pays émetteur de l’IDE en provenance du pays hôte augmentent également en cas d’investissement sortant. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que

Tableau 3

Équations d’importation : France, 1984-1994, panel de 19 branches

Variables (1)

Effet sur les périodes et sur les...

... partenaires ... branches

... branches (intro. coûts de transaction)

... partenaires (intro. économies

d’échelle)

Équation [5] Équation [4] Équation [3] Équation [2]

Constante 59,367 1,512 - 42,93*** - 120,14**

1,380 0,092 - 2,720 - 2,242

FOUT 0,235*** 0,177* 0,197** 0,245***

2,843 1,920 2,270 2,930

FIN 0,407*** 0,606*** 0,465*** 0,153

3,356 4,469 3,641 1,285

FOUTOTH 0,047*** 0,007 0,006 0,046***

4,229 0,386 0,380 3,826

FINOTH 0,088*** 0,009 0,012 0,046***

4,930 0,420 0,609 2,512

AVRGDP 0,0003*** 0,0003*** 0,0003*** 0,0004***

8,035 23,953 23,960 9,472

DFGDPH - 0,015*** - 0,011*** - 0,008*** - 0,019***

- 7,214 - 11,607 - 8,685 - 8,037

CPOL 91,421* 467,25*** 281,53*** 93,976

1,667 35,132 20,634 1,561

SCALE 145,43***

6,882

ADJ 570,40***

34,121 DIST

R2ajusté 0,44 0,30 0,38 0,56

Test de Fisher 120,36 109,29 151,62 147,31

Nombre d’observations 8987 8987 8987 7095

Test de Lagrange 54819 5993 7626 67253

Test d’Hausman 21,60 11,91 (0,11) 9,65 (0,29) -

Indice de conditionnement 6 (2,9) 6 (2,9) 6 (3) 16 (5,4)

1. On se reportera à l’annexe I pour la signification des variables, à l’annexe II pour le détail des équations.

Lecture : les statistiques de Student sont en italique.

Seuil de significativité :

*** : test significatif à 1 % ;

** : significatif à 5 % ;

* : significatif à 10 %.

Tests entre parenthèses : sans constante.

Source : base de données constituée à partir de données de la Banque de France, du Chelem et du FMI.

13. Se reporter aux résultats de l’équation [2], donnés dans la dernière colonne des tableaux 2 et 3. Nous prenons ici en compte les coefficients sur la première ligne (0,54 et 0,245).

Ces coefficients sont significatifs au seuil de 1%.

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