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Avis 09-A-20 du 09 juin 2009

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RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

Avis n° 09-A-20 du 9 juin 2009

relatif à un accord dérogatoire aux délais de paiement dans le secteur des produits aciers

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre du 17 mars 2009, enregistrée sous le numéro 09/0044 A, par laquelle le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a saisi l’Autorité de la concurrence d'une demande d'avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement concernant le secteur des produits acier (armement du béton) conclu le 26 février 2009 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu l’article 21-III de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 13 mai 2009 ;

Les représentants des organisations professionnelles signataires de l’accord dérogatoire entendus sur le fondement des dispositions de l’article L. 463-7 du code de commerce ;

Est d’avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes.

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1. Le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a saisi, le 17 mars 2009, l’Autorité de la concurrence d’une demande d’avis portant sur un accord dérogatoire en matière de délais de paiement concernant le secteur des produits acier, sur le fondement de l’article 21-III de la loi de modernisation de l’économie, en date du 4 août 2008.

2. Ce dernier texte a instauré un délai de paiement maximal de 45 jours fin de mois ou de 60 jours nets pour les transactions entre entreprises, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2009. L’article L. 441-6 du code de commerce, neuvième alinéa, dans sa rédaction issue de l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, dispose en effet que, à compter du 1er janvier 2009, « le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture ». En l’absence de convention, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. Les professionnels qui ne respecteraient pas ces dispositions s’exposent aux sanctions de l’article L. 442-6-III du code de commerce, et notamment à une amende civile.

3. Toutefois, le III de l’article 21 de la loi du 4 août 2008 prévoit une possibilité de dérogation temporaire. Un accord interprofessionnel permet en effet de différer l’application du délai légal de paiement dans le secteur économique concerné à la condition que des raisons économiques particulières à ce secteur justifient ce report et qu’une réduction progressive des délais pratiqués soit mise en place par cet accord pour parvenir au délai légal au plus tard le 1er janvier 2012.

4. L’accord doit être approuvé par un décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence, qui peut prévoir son extension à l’ensemble des entreprises dont l’activité relève des organisations professionnelles signataires de l’accord.

5. La disposition législative est rédigée dans les termes suivants :

« III. Le 1° du I ne fait pas obstacle à ce que des accords interprofessionnels dans un secteur déterminé définissent un délai de paiement maximum supérieur à celui prévu au neuvième alinéa de l’article L.441-6 du code de commerce, sous réserve :

1°) Que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;

2°) Que l'accord prévoie la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal et l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect du délai dérogatoire fixé dans l'accord ;

3°) Que l'accord soit limité dans sa durée et que celle-ci ne dépasse pas le 1er janvier 2012.

Ces accords conclus avant le 1er mars 2009, sont reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret pris après avis du Conseil de la concurrence.

Ce décret peut étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord. »

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I. Le cadre économique et juridique des accords dérogatoires en matière de délais de paiement

Le crédit que les entreprises s’accordent dans leurs échanges commerciaux, communément dénommé délais de paiement, recouvre des enjeux économiques et concurrentiels.

A. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE

6. Le crédit commercial interentreprises représente, selon les données de la centrale des bilans de la Banque de France pour l’année 2005, un montant de 604 milliards d’euros pour l’ensemble de l’économie, qui est à rapprocher de l’encours de 133 milliards d’euros pour le crédit bancaire à court terme.

7. Au plan international, les comparaisons effectuées par la Banque de France pour 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Italie, Japon et Etats Unis) montrent que la France est, après l’Italie, le pays ayant les règlements les plus tardifs, avec une tendance longue à l’augmentation du poids des dettes fournisseurs dans le total des bilans des entreprises.

8. Les délais de paiement importants accordés aux clients pèsent sur la trésorerie des entreprises lorsqu’ils ne sont que partiellement compensés par les délais obtenus des fournisseurs. Le besoin de financement ainsi créé par l’exploitation est couvert par l’endettement bancaire, direct (crédits de trésorerie) ou indirect (mobilisation des créances commerciales et affacturage), ce qui pose deux problèmes aux entreprises :

− en premier lieu, le volume de financement et son coût dépendent de la taille de l’entreprise et de la perception de son secteur d’activité par la banque : autant de critères peu favorables d’une façon générale aux PME et aux entreprises en position de sous-traitance ;

− en second lieu, les ressources mobilisées le sont aux dépens du financement de la croissance de l’activité, de l’innovation et de l’investissement. Une telle situation est préjudiciable au développement de l’entreprise, mais aussi à la pérennité et à la vitalité du tissu industriel de PME, dès lors que le phénomène est généralisé à un secteur d’activité.

9. Les délais excessifs représentent, en conséquence, un risque économique et financier pour le partenaire le plus faible, la filière concernée, voire l’économie locale.

10. L’importance du crédit interentreprises accroît les risques de défaillances en cascade d’entreprises, le défaut de paiement se propageant aux entreprises de la filière ainsi qu’aux autres fournisseurs, avec leurs conséquences économiques et sociales à l’échelle d’une localité ou d’une région.

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B. L’ENJEU CONCURRENTIEL

11. Parallèlement, les délais de paiement représentent un avantage financier pour l’acheteur, qui n’a pas à payer comptant, et viennent réduire le prix de revient effectif de ses achats.

12. Les délais de paiement affectent ainsi les conditions de concurrence. Les délais obtenus de ses fournisseurs par une entreprise et sa capacité à obtenir leur allongement ont un impact direct sur sa compétitivité par rapport à ses concurrents sur le marché, en lui procurant une trésorerie gratuite pour financer son exploitation et son développement.

13. A côté d’autres éléments, comme par exemple le prix unitaire, la politique de remises, le volume acheté, la durée du contrat ou l’achalandage, les délais de paiement doivent être appréciés comme un des éléments de la relation commerciale entre entreprises, qui doit résulter du libre jeu de la concurrence dans le respect des prescriptions légales qui s’imposent aux acteurs économiques.

14. La logique concurrentielle pousse les différentes formes de distribution à se distinguer suivant certaines caractéristiques, parmi lesquelles les délais de paiement.

C. L’EXTENSION DES ACCORDS DÉROGATOIRES À L’ENSEMBLE DES ENTREPRISES D’UN SECTEUR

15. Un accord dérogatoire a pour effet de donner aux entreprises concernées la possibilité d’obtenir, dans leurs relations avec leurs fournisseurs, des délais de paiement plus favorables que le délai légal de 60 jours nets, pendant la durée de la validité de l’accord.

Les entreprises couvertes par l’accord dérogatoire bénéficient ainsi d’un avantage.

16. Une distorsion de concurrence pourrait résulter de ce qu’un accord ne s’applique pas à l’ensemble des entreprises placées dans une situation comparable quant à l’exercice de leur activité.

17. Ce risque potentiel pour le jeu de la concurrence est pris en compte par l’article 21-III de la loi du 4 août 2008, qui ouvre la possibilité pour le décret validant un accord interprofessionnel conclu dans un secteur déterminé « d’étendre le délai dérogatoire à tous les opérateurs dont l’activité relève des organisations professionnelles signataires de l’accord ».

18. L’extension par décret d’un accord dérogatoire a ainsi pour effet pratique d’appliquer le dispositif de cet accord à la totalité des entreprises relevant des organisations professionnelles signataires, que ces entreprises soient adhérentes ou non à l’une de ces organisations.

19. A titre général, l’Autorité de la concurrence considère donc que l’extension est souhaitable pour toutes les demandes d’accord dérogatoire en matière de délais de paiement.

20. Ce principe posé, plusieurs questions peuvent être soulevées au regard de l’objectif d’assurer la plus grande neutralité possible des accords dérogatoires au regard de la concurrence.

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21. En premier lieu, le champ retenu par le décret d’extension devra être traité. Les accords déjà conclus donnent en effet lieu à des demandes d’adhésion de la part d’organisations professionnelles qui n’étaient pas parties aux négociations. Il semble peu conciliable avec le jeu de la concurrence de laisser aux seules organisations signataires de l’accord initial la décision d’accepter ou de refuser ces nouvelles demandes, sans que l’administration exerce un contrôle.

22. L’Autorité recommande en ce sens au ministre de préciser le champ d’application de l’extension dans le décret, afin de faciliter l’application et le contrôle des règles en matière de délais de paiement et de prévenir les contentieux.

23. L’autre question concerne le cas des entreprises présentes sur différents secteurs ou activités, dont une activité, sans être la principale, est couverte par un accord dérogatoire existant. Cette situation concerne les cas de figure distincts de la grande distribution généraliste et des industriels multi-activités.

24. Premier cas de figure, la grande distribution généraliste (hypermarchés et supermarchés) est en concurrence, au moins sur une partie de l’offre, avec les distributeurs spécialisés.

Elle pourrait ainsi souhaiter bénéficier des accords dérogatoires en matière de délais de paiement conclus par des distributeurs spécialisés avec leurs fournisseurs.

25. Pour se prononcer sur ce point, l’Autorité procèdera, dans chaque cas d’espèce, à une analyse et à une comparaison des caractéristiques de l’offre commerciale de chaque circuit de distribution.

26. Toutefois, deux remarques générales peuvent être avancées :

− d’une part, les délais de paiement ne constituent qu’un élément parmi d’autres définissant la relation commerciale entre un acheteur et son fournisseur. Comme il a déjà été dit, il est dans la logique de la concurrence entre les différentes formes de distribution que chacune se singularise sur tel ou tel élément de la relation commerciale ;

− d’autre part, le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n’ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives.

27. Le second cas de figure porte sur les fournisseurs présents, non pas à titre principal mais pour une partie secondaire de leur activité, dans un secteur couvert par un accord dérogatoire.

28. Dans cette hypothèse, l’accord dérogatoire peut créer une distorsion de concurrence entre les fournisseurs relevant des organisations signataires, qui pourront appliquer des délais plus longs jusqu’à fin 2011, et ceux non couverts par l’accord, qui sont face à l’alternative de se placer dans l’illégalité ou de risquer de perdre un client si celui-ci leur demande d’appliquer le délai dérogatoire.

29. Ces risques de distorsion, qui n’appellent pas de réponse évidente à la lecture des dispositions législatives précitées, devront être traités au cas par cas, en gardant à l’esprit qu’ils n’auront qu’une durée limitée, compte tenu de la portée seulement transitoire des accords dérogatoires.

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II. L’accord dérogatoire présenté

A. LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES SIGNATAIRES

30. L’accord dérogatoire de la filière des produits aciers pour la construction (armement du béton) a été conclu entre 13 organisations professionnelles représentant les producteurs et distributeurs de produits en acier, les fabricants de produits en béton, les négociants et les entreprises du bâtiment et des travaux publics.

31. Les organisations professionnelles représentant les producteurs et distributeurs de produits en acier sont la Fédération Française de l’Acier (FFA) et la Fédération Française de la Distribution des Métaux (FFDM).

32. La FFA couvre la totalité de la production française d’acier brut et représente un chiffre d’affaires de 24,5 milliards d’euros et 52 000 emplois, et la FFDM représente 80 % des entreprises de distribution des métaux, pour un chiffre d’affaires consolidé de la profession de 8,5 milliards d’euros.

33. L’organisation professionnelle des fabricants de produits en béton est la Fédération de l’Industrie du Béton (FIB), qui représente 664 entreprises en 2007, avec 916 centres de production, pour un chiffre d’affaires de 3,1 milliards d’euros et 32 millions de tonnes de produits en béton.

34. S’agissant des distributeurs et utilisateurs des produits aciers, on retrouve les organisations professionnelles déjà signataires de l’accord dérogatoire pour les délais de paiement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui a fait l’objet d’un avis favorable de l’autorité en date du 19 mars 2009 (avis n° 09-A-06).

35. Les négociants sont représentés par 4 fédérations professionnelles :

− la Confédération du Négoce de Bois et Matériaux de construction (CNBM) ;

− la Fédération du Négoce des Matériaux de Construction (FNMC), avec 85 % des 4 400 points de vente adhérents ;

− la Fédération Française du Négoce de Bois (FFNB), avec 80 % des 800 points de vente adhérents ;

− et la Fédération des Coopératives d’achat pour les Artisans du Bâtiment (FORCAB),

avec 4 500 entreprises adhérentes.

36. Les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont représentées par 6 organisations professionnelles :

− la Chambre Nationale de l’Artisanat, des Travaux Publics et des activités annexes (CNATP) ;

− la Fédération Française du Bâtiment (FFB), qui regroupe des syndicats organisés par métier, soit 57 000 entreprises du bâtiment (constructeurs, démolition, charpente, génie électrique, …) ;

− la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) pour le secteur de la construction, avec 100 000 adhérents ;

− la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP), avec 8 000 entreprises adhérentes ;

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− la Fédération Nationale des Sociétés Coopératives de Production du Bâtiment et des Travaux Publics (FNSCOP BTP) ;

− la Fédération Française des Artisans Coopérateurs du Bâtiment (FFACB).

B. L’ACTIVITÉ CONCERNÉE PAR L’ACCORD

37. Le secteur d’activité concerné par l’accord dérogatoire est celui des produits aciers pour la construction, qui sont destinés à l’armement du béton. Ces produits correspondent à une nomenclature technique strictement définie et font l’objet d’un recensement exhaustif dans l’accord. Par grandes familles d’emploi, il s’agit des produits crénelés ou nervures (barres, couronnes et fils), des treillis soudés, des treillis raidisseurs, des armatures, des fibres en acier, des fils et torons de précontrainte.

38. Le marché des produits aciers sidérurgiques concernés par le présent accord était en 2008 de 1 784 000 tonnes, dont 1 233 000 tonnes produites en France.

39. L’acier est fabriqué selon deux techniques : la filière fonte et la filière électrique. Dans le cas de la filière fonte qui représente 60 % de la production de la filière, le minerai est transformé dans des hauts fourneaux. La filière électrique procède par transformation de la ferraille pour obtenir des produits longs et des aciers spéciaux inoxydables.

40. Ce sont ces produits longs qui sont destinés à l’acier pour béton. Il en est utilisé environ 2 millions de tonnes par an en France dont 35 % sont importés : 1,7 million de tonnes est destiné à l’acier pour béton.

41. Les familles de produits en béton sont les suivantes : blocs, planchers, tuiles, conduits, éléments de construction, tuyaux, voirie, épuration et clôtures. Près de 35 % du chiffre d’affaires de cette industrie est réalisé avec des produits en béton armé et béton précontraint, comportant donc des aciers.

42. 60 % du chiffre d’affaires réalisé par l’industrie du béton est réalisé dans le secteur du bâtiment et 40 % dans les travaux publics.

43. La distribution des produits est réalisée par les négociants auprès de 300 000 petites entreprises et artisans. Elle fournit les entreprises du BTP et les armaturiers.

44. Les armaturiers transforment l’acier et réalisent également la mise en coffrage sur les chantiers. Leurs clients sont essentiellement les entreprises du BTP. Le chiffre d’affaires des armaturiers est compris entre 2 et 3 milliards d’euros.

45. Pour le secteur des travaux publics, 70 % de la clientèle est composée de collectivités ou d’entreprises publiques ou parapubliques. Dans le cadre de cet accord, il s’agit principalement de génie civil et de réalisation d’ouvrages d’art (ponts, barrages).

III. L’analyse de l’Autorité de la concurrence

46. La reconnaissance par décret d’un accord dérogatoire est soumise à une double condition :

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− en premier lieu, le secteur concerné doit présenter une ou plusieurs raisons économiques objectives et spécifiques, celles-ci pouvant notamment expliquer des niveaux élevés de délais de paiement et de stocks constatés en 2007 dans cette activité ;

− en second lieu, l’accord doit mettre en place une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours nets date de facturation, au plus tard le 1er janvier 2012.

47. En complément de ces critères posés par l’article 21-III de la loi du 4 août 2008, l’accord dérogatoire ne doit pas comporter de clauses contraires aux règles de concurrence.

L’exercice du contrôle sur ce point va de soi, dès lors que le législateur a prévu l’avis de l’Autorité de la concurrence préalablement à l’adoption du décret validant un accord.

48. Ces différentes questions seront abordées successivement.

A. LE NIVEAU DES STOCKS ET DES DÉLAIS DE PAIEMENT DE L’ACTIVITÉ EN 2007

49. Les organisations signataires ont communiqué des données succinctes relatives aux niveaux des délais de paiement et des stocks dans leur activité à l’appui de leur accord dérogatoire, sans préciser leur mode de calcul ou la source de référence.

50. Elles ont seulement mentionné une pratique de délais de paiement longs, de l’ordre de 70 à 80 jours fin de mois, qu’elles expliquent par la multitude des intervenants lors de la réalisation d’un chantier et l’absence par nature de production en série.

51. Les signataires se réfèrent aussi à l’étude du secteur effectuée en 2007 par BTP-Banque, que la FFB avait produite lors de l’instruction du précédent avis n° 09-A-06 relatif à un accord de délais de paiement dérogatoires dans le BTP.

52. Cette étude indique un crédit fournisseur moyen équivalent à 89 jours d’achat sur un échantillon de 3 326 entreprises du bâtiment et de 100 jours pour un échantillon de 662 entreprises du secteur des travaux publics. Parallèlement, l’étude isole les seules entreprises de maçonnerie-gros œuvre au sein des entreprises du bâtiment, qui sont les premiers utilisateurs des produits aciers pour béton, et met en évidence un délai de paiement de leurs fournisseurs par ces entreprises de 93 jours.

53. Concernant le taux de rotation des stocks, les organisations signataires estiment qu’il est d’environ 70 jours mais sans apporter plus de précisions. Elles reprennent également la moyenne observée pour la filière BTP prise dans son ensemble (source interne), qui est une vitesse de rotation des stocks d’environ 70-80 jours.

54. Les chiffres ainsi disponibles ne peuvent cependant pas être recoupés avec les résultats de l’Observatoire des délais de paiement de la Banque de France, qui n’établit pas de compte spécifique correspondant aux produits aciers pour le béton. Toutefois, l’Observatoire suit les délais de l’activité « Fabrication de tubes, tuyaux, profilés en acier » (compte NAF 24.20Z), soit un périmètre beaucoup plus large que celui concerné au cas présent. Les délais de règlement supportés par ces fabricants donnent une indication des pratiques des utilisateurs des produits aciers en matière de paiement de leurs fournisseurs. Le délai moyen est de 76 jours, soit un résultat proche de l’estimation de 70-80 jours donnée par la profession. Ces délais apparaissent par ailleurs supérieurs à la moyenne observée par l’Observatoire pour l’ensemble de l’économie (45 jours) ou l’industrie (54 jours).

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55. La prise en considération de ces différentes sources d’information permet de présumer que les délais de paiement dans l’activité produits aciers sont élevés au sens de l’article 21-III de la loi du 4 août 2008. Néanmoins, des données précises et propres à ce secteur d’activité auraient été tout à fait souhaitables.

B. L’EXISTENCE DE RAISONS ÉCONOMIQUES SPÉCIFIQUES AU SECTEUR

56. Les organisations professionnelles concernées n’indiquent dans le texte même de l’accord aucune justification à leur demande de délai dérogatoire.

57. Elles renvoient aux raisons déjà mentionnées dans l’accord signé entre les organisations professionnelles du bâtiment et travaux publics et les organisations professionnelles de producteurs et négociants de matériaux de construction (avis n° 09/A/06 précité).

58. Elles ont communiqué ultérieurement à l’Autorité de la concurrence un argumentaire qui reprend en très grande partie celui du secteur du BTP. Les données économiques relatives aux produits aciers n’y sont pas développées.

59. Pour rappel, les raisons invoquées dans l’accord relatif au secteur du BTP et que les parties de l’accord concernant les produits aciers reprennent sont :

− une gestion administrative et technique des marchés complexe où les incidents d’exécution sont fréquents (retards de démarrage, intempéries, défaut de décision et de coordination technique) ;

− des modalités de règlement diversifiées : la règle est le paiement d’acomptes mensuels dans les marchés de travaux d’une certaine importance mais leur règlement est parfois tardif en raison de la date de conclusion du marché, des approvisionnements en matériaux, de la fabrication en atelier et de la mise en œuvre des ouvrages sur le chantier ;

− un modèle économique reposant sur un crédit interentreprises long et important permettant aux fabricants d’accroître leurs débouchés et aux négociants de proposer un grand nombre de références ;

− le poids prépondérant des PME dans la filière comportant un très grand nombre d’entreprises (371 651), dont 93 % emploient moins de 10 salariés, dans le bâtiment et 82 % pour les travaux publics, selon les statistiques du ministère en charge de l’équipement.

60. La FIB précise que la signature du précédent accord BTP, qui concerne à la fois son aval et pour partie son amont, a pour conséquence un déséquilibre financier significatif pour les entreprises de l’industrie du béton, rendant nécessaire le présent accord.

61. Les organisations parties à l’accord indiquent également une situation économique particulièrement difficile pour leur secteur, qui se matérialise aujourd’hui par des carnets de commandes avec une visibilité réduite à quelques semaines.

62. De plus, l’existence d’accords dérogatoires de délais de paiement déjà approuvés (avis n° 09-A-06 pour le BTP et n° 09-A-07 pour les matériels électriques et sécuritaires) rend, en pratique, difficile d’exclure certaines activités de la filière du bénéfice de la période de transition prévue par la loi pour l’application du délai légal de paiement.

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C. LE CALENDRIER DE RÉDUCTION DES DÉLAIS DE PAIEMENT CONVENU PAR LES PARTIES

63. L’article 21-III de la loi du 4 août 2008 prévoit la mise en place par l’accord interprofessionnel d’une réduction progressive des délais de paiement dérogatoires, afin de parvenir au délai légal de 45 jours fin de mois ou 60 jours nets au plus tard le 1er janvier 2012.

64. Les engagements pris par les signataires s’appliquent exclusivement aux produits en acier pour la construction (béton).

65. Les organisations professionnelles se sont engagées sur le calendrier suivant :

1ER JANVIER 2009 1ER JANVIER 2010 1ER JANVIER 2011

Délais maximums fin de mois 70 jours 60 jours 45 jours

NB : par 70 jours fin de mois, il faut entendre : « toutes les factures émises au mois de janvier 2009 seront payées au plus tard le 10 avril 2009 ».

66. La période d’adaptation prévue par l’accord est limitée à deux années, soit une durée inférieure à la possibilité admise par la loi du 4 août 2008, et le caractère progressif de la réduction des délais dérogatoires exigé par la loi est effectivement mis en place dans des conditions pouvant être considérées comme réalistes. Enfin, l’accord réserve la possibilité aux entreprises de fixer des délais plus courts si elles le souhaitent.

67. L’accord pour les produits aciers doit, toutefois, être rapproché des deux autres accords dérogatoires concernant la filière BTP déjà approuvés par des décrets du 29 avril 2009, respectivement pour les matériaux de construction (ayant donné lieu à un avis favorable de l’Autorité n° 09-A-06) et pour les matériels électriques et sanitaires (avis favorable n° 09-A-07).

68. Ces deux derniers accords prévoient une durée de dérogation fixée à 3 ans, au lieu de 2 ans pour l’accord produits aciers. Les trois accords fixent les mêmes délais dérogatoires pour 2009 et 2010, respectivement 70 et 50 jours, mais l’accord produits aciers applique le délai légal dès 2009, alors que les deux autres accords prévoient encore un délai dérogatoire de 50 jours pour cette année.

69. Ce décalage aura pour effet de compliquer la gestion des entreprises du secteur du BTP et les contrôles effectués par l’administration. En séance, le représentant des entrepreneurs du BTP a certes regretté cette complexité, mais précisé qu’il s’agissait du résultat de négociations séparées et qu’une telle solution restait préférable pour l’équilibre financier de ces entreprises à l’absence de dérogation.

70. L’Autorité ne peut que prendre acte de ces raisons et du dispositif proposé pour les produits aciers, en notant qu’un ajustement sur une durée plus courte est de toute façon préférable étant donné l’objectif d’ordre public constitué par l’instauration d’un délai légal maximum de paiement et du caractère temporaire des dérogations admises par la loi.

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D. LES DISPOSITIONS PRÉVUES À L’ARTICLE 6 DE L’ACCORD

71. L’article 6 de l’accord prévoit que : « Si constat était fait que des opérateurs ne respectaient pas les dispositions de l’accord ou mettaient en place des procédés ou des pratiques abusives afin de ne pas appliquer, voire détourner, ces dispositions (notamment via des factures émises à l’étranger), une ou plusieurs organisations professionnelles signataires de l’accord pourront saisir, au nom de leurs adhérents lésés, la Commission d’Examen des pratiques commerciales, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que les services du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi afin que ces derniers procèdent à une action visant à faire respecter les dispositions de l’accord. »

72. Cet article ne fait que reprendre le droit existant, de sorte que sa présence dans l’accord est superfétatoire. L’existence d’un tel article au sein d’un accord dérogatoire n’est donc pas justifiée au regard de la bonne application des règles de concurrence.

73. Interrogées au cours de la séance sur la portée de cette disposition, les parties signataires ont assuré qu’elle avait pour seul objet de veiller à l’application uniforme de l’accord par chaque intervenant de ce secteur.

74. Il ne faudrait toutefois pas qu’il donne lieu à une forme de police de la profession destinée à faire respecter les délais de paiement prévus par l’accord dérogatoire, dont il faut encore une fois rappeler qu’ils ont le caractère de délais maximum, les entreprises pouvant librement décider de délais plus courts pour régir leurs relations bilatérales.

75. En séance, les organisations signataires se sont engagées à supprimer cet article.

E. LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE ÉVENTUELLES INHÉRENTES AU PÉRIMÈTRE DE L’ACCORD

76. Les organisations signataires n’ont pas exprimé dans le texte de l’accord le souhait de le voir étendre aux entreprises relevant de leur secteur d’activité. Interrogées sur ce point, elles ont indiqué ne pas s’y opposer.

77. L’extension de l’accord à l’ensemble des entreprises de ce secteur est, par principe, souhaitable, afin d’éviter des distorsions de concurrence entre les adhérents des organisations signataires et les non adhérents. En outre, il permet au cas d’espèce de rendre partiellement homogènes les règles en matière de délais de paiement applicables aux différentes composantes de la filière BTP prise dans son ensemble.

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CONCLUSION

L’Autorité de la concurrence émet un avis favorable à la reconnaissance, par décret, de la conformité de l’accord du 26 février 2009 avec les conditions posées par la loi et propose son extension aux opérateurs non adhérents relevant des mêmes conditions d’activité que les adhérents. Elle recommande la suppression de l’article 6 de l’accord.

Délibéré sur le rapport oral de M. Philippe Sauze et sur l’intervention de M. Pierre Debrock, rapporteur général adjoint par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mme Anne Perrot et M. Patrick Spilliaert, vice-présidents.

La secrétaire de séance, Véronique Letrado

La vice-présidente, Françoise Aubert

© Autorité de la concurrence

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