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Traduction du texte et tradition du sens dans le domaine juridique normatif

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(1)

.TRADUCTION DU TEXTE ET TRADITION DU

SENS

DANS LE DOMAINE JURIDIQUE NORMATIF

JACQtiES PELAGE / E'

S.

I. T.

(Paris) Le mot français « tradLtctiotl » r'iettt du verbe lalin lrutlttc'are, qui signifie liftéralement »tài|e ltasser ». De prime abord, l'empioi dtt terr.ne « traduction » ne devrait pils poser de problème particLrlier. Ce- peridant, dès

qu'il s'agit

de savoir ce clue l'on fait pasSer, otl cotlltnetlt et à qui on le fait passer, tout se broLrille et les théories s'alft"olttellt art point que les traductertrs eux-lnêtlles s'interrogettt sur Iettrs tâcltes quo- tidiennes.

A la

qr-restiott « qtle tracltril-tllt'l r> ccrtaills répollcletlt: des langues

ori

des signes linguistiqLres.

Il

elst coll\ ellLl d'appeler cette

forme de

« traduction

»

« tratrscoclagc

».

I)'aLttres t'éllottcleilt

:

des

« discours », opposant ainsi à la signiiicatiorl cles lllols l-lll sens dtr dis- cours intégrant des éléntettts extra-iirlgtlistiqLtes, et sitLtatlt celLri-ci dans

un prOceSSLls de cot.tttnunicatioit elltre 1'émettettr d'rtl.t InesSage

et

le destinataire de celtri-ci. processtls qtti sLtpl.rose Llll savoir partagé erltre ces dentiers et ulte parl d'irnplicite. La tradLtctioll aitlsi collçLte sLlppose clonc une phase de compréhensitttt clu diScor-rrs origirlal, relldlle possi- ble par une interprétatiott pertttettant de dépasser le « dit » otl « dire » cle l'auteur du tnessa-9e potrr clégager son « vouloir-dire », lequel de-

vient Ie (( selr ». déverbalisé puis refortnulé dans la lan-que d'arrivée.

Les choses se corlpliqr-rent quattd, par tlll raccotlrci oLr trrt glis- selreut imperceptible, on frnit par Ltser d'expressiotls. à notre ltr-rmble

avis perniciellsesl telles que « traduire le selts », quand le tradttcteLtr le transmet, « le fait passer », apres avoir dégagé du discours Ie votrloir- dire de l'auteur. Par ailleurs, ia traclLrction impliqLrant ttne itlterprétatiott dr-r disôours, lorsque

l'on

parle de « tradttction du sells

»

le risque est grand de glisser vers «

f

interprétation du selts ». Le rôle dtt tradttctettl:

cleviendrait alors presqr-re sans lirrrte. Or l'approche des textes .jLrridi- qr-res rappelle au traducter-tr

qlte le

clroit atlssi est

ttlle

scietlce de

l'interprétation, et que le principal intcrprète en 1a nlatière est le.itrriste.

C'est pottrquoi ltolts préférons parler de « traditiorl » cltl sells.

dtr iatin lrttditio (transurissiot'ù el trudere (tratlstnettre).

A

rtoter qtre le

AL - MUTARGIM

no 12,

JUIL -

DEC 2005

187

(2)

IAGqÜE§ PEEf,8E mot « tradition » avec cette signification est fréquent dans Ie langage du droit.

Le droit est fait de nuances et certaines notions de traductolo-

gie

méritent quelques brèves explications. Tout d'abord, « transco- dage » ne signifie pas mauvaise traduction. D'ailleurs la théorie inter- prétative en traduction a permis d'identifier les cas où le transcodage est possible, voire nécessaire. Ce qui est condamnable, c'est le transco- dage systématique et sans nuance, qui fait perdre de vue les idées de

l'auteur en restant au niveau des mots, au ltoln parfois de la « fidélité »

à l'original. En outre, au moins dans le domaine du droit, la tâche du traducteur cesse là où commence celle du -iuriste. Ceci est particulière- ment vrai dans le cas du discours normatif. Rappelons que les textes juridiques peuvent être classés en deux grandes catégories : les textes de droit, qui énoncent des normes (lois, règlements, décisions de jus- tice, actes juridiques constituant des normes privées), et les textes sur

le droit

(ouvrages

de

doctrines, comûtentaires. consultations, par exemple).

Après avoir essayé de montrer en quoi les caractéristiques cle la communication dans

le

texte

nonnatif

sont détenninantes

lors

de I'exercice de traduction

(l),

nous indiquerons ce qui semble constituer les limites du vouloir-dire dans un texte.iuridique

(ll),

puis essaierons

de

montrer,

par un

exemple emprunté

au droit

français,

en

quoi consiste l'interprétation du sens par les juristes, en partant du vouloir- faire, clraîne intégrée allant de l'intention de l'auteur aLrx effets de Ia norme

qu'il

édicte, en passant par le vouloir-dire et le dit

(lll).

1- LA COMMUNICATION

DANS LES TEXTES NORMATIFS Le texte normatif

dit

Ie droit. Son auteur, selon la hiérarchie des règles de droit objectif généralement admise dans les pays de la farnille romano-germanique, c'est d'abord le législateur, celui qui dé- tient le pouvoir législatif, c'est-à-dire le pouvoir de faire la loi expres- sion de la souveraineté nationale, règle générale, abstraite et incontes- table. Mais celui qui, dans un régime de séparation des pouvoirs, exé- cute Ia loi, le pouvoir exécutif, émet également des uormes, textes ré- glementaires, souvent aussi contraignants que

la loi.

Qn outre,

si

le

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no LZ,JUIL

-

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188

(3)

TNAI}UGTIOII DU TEITTE ET

TNADITIOI

DU SEIIS

pouvoir judiciaire est censé appliquer le droit,

il

lui arrive aussi de le cféer, en particulier dans des pays anglo-saxons dont le système s2est développé sur les fondements duiudge made law, et en droit adminis- tratif français. Plus rarement, la règle de droit, toujours sanctionnée par une autorité, peut être une cféation spontanée de la société, ttne cou- tume. Enfin,

il

existe des normes privées, des actes juridiques, qui lient leurs auteurs et prodr"risent des effets cornparables à ceux des règles de droit objectif.

Cette classification élémentaire des nonnes ou règles

juridi-

ques laisse prévoir que le traducteur se trouve face à des schémas de communication variables

(l)

et cles formes de discours égalernent dif- férentes (2).

1.1 Les schémas de communication

Dan§ Ie schéma de la communication juridique le plus simple,

il y

a un émetteur de message et un destinataire de celui-ci. Ceci n'a rien d'original, mais la communication juridique a des traits que l'on ne peut ignorer dans Ia recherche du sens dLr discours à traduire. Ainsi.

G. Cornu met I'accent sur les situations particulières des sujets du dis- cours :

« Le droit a

mille

bouclres, qrri correspondent non seulement aux sources formelles

(loi

en ses textes, contume en §es dic- tons, maximes et adages), mais à toutes les voix qr"ri se mêlent dans la création ou la réalisation dLr droit.

» (G.

Cornu, Lin- guistiqu e juridique, p. 21 7)

Nous nor.rs en tiendrons ici aux textes normatifs.

1.1.1

Les caractéristiques de

la loi,

quant à son auteur et à son destinataire

La loi, au sens fonnel, est votée par le Parlement, suivant le mécanisme de base suivant : projet de loi émanant du gouvertretnent ott proposition de parlementaires ; discussions du texte au sein d'instances parlementaires

et

amendements éventuels

;

vote

par le

Parlement;

promulgation et publication par le pouvoir exécutif. Le message ainsi élaboré s'adresse, en principe à tous, dans une soqiété donnée.

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189

(4)

' ncguÉs

pELAGE

'

L'auteur de ce

ÿpe

de message est Ie législateur. Mais la loi est un acte collégial et, entre Ia première version du message et celle qui entrera en vigueur, de profondes modificâtions peuvent intervenir.

Non seulement Ie législateur, qui vote la

loi,

est un auteur rirultiple, mais encore

il

a autour de lui l'auteur du projet ou de la proposition de

loi,

l'auteur de l'exposé des motifs, les rapporteurs dej commissions parlementaires, divers orateurs (auteürs de questibns, d'interventions et d'amendements lors des débats).

Cette procédure

fait de la loi

une.æuvre composite. D,où I'importance de l'interprétation du texte lésisratif dans tout système

juridique:

elle est rarement l'Guvre du législateur lui- mêmes; le plus solrvent, elle incombe au juge, parfois aux jurisconsultes et aux prati- ciens du droit. Evidemment, en droit inteme strict, le traducteft. n,a pas

à intervenir dans la recherche du vouloir-faire, de I'intention, du vor-r-

loir-dire et du dit du législateur ;

s'il

est amené à opérer la tradition du sens de la

loi

dans un autre système juridique et linguistique,

il

doit tenir compte de l'interprétation donnée par les juristes du système de départ.

Enfin,

la loi

s'adresse à tous les citoyens d,un pays, parfois même à tous ses habitants. selon la formule de G. cornu c'ést un mes- sage « à tous qntendeur », ce

qui

signifie que sa rédaction n'est pas adaptée à tous les destinaiaires. L'adaptation au destinataire se mani=

feste lorsque l'on s'abaisse dans la hiérarchie des textes.

1rl.z

La communication dans Ie cas des règlements

Les textes règlementaires sont l'csuvre

de

représentants du popvoir exécutif clairement identifiés. Ils peuvent prolonger une loi ou être autonomes. Leur dénornination est parfois fonàtion du rang hiérar- chique de leur auteur : décret ou arrêté, par exemple

La Constitution française de 1958, dans ses articles'34 et37, a réservé au règlement des domaines qui relevaient auparavant de la loi.

Evidemment, ,les destinataires restent les mêmes, mais I'auteur du dis- cours est le

chef

de

l'Etat

ou du Gouvernement. pour légiférer par ordonnance. le pouvoir exécutif agit en vertu d'une loi d,hàbilitation.

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190

(5)

TNADUGTIOI| IIU

TEITE

ET TNADITIOII DU SEIIS

Dans les deux situations évoquées, le vouloir-faire de l'auteur intellec- tuel est assez clair et la recherche de sa volonté n'est généralement pas nécessaire ; quant au dit, il est, en principe l'æuvre de spécialistes de la rédaction juridique. Souvent, les questions posées au Gouvernement donnent des orientations quant à l'interprétation. De même, un arrêté ministériel est, fréquemment accompagné d'une circulaire destinée aux fonctionnaires,

qui les éclaire sur la

manière d'interpréter et d'appliquer le texte.

Cela signifie que, face à un texte réglementaire, le traducteur doit se fier au sens préalablement dégagé par les juristes, lequel doit le guider dans ses choix.fondamentaux.

l. I

.3

Le cas des décisions de .iustice

Le problème posé par les décisions de justice est, à notre avis plus complexe, et peut varier en fonction des systèmes de droit.

Au

Royaume Uni, où le droit judiciaire est historiquement la principale source du droit et où la règle du précédent est essentielle, les

juges s'expriment librement et ne disent pas toujours clairemertt sont la raîio decidendi de leur décision, qui va peut-être fonder un pré- cédent,

etl'obiter

dictum, ensemble de considérations qui peuvent être d'un ceftaine importance dans la compréhension de la décisio,. Or ces

juges, issus de la classe fermée des barristers, jouissent d,un prestige considérable. L'interprétation de leur discours, en cas de traduction, appelle une extrême vigilance.

Dans d'autre systèmes, les juges ont un discours plus concis, mais non moins complexe, car

ils

ne parlent pas seulement en leur nom. En droit français, où la forme traditionnelle de

la

décision de justice ne comporte qu'une phrase, Ie juge résume des éléments de fait et de droit empruntés aux conclusions des avocats des parties,

et

la décision prend en cqnsidération, le cas échéant, le réquisitoire du re.

présentant du ministère public et les avis d'experts. Sans oublier le q6le discret du greffler.

Une autre source de préoccupation tient au fait que !a qualité de leur langue peut laisser parfois à désirer. En ce qui concdrne le droit frangais, on pourra se réferer utilement à l'ouvrage de F,. Mitnirr, Ze

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no LZ,,JUIL *'DEC 2005

191

(6)

l[CqUES

PELAGE

s

ÿl

e de s j uge m ents,pour prendre consc ience.des diffi cultés auxquel les se heufte le lecteur, ou le traducteur, confronté à un texte dont

il

doit dégager le sens d'un ensemble parfois mal exprirné. La reclrerche du vouloir-dire est, dans ce cas, au centre du processris de tra,cluction.

t.1.4

Les coutumes en

droit

moderne

Le rôle du droit coutumier est réduit dans les sociétés indus- trialisées. Ses règles

sont

généralement anciennes,

d'une

portée

connue, souvent rédigées en termes clairs, parfois en latin, langue qui leur confère stabilité et certitude. Aussi bien dans les systèmes romano- germaniques qu'en common law, ces normes ne posent guère de pro- blèmes d' interprétation.

A

noter que, dans d'autres cultures, où le droit n'est pas ton- jours la principale règle de conduite, la connaissance de la place du système juridique dans la société devient essentielle, tant pour la com- préhension profonde du discours que pour sa réexpression dans une autre langue.

1.1.5 Les actes juridiques

Il

s'agit de véritables norïnes privëes, qui lient juridiquement leurs auteurs et produisent parfois un effet de droit à l'égard des tiers.

Lorsque ces actes sont rédigés par un professionnel, tel qu'un avocat ou un notaire, on est en présence d'un discours pour autrui.

Toutefois, un acte conventionnel ou unilatéral peut être rédigé par de simples particuliers, qui peuvent n'avoir aucune notion de droit.

Dans ce cas,

le

traducteur

n'a

aucune garantie en ce

qui

concerne l'adéquation du lit au vouloir dire.

Plus

généralement, dans

tout

acte bilatéral,

en

raisôn de l'accord de volontés, on est, comme I'a souligné G. Cornu, en présence d'ur.r « énoncé Iinguistique unique ». La recherche de la volonté com- mune des parties est alors au cæur des préoccupations du juriste et du traducteur.

En bref, dans tous les textes normatifs, la position des sujets du discours est une donnée non négligeable de la compréhension du dis-

AL- MUTARGIM

no

LZ,JUIL-DBC

2005

192

(7)

TNADUGTIOTI IIU TEXTE

[T

TNADITIOIf IIU SEIIS

cours et de la tradition du sens par le traducteur, à laquelle

il

faut ajou- ter les règles de forme qui restreigrrent la part du discours libre.

1.2

Les formes du discours

normatif

Même

dans

les

systèmes juridiques

qui font

prédominer l'esprit sur la forrhe, celle-ci est la garantie d'un bonne technique

juri-

dique. Les ouvrages qui abordent les questions de linguistique et de

sÿlistique juridique distinguent les discours de

la loi,

du règlement, des décisions de justice et des actes. Les formes, même si elles peuvent évoluer, sont le soutien du fond. Le traducteur doit dorrc consiàérer le cadre du texte et son articulation inteme comme des expressions de la composante culturelle à respecter, sous peine de commettre une adap- tation au lieu d'une traduction.

l.2.lLe

discours de la loi

Il y a lieu de distinguer la loi codifiée de celle qui ne l'est pas.

En effet, les domaines couverts par les codes sont variés et cefiaius articles constituent de véritables piliers du systèrne de droit : ainsi de

nombreux articles du Code Napoléon consacrés aLr droit des obliga- tions sorrt demeurés intacts, mais ont été réinterprétés par la jurispru- dence pour suivre l'évolution de la société.

Nous commenterons deux articles du Code

civil

fi'ançais pour illustrer l'importance du vouloir-faire dans

la loi

et le rôle du jLrriste par rapport à celui du traducteur.

En ce

qui

concerne

la loi

en général, émanation du pouvoir législatif, elle est exemple de l'énoncé nonnatif présenté afticle par article, dans lequel le choix des formes répond aux deux critères fon- damentaux de généralité et de souveraineté.

Ainsi l'auteur de la norme se désigne comme autorité :

« L'assemblée nationale et Ie Sénat ont adopté

la loi

dont la teneur suit :. . .

La loi se termine par la formule :

« La présente loi sera exécutée colllme loi de l'Etat. »

La promulgation par le Président de la République garantit que le texte promulgué est le même que celui qui a été voté. La forme de ce

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no

I2,JUIL -

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(8)

IACOUES PEtf,GE discours trouve son fondement dans le fait

qu'il

apparlient au législa- teur d'édicter des règles

à

I'intention des sujets de droit, qui seront sanctionnées,

s'il

le faut, par les juges. G. Cornu résirme er.l ces tennes les caractéristiques du discours Iégislatif :

« La loi est un rnessage étatique et solitaire. SeLrle à se faite en-

tendre, Ia voix du législateur tombe de haut et vient de loiu.

Dans ce monologue du pouvoir à des destinataires absents et :nuets. le message émane d'un émetteur rnaître et distant. »

(Lingui st ique j ur idiqu e, p. 266) 1.2.2 Les discours réglementaires

Dans

la

hiérarchie des norntes. les règlements sont

d'un

rang inférieur à celui de

la

loi, ce qui expliqLre la présence des visas: ils sont, en outre. contresignés. Les règles fornrelles rarieut en fonctiolr de l'auteur de l'énoncé.

Dans le cas cl'un décret, or.r note :

« Le Prernier rninistre, Sur le rappoft du ministre Vu la loi dLr..

Décrète :

Art. I"'. -...

Art.2"..

Art.

...- Le

ministrc

. et Ie rninistre.

...

sollt chargés. chacun *n ce qui le concerne,

de l'exécution du présent décret qui seia publié au.)ourual Offi- ciel de la R.épublique française. »

Pour uu arrêté. la formule est la suivanie :

« Le rninistre.

Vu la loi ...

Vu Ie décret...

Arrête :

Ar1.

it'.-...

Art.2. - ...

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DEC 2005

192 194

(9)

TNIDUGTIOII

DII TEXTE ET TRAIIITIOTI DU SETIS

Afl.

".. Le directeur

...

est chargé de l'exécution du préserrt arrê-

té,

qui

sera publié au Journal O/ficiel de

la

République fran- çaise. »

Evidemment ces élémetrts d'encadrement ne doivent pas faire perdre de vue l'énoncré principal. Le traducteur est ainsi conl'l'ortté.

d'une part à des formules figées, qLr'il peut chercher à rapprocher de

formules équivalentes darts la langue d'arrivée et. d'autre part,

à

uti énoncé original, même

s'il

a la marque d'un langage de spécialité.

1.2.3 Les décisions de justice

l.e discours judiciaire eu fi'ançais esi également ettcadré. t.nais en

oulr'e

il

suit

la

logrqrie d'irrr sr lloqisrrre. donl le tradttctettr doit avoir' corrscience pollr que son

tra\aii

soit cohérent. Dansnla longile clu pro- cès (p.139),

C'

R.obirr rnet en relief deux aspects caractéristiqLres du discours

jLrdiciaire:

i'irrportance

de la

l,orme

et

l'expression de

l'autorité du juge.

Strr le prenriel ooint. r:lle cite F" Bciurdieu, auteur de Habitus,

ct tdt' e I cotlificot i, t,; :

« La

force

cle: !o fcrnte, cette tis formse dont parlaient les an- ciens. est cette lbrce proprement s-vmbolique

qui

perrnet

à

la

force de s exercer pleinement en se faisant rnéconnaître en tant tlue force et en se 1àisant reconnaître. approllver. accepter, par le

fait de se présentel scus les apparences cle l'uuiversalité

*

celle

de la raison ou de ia nrorale. Le st1le. la fbrnre cle la décision de -jLrstice permettant de dissimuler l'aLrtorité qLri érnane de cet acte

derrière Llne apparerlce cle lcgiqire et d'universalité. »

Sur le second. elle écrit :

« Le style judiciaire est sollveut mesuré, conforuie

à

l'image réservée dr-r magistrat

qui

eu use principalernent dans le pro- cès. Le jLrge dissirlr.rie ainsi l'autorité de son verdict derrière un langage ciestiné à apaiser les protagorristes. Ce style lui pennet de masquer son pouvoir et cie s'iinposer

['liurrilité

fàce à celui- ci. »

AL - TILiTARCIM

no 12.

JUIL

--DEG2005

195

(10)

TAGOUE§ PETAGE

1.2.4 Les actes juridiques bilatéraux

. La

règle,

en'droit

français, est que

la

forrne n,est pas une condition de validité des actes. Elle admet cependant des exceptions.

pn outre, la formalité, même non obligatoire, peut-être importante sur le plan de la preuve.

Il

y a ainsi une distinction fondamentale entre res actes authentiques, rédigés par un officier public, et les actes sous seing privés, non fonnalistes, æuvres des particuliers qui ont cependant sou- vent recours à des modèles.

L'acte notarié, acte authentique'par excellence, s,est récem- nrent modernisé. Les formules minimales d'encadrement sont les sui- vantes :

« Me ..., notaire

à...,

soussigné,

A

reçu le présent acte authentique à Ia requête des personnes ci-après

identifiées...

-'

... (corps de l'acte) Donc acte,

sur...

pages :

Fait et passé à ... en l'étude du notaire soussigné ;

La lecture du présent acte a été donnée aux parties et leurs si- gnatures ont été recueillie par le notaire lui-même.

L'4N...

(date en lettres)

Le notaire a lui*même signé le

...

»

Les formulaires en usagà prévoient toutes les situatiorrs possi- bles : notaire associé d'une socÈte, deux notaires individuels, réception des parties par un clerc habilité, signatures à des dates difiërentes, par exemple.

Dans les actes sous seing privé,

il n'y

a pas de conclitions de forme, mais plusieurs modèles sàni suivis pui l.r'rédacteurs. Ils com- portent généralement, outre un intitulé désignant les parties et com- mençant par « Entre les soussignés » or.r « Entre », un exposé suivi des

conventions. En France, la date figure habituellenrent à la fin de l,acte :

« Fait à ..., le ... ». II doit y avoir autant d,originaux que de parties.

Dans les actes juridiques,

il

est fréquent que certaines clauses soient pré-rédigées, souvent àun,

,n sÿle

à ra fois technique et tradi- tionaliste,

et

reproduites presque intégrarement. Les connaissances

AL-MUTARëIM

no

LZ,JUIL-DEC

2005

196

(11)

.TRAIIUGTIOII DU TEXTE ET

TRAIIITIOI{

DU SEI{S

-iLrridiques du traducteur doivent lui permettre de faire le clépart entre le support purement formaliste et les unités de discours qLri produisent un effet juridique conforrre au vouloir-faire des parlies. A noter, toutc.fbis, que certains autelrrs ont émis qr-relqr"res résen,es sLrr l'interprétation des

couventions fondée sur la recherche de Ia contrlune inteution des par- ties : dans les contrats d'adhésion, la rédaction, souveltt très techltirlrre, est l'æuvre d'une seule des parlies" l'autre se coutentaut de I'accepter sans en connaître tous les tenants et aboutissants

;

lorsqu'elles ont re- cours à des forrnulaires, Ies pafties lte savent pas toLrjours à cproi elles s'engagent. Nous reviendrons sur la question de la réalité du vouloir- dire dans les actes.

1.2.5

Le discours coutumier rles :rdages

Ce discgLrrs spontané érrouce parfois des règles jLrridiques, rappelle souvent des grands principes ntorau\ et, fr'équemurent. sor-r-

tient le droit. Mais le

poir.rt conrnrLrn

à

toutes

ces

forrnes est

['importance des moyens stylistiqLres cliri les

firent

dans la rlénroire.

On

peut rrême dire qu'elles valent

pal

elles-rrêntes

et

pour elles- mêmes. grâce ar: balancentent des mots. au rl,thnte oLr à Ia rinre interne.

Citons :

« Pas d'intérêt, pas d'action. »

« Nullum crirnerr sine lege. Ntrlla poena sine lege. »

« Dura lex sed lex. »

« Verba volant. scripta traltent. »

« Paterna paternis, matenla ntaternis. ))

« Aliéné n'aliène. »

« Juge unique, jLrge iniqLre. »

G. Cornu rappelle qlre

«

les

adages appartiennent à

I'expression orale et

à

la traditiou orale ». Le traducteur ne peirt les

rencontrer qtr'au détour d'Ltr.r texte, rnais nous pensolts que l'essentiel, sinon le sens. est dans le dit.

D'oir Ia nécessité de s'interroger sur les linrites clu vouloir-dire dans la recherche et la traditiorr du se, .,

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no L2,JUIL

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(12)

,ICOUES PETAGE

2- LBS LIMITES DU VOULOIR-DIRE DANS LES

TtrXTBS NORMATIFS

Là encore. une distinctiort s'irrpose, en fouction des sujets ciu

discours : certains discours élnauent d'autorités, législatives dans la loi, judiciaires dans le jugement et l'arrêt. Cette distinctiolt, sans être abso- Iue, pernret de morrtrer deux lirrites du vouloir-dire dans les discours normatifs. Toutefois, elle est sous-tendite par le fàit qLre I'effet.juridi- que du texte nonratif cotnnrence après sa réception pat soll destina-

taire. Nous

envisageons

ici le rôle du

traducteur extériettr à

l'élaboratiou du texte. et nort celui oir

il

est impliqué cor.trme internré- diaires eutre des suiets de droit qLri se heurtent à la barrière des lattgr"res au stade des négociations et de la rédaction dtt texte.

Rappelons aussi que les .iLrristes reclterchent

le

sens de dis-

collrs, rrais ne

parlent

pas

ciLr « vouloir-dire

» de I'auteur.

Ils s'iuterrogent, notarntnent, sur « I'intetttiott or.t

la

volonté

du

législa- teur ». ou « Ia volonté conlruue des parties à une cottvention ». Des rapprochernents sont possibles avec Ia traclLrctologie. nrais les fi'ontières ruotionnelles sont difï-iciles à fixer.

Dans -Lc

droit (p.

79).

Ph.

.lestaz

éclit.

pal exernple : « Les

rrots du droit ne servent pas à écrire urais à agir ». C'est pourquoi rtous peusons que. dans le processus de traduction des textes notmatif\. Ia

notion la plLrs féconde est celle de voLrloir-faire, qui englobe tous les élérnents d'une chaîne qui va de l'inteution de I'airteur i\ I'cffet-jLrridi- que du texte, eu passant par le vouloir-dire et le dit. Chaclire énoncé étanl un cas unique. une réflexion s'inrpose sur la part respective de chaque élén-rent de la chaîne. Nous avons vLl, en effet. que les fbrrnes jouaient un rôle souvent irnportant dans le discours nornratif. ce qLri fait présumer que le dit peut être en Iui-nrênre porteur de sens.

2.1 La structure môme du texte peut réduire I'importance du vou-

loir

dire

QLr'il s'agisse du discours du droit ou du discours sllr le droit, la théorie interprétative en traclLrction constitlle ulre base d'approche fondanrenlale

1lour le

tradLrcteur. ToLrt

d'abord, il ressoft

de

,tL - MUTARGIM

no LZ,JUIL

-

DEC 2005

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(13)

TNADUGTIOII DÜ TEXTE

E[

TRRTIITIOII DU SEIIS

l'enseignement de D. Seleskovitch et de

M.

Lederer que le sens pro- vient d'une « adjonction mentale à la signification verbale », appelée

« complément cognitif », et que ce sel"ts compofte une part d'implicite.

De même, en traductologie, la notion d'intention tle coïncide pas tott- jours avec celle de vouloir-dire, appelé à devenir sens:«

(...)

le sens

est explicitement désigné et réexprirné dans le traduction, coutraire- ment à l'intention du dire qui ne l'est pas. »

Cependant, lorsque

le

degré de structuration du discours dr"r

droit est très poussé, selon une formule empruntée à

J.C.

Gélnar, le texte

juridique

« impose de suivre les

rails

d'une logique ». Le besoin de sécuritéjuridique n'est sans doute pas étranger à l'existence de cette contrainte. La compréhension du vouloir-faire par le traducteur irnpli- que alors la prise de conscience des situations envisagées et du moule dans lequel se glisse la pensée de l'auteur. Celui-ci a recours à des

mots,

à

des phrases,

à

des formules complètes confirmées

qui

sont autant d'éléments de certitude pour le lecteur.'ll peut y avoir dans tout discours des rnot-clés qui fixent la pensée ; mais en outre. dans le dis- cours du droit, il y des termes substantiels, qui renvoient à des institu- tions non désignées dans le texte, et des perforrnatifs,

qui

nrontrent bien que le droit est action.

2.1.1 Un exemple de terme substantiel

Le mot « garde » appartient au langage couraut. Mais lorsqu'il est employé dans un texte traitant de responsabilité

civile il

acquiert urre signification particulière. Lorsque

le

législateur parle de choses que l'on a sous sa garde,

il

indique que l'on est clans le clomaine de la responsabilité du

fait

des choses

(art.

1384 C.c) par opposition

à

la responsabilité du fait personnel (art. 1382), deux formes de responsabi- lité civile qui obéissent à des régimes différents en matière de preuve et de réparation du préjudice. La déflnition de Ia garde a d'ailleurs été précisée par la Cour de Cassation par trois rrots : « usage, direction et contrôle »).

A

la lecture de

l'article

1384 C.c., Ie passage du

dit

au serls

s'effectue directement par l'adjonction de cotnpléments cognitifs

-

AL - MUTARGIM

no 12,

JUIL -

DEC 2005

199

(14)

NGqUES PEI.AGE concrètemerlt, des connaissances juridiques

-,

sans

qu'il y ait

lieu de s'interroger sur Ie vouloir-dire de l'auteur.

2.1,2

L'

importance des performatifs

Langage d'action, le langage du droit comporte un grand nom- bre de performatifd, mots dont l'énonciatiorr « annonce et accomplit en même temps une action » (R. Zuber, cité par J.L. Sourioux et P. Lerat dans Le langage du droit, p. 50).

Citons parmi les perfonnatifs de la loi et du règlement : adopte, décrète arrête, ordonne, promulgue, abroge. Parmi les performatifs usuels des décisions de justice, on trouve

:

annule, casse, condarnne, confi rme, déboute, maintient, infirme.

En bref, la place limitée représentée par le vouloir-dire, dans Ie

vouloir-faire global, tient au fait que la signification du dit traduit déjà

la

pensée de

l'auteur;

elle est sens et action. Plus généralement, le traducteur doit alors, selon l'indication de

M.

Lederer, « identifîer les mots qui conservent la mêrne valeur hors contexte et dans le discours »

(Interpréter pour traduire, p.209). Mais on note une situation compa- rable dans des phrases ou des énoncés cornplets.

2.2 Un cas limite : I'absence de vouloir dire

Dans les théories fondées sur I'interprétation du discours ou

sur

l'idée

de communication, les exemples supposent généralement l'existence d'un auteur.

Il

est donc normal d'interpréter son discours pour dégager son vouloir-dire, afin de procéder à la tradition du sens après déverbal isation.

Toutefois, dans certains actes juridiques, lesquels sont des

normes privées,

il n'y

a pas de véritable auteur, mais un rédacteur.

Celui-ci, même lorsqu'il est partie à l'acte, exprime un vouloir-faire, mais au moyen de formules figées et consacrées.

Il n'y

a donc pas,

dans de telles conditions, un véritable vouloir-dire. Pourtant, l,acte produira un effet juridique. On doit, par conséquent s'interroger en

traductologie sur la nature des clauses pré-établies et des expressions

AL - MUTARGIM

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200

(15)

TNADUGTIOil IIU TEXTE ET

TNIDITTIIil

DU SEIIS

figées dans lesquelles le juriste cherchera la volonté des pafiies. M.

Lederer apporte une réponse à cette interrogation :

« Les expressions toutes faites sont des intermédiaires entre la langue et la parole

;

elles sont moitié langue car leur sens n'est pas en devenir mais pré-assigné, moitié parole car elles énon- cent une idée en non une hypothèse de sens ; forme hybride en-

tre la

phase gramrnaticale

et l'aspect

formel de l'unité de sens, elles sont caractérisées par l'association indéfectible d'un assemblage de signes linguistiques à une idée donnée. Par leur fixation en langue, elles écartent tout soupçon d'inspiration in- dividuelle ; par leur énonciation d'une idée, elles rejoignent le

.

discours. »

(Inlerpréter pour traduire,

p.

59)

Essayons maintenant d'appliquer les considérations qui précè- dent à urr article du Code civil frança§

3- L'INTERPRETATION DU SENS PAR LES

JURISTES:

L'BXEMPLE

DE

L'ARTICLE

9OO DU CODE

CIVI

L'article 900 C.c. est ainsi rédigé :

<< Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les condi-

tions impossibles, celles qui seront contraires aux lois et aux mæurs, seront réputées norr écrites. »

Face à un tel texte, le traducteur commence par appréhender le

dit,

puis s'interroge sur

le

vouloir-dire,

qui,

une

fois

dégagé, fera l'objet d'une tradition, à condition toutefois que les éléments résultarit de cette démarche interprétative constituent un sens producteur d'effets juridiques dans le discours de départ. Mais quid de l'intention du légi-

slateur ?

3n1

Le

dit

Dès la première lecture du texte, le traducteur ajoute des com-' plérnerrts cognitifs aux significations verbales.

Il

cffectuera,

le

cas échéant, une recherche documentaire pour confofter son analyse.

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201

(16)

IAGOUES PETAGE

PoLrr simplifier, disons qLre le graud dorraine visé par Ie texte cité est

celui de la transrrissiorr des biens au moyen c1'actes bilatéraux (disposi- tions. contlats entre personlte ph1,'siques) or-r i-rnilatérpux (testantents), tous derrx à titre gratuit. Ces actes sout,.usceptibles de cornporter des clauses soumettant lc tr"anslÈrt à des conditious illicites. La sarrction de telles clauscs est indiquée par la forrrLrle « réputée non écrite ».

Strr Ie plan clir stliie.

t-,oto,rs

que le

législateur

a

entployé

Unc nrarqLte osterrsiirlc" « toute disposition ». pour ntettre en éviclence la généra1rté du texte.

3.2

Le vouloir dire

A

ce stade.

lc

traducTeLtr cloit s'interroger sur

la

siqnification

peltinente dc' certairrs lt.rts,

r.rotlrntntent « oonditiou

».

dans

['expression << conditioits ir:rpossibles ». La condition, au sens techni- que

du tenre.

est Line rnodalité des obligations:

on

parle ainsi de

coudition'suspetrsive et de condiriolt résolutoire.

lci, le

utot désigne toltte clause du contrat.

'loLrtefois,

c'est l'expression « réputée non écrite » qLri doit rete- nir toute son attention, car elle vise I'efièt.jLrridique clLr texte. Le Iégi- slateur sanctionne les clauses illicites par

la

ntrllité. « Réputée non écrite indrque l'étendrie dc cette nullité: celle-ci est partielle. c'est-à-

dire qrr'elle ne s'étenri pas à tout I'acte conrnre le ferait une nLrllité intécrale.

Le vouloir dire reltosc ici strr Lrne notiolt précise, celle de nLrllité partielle. c1r-ri ne dort pas être confbndue. comure I'ont tàit des auteurs

d'ouvrage

sur la

tradLrction.jrrridiqrre.

avec

Llne

nullité

relative.

L,'arlicle 900 C.c. l'eLrt dire que

la

présence d'Lrne condition illicite entraîne la nullité de la claLrse qLri la contient. nrais laisse subsister le reste de l'acte" ce qLri est irrplicite. Lc traclLrcterrr lteut alors procéder à

la tradition dLr sens de l'article 900 Cl.c.. rnais

il

n'a pas à interpréter celtri-ci et ettcore n.toins présunrer cie ses effets jLrridiques dans Lln autre systèrne de droit. deLrx siècles après sa rédaction. L'interprétation dLr

sens est l'affaire de s.jLrristes. qui doiveut connaîtr'e I'intentiou du lé_gi-

slateur,

à

I'origine. et rapploclter ce texte d'autres articles dLr Code

civil pour l'appliqLrer en tenant cornpte de l'évolLrtion de la société.

AL

_

MUTARèIM

NO

IZ,JUIL -

DEC 2OO5

202

(17)

TRAIIUGTIOI| DU TEXTE ET

TRIDITIOfl

NU SEI{S

3.3

L'intention du législateur tle 180,1

Pourquoi le Cocle Napoléon

a-t-il

linrité l'étendLre de Ia nullité aux seules clauses illicites, laissaut subsister la libéralité expur-9ée de cette partie ? La qLrestion se pose parce que d'autres textes. notan'rrrent

l'article

1172 que nous citerons plLrs loin, prévoient que la condition illicite entraîne la rrLrllité de l'acte entier.

Le législateur craignait de voir les

coLlrants contre- révolutionnaires se fbnder sur des libéralités poLrr rétablir

le

dloit d'aînesse et, plLrs généralement, la feodalité abolie par Ia révolution de I 789. l.'arlicle 900 permettait aux donataires et aux légataires de dé- noncer

l'illicite

tout en conservant le bénéfice de la Iibéralité. Plr. Ma- laurie, dans son enseignement du droit des obligations. illustre fort bierr Ia situation :

« Par exentple, -je lègLre une partie cle ntes terres à rnon lèr.urier, err stipLrlartt qu'il clevra ainsi que loLrs ses descendants. etrtretenir' nron château et nton donticile. et exécuter un certairr trontbre cle

corvées. ce qui. depuis la ltuit du 4 août. est une claLrse illicite.

Pour encourager la dénonciation de I'illicite. I'art. 900 per.ntet au

lèrnrier de garder Ia libéralité et de ne pas acconrplir les charges illicites. >> (C'our.s de droit c.iyil. 1c)78- 1919. Les Cours de droit.

p.257'7.

La corrnaissance de I'intention du législateLrr perntet d'appr.écier l'efïet-juridiqLre de la norme. dans Lrn contexte historique et polrtiqrre particLrlier.

3.4

Les effets passés et présents du textê : droit et politique L'objectif fixé par le législateur à été pleinement atteint : selon Ph. Malaurie, << très rapidement a

été

écartée toute menace de rétablis- sement conventionnel de Ia féodalité ». Mais quelle peut être la portée de l'article 900 C.c. plus de deux siècles après la

fin

de l'Ancien ré- girne ? Ici intervient le rôle des juristes dans l'interprétation du sens de

la norme, qui envisage l'effet de celle-ci darrs un contexte politique et tun système de droit ayant considérablement évolué.

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203

(18)

IAGOUES PEIAGE Comment concilier, actuellerlent,

l'afticle 900

avec l'arlicle 1172 ? Celui-ci est rédigé en ces teimes :

«

Toute condition d'une

chose impossible, ou contraire aux bonnes nlceurs, oLr prohibée par la loi, est nLrlle, et reud nulle la

conventionqui en dépend ».

Il

s'agissait pour' Ies spécialistes d'expliquer, pour la sLrrnronter.

cette apparente contradiction. En efflet, le sens d'un article particLrlier doit être en cohérence avec le sens général du texte codifié. L'arlicle 900

a

été interprété suivant des critères diflërents.

'Iout

d'abord. ta doctrine et la jurisprudence se sont lbnclées sur I'opposition entre actes

à titre gratuit et actes à titre onéreux: la fornrule « dispositions entre vif-s et testamentaires » désignerait les prerniers. dans lesquels la nLrlli-

té considérée serait parlielle. L'article

li72

viserait, au contraire, les actes à titre onéreux: en cas de condition illicite, la nullité serait alors intégrale.

.

Dans un deuxième tentps. cette interpr.étation a été abandonnée aLr profit de l'application d'un critère fbndé sLrr la recherche. arr cas par cas, de la volonté des parties.

si

les parties ont consicléré Ia clause

illi- cite

cornme

un

élément déterminant,

Ia nullité

est totale.

Si.

aLr

contraire, elle l'ont considérée comnre un élément accessoire. la nullité est parlielle, la clause étant « répirtée non écrite ».

L'irrportant poLrr le juriste et poirr lè tradLrcteur est de bierr cont- prendre le voLrloir-faire de I'ar.rteLrr de l'arlicle 900 c.c.. celLri-ci arair en vue l'efret jLrridiqLre de son discours, rnais celui-ci relevait d'Lrne

interrtiou clairement politiqLre. Pour Ie traducteirr, Ie sens se cléduit clu

vouloir-dire. lecFrel est explicité alors que l'intention dLr législateur.

poLrrtant déterminante de son vouloir-faire. ne l'est pas: c'est lè sens

ainsi défini qui fera l'objet de tradition. Par contre, pour re.jLrrisre, I'article 900 doit être situé dans l'ensenrble du svstèrne cle droit. eu \rie d'une iuterprétation du sens en fonction des besoins cl'une société clon- rtée.

Daus l'exeuple choisi, on constate qr,re la part respective cles

éléments du voLrloir-faire global a évolué avec Ie tetnps, à savoir

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204

(19)

TNADUGTIOII DU TEXirE ET TRf,IIITIOTI DU SETIS

dans un premier temps, rôle essentiel de l'intention du législateur pour comprendre les effets juridiques du texte, par-dessus le vouloir-dire et le dit ;

puis, efficacement de l'intention au profit d'une interprétation littérale

clu dit, pour justifier un e1'fèt plus gérréral qu'à I'origine ;

enfin, nollvelle recherche du vouloir-faire pour déterminer la portée de

l'expression « réputée non écrite » et réorienter les effets de la norrue en tenant davantage compte de Ia volonté des parties.

Cornrne les textes littéraires qui traversent les siècles, les textes législatifs, slu1ont

s'ils

sont codifiés, échappent parfois à leur arrteur.

Certains lecteurs privilégiés contribuerrt

à

la constrLtctiorr. voire

à

la reconstruction, dq Ieur serrs.

CONCLUSION

La distinction, en matièr'e de traduction spécialisée. entre textes .de la spécialité et textes sLrr la spécialité sernble féconde parce qu'elle pernret, d'une parl de clépasser et d'enrichir le scltérra de base de la

conrmunication et, d'autre part. de cenrer les limites dLr vouloir-dire de I'émetteur d'un message, en tant qu'élérneut prirnordial du gens traus- nris à sou récepteur. Ainsi. Ies discours sLrr Ie droit obéisserrt globale- lulent au schérna classique de conrrnunication et soltt ]'æLrvre d'un au- teur dont le vouloir-dire reflète une pensée libre dans son expressiolt;

en outre,

ils

ne participent pas directement

à

la réalisation du

droit:

enfin, leur effet direct ne va pas aLr-delà de leLrr réception par le lecteLrr.

Au contraire, les discours du droit, essentiellenrent normatifs, lte pro- duisent leur effet, assorti d'une sanction, qu'après leLrr publication oir

leur remise au destinataire

;

en outre. c'est grâce à ellx que le droit devient action; enfin, ils sont encadrés par des règles forrnelles et sont même parfois contenLrs dans des nroules pré-établis.

Dans le discours juridique nonnatif, certains éléments peuvent donner une physiotromie particulière au schérna de cornrnur.ricatiorr :

pluralité d'autetirs ou. au corrtlaire, auteurs s'effaçant derrière cles ré- dacteurs; clestinataires multiples

et

anonynes

olr

au contraire bien iderrtifiés

:

par conséquerrt. nressage général ou rnessage à réceptetrr.s

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(20)

TAGQUES

PEI,IGE

multiples. En outre, certains textes s'inscrivent dans Ia durée et obli- gent à raisonner en diachronie qualrd

il

s'agit d'en dégager le sens. Par ailleurs,

il

n'est pas rare

qu'il

faille tenir compte du sens global d'un texte et du sens d'énoncés particuliers qui s'y trouvent, dans une softe d'univers emboîté. En effet, le sens se présente à plusieurs niveaux d'un texte

i il y

a le sens général du texte, qui exprime Ia perrsée de l'auteur, Ies sens liés aux articulations du discours que sont, par exem- ple, les chapitres, leê paragraphes ou les phrases, et enfin l'iclée qui ressort d'énoncés pafticuliers, les unités de sens. Cet ensemble est en

principe cohérent.

Toujours dans cette catégorie du discours normatif, la relation entre le vouloir-dire et le sens, en principe étroite, est parfois brisée Iorsque les cornpléments cognitifs permettent d'accéder au sens sans passer par I'analyse subjective

du

vouloir-dire. En effet, lorsque le texte est rédigé par des spécialistes du droit, le traducteur doit présu- mer que la formule est l?expression complète des idées de I'auteur. De même, les rédacteurs, spécialisés ou non, ont recours à des modèles de rédaction derrière lesquels il§ s'effacent. D'une manière générale, dans les texres juridiques normatifs, la recherche la plus féconde est celle du vouloir-faire des auteurs

-

le droit étant action -, à travers des discours

dont le noyau a absorbé le vouloir-dire : alors tout est dit.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES CORNU Gérard, Lingu is t i que j urid ique, L.J. D.J., Paris, I 990.

ROBIN Cécile, La langue du procès, Presses Universitaires de la Fa- culté de Droit de Clermont-Ferrand,

2000.

:

SELESKOVITCH Danica, LEDERER Marianne, Interpréter

poui

traduire, Didier Erudition, Paris, 1980.

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