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L'État comme organisation coercitive de la société politique

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Thesis

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L'État comme organisation coercitive de la société politique

BALICKI, Sigismond

BALICKI, Sigismond. L'État comme organisation coercitive de la société politique. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1896, no. D. 265

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:27196

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:27196

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L'ÉTA1 1

COMME ORGANISATION COERCITIVE

DE LA

. SOCIÉTÉ POLITIQUE

THÈSE

PRÉSENTÉE A LA FACULTÉ DE DROIT

DE GENÈVE

POUR L'OBTENTION DU TITRE DE DOCTEUR

PAB

SIGISMOND BALICKI

LICENCIÉ EN DROIT

~

PARIS

V. GIARD & E. BRIÈRE

LIBRAIRES-ÉDITEURS 16, Rue Souffi.ot, 16

1896

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Heaugoncy, lmp. Latrray.

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A M. FERn. GENTET ..

Docteur en droit, Professeur à l'Université de Genève

Hommage respectueux.

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INTRODUCTION

Le rapprochement entre le droit et la sociologie est un fait accompli. Pour être lent et difficile il n'en est pas moins efficace, et les apports réciproques que se font mutuellement les scienèes morales et juridiques d'une part, les sciences sociales de l'autre, permettent d'entre- voir dans un avenir prochain une union encore plus intime. Cette union consistera nécessairement en une unité synthétique de leurs principes et une classifica- tion rationnelle des phénomènes correspondants. Il se trouvera alors que la philosophie du droit puisera à

pleines mains ses données dans la psychologie sociale et la théorie générale de l'État ne constituera qu'un chapitre intégrant de la sociologie.

Les prévisions ci -dessus paraîtront peut-être préma- turées : en effet, une science aussi ancienne, aussi accomplie que celle du droit, que peut-elle attendre d'une autre science non encore formée, sans loi précises, sans classification déterminée~

Nous jugeons superflu d'insister sur le fait avéré que le droit ne constitue pas la loi de· la vie sociale, mais un de ses phénomènes. Mais alors « il est évident, à pre- mière vue,- comme l'observe H. Spencer, -qu'une

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science plus spéciale ne saurait être parfaitement com- prise tant que la science plus· générale qui la renferme ne l'est pas n. -Leur coopération s'impose donc d'em- blée; elle est loin d'être prématurée, vu que le matériel fourni peu à peu et de part. et d'autre ne reste que trop longtemps en souffrance. Et remarquons-le, ce n'est pas seulement la sociologie qui aborde les questions de droit, c'est aussi la théorie juridique qui se heurte journellement à des problèmes, insolubles dans son domaine propre. Leur cause.pendante entrave bien des progrès et constitue un obstacle permanent aux géné- ralisations plus vastes, partant plus fructueuses .

. Citons quelques exemples au hasard des investiga- tions qui se débattent ~i et là dans leur impuissance, faute de prémisses capables d'embrasser les problèmes dans toute leur étendue.

a) Le principe des nationalités a déjà forcé la porte du droit public et du droit international. Formulé ainsi par Bluntschli : « toute nation est appelée à former un État, tout État doit être une personne nationale >> (*), il proclame sujet de droit une individualité sociale dont la détermination appartient complètement à ·la sociologie. Les conséquences sont graves en tout cas, elles tiennent en suspens la question même des sujets du droit international. Que sont-ils~ Des personnes juridiques, des collectivités individualisées par des actes du droit positif, ou bien des organismes vivants,

(*) Theor·ie générale de l'État, p. 811.

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des personnes naturelles, des individualités collectives, pouvant invoquer leurs droits innés après simple cons- tatation légale~ Dans ce dernier cas il se pose une question d'état et de capacité, une question préjl;ldi- cielle de fait, dont le critérium nécessaire ne peut être fourni que par un~ théorie sociologique circonstanciée.

b) Une ancienne controverse, vieille de quarante ans, fut délaissée par la jurisprudence_, faute de bases plus larges, permettant d'envisager le problème dans son ensemble. Il s'agissait d'une question posée par Robert von Mohl, à savoir : existe-t-il un droit social (Gesellschaftsrecht) distinct du droit public et privé~­

On se prononça généralement (Treitschke, van Krieken, Bluntschli, etc.) pour la négative. Mais alors comment va-t-on classer le droit canonique, qui rivalisa autrefois avec la législation officielle, et surtout les statuts et règlements des puissantes associations non reconnues par.l'État_, lesquelles souvent se font obéir plus aisé- ment que les autorités légales~ Ensuite, quelle place .assigner à la science juridique, cette œuvre collective, source incontestable du droit positif, et à la coutume qui se maintient souvent à côté, voire même à l'encontre, des normes obligatoires~-Ce sont autant de phéno- mène8 sociaux qui attendent leur distribution au sein d'une théorie plus positive que celle réputée du droit naturel et plus synthétique que celle du droit positif.

c) En droit. public on parle constamment de la vo- lonté de l'État, du législateur_, du pouvoir gouverne- mental, etc. Cependant la psychologie moderne refuse aux faits volitionnels une existence indépendante des

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états intellectuels et affectifs. Elle précon.ise leur réduc- tion tantôt aux uns et aux autres, tantôt aux premiers exclusivement. Quoi qu'il en soit, la philosophie du droit ne peut pas en faire abstraction -et, en admettant une volonté sociale, elle est obligée de se tourner vers la pensée et les sentiments collectifs, autrement dit, de faire œuvre de psychologie sociale.

d) Citons encore les rapports du droit avec la morale.

En dehors des observations générales plus ou] moins vagues et l'indication des points de contact par trop manifestes, comme dans l'analyse des notions de jus- tice, de responsabilité et du devoir, nous ne trouvons nulle part dans la littérature une solution tant soit peu précise et satisfaisante. Pourtant « l'ordre juridique, comme l'observe à juste titre M. E. Beaus.sire (*), reste toujours non seulement uni, mais subordonné à l'ordre moral », autrement dit ... ce sont là deux faces ou deux moments (question à résoudre) d'un seul et même phé- nomène. Ce phénomène est à la fois social et psychi- que, ce n'est que sur ce terrain commun qu'il peut être élucidé.

Cela nous mènerai~ trop loin de prolonger la série des exemples. Nous avons voulu indiquer seulement la direction dans laquelle la philosophie du droit est poussée par les courants de la science moderne et gagner un peu d'indulgence de la part des juristes théoriciens pour les tentatives, encore trop hésitantes, qui seront entreprises sur ce champ nouveau.

(*)Principes, elu droit, p.~26.

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Si, d'une·part; la sociologie peut exercer une influence salutaire sur la consolidation dès premiers principes du droit~ d'autre part les sciences juridiques sont appe- lées à une réciprocité non moins fructueuse. On a sov- vent reproché' aux études sociologiques , non sans fondement_, leur manque de précisio~, le vague de leur terminologie est une méthode trop peu serrée.- C'est justement la recherche d'une base fixe, d'un caractère d'exactitude scientifique qui a entrain~ certains esprits, même les plus puissants, à donner à la sociologie une tournure 'franchement biologique (*). - Ces tentatives n'ont joué, suivant la propre expression de H. Spencer, qu'un rôle, l'échafaudage, bon pour édifier un corps cohérent d'inductions sociologiques. Le corps reste debout, mais l'échafaudage, formé d'analogies plus ou moins arbitraires, peut être considéré comme définiti- vement démoli; avec lu_i sont tombées les apparences de précision, en grande partie factices. Voilà le point sur lequel la science du droit peut prêter son concours·, grâce à l'esprit de ·classification rigoureuse qui lui est propre,· à la définition précisè des notions et à un con- tingent notable de faits déjà systématisés qu'elle ~

embrassés par sa discipline. Ne constitue-t-elle pas elle-même la plus importante partie de la science sociale (**)?

(*) Spencer, Schaffle, Lilienfeld, etc.·

(**)<<Pour s'entendre l'un avec l'autre, dit A. Espinas, le socio- logue biologiste et le politique logicien doivent reconnaître l'un l'empire de l'idée dans les faits sociaux les plus obscurs, l'autre

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Mais n'est-ce pas là confondre deux domaines et deux sciences différentes? Oui, répondons-nous) si l'on veut faire de la sociologie au point de vue du droit, erreur fréquente parmi les juristes théoriciens, ou si l'on veut faire du droit au point de vue de la sociologie, méprise faite souvent par les sociologistes praticiens, autrement dit si l'on fait rentr,er une science dans l'autre et si on opère ainsi une réduction de ce qui est irréductible. - Il n'y aura pas de confusion, si l'on recherche dans le domaine entier des phénomènes sociaux l'unité des lois fondamentales, pour opérer ensuite, à la lumière de ces abstractions supérieures, un classement rationnel des domaines particuliers et une systématisation définitive d'un matériel aussi compliqué. Un rapprochernent entrepris dans un esprit de synthèse prérnunit plutôt contre toute confusion, pourvu qu'il soit suivi d'une analyse compréhensive.

L~ enchaînement des sciences constitue la base de toute philosophie (vérité reconnue depuis Auguste Comte), facilite considérablement la consolidation théorique des embranchements particuliers et féconde toujours le champ des investigations. Ainsi, Descartes créa la géométrîe analytique par la collaboration de la géomé- trie et de l'algèbre~ Comte prévoyait les résultats im- portants que pourrait donner le rapprochement de la

le caractère concret des idées ou de l'idée sociale, laquelle est inhérente à des sujets vivants et obéit aux lois de toute vie.>>

(Él'lldes sociologiques en France, p. 352). Le droit est-il autre chose qu'une idée sociale?

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physiologie et de la chimie. La combinaison de c'ette

·dernière avec la physique est à l'ordre du jour. La socio- logie moderne a grandement avancé en s'appuyant sur une base biologique. La liaison enfin entre là physiologie et la psychologie a fait naître une branche nouvelle de celle-ci, la psychologie physiologique. Dans ce dernier cas il y a plus qu'une simple analogie avec le rappro- chement de la sociologie et de la science du droit.

Certes, la jurisprudence, c'(3st-à-dire l'art de faire, d'interpréter et d'appliquer les lois, se suffit à soi-même, mais la philosophie du droit, qui est appelée à l'éclairer de ses lumières, souffre de son isolement : le voisinage du vide n'est pas de nature à consolider un édifice. En.la rattachant à la philosophie ~générale, comme l'a fait l'école allemande, on la suspend, pou,r ainsi dire_, dans un équilibre instable, au lieu de lui fournir un support. Et cela se comprend, puisque les générations qui devraient, selon la méthode, suivre ou précéder immédiatement le droit, correspondent à la sphère de la vie organique et psychique de la société. Ce n'est que par l'intermé- diaire de cette vie sociale que le droit peut se rattacher à une philosophie générale, dégagée définitivement de tout caractère spéculatif, propre à l'idéologie abstraite.

En effet, la théorie générale du droit peut avoir deux points de départ : ou bien elle prend comme base les facultés de l'individu, sa raison ou sa volonté, pour en déduire les principes de justice, de liberté, de droits et

devoirs·~ ou bien elle trouve dans la société l'unique source de tout rapport juridique et conséquemment de toute notion de droit. -Les tent~tives de la première

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catégorie ont réussi plus ou moins à construire . des systèmes de droit privé_, mais elles_ ont complètement échoué. dans le domaine du droit public (~). En vain a-t-on essayé d'élargir la base, de substituer à la raison individuelle la nature humaine : on n'a pu aboutir qu'a la théorie de ,l'état de nature et du contrat social, cons- truite à priort~ fantaisiste et contredite par les faits.

C'est la place assignée au droit public par rapport au droit civil qui caractérise les deux points de départ. Si ,c'est le premier qui détermine le second, les instituts de droit privé dépendent de l'organisation sociale et politique. Dans le cas contraire c'est l'inverse qui aurait lieu (**).

(*) Lorenz Stein est très explicite à ce sujet : «En partant de la science du droit, on ne parviendra jamais à la notion de l'État ni à celle du droit public. » Die Verwaltungsleh-re, I Bd., 1 th., p. 22.

(**)Citons quelques opinions:« Jus privatttm sub tutelafuris publici latet, » a dit encore Bacon. Selon P. Rossi,« c'est dans le droit public que se trouvent les têtes de chapitres du droit privé. » M. Ducrocq est du même avis. - « Il n'y a point, dit Georg Waitz, de vrai droit privé en dehors de l'État, mais il y en a un dans l'État. » E. Beaussire commence son exposition par le droit public, « comme le plus général. » - A. Franck est d'une opinion différente : «Il est clair, dit-il, que le droit public doit précéder le droit privé si l'on se place au point de vue de la jurisprudence positive ... Mais, au point de vue de la raison ou de la jurisprudence naturelle, c'est le droit privé qui se présente à la fois comme la base et la mesure du droit public. )) E. Durkheim, enfin, en sa qualité de sociologue, est le plus explicite : «Tout droit est public, parce que tout droit est ~ocial. ))

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La théorie· générale du droit cherche encore ses pré- misses. Elle les trouvera· dans la sociologie plus· synthé- tique et plus systématique qu'elle ne l'est. présente-

ment(*)~

Un de 'ses embranchements, celui qui nous concerne plus particulièrement, puisqu'il constitue l'objet de la présente ·étude, ayant prêté à bien des malentendus au sujet de sa classification, mérite un examen spécial.

-Nous voulons parler de la théorie gén~rale de ]'État.

Strictement, elle ne constitue pas une branche de la science du droit, mais seulement q.e son enseignement, et sa confusion fréquente avec le droit public mérite

· d~être relevée. - Ainsi Bluntschli lui-même considère son œuvre·, intitulée« Allgemeine Staatslehre »,comme un traité général sur l'État dans son ensemble et cela au double point de vue du droit et de la politique, sans distinguer les deux faces de la conception (**). - G. Waitz applique à la science de l'État le terme de politique (*u). - Nous aurons l'occasion de revenir encore sur ce point et sur la délimitation plus stricte

(*) « Si la sociologie est une science réelle, elle absorbe nécessairement la science du droit, tout au moins du droit naturel.» A. Franck, dans le Journal des Savants 1889,-I. Mais l'auteur nie la raison d'être de la sociologie, n'admettant que des sciences socüHes particulières.

(**) Théorie générale de l'État. Préface du traducteur, p. vu et p. 3.

!***) «En g·énéral, nous concevons la politique comme la science de l'État, c'est-à-dire comme une discussion scientifique sur la situation de l'État. » Op. cit., p. 3.

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de ces trois domaines. Il nous suffit ici d'invoquer l'opi- nion très précise de Lorenz Stein :

<< Il n'y a point de système de droit public en soi~ Il

s'en suit plutôt que ce que nous entendons par là, c'est le système de la vie organique de l'État lui- même.

Le droit public constitue le moment juridique de ce systême, ainsi que de chacune de ses parties. » ..;_ Et plus loin : « Le droit public c'est l'ordre, conçu et déterminé comme droit·, des organes et de leur activité publique, en tant que ces derniers forment l'unité de l'État » (*).

Nous avons ainsi d'une part un système particulier de la vie sociale organique, unifiée dans l'État, système qui constitue l'objet de sa théorie générale, d'autre part le mo,ment juridique de cette vie, objet du droit public.

Mais qu'entend-on par « moment juridique » d'une organisation sociale quelconque, au double point de vue de la sociologie et de la philosophie du droit que nous prétendons être le même? -C'est sa vie psychi- que ou, plus exactement, sa vie intellectuelle. Le droit public n'est pas autre chose qu'une sphère particulière de la pensée sociale, des fonctions intellectuelles de l'organisation politique, une sphère dont les antécé-

dents physiques constituent la vie fonctionnelle de l'État>

Nous ne faisons qu'indiquer ici notre point de vue, l' e~istence même d'une psychologie sociale ayant de la

(*) Op. cit., I, p. 22-23.

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peine à pénétrer dans la science. Et ce n'est pas par voie de déductions ou de syllogismes~~ qu'on pourra prouver la légitimité de cette conception et la réalité des phénomènes sociaux correspondants, mais c'est par voie d'analyse des faits eux-mêmes et leur explication au moyen de l'hypothèse proposée.

Tout ce travail dépasse complètement les limites assignées à notre étude ; nous nous bornerons donc à quelques explications succinctes ultérieures. Ce qui nous importe ici, c'est de déterminer le rapport entre la théorie générale (de l'État et le droit public. A notre avis, il est le même qu'entre l'étude des faits physico- organiques et celle des faits psychiques. Le physique et le psychique ne peuvent être ramenés à l'unité phé- noménale supérieure qu'à la lumière d'une philosophie- générale et doivent être considérés dans leurs rapports réciproques comme irréductibles l'un à l'autre. De même les deux sciences mentionnées, la théorie généraie de l'État et le droit public, ne le sont pas davantage. Leur domaine, leur nature sont aussi différents que distincts, et toute confusion, tout empiètement mutuel serait absolument contraire à l'esprit philosophique.

La sociologie classe et explique les faits, en décou- vrant leurs lois générales; les sciences sociales particu- lières les exposent, tout en constituant simplement des embranchements de la première. (*) En ce sens la théorie

(*) Le rapport est exactement le même qu'entre la biologie et les sciences naturelles particulières.

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générale de l'État n'est qu'un des grands chapitres de la sociologie. Ceci n'empêche pas qu~aupoint de vue de la COJllpréhension complète des phénomènes cette dernière soit intimement liée à la théorie du droit, dont la philosophie devrait constituer un autre grand chapitre de cette même science synthétisante. Ainsi la place réservée à l'étude de l'État dans l'ensemble de l'ensei- gnement juridique est pleinement justifiée. Peut-être avec le temps cette branche particulière sera-t-elle supplantée par une théorie générale des phénomènes sociaux, par la sociologie. Les progrès réalisés de nos jours par cette science permettent d'entrevoir que dans un avenir prochain elle sera considérée comme une introduction nécessaire à l'enseignement du droit (*).

· (*) FERNAND FAURE : « La Sociologie dans les facultés de d1·oü en France )), Revue Intern. de Sociologie, 1893, II. RENÉ

WoRMS:« La Sociologie et le droit)), Ibid. 1895, I. MAURICE

HAumou : « Les facultes de droit et la Sociologie )), Revue géné1·ale·de d·J•oit, t. XVII

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C-HAPITRE I.

LES RAPPORTS DE L1ÉTAT AU SEIN DE LA SOOIÉTÉ POLITIQUE

§ 1.

Le fait que l'humanité civilisée s'est trouvée, de tout temps, partagée en groupes organisés distincts, s'imposa à la science dès ses débuts et fit surgir la question :

· quelle a été la base et le caractère de ces groupements.

En face d'un état peu avancé de la socialisation, la réponse ne pouvait être douteuse: c'était l'État qui pré- sentait à la fois un maximum d'indépendance &. l'exté- rieur ,à côté d'un maximum de cohésion à l'intérieur. Il n'y avait pas d'autre principe organisateur hormis sa disci- pline envahissante. La famille collective, le clan, la· tribu n'existant plus qu'à titre de souvenir, tout groupement social, qu'il s'appelât corporation, commune ou muni- cipe, puisait, sinon sa vie, du moins son existence légale dans l'État.- L'Église était ou bien nationale, c'est-à-dire plus ou moins fusionnée à cette époque avec l'organisa- tion gouvernementale, ou bien, comme l'Église catholi-

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que, érigée elle-même en État. Son ingérence interna- tionale ne paraissait pas trop contraire à l'ordre établi, vu les limitations fréquentes et multiples de la souve- raineté pendant la période féodale.

L'abolition des privilèges et de la réglementation gouvernementale a mis à découvert une formation sociale

indép~ndante qui s'abritait jusqu'alors sous l'aile tuté- la!~e de !.'État. La sci.ence ne tarda pas à relever son importance .. Nous voulons parler de la Société (bürger- liche Gesellschaft), dont la notion comn1ence à percer depuis la fin du siècle passé C'). W.-H. Riehl a déjà pu dire: « L'émancipation de l'idée de la Société du des- potisme de l'idée de l'État constitue l'acquisition la plus particulière de l'époque actuelle >> (n).

Ce point peut être considéré comme acquis à la science, malgré la difficulté qu'elle a trouvée de dégager cette conception nouvelle de son caractère primitif. A l'origine il ne dépassait guère une vague notion d'un ensemble de relations sociales, régies par le droit civil.

Une série de faits historiques vint encore compliquer l'opinion par trop simple d'un monopole de l'État dans les sciences politiques. Les Nations modernes se sont

(*) Les premiers ouvrages qui, à notre connaissance, ont relevé l'étude de la Société, en tant que groupement distinct de l'État, sont ceux d'Adam Fergusson ( Essai sur l'histoire eZe la Société civile, trad. Bergier, Paris, 1783) et Auguste Schlo- tzer (Allgemeines Staatuecht und VeJowaltungslehre, Gottin- gen, 1793).

(**) Die BüJogerliche Gesellschaft, Suttgart u. Tübingen.

1851, p. 4.

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-19 --

formées définitivement et ont commencé à révéler, d'une manière toujours plus :manifeste, une tendance à s'or- ganiser en États indépendants. C'est ainsi que surgit une force sociale nouvelle, latente et ignorée jusque là.

Les commotions intérieures que subirent et subissent encore tous les États, dont l'organisation n'est pas stric- tement nationale, n'ont pas tardé à fournir une preuve convaincante de ce fait désormais acquis. Si l'État moderne présente entre tous les groupements sociaux un maximum d'indépendance da'ns ses relations exter- nes, il est loin d'être doué à l'intérieur d'un maximum de solidarité· et de cohésion. - I l à fallu convenir que cette dernière qualité est l'apanage exclusif de la Nation, et faire pénétrer cette conception jusque dans le droit international.

Il y a enfin les progrès récents de la participation des masses populaires à la vie publique qui forcèrent l'atton~

ti on de la science. Ils révélèrent l'existence d'un groupe politique, dont le rôle touche de près au fonctionnement de l'État, sans se confondre avec l'activité go.uverne- mentale organisée. Le mérite incontestable d'avoir intro- duit la notion du Peuple dans la science appartient à- Bluntschli. C'est lui qui en précisa le contenu et en fit un terme commensurable à celui de Nation (*).

(*) Nous employons ces expressions dans leur sens étymolo- gique, sanctionné par l'autorité de Littré, quoique souvent con- tredit par l'usage. Nation, de nasci, suppose un lien de nais- sance, de race; peuple, de populus, polis, -un lien politique.

Ce qui nous engage encore à adopter cette terminologie, c'est

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' Toùtes ces complications, tant pratiques que théori- ques, assez inattendues pour la science, ébranlèrent considérablement l'ancien point de vue. Dorénavant l'étude de l'État ne peut plus absorber les sciences poli- tiques, vu qu'elle est loin d'embrasser l'ensemble des phénomènes correspondants.

§ 2.

Un courant scientifique nouveau vint fournir une base solide et toute positive aux progrès ultérieurs. - La sociologie, inspirée par les sciences biologiques, prit pour point de départ de ses investigations la société (sans définition préc.ise), conçue comme organisme vivant, possédant ses organes, ses fonctions et une conscience collective, distincte des consciences indivi- duelles. L'inconstance extrême des limites de l'État_, aisément explicable au point de vue juridique, s'ac- corde difficilement avec la notion d'un organisme natu- rel à croissance spontanée et lente. De là il n'y a qu'un pas à considérer les changements internationaux brus- ,ques, et pour la plupart passagers, comme des faits

anormaux et contraires à l'évolution naturelle des peu- ples civilisés-. __:_ D'autre part, la conception psycholo- gique des sociétés a pénétré jusqu'à l'idée rr~ême de l'État (*). - Elle doit nécessairement relever l'impor-

sa conformHé avec les autres langues, par conséquent les chan- ces qu'elle a de devenir internationale.

(*) Jeder Staal ist eine geiiusse1"te, der Realitât eingebilclete

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tanc.e d'une cohésion et d'un accord spontan~s dans l'es~

prit des masses, appelées à constituer une organisation naturelle et politiqu,e à la fois.

Toutes ces prémisses complexes nous amènent à po- ser une notion synthétique de la société, plus conforme à.

l'état réel des rapports sociaux. Elle embrassera à la fois la Nation et la Société, le Peuple et l'État, et représen- tera la double qualité de tout organisme : un maximum relatif d'indépendance à côté d'un maximum de cohé- sion. Elle a besoin d'un terme particulier. Celui de Société Politique, sans être une innovation ni un néolo- gisme, nous semble le plus propre: il répond le mieux à une formation, consolidée par une longue pratique de solidarité sociale et psychique et libre la fois de toute ingérence imposée du dehors. Il n'y a que l'État natio- nal qui présente un type de Société Politique définiti- vement formé. Les empiètements excentriques des Peu- ples sur les Nations avoisinantes, la domination des Sociétés par des États étrangers, ne sont que des vesti- . ges d'un passé chaotique et amorphe et dégénèrent en

anomalies organiques. La preuve en est fournie par ces États eux-mêmes qui font des efforts inouïs pour trans- former leur base hétérogène en une assiette purement nationale.

La science sociale, dépourvue de tout moyen d'expé- rimentation, trouve dans ces faits un dégagement, pour ainsi dire artificiel, de certains facteurs sociaux. Elle Idee eines Volkes. LAZARUS u. STEINTHAL, Zeitschrift für Vol- ker-psychologie. I Einleitende Gedanken p_.10.

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peut les observer dans leur état d'isolement .relatif, mais elle ne sera pas capable de les caser dans un sys- tème de classification :définitif, sans tenir compte de leur irrégularité. Il en est de même, par exemple, de .l'éthologie, qui ne pourra jamais classer parmi les types normaux, c'est-à-dire parmi les êtres à conduite spon- tanée et libre, l'esclave irresponsable, dominé. par la

volonté du maître.

Il ressort de tout ce qui précède que la notion de l'État, laquelle naguère éncore était censée épuiser le contenu de l'individualité internationale, doit, auxy eux de la science, céder la place à une ,conception plus intégrale, à celle de la Société Politique, dont elle ne constitue qu'une face particulière.

Mais quels sont alors les rapports de l'État avec les trois autres groupements sociaux qu'on a introduits dans la science, sans leur fournir un contenu déter- miné ni des bornes assignables~ - Nous proposons de les soumettre à une classification, tirée de leurs carac- tères déjà connus et établis, mais capable de les synthé- · tiser dans l'unité organiquement conçue de la Société Politique.

1. En passant en revue les facteurs différents qu'on a représentés comme ayant déterminé l'essence d'une Nahon, à savoir~ la race ethnique_, la religion, les tradi- tions historiques, la langue enfin, - on convient que, pris séparément, -tous sont impuissants à la constituer,

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-'- 23 -.

mais, dans leur ensemble, sont plus ou moins indispen- sables à sa formation. Ces facteurs ont ceci de commun qu'ils contribuent à rendre les éléments disparates d'un groupe social toujours plus ressemblants entre eux et en même temps distincts des groupes environnants. - L'assimilati?n mutuelle achève le processus et déter- mine l'homogénéité d'une Nation. Son contenu humain finit par former comme une race à part, de nature toute sociale et historique, pénétrée d'une affinité· et d'une cohésion internes.

En outre, toute Nation est douée d'une base maté- rielle, constituée par le pays. Elle s'y tr~uve attachée par des liens tellement étroits que la terre nationale, à force d'être façonnée par son travail séculaire, est pour ainsi dire imprégnée d'un même caractère distinctif et acquiert une physionomie propre. Le groupe humain et la nature ambiante, r.emaniée par lui, ne forment qu'un seul tout organique qui accumule les expériences et les labeurs des générations. Ce dépôt d'une vie productive, nous l'appelons culture : elle est humaine quand ses traces laissent 'leur empreinte sur le oaractàre des habi- tants; elle est matérielle quand elle moule leur entou- rage soit brut soit organique. ·

Les éléments si1nilaires; à cause de leur affinité même, subissent une attraction mutuelle, s'intègrent, et, de ce fait, acquièrent un surcroît d'assin1ilation. L'homogé- néité d'une Nation est ainsi en même temps le point de départ et le résidu d'un processus constant d'inté- gration.

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- 2 4 -

§ 4.

2. Le Peuple, même quand il coïncide exactement avec la Nation au point de vue territorial, n'en forme pas moins un groupement particulier et distinct. Son contenu est constitué par tout ce qu'il y a d'hétérogène dans le contingent humain, en tant que ces dissem- blances sont mises en contact au sein de la Société Poli- tique. La formation historique primordiale des Peuples a été toujour~ le produit d'une fusion de groupes dispa- rates, opérée par la conquête et l'assujettissement. Les hétérogénéités primitives de race et de culture se sont trouvées ainsi corroborées par l'inégalité de position sociale entre le groupe dominant et la race asservie.

Elles fournissent le point de départ d'une dijférencia- tion organique subséquente qui peut changer d'assiette et de portée, mais se continue toujours. C'est ainsi que . se sont formées successivement les castes, les ordres, les· classes, correspondant plus ou moins à la distinction entre gouvernants et gouvernés. ·Leurs traits distinctifs ont tantôt pour base une hétérogénéité ·profonde de cul- ture, tantôt une différence dans son degré, toujours une inégalité de puissance sociale ou politique. Le Peùple est le dépositaire, l'accumulateur des traces,· produites par une différenciation constante.

Il n'a rien des attaches organiques d'une Nation avec son pays; il ne fait que dominer un territoire, c'est-~­

dire exercer une puissance sur le 'fonds matériel,

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- 2 5 -

dont la distribution suit les inégalités sociales (*).

Les éléments hétérogènes, en tant que l'engrenage· de la vie commune met leurs différences en rapport, subis- sent une mutuelle répulsion qui menace de dégénérer en lutte toute les fois que la résultante des pressions sociales se trouve en rupture d'éq-uilibre. Les conflits intestins) tout en consolidant les groupes en dissidence, contribuent à leur tour à ·accentuer l'hétérogénéité d'un Peuple.

·Les deux groupements, dont nous venons de retracer les caractères, représentent la Société Politique par son côté non organisé. et en même temps statique; nous dirions même anatomique, par opposition aux phéno- mènes fonctionnels. Ce dernier terme fait bien ressortir toute la différence que comporte cette conception d'avec

<< l'anatomie sociale », telle que les sociologues-'J?iolo-

gistes ont tenté de l'établir sur des analogies de nature toute morphologique.

§ 5.

3. La Société (u) n'est que la Nation organisée ou,

(*) Il faut des luttes séculaires entre deux cultures pour délo- ger une Nation d'une partie de son pays, et cela ne se fait pas sans qu'elle subisse des souffrances profondes. Les cessions de territoires, par contre, s'opèrent fréquemment d'un trait, sans bouleversements sensl.bles : le peuple ne perd que de sa puis- sance et de soil prestige.

(**)Nous avons publié récemmeilt une étude succincte sur la Société dans la Revue· Intel'nationale ile Sociologie (1895, .VI

(27)

- 2 6 -

ce qui revient au même, l'ensemble de la vie fonction·- nelle de la Nation. Cette double qualité, qui semble

a

première vue incompatible dans une seule et même conception, s'explique par la nature particulière des·

faits sociaux. Dans ce domaine, un organe, qui est ici représenté par une organisation spéciale, n'a d'autre étendue que ses bornes fonctionnelles, d'autre forme concrète qu'un ordre déterminé dans ses actes. Plu- sieurs organisations pouvant coexister simultanément, non seulement sur un même territoire mais au sein d'un. même contingent humain, il appert qu'une fonction sociale n'est pas l'activité d'un organe concret, mais par contre qu'un organe social est une fonction organisée dans ses mouvements. Même dans le repos le plus complet, l'organe animal ne cesse d'exister et de conserver sa forme palpable; l'organisation sociale, par contre, en dehors de ses fonctions, n'est qu'un groupe amorphe d'individus. Sa structure particulière ne se conserve qu'à l'état potentiel et latent et n'acquiert de nouveau une forme qu'au moment de son entrée en activité.

L'organ!sation de la Société est une organisation spontan,ée, un ensemble de fonctions coordonnées libre- ment; c'est ce qui ressort nécessairement de l'homogé- néité même de-:; éléments engagés dans la construction.

Tout ce qui se ressemble· et subit une affinité interne et VII), sous le titre de: «l'Organisation spontanée de la Société politique)), où les idées qui suivelit ont reçu un plus ample développement. ·

(28)

- 2 7 -

n'a pas besoin de contrainte extérieure pour se grouper et coopérer volontairement à un but commun. Les groupem·ents particuliers prennent alors la forme d'as- sociations spontanées ou d'associations à base de res~

semblance (*).

L'ensemble du fonctionnement de la Société présente un processus constant d'intégration. Il commence par engager, par certains côtés de leur activité, des groupes d'individus pour réunir ensuite ces blocs en complexes plus grands et plus généraux. Ce processus est loin d'être achevé, même dans les Sociétés les plus avan- cées : c'est beaucoup s'il parvient de nos jours à orga- niser des branches particulières de l'activité sociale et à donner à l'ensemble une cohérence relative de mou- ments C"~).

Dans son expression la plus concrète, la Société est donc un système d'associations spontanées, auxquelles incornbe un travail (3Ssentiellement productif, celui d'ac-

(*) « Le mot association étant pris dans le sens de la nais- sance, de la formation de la société, on peut dire que la société est le résultat de l'association.>> X.-S. CoMBOTHÉCRA, L'État en tant que Société, p. 385.

(**) ((La Société, dit R. v. Mohl, c'est l'ensemble des orga- nismes et des communautés, nés d'un intérêt commun, dans un pays déterminé ». Selon la définition de Palma, elle com- prend l'ensemble des citoyens d'un État « en tant qu'ils n'agis- sent pas comme un~ communauté politique (comme un État), mais en tant qu'ils exercent et développent toute leur riche activité individuelle, physique, économique, intellectuelle, mo- rale et coopérative, indépendamment et en dehors de l'action directe des pouvoirs publics». V. ibid., p. 389.

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- 2 8 -

croître la culture tant matérielle qu'immatérielle du corps entier. Le taux de la coopération spontanée, l'in- tensité fonctionnelle et organisatrice d'une Société, voilà ce qui constitue sa civilisation.

§ 6.

4. Si nous disons que l'État est pour le Peuple ce que la Société est 'pour la Nation, la place qu'il occupe au sein de la Société Politique et ses rapports avec les groupements mentionnés se dessineront d'une manière · suffisamment nette. L'État comprend l'ensemble des fonctions dont le rôle consiste à coordonner les éléments hétérogènes, divergents ou réfractaires, à leur imposer une coopération coercitive et un équilibre forcé. Voilà en quel sens il n'est que le Peuple organisé ou, si l'on veut_, la Société unifiée dans une cohérence forcée. Cette conception est conforme aux notions établies ou du moins largement répandues(*).

On ne peut impliquer dans une même organisation des éléments hétérogènes, différant· par leur nature,

(*) « L'État c'est 'la personne politiquement orgamsee du Peuple dans un pays déterminé », BLUNTSCHLI.-«L'État c'est l'organisation du Peuple>>, G. WAITZ. - « L'État c'est l'orga-

;nisation de la contrainte sociale>>, R. v. IHERING. - « L'État c'est la manifestation organique de la nation >>, SAVIGNY.-

« L'État c'est la domination organisée d'une minorité sur une majorité de race différente>>, L. GuMPLowrcz. -«L'État n'est toujours qu'un organe distinct dans le grand organisme social», H. AHRENS.

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- 2 9 -

leurs intérêts ou leurs tendances, sans leur unification préalable opérée par la contrainte. Ils ne se coordon- nent pas spontanément en vue d'un fonctionnement d'ensemble, mais ils doivent être subordonnés les uns aux autres et érigés en hiérarchie, descendant·jusqu'aux infimes ramifications d'une organisation coercitive. Le fonctionnement de l'État est un processus constant de différenciation qui se greffe sur l'hétérogénéité orga- nique d'un Peuple pour la ranger, la parfaire et la con- solider à son tour.

Nous voilà loin de l'ancienne conception de l'État, dont les limites et la sphère d'activité étaient détermi- nées non par un classement de faits réels mais par des considérations d'ordre purement déontologique. Ceci, disait-on, ne doit pas être du ressort de l'État, cela, par contre, doit, y entrer, et l'on tombait ainsi en pleine confusion de la science de l'État avec l'art de la poU- tique. La ligne de démarcation ·entre la compétence des pouvoirs publics et l'autonomie de la Société ne peut être établie a priori; il en est de même du critère des inégalités sociales, lesquelles surélèvent le groupe gou- vernant au-dessus du Peuple entier. Pour un temps et un lieu déterminés ce sont là des faits que la science n'a qu'à enregistrer et à expliquer à la lumière des lois générales.

§ 7.

Il nous reste à retraeer brièvement les rapports de l'État avec les phénomènes psychiques collectifs dont

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- 3 0 -

la Société politique est le sujet et l'objet en même temps. Ici nous tombons dans l'inconnu, les problèmes de ce domaine étant à peine effleurés par les investiga- tions modernes (*). Ne trouvant pas d'appui direct du côté des autorités scientifiques reconnues, étant forcés en outre de traiter d'une manière incidente les questions les plus graves et les moins élucidées, nous nous bor- nerons à retracer une ébauche sommaire de classifica- tion encore hypothétique. Celle-ci pourra rendre pour- tant plus claire sur certain-; points la place de l'État dans l'ensemble de la vie sociale. Ce sera là une simple indication du point de vue auquel nous nous plaçons.

(*} JoH. FRIEDR. HERBART, Séimmtliche Werke, Leipzig, 1882- 1885.-Allgemeine praktische Philosophie, L. I, ch. xu et L. II, ch. v. - Lehrbuch ZUJ' Psychologie, Konigsberg u. Leipzig, 18l6. - M. LAZARUS u. H. STEINTHAL, Zeitschrift filr Vül- kerpsychologie 'Ltncl Sprachwissenschaft, t. I. - Einleitende Gedanken über Vülkerpsychologie, t. I I . -LAZARUS, Uebe1· das Ve1·hâltniss des Einzelnen z1w Gesammtheit. - LINDNER, Ideen zu1' Psychologie der Gesellschaft, Wien, 1871. - A.

ScHAEFFLE, Bau und Leben des sozialen Iilh'_Pers, Tübingen, 1875-1881, t. I, p. 392 sq. t. IV, p. 55 sq. - A. FouiLLÉE, La Science sociale contemporaine, Paris, 1880. -A. EsPINAS, Des Socùites animales, Paris, 1878. - Etudes sociologiques en France, Revue Philos., 1882, t. JI. - G. SrMMEL, Ueber so-:

ciale Differenzierunr}, Leipzig, 1890. - RENÉ WoRMS, Orga- nisme et Société, Paris, 1896, .ch. X.- ScrPIO SIGHELE, La foule criminelle, essai de psychologie collective, Paris, 1892. - PAULHAN, La conscience clans les Sociétés, Revue Scient., août 1887. - G. TARDE, Les lois de l'imitation, Paris, 1890. - La logique sociale, Paris, 1895. -· GusTAVE LE BoN, Psycho- logie des foules,. Paris, 1896.- BouGLÊ, Les sciences sociales en Allemagne, Paris, 1896.

(32)

-_31-

«Ce n'est pas à un organisme, dit M. G. Tarde,. que ressemble un~ société et qu'elle tend à ressembler de plus en plus à, mesure qu'elle se civilise; c'est bien -plu- tôt à cet organe singulier qui se nomme un cerveau; et voilà pourquoi la science sociale_, comme la psycholo- gie, n'est que la logique appliquée. La société est, en somme, ou devient chaque jour, uniquement un grand cerveau collectif dont les petits cerveaux individuels sont les cellules>>(*). La Société Politique, cet organisme sui generis, présente ainsi une certaine analogie avec les organismes supérieurs, notamment en ce qu'ils ont de plus complexe et de plus conscient dans leur vie interne. Elle n'a pas de buts en dehors de son propre bien-être, ainsi que l'homme n'en a pas en dehors du bien-être de son cerveau. En effet, tout ce qui a trait à la vie humaine·proprement dite se ramène au fonction- nelnent norn1al du système nerveux central et des états de conscience correspondants. Ainsi «l'harmonie des phé- . no mènes extérieurs n'est q1.1'un moyen d'obtenir l'har- monie intérieure(*"'). n Le défaut de nutrition n'existe pas pour l'être hum~in avant que l'état de 1nalaise n'éveille dans les centres nerveux la sensation de faim.

(*) Catégories logiques et institutions sociales, Revue Phi- los., 1889, II, p. 303. « Une Société, dit M. A. Espinas, est, il est vrai, un être vivant~ mais qui se distingue des autres en ce qu'il est avant tout constitué par une conscience. Une Société est une conscience vivante) ou un organisme d'idées>>. Des sociétés animales, p. 361.

(**) H. BROCHER DE LA FLËCHÈRE, Les révolutions elu droit, I, p. 66.

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- 3 2 -

Toute notre conduite, nos tendances, nos désirs ont pour but le maintien d'un calme intérieur dans notre cerveau ébranlé par les besoins; tout notre bonheur est compris dans son activité riche et régulière. Que sont nos entraînements vers le beau, le vrai et le bon, sinon un désir d'harmonie supérieure dans nos idées et nos sentiments; qu'est-ce enfin que le remords, sinon une douleur de la pensée, altérée par des associations dis- ·

cordantes~

,Quoi qu~il en soit, les analogies peuvent à la rigueur illustrer des conclusions, elles ne doivent jamais leur servir de prémisses. Ce qui nous importe, à notre point de départ, c'est que les faits de conscience pénètrent jus- . que dans les plus profonds replis de la vie sociale. Ce sont tantôt des tendances, tournées au point devu~subjec­

tif vers la poursuite d'intérêts privés, lesquelles sociale- ment constituent des faits automatiques ou ne produi-

s~nt qu'une vague sensation organique. Tantôt ce sont des actes collectifs particuliers plus ou-moins fortement organisés, accompagnés d'états subconscients. Tantôt enfin ce sont des organisations générales, des fonctions d'ensemble qui éclatent en états de pleine conscience sociale et. aboutissent à la constitution de l'individualité psychique du corps entier. Les lois générales qui régis- sent cette double série de faits sont identiques; la clas- sification des phénomènes psychiques doit aussi pré- senter une corrélation avec la catégorie des phéno- mènes organiques ..

· Ainsi, nous avons des états de conscience qui n' em- brassent pas de rapports, dont toute manifestation

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- 3 3 -

consiste en une simple vibration homogène ou hétéro- gène de!:l éléments : ce sont les faits a(fecttfè5. D'autres_, par contre, n'existent qu'en vertu des rapports enti~e

les éléments, de leur systématisation méthodique, de leur coordination ou subordination réciproque : ce sont les faits intellectuels. Dans la vie sociale, les premiers constituent le domaine de la morale, les seconds, celui du droit (*).

§ 8.

1. Quels sont les phénomènes psychiques qui corres- pondent à l'assimilation interne et à l'affinité organique, à ces deux facteurs déterminants de l'homogénéité pro- pre à la Nation~ - C'est en premier lieu l'imitation mutuelle entre les éléments, cette tendance d'ordre purement affectif, qui pousse les êtres, ayant une com- munauté quelconque, à ~evenir plus ressemblants encore. Ensuite, c'est un sentiment éminemment social, cause et effet à la fois de l'imitation_, sentiment qui se nomme sympathie et qui est le grand lien unificateur de tout groupe homogène. - Étendu à la communauté

(*) H. Ahrens encore a fait l'observation que «le droit se montre comme une qualité de rapport, tandis que la morale exprime plutôt une qualité simple .... Le droit, sous le rapport de la forme, se présente comme un principe d'ordre et d'OI·ga- nisation. » Op. cit., p. 156, 167.

«Le droit n'est pas autre chose qu'une espèce de conscience sociale, l'ensemble des règles des relations humaines.» BROCHER DE LA FLÉCHÈRE, Gp. cit., I, p. 28

3

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- 3 4 -

entière de la Nation, il s'appelle patriotisme. Enfin, ce sont les états émotionnels qui accompagnent les fonc- tions spontanées do nature organique et constituent, par conséquent,. une vraie coenesthésie sociale; ils se résolvent ·en sentiments généraux de bien-être ou de malaise. Tout état affectif ~st teinté do plaisir où de douleur. É-reiller dans les deux cas une sympathie soli- daire dans le groupe· entier_, susciter une réaction affec- tive contre la peine ou contre ses causes ct multiplier les joies communes, tel est le rôle des sentiments vibrant à l'unis~on, telle est aussi la tâche de la morale d'al- truisrne. Le plaisir social, voiHt le bien; la douleur sociale, voilà le mal.

La morale, c'est l'ensemble harmonique des senti- ments sociaux dans un groupe homogène. Elle tend à entraîner tous les éléments constitutifs vers le bien de l'entier, en éveillant leurs dispositions spoiltanées, telles que la sympathie et l'altruisme,.quand leur intensité est suffisante pour produire l'accord. Si ces derniers sont prêts à faillir, elle y ajoute le sentiment du devoir libre- ment accepté. Les phénomènes affectifs d'un organisme social, envisagé dans ses manifestations d'homogénéité interne, constituent sa morale spontanée : celle de l'al- 1ruisme et du devoir.

§ 9.

2. Les antécédents physiques fournis par l'hétérogé- néité d'un Peuple donnent lieu à des faits affectifs par- ticuliers qui dépendent du degré et de l'intensité de la

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35

dissemblance entre éléments. !./influence émotionnelle·

qu'exercent les uns sur les autres les groupes inégaux et superposés ne sera pas celle d'une imitation mu- tuelle, mais-bien d'une suggestion unilatérale : prestige et autorité d'une part, effacement et soumission dê rautre. - Quand les inégalités sociales sont profondes,.

complètes et la supériorité fortement établie, le senti- ment du respect pour l'ordre existant peut aller jusqu'à une obéissance toute passive. Habituellement, le groupe dominant impose au Peuple entier un sentiment parti- culier de soumission à la nécessité sociale qu'on subit faute de pouvoir s'y soustr'aire. Cette nécessité est créée par les conséquences qu'entraîne tout fait dissident dont la manifestation dépasse les llmites assignées d~avance à là conduite. Telle est la base d'une morale d' obliga- tion ou civile, comme on l'appelle. Ce n'est que la moralité sociale, envisagée au point de vue subjectif.

Son mobile propre est l'obédience, suggérée dans ses traits essentiels, imposée dans ses détails.

Mais cette morale officielle ne se meut que dans 'une sphère bornée aux obligations qu'impose le droit. La vie affective dans ses divergences, ses rivalités et ses colli- sions internes change, évolue et éclate en antagonismes.

Ces derniers menacent souvent d'étouffer les sentiments d'obéissance à telle suggestion pour les remplacer par la soumission à telle autre. C'est ce qui a lieu quand la supériorité reconnue e~t factice et disproportionnée à la puissance. Tout le jeu des passions sociales est là (~) :

(*) <<Qu'est-ce qu'une passion, sinon l'asservissement d'un être

(37)

- 3 6 -

:luttes pour la domination morale, insinuations len- tes dans les esprits· de sentiments nouveaux, entraî- nements_, discrédit, dévouement, haine. La morale de l'obligation règle, tant bien que mal, cette joute a:ffec- . tive, mais elle est presque toujours entraînée dans la

lutte, parce que l'enjeu n'est rien moins que sa propre intégralité. Tel est le domaine de la Politique. Elle n'est que la morale particulière à un groupe social qui tend à la rendre obligatoire. La politique par excel- lence, c'est la morale de l'État, mais on étend aussi, à juste titre, ce terme à toutes celles qui aspirent à la sup- planter.

§ 10.

3. L'analyse des phénomènes intellectuels, dont les antécédents organiques sont constitués par des associa- tions spontanées entre éléments homogènes_, nous révèle l'existence d'un consensus social déterminé d'une ma- nière immédiate par les liens affectifs de sympathie mutuelle. Il s'opère une systématisation méthodique qui évoque les ressemblances tirées des faits aperceptifs concrets, les unit en blocs plus abstraits et plus vastes . en même temps, pour arriver aux abstractions suprêmes constituant le moi social. Ce processus constant d'inté- gration de la pensée forme une série d'actes de réflexion et suit une méthode particulière appelée inductive.

à une partie de lui-même?» BROCHER DE LA FLÉCHÈRE, Op.cit., II, p; 211.

(38)

- 3 7 - .

La synthèse intellectuelle d'une communauté homo- gène est représentée par les principes de son droit social qui régit l'opinion de cette communauté, ses coutumes et ses usages ('f). - Vu le mode de sa formation, il pourrait être appelé plus exactement droit inductif.- On serait airisi autorisé à invoquer l'ancien adage dans une acception plus spéciale: Ubi societas ibi jus.

Le droit social est obéi spontanément, puisque ses affirmations, ses actes volitifs ne font que constater l'état d'esprit commun. Il n'engendre que des devoirs d'équité et n~n pas çles obligations juridiques; les récal- citrants sont tout simplement isolés, écartés de la corn~

munauté spirituelle et réprouvés par l'opinion publique.

- Si la civilisation d'une société est déterminée par le degré de la coopération spontanée qui lui est propre, le côté spirituel de cette civilisation correspond au degré du développement de l'esprit public, de son moi social.

Et le droit naturel~ faut-il le rE;}léguer pour toujours dans les archives de l'idéologie~ - Nullement. Conçu comme droit social, commun à plusieurs sociétés par- venues à un même degré de civilisation_, il recouvre

(*) M. Brocher de la Fléchère lui assigne une place dans la philosophie du d~oit sous le nom de droit coutumier, pris dans l'acception la plus large du mot. - <<La pratique judiciaire, dit-il, est à la pratique extrajudiciaire ce que la maladie qui I'éclame des secours artificiels est à la santé qui ne fait pas parler d'elle, mais n'en est pas moins bonne à connaître.)) Op.

cit., I, p. 8.

(39)

-- 38-

toute sa valeur et reçoit une base nouvelle_, cette fois strictement po si ti ve.

'§ 11.

4. Il nous reste à esquisser l'ensemble des phéno- mènes intellectuels concomitant aux fonctions orga- niques de l'État. Le matériel psychique sur lequel s'opère la systématisation est hétérogène, souvent diver-

gent. Son classement méthodique ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une synthèse' unificatrice. Elle est symbo- lique parce qu'elle se~comporte comme si les éléments, mis en rapport, étaient harmoniquement coordonnés, pour maintenir ensuite cette harmonie par la force· de la logique sociale. La méthode a, pour point de départ, une généralisation, notamment les lois générales d'un ordre parfait, dont se déduisent les règles plus spé- ciales, et arrive jusqu'à la détermination des percep- tions concrètes. Cette méthode qui consiste en une série d'aetes de raisonnement, est celle de la déduction. Elle ne représente ici que le coté intellectuel de la différen- ciation organique et fonctionnelle de l'État

e).

Les idées

(*) « L'État est la réaiisa1ion plus ou moins complète, plus ou moins pure d'une pensée, d'une idée qui était dans le domaine de l'intelligence.>> PELLEGHINO Rossr, Cou1·s de droit constitu- tionnel, p. 8. - «Considéré soit dans ses lois, soit dans son gouvernement, l'État est directement et manifestement l'ex- pression d'une volonté, indirectement et d'une façon obscure, celle d'une pensée. » E. BEAUSSIRE, Les principes elu droit, p. 91.

(40)

- 3 9 -

générales suprêmes. servant de grandes prémisses it l'ordre juridique, sont puisées dans le droit social du groupe gouvernant. Elles déterminent la personnalité de la Société Politique, et cela tant au sens psycholo- gique que social du .mot. ·

Toute cette sphère de la vie intellectuelle,

a

laquelle

l'État fournit ses antécédents, constitue le système de ses lois, son droit positif, ou encore le droit déductif

~u corps entier. Ce ,n'est que clans l'État et par l'É~at · qu'il trouve sa réalisation extérieure ('*).

§ 12.

Nous avons déterminé la place qu'occupe l'État au sein de la Société Politique. Quelques conclusions res- sortent d'emblée de ce qui précède.

L'État est en rapport logique direct et immédiat : avec le Peuple dont il représente l'unité, rorganisation et le fonctiorineme~t; avec la Sociét~ dont il complète la coordi~ation spontanée imparfaite par la coopéra- tion forcée; avec le droit positif enfin, vis-:\-vis duquel il constitue l'ensemble de ses antécédents organiques.

L'unité des lois qui régissent la vie sociale, tant dans ses phénomèm~s physiques. que psychiques, permet de

(*)Il n'y a pas, par conséquent, de droit privé, ma:is bien un droit civil. Ce terme impropre ne pourrait, à la rigueur, être appliqué qu'aux statuts et règlements des associat,ions particu- lières et faire partie du droit social.

(41)

- 4 0 -

poser convenablement l'ancienne controverse concer- nant le développement «naturel» ou <<artificiel» des États, en la ramenant au problème du libre arbitre.

Enfin, tout ce qui précède rend plus évident le fait que nous avons déjà signalé· au début, à propos des sciences correspondantes, à savoir que le problème des rapports ·et de l'influence mutuelle entre l'État et le droit positif, ou plus généralement entre l'organisation sociale.

et' le droit, équivaut à celui des .rapports entre le phy- sique ét le psychiqu.e, entre l'objet et le sujet. Ce pro- blème constitue la grande pierre d'achoppement de la philosophie moderne.

(42)

CHAPITRE II

L'ORGANISATION DU GROUPE GOUVERNANT

§ 13.

L'État n'étant que l'organisation d'un Peuple et le Peuple un ensemble de groupes hétérogènes, composés d'éléments à instincts et à intérêts non seulement divers, mais divergents, il y a une première question qui se pose : comment une formation pareille peut-elle

aboutir~ Que\ est le processus particulier qui réussit à fonder runion entre parties pénétrées par leur nature même de tendances centrifuges et_, ce qui est plus, par- vient à les epglober., justement en tant qu'elles sont divergentes, dans une mêtne.organisation ~

Il n'y a qu'une fusion entre éléments homogènes qui .se conçoive aisément; leur affinité interne suffit pleine-

ment pour opèrer l'union associative par res.s~mblance

et pour établir une coopération spontanée en vue de fins communes. Eh bien, c'est précisément cette forme organisatrice qu'on trouve à la tête de tout État. Un groupe, consolidé lui-même à l'intérieur, se place en chef du corps entier, subordonne toutes les divergences

(43)

-42 - ·

à un ordre établi et imposé par lui, et constitue ainsi le noyau de l'organisation· complexe de l'État. Composé lui- même d'un matériei humain éminemment homo- gène, il possède une structure propre d'origine spon- tanée, et tout le mécanisme coercitif de l'État n'est que son prolongement, affecté à la coordination forcée des éléments différents.

Ce fait, beaucoup moins frappant dans les États mo- dernes, à cause des complications subséquentes, ressort dans toute sa netteté, si nous remontons aux origines de la Société Politique.

« Il est incontestable, dit H. Spencer, que le gouver- nement est né de l'agression ·et ~ été engendré par l'agression. >) Le groupe qui en fut partout l'auteur ne s'est nullement élevé au-dessus de ses semblables par voie d'accaparement du pouvoir au sein de la tribu pri- mitive. C'est l'invasion extérieure, la conquête d'une peuplade étrangère, une incursion sou\;ent lointaine qu'on trouve à .l'origine ·de toute domination régulière d'une couche sociale sur une autre. La différenciatfon ultérieure en classes est à ce prix. Or_, les conquérants ont appartenu toujours à une race distincte de celle des peuples subjugués, circonstance qui expliquè la ligne, de démarcation profonde entre eux (~).

(*) On serait même autorisé à soutenir l'hypothèse que les in- vasions primordiales ont été entreprises par des hordes guer- rières habitant des plateaux élevés et vouées à la chasse et à l'élevage du bétail; ce seraient par conséquent des races· carni- vores. Elles auraieilt trouvé leur butin dans les tribus agricoles

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