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LE DIBERDER), La Découverte, Paris, 1998.

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cahiers libres

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DU MÊME AUTEUR

La production des réseaux de télécommunications, Econo- mica, Paris, 1983.

Crise et mutation du domaine musical (en collaboration avec Sylvie PFIEGER), La Documentation française, Paris, 1987.

Briser les chaînes. Une introduction à l'après-télévision (en collaboration avec Nathalie COSTE-CERDAN), La Décou- verte, Paris, 1988.

Télé-visions de l'Europe (en collaboration avec Kornelia THEUNE et Bernadette LEPEUT), Éditions de la Réunion des Musées nationaux, Paris, 1990.

La Télévision (en collaboration avec Nathalie COSTE- CERDAN), La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2e éd., 1991.

Qui a peur des jeux vidéo ? (en collaboration avec Frédéric LE DIBERDER), La Découverte, Paris, 1993.

L'Univers des jeux vidéo (en collaboration avec Frédéric LE DIBERDER), La Découverte, Paris, 1998.

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Alain Le Diberder

Histoire d'@

L'abécédaire du cyber

ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE 9 bis, rue Abel-Hovelacque PARIS XIIIe

2000

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Catalogage Électre-Bibliographie LE DIBERDER, Alain

Histoire d'@ : l'abécédaire du cyber. - Paris : La Découverte, 2000. - (Cahiers libres) ISBN 2-7071-3245-4

Rameau : cyberespace : terminologie multimédias : terminologie

Dewey : 004.1 : Informatique. Traitement des données. Ouvrages généraux sur l'informatique

Public concerné : Tout public

En application du Code de la propriété intellectuelle, il est interdit de reproduire inté- gralement ou partiellement, par photocopie ou tout autre moyen, le présent ouvrage sans autorisation du Centre français d'exploitation du droit de copie (20, rue des Grands- Augustins, 75006 Paris).

Si vous désirez être tenu régulièrement au courant de nos parutions, il vous suffit d'envoyer vos nom et adresse aux Éditions La Découverte, 9 bis, rue Abel-Hovelacque.

75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel À La Découverte.

@ Éditions La Découverte & Syros, Paris, 2000.

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à Louis Le Diberder, qui connut @ avant de savoir écrire a.

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Introduction

En cherchant bien, dans le grenier ou à la cave, chacun possède sans doute sans le savoir une relique extraordinaire : un Petit Larousse illustré de la fin des années soixante-dix.

Ce ne doit pas être un objet très poussiéreux, une vingtaine d'années à peine, et pourtant... On sait bien sûr qu'il comporte en page deux le drapeau de l'URSS, on vérifiera sans surprise qu'entre « sicle » et « side-car », il n'y avait pas encore « sida ». Mais le sentiment d'avoir entre les mains le témoin d'un autre monde s'approfondit à mesure qu'on le feuillette. Le préfixe vidéo- par exemple : en 1979, la page correspondante était illustrée par une photo noir et blanc d'une « victoria », une voiture tirée par deux chevaux. Vidéo donnait cinq entrées, dont celle de la « vidéophonie » :

« Technique mettant en œuvre les vidéocassettes et les vidéodisques. »

Vingt ans après, dans une page illustrée par une photo en couleur d'art vidéo et une vue en coupe d'une cassette VHS, le nombre des entrées pour vidéo- aura triplé. Et « vidéo- phonie » disparu. À la lettre T, les quatre pages de 1979 consacrées au préfixe télé- montraient des téléimprimeurs (le télex, qui s'en souvient ?), un téléphone en Bakélite noire et

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des photos de studios de télévision avec des magnétoscopes à bande de un pouce. Pas de micro-ordinateur, pas de souris ni de jeux vidéo, pas de télématique, encore moins Internet, pas de CD, de Walkman, pas de câble, de numérique, de décodeur. Un Petit Larousse de 1979 est ainsi l'ultime témoin d'une époque révolue, un Moyen Âge technique d'une proxi- mité dérangeante, où il y avait des cabines téléphoniques à pièces, des sténodactylos, et des téléviseurs sans télécom- mande dont les programmes se terminaient tous les trois à vingt-trois heures.

Mais célébrer la vitesse du progrès n'est pas mon but. Ni de faire remarquer, comme tout le monde le sait, à quel point les techniques et les objets absents du dictionnaire de 1979 sont familiers aujourd'hui. Non, le vrai sujet d'étonnement, c'est plutôt qu'en 1979 tout cela avait déjà été inventé. Certains de ces absents connaissaient même un succès commercial consi- dérable dans le grand public.

Les mots de ce bouleversement font l'objet de ce livre, dont la version courte de certains textes a nourri une rubrique hebdomadaire pour le site web de Canal +, puis dans Le Monde, intitulée « Sabir cyber ». Le sabir était un amal- game d'arabe, de français, d'espagnol et d'italien, en usage dans les ports de la Méditerranée au xixe siècle. Lors de la colonisation française de l'Algérie, on disait d'un Algérien et d'un Français communiquant en sabir que l'un croyait parler français, et l'autre arabe. Situation qui décrit assez bien celle du dialogue d'un informaticien et d'un utilisateur dans une entreprise, ou d'un vendeur et de son client au rayon micro d'un hypermarché. Le langage courant, du fait des change- ments des techniques de production au travail et des habi- tudes de consommation à la maison, s'est émaillé de nouveaux mots qui ont tous une histoire. Et cette histoire est à la fois celle des techniques et celle de l'appropriation de ces techniques. Voici donc l'idée de ce livre : raconter l'histoire du domaine à travers ses mots, mais aussi jeter un regard d'amateur (je ne suis ni linguiste ni grammairien) sur la manière dont le français absorbe et parfois rejette, invente et souvent déforme des mots pour désigner cette réalité

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nouvelle. Celle d'un quotidien qui fait depuis vingt-cinq ans une place croissante aux objets électroniques traitant des informations. Deux objectifs pour un seul livre, c'est parfois le meilleur moyen de n'en atteindre aucun. Mais chaque fois que se manifestait la tentation de faire disparaître l'un ou l'autre (pourquoi ces anecdotes sur les inventeurs, souvent très peu connus, de la calculatrice, du microprocesseur, du mot « Internet » ou du jeu vidéo ?), le projet du livre apparais- sait bancal. Il lui fallait deux jambes : celle d'une passion personnelle et ancienne pour la technique et ses balbutie- ments, et celle du plaisir des mots, surtout quand ils sont mal assurés et pourtant répandus.

Le cœur de cet ouvrage est donc composé de l'autopsie (étymologique, historique, technique...) d'une cinquantaine de mots et termes incontournables de la cyberculture contem- poraine. Une sélection raisonnée dans un lexique bouillon- nant, où des néologismes anciens (plus de vingt ans : une éternité en « années cyber ») sont désormais solidement (?) installés, où bien d'autres naissent tous les jours et meurent souvent prématurément : d'où la nécessité d'une coda un peu nostalgique, consacrée au « cimetière du sabir cyber » (où je célèbre la mémoire d'une vingtaine de termes tombés au champ d'honneur de la netéconomie). Pour éclairer la lecture de ces deux ensembles, il m'a paru utile de les faire précéder de la présentation de quelques clés des mécanismes de forma- tion du sabir cyber américain — et de son avatar franco- phone, certes souvent suiviste, mais aussi plus créatif qu'on ne le croit. Et, cerise sur le gâteau (par laquelle je propose logiquement d'ouvrir la lecture de ce modeste traité, puisqu'il n'est guère de gâteau dont on ne commence d'abord à déguster la cerise...), un bref exposé — qui donne son titre à ce livre — sur les origines mystérieuses de cette lettre étrange qui prétend incarner la quintessence, l'agalma, de la cybercul- ture : Bref, un plan à la fois sinueux et méthodique, à l'image de cet univers linguistique singulier dont il aimerait rendre compte.

Un mot enfin sur la méthode suivie. Elle repose bien entendu sur la vérification dans le plus grand nombre possible de dictionnaires, français et étrangers, des sens et des

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étymologies proposés. À côté d'une collection de Petit Larousse illustré, deux ouvrages m'ont particulièrement aidé : le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey (Robert, 1998) et le Dictionnaire des mots de la cyberculture de Gabriel Osman (Belin, 1998). J'ai utilisé également de nombreux dictionnaires spécialisés, en français et en anglais, même s'il faut bien reconnaître qu'ils sont souvent décevants. La collection complète des cinq premières années (1978-1983) du magazine L'Ordinateur individuel et plusieurs mètres cubes de revues spécialisées ont trouvé ici, pour la première fois si j'en crois mon entourage bien aimé, une utilité certaine — mais ce n'est pas une raison pour les jeter ! De nombreuses réactions aux premières publications, qui m'ont été communiquées par mail, ont été intégrées ici, en particulier celles de Jacques André sur le signe @. Enfin, j'ai la chance de travailler quotidiennement parmi une quaran- taine de personnes dont la plupart m'ont apporté remarques, compléments et parfois scepticisme sur telle ou telle hypo- thèse, ce dont je les remercie.

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À la recherche d'@

@, ou arobase, est aujourd'hui une icône de la modernité, une évidence. Sur les affiches, les tee-shirts, comme sur les cartes de visite, ce petit signe est aujourd'hui banal et presti- gieux. Pourtant, le mystère qui entoure ce caractère est parti- culièrement épais. Il commence par le mutisme des grands dictionnaires : ni l' Universalis, ni le Robert, ni le Diction- naire historique de la langue française d'Alain Rey ne sont d'un quelconque secours. Se tourner vers les ouvrages de typographie, d'histoire de l'écrit ou de l'imprimerie ne donnera rien non plus.

Sur le Web, le mystère s'épaissit car une étrange difficulté surgit : si l'on entre le caractère @ dans les moteurs de recherche, ils vont l'ignorer sans pitié, ne le reconnaissant pas comme un caractère valide pour une requête. Essayer le nom en toutes lettres ? Mais lequel ? Car, justement, ce nom est problématique dans toutes les langues. À force de ruses, on finit cependant par trouver des ressources précieuses. Mais le mystère ne se dissipe pas pour autant, car on découvre bien vite que les rares documents qui s'intéressent à @ sont très divergents. Et pas sur des points de détail : l'origine du

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caractère, son nom, son sens, son étymologie en français font l'objet de débats très ouverts.

Pourtant, si l'on rassemble les pièces du puzzle, sans pouvoir d'ailleurs conclure sur trois points essentiels, on découvre une histoire passionnante : ce signe mystérieux confond son histoire avec celle des techniques de communi- cation des cinq derniers siècles. À la recherche de on rencontre l'écriture manuscrite du latin, l'invention de Guten- berg, celle de la machine à écrire, l'histoire du clavier, celle de l'informatique, des taureaux et des commerçants, avant de déboucher sur Internet.

Les trois mystères de l'arobase

Ces mystères, bien sûr, ne sont pas absolus, et nul doute que la réponse ultime gît quelque part. Une première version de ce texte était parue dans Le Monde et avait suscité une réponse de Jacques André, chercheur à l'INRIA, qui a suivi les pistes de ces mystères bien plus loin que moi. Le texte présent intègre ses résultats et le mérite de ces éclaircisse- ments lui en revient, mais si les bornes de l'inconnu sont repoussées, elles n'en sont pas pour autant supprimées.

Premier mystère : de quand date l'apparition du @ ? Première hypothèse \ celle de l'écriture manuscrite au Moyen Âge. Avant l'imprimerie, les copistes et de manière générale les scripteurs utilisaient des raccourcis pour gagner du temps et de la place. Le mot ad en latin (vers, à) aurait ainsi été comprimé par ce signe. Les « ligatures », fusions de deux lettres consécutives en un seul signe, étaient alors très courantes. Une reproduction des caractères employés par Gutenberg montre en effet que les ligatures étaient aussi nombreuses que les lettres simples. Dans ad, le d se serait

1. Indiquée par le site québecois Le Signet (<www.olf.gouv.qc.ca>) ou l'ouvrage de Constance HALE et Jessie SCANLON, Wired Style, Broadway Books, New York, 1999.

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progressivement recourbé, comme un 6 à l'envers, puis son rond se serait confondu avec celui du a.

Cette hypothèse serait convaincante si l'on pouvait trouver une reproduction d'un manuscrit utilisant le ce qu'aucun auteur ne produit ni même n'évoque. Au contraire, de nombreux documents tendent à prouver qu'ad en toutes lettres se portait bien dans les manuscrits. Il y a en effet trois graphies principales pour la lettre a : le triangle avec une barre (comme la majuscule), le cercle chapeauté d'une croche à gauche et le simple rond épaulé sur une barre à droite. Seule cette dernière se prête à la déformation évoquée pour donner @. Or cette graphie est la moins fréquente dans les manuscrits. L'ouvrage The Anglo-Saxons 2 reproduit par exemple de très nombreux manuscrits couvrants la période 500-1200 : aucun ne présente de alors que les ad abon- dent, généralement avec un A dessiné comme notre majuscule.

On sait cependant qu'à partir du xrrre siècle les abréviations vont se multiplier dans l'écriture manuscrite du latin d'une façon encore plus anarchique que par le passé. Il existe des recueils d'abréviations dont un, signalé par Jacques André, comporterait des ad abrégés en @ 3.

Deuxième hypothèse : la normalisation de l'écriture par les imprimeurs à la Renaissance. Selon cette piste, le @ serait une invention des typographes, ce qu'indique une des étymo- logies du nom français « arobase » : il s'agirait d'une contrac- tion de « a-rond-bas de casse ». Hypothèse séduisante, mais qui laisse entier le mystère du sens préalable du signe ainsi désigné. La piste d'une écriture condensée du ad latin s'étiole vite. Les reproductions de la Bible de Gutenberg montrent de multiples ad écrits en toutes lettres. Les reproductions des premiers livres imprimés en France ou en Italie, vers 1470, regorgent de ad tout à fait classiques. Enfin les reproductions des caractères utilisés par Gutenberg ne présentent pas de @.

2. James CAMPBELL (dir.), The Anglo-Saxons, Penguin, Londres, 1990.

3. Adriano CAPPELLI, Lexicon abbreviaturarum Dizionario di abbreviature latine, ed.

italiane, Ulrico Hoepli, Milan, 1929. Toujours selon Jacques André, on retrouve cet élément dans : B. L. ULLMAN, Ancient Writing and its Influence, Cooper Square, New York, 1963.

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Mais peut-être des typographes plus modernes devaient-ils représenter autre chose que le ad à l'aide de l'arobase ?

Troisième hypothèse : les commerçants espagnols au xvir siècle. De l'arabe arrouba, qui donne quatre ou quart dans cette langue, découle l'arroba, unité ibérique de mesure de poids (environ douze kilos) tombée en désuétude à partir de 1859 (avec l'adoption du système métrique), mais parfois encore utilisée aujourd'hui pour évaluer le poids des taureaux dans les corridas. On la signale également au Portugal, encore aujourd'hui, pour mesurer le volume du vin. Un dictionnaire espagnol de 1909, l' Enciclopedia universal illustrada europeo-americana, édité à Barcelone, indique que l'arroba est symbolisée par Peut-être l'idée de retenir ce symbole provenait-elle d'un usage antérieur et cette hypothèse serait compatible avec une des deux autres. Mais rien ne l'indique.

On peut aussi imaginer une invention pure par les marchands espagnols, l'explication de l'origine « a-rond-bas de casse » étant une réécriture plaisante mais ultérieure. Dans ce cas, il resterait à expliquer pourquoi seuls le français et l'espagnol auraient gardé le souvenir de la véritable origine.

Une certitude : @ était utilisé par les commerçants améri- cains, en tout cas au xixe siècle, pour précéder un prix unitaire. Cet usage, dans les tarifs imprimés, les étals et les factures, n'est pas encore tombé en désuétude. De cette pratique proviendrait le fait de lire at le caractère @ :

« 2 books @ $10 » se lisant « deux livres à 10 dollars pièce ».

D'autres auteurs mentionnent, sans source précise ni indi- cation de date, l'usage de @ dans les courriers diplomatiques.

Deuxième mystère : quand @ apparaît-il sur les claviers de machines à écrire ?

La machine à écrire est une très vieille idée. Les premiers brevets sont déposés en 1713 en Angleterre, la première machine fonctionnelle est observée en 1808 en Italie. On rapporte que la mère et la sœur de Nietzsche lui en avaient offert un des premiers exemplaires, qu'il utilisa quelque temps, sa vue déclinant. La première machine

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commercialisée date de 1873. La première machine élec- trique est présentée en 1897.

Christopher Latham Sholes, l'inventeur de la première machine commerciale, est aussi celui du clavier QWERTY.

Sa démarche visait à permettre la frappe la plus rapide possible (contrairement à une légende tenace, il ne s'agissait pas de la ralentir) en écartant sur le clavier les lettres qui étaient souvent accolées en anglais (où l'on retrouve le vieux problème de la ligature) et qui risquaient donc, étant frappées dans un très court intervalle de temps, de se mélanger les pinceaux dans la mécanique rustique de cette première machine. Il commanda une étude statistique à un de ses proches et proposa une disposition qui minimisait les risques que les tiges des caractères se croisent lors de la frappe. Le clavier QWERTY était en concurrence avec bien d'autres formes et fut dès le départ contesté, mais il s'imposa comme un standard de fait, parce que les machines qui l'utilisaient avaient d'autres avantages. Le succès commercial de ce type de machine ne démarra vraiment que plus de vingt ans après les premiers modèles de Sholes, avec les Underwood, qui reprirent le clavier QWERTY.

En France, les machines américaines commencèrent à se répandre dès la fin du xixe siècle, et l'on s'inquiéta d'une disposition des touches qui avait été pensée pour l'anglais.

Mais la commission Albert Navarre, composée de vingt experts, mit trop de temps à rendre sa copie, et quand le clavier ZHJAY apparut, il était trop tard, la main-d'œuvre féminine s'était habituée à la disposition américaine. On accoucha d'un compromis, le clavier AZERTY, qui n'est qu'une légère modification du clavier américain, du moins en ce qui concerne les touches des trois rangées principales. Le même scénario semble s'être reproduit en Allemagne.

Mais les images des premiers claviers QWERTY ne montrent pas le Quand a-t-il été introduit ? Mystère. On peut imaginer que ce sont les comptables et les commer- ciaux, plus que les écrivains et les journalistes, qui ont demandé ce caractère. Mais quand ? On lit parfois que le clavier de l'Underwood de 1895 était déjà le clavier standard

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actuel, mais d'autres sources situent aussi l'apparition du @ dans les années quarante.

Jacques André signale que le catalogue 1923 de l'American Type Founders Company comporte le @ à la page « Commercial marks », et reproduit également le jeu de caractères de l'Underwood, où figure le Il cite également la revue Papyrus de juin 1921, laquelle précise qu'il existait à l'époque des machines à clavier purement français, sans et d'autres destinées à écrire en plusieurs langues. La Corona 3 par exemple, dans sa version franco-américaine, comportait le @.

Troisième mystère : d'où vient le nom donné à @ ? Pour le français, si presque tout gravite autour de la racine

« aroba », il y a flottement dans les dictionnaires. On trouve arrobe, arobase, arobas, arobace. On cite parfois arobasque, on confond aussi avec arroba, l'unité de mesure. Quant à l'étymologie, il y en a deux en concurrence : « a-rond-bas de casse » pour une origine typographique, et la traduction de l'unité espagnole, elle-même d'origine arabe. Un auteur hollandais affirme qu'on dit « escargot » en français. Ce qui est sûr, c'est que l'on trouve parfois « a commercial », qui est la traduction d'une des appellations américaines.

Mais ce flottement est international : les Américains disent at ou commercial a. Les Allemands peuvent dire Klamme- raffe (singe araignée), les Finlandais miau (queue de chat), les Hollandais apestaart (queue de singe), les Israéliens strudel et les Tchèques rollmops. Le nombre et la variété des appella- tions qui procèdent d'une analogie graphique montrent bien qu'on ignore un peu partout l'origine et le sens de ce caractère.

La moins mauvaise hypothèse

À ce stade, on peut avancer ce qui semblerait la plus plau- sible des versions, en tout cas celle qui ne semble contredite par aucun document.

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1. L'usage de cette abréviation pour dire at en anglais dans une liste de prix est répandu aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle, quand on invente la machine à écrire. Mais on peut douter que l'usage de ce signe dans l'écriture manuscrite provienne d'une volonté d'aller vite. @ n'est pas pratique : son tracé implique que la main revienne en arrière après avoir posé un premier « a » ; or ce retour en arrière est toujours une perte de temps. Il suffit d'essayer d'écrire ce signe sur un papier pour s'en rendre compte. Outre le ralentissement de l'écriture, par rapport à un simple « ad » ou « at » bâclé,

@ implique de bien placer le a central pour que son entourage n'aille pas mordre sur la lettre précédente. Au lieu de venir d'une volonté de condenser l'écriture, il semble plus probable qu'il s'agisse d'une marque de distinction, une volonté de faire « lettré » ou « officiel ».

2. Il est probable que ce signe a un rapport direct avec le latin. On peut imaginer qu'il a été inventé pour remplacer ad dans des documents sans valeur littéraire, au contraire de ceux qui ont été imprimés en priorité lors de l'invention de l'imprimerie au xve siècle. Mais on ne trouve pas de trace de ce signe avant le XIIe siècle. Or, dans les principaux pays occi- dentaux, le latin est progressivement remplacé comme langage courant, même à l'écrit, dans les cinq premiers siècles du deuxième millénaire. Il pourrait s'agir d'un signe utilisé par des scripteurs intermédiaires, ni des gens qui écri- vent tous les jours (de toute façon, à l'époque, presque personne ne sait lire), car ils auraient alors écrit en langue locale (français, anglais, castillan, etc.), ni d'authentiques lettrés, car dans ce cas ils n'auraient peut-être pas abrégé ad, ou alors cela aurait été repris par les imprimeurs. On peut imaginer de la « littérature grise », des documents comptables ou juridiques, comme les polyptyques carolingiens. Mais on ne voit pas bien l'intérêt d'abréger ad ainsi.

3. Au xvr siècle, caractérisé par l'essor des colonies, notamment espagnoles, le signe pourrait avoir eu un second sens, celui d'abréger l'arroba, unité de mesure ibérique. Une piste, évoquée avec prudence par Jacques André, serait celle d'un fabricant d'amphores qui aurait siglé ses productions avec un a enroulé. On aurait là le chaînon manquant entre la

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graphie du signe et son nom en Espagne, France et Portugal.

Mais cette confusion n'aurait pas gagné le reste de l'Europe, qui en serait resté à un signe graphique, sans nom, sinon une description (escargot, queue de singe, etc.). En français, l'explication de l'origine du mot par « a-rond-bas de casse » ne serait qu'une plaisante reconstitution a posteriori.

4. Une autre hypothèse est celle d'un euphémisme. Soit l'usage diplomatique pour indiquer dans quelle ville était en poste le diplomate qui écrivait — on retrouverait ici l'ancêtre de l'adresse e-mail : comte de Macheprot@Constantinople.

Soit une enluminure graphique destinée à enrober la brutalité d'un prix. Cette volonté d'enjoliver expliquerait la reprise du caractère dans la deuxième génération de machines à écrire, au début du xxe siècle aux États-Unis. En théorie, taper un seul signe au lieu de deux (@ au lieu de at), c'est aller plus vite. Mais comme le @ n'a jamais été accessible que par la pression simultanée de deux touches, ce qui ralentit plus la frappe qu'un second caractère, on ne peut pas non plus justi- fier son usage par la recherche de la productivité.

5. @ possède des petits frères. Le c entouré d'un cercle de copyright, le p du producteur, et, dans la bande dessinée, le M de la Marque jaune de Blake et Mortimer. C'est sans doute la marque du copyright qui est l'équivalent moderne de l'arobase.

Un mélodrame : @ et les ordinateurs, l'histoire d'un signe qui perd momentanément son sens,

ce qui le conduira au succès

Au milieu du XXe siècle, dans les bureaux en cours de méca- nisation, seuls les commerciaux américains savaient ce que voulait dire ce symbole. Le reste de l'humanité n'en avait pas l'usage. Mais cette situation allait s'inverser en trois étapes.

Première étape : les claviers de machines à écrire s 'instal- lent devant les ordinateurs. Les premiers ordinateurs, comme l'ENIAC de 1946, n'étaient pas programmés au clavier. Dans les centres de recherche militaires et civils, on utilisait un

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Alain Le Diberder

HISTOIRE D'@

L'abécédaire du cyber Multimédia, bug, avatar, joystick.

Web... : les mots du cybermonde ont envahi notre vocabulaire quotidien.

Mais leur succès ne les rend pas plus faciles à comprendre.

Pourquoi dit-on Internet site ou serveur?

Qui a inventé tableur ou bug ? Que veut dire musique MIDI ou communauté virtuelle ? Et mystère parmi les mystères, d'où vient ce @ devenu symbole du cyberespace ?

En répondant à ces questions, ce livre en fonne d'abécédaire propose une lecture vivante et pleine d'humour de l'origine et du sens des mots de la cyberculture. De leur histoire déjà longue. Mais aussi des aventures et parfois des fiascos technologiques et commerciaux qui ont accompagné leur apparition. ' En apprenant comment les mots se sont formés, comment ils ont été acceptés ou boudés, on comprend les résistances de nos sociétés à une certaine forme de progrès technologique.

Et on se pose aussi une question iconoclaste : le progrès technique s'est-il arrêté en 1981 ?

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Conception et réalisation : LOCH-NET Le personnage de Cléo figurant en couverture a été créé par Alain Duval (@ Valdu et Canal Plus) 9 É

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