ENTRE SOliS LE If «R»-09
FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DEPHARMACIE
DEBORDEAUX
ANNÉE 1896-1897
N° 34
LES
IDÉES DE DESCARTES
SUR LA
PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX
«Natura velut ager;doctorum pracepta velut seminasunt.»
Boïle.
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquementle 11 Décembre 1896
Pierre-Léon
MULNé à Toulon (Var), le 22 février 1875 Elève du Service de Santé de laMarine
S MM. JOLYET
LAYETAUCIIEAFTn,,d. agregeprofesseur....
professeur■ ■ ]'Juges.Président.
h.nvoLE DANTEC agrégé.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL 91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1896
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS MM. MICE.
AZAM Professeurs honoraires.
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LeSecrétaire de la Faculté: LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août 1879,la Faculté aarrêté que les opinions émises dans h Thesesquiluisontprésentéesdoivent être considérées commepropres à leursauteurs.•
qu'elle n'entend leur donnerni approbation ni improbation.
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR JOLYET
PROFESSEUR I)E PHYSIOLOGIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
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Les quelques
notions -philosophiques qui pourront trouver
place au cours
de
cetravail, bien plus que le grand nom de
Descartes, si mal en cour
aujourd'hui, nous feront peut-être
pardonner
le sujet de notre thèse.
Etvoilàjustementce
qui
nous aséduit en l'homme dont
nous entreprenons
d'exposer ici les idées; c'est qu'il était phi¬
losophe et
médecin tout à la fois. Si nous considérons, en
effet, que
l'histoire des systèmes philosophiques suit les
mêmesvariations, lamême
marche
quel'histoire des doctri¬
nes médicales, on nous
permettra de dire
quephilosophie et
médecine sont deux
sciences
presqueinséparables, confon¬
dues, d'ailleurs,
à l'origine, mais qui, séparées plus tard par
le besoin d'études
plus approfondies,
nelaissent pas cepen¬
dant, et
toujours, de
secompléter, de s'expliquer mutuelle¬
ment,
d'entretenir entre elles des rapports de bon voisinage
etde solide amitié. C'est
là l'une des mille formes de l'in¬
fluence constante du
physique
surle moral,
oudu moral sur
le
physique,
comme onvoudra : car nous sommes trop plein
de respectpour ces
deux sciences et trop bien pénétré de
l'égale
valeur intrinsèque de chacune d'elles pour affirmer,
soit queles
doctrines médicales seules retentissent sur la
philosophie d'une époque, soit que les philosophes seuls
créentla médecine de leur
siècle. Un simple
coupd'œil sur
l'histoire desdoctrines
médicales
oudes systèmes philoso¬
phiques
suffirait à
nousconvaincre de la marche toujours <
parallèle de
nosdeux sciences; mais nous n'avons ici ni
place ni
temps à
donner à pareilledigression
: nous pouvonscependant,
en quelques mots, résumer bien d'énormes ou¬vrages écrits à cesujet.
Dans lestemps anciens comme de nosjours, nous voyons sans cesse, dans un siècle matérialiste, régner en maître
l'organïcisme
en médecine ; le vitalismeatteindreson apogée dans les siècles ôù toutephilosophie
estspiritualiste;
et enfin le scepticisme médical coïncider avec laphilosophie
dite«
éclectique
», sorted'opportunisme scientifique,
que beau¬coup d'hommes ontsoutenuesans conviction etquequelques
philosophes
de talent, convaincus peut-être, ont pu faire apprécier à grand'peine, etpour sipeu detemps
!...Mais àcombien de lieues nous trouvons-nous ici de Des¬
cartes?... Quoi qu'en puisse penserla
Nature,
un saut prodi¬gieux peut seul nous y ramener.
C'est moinsles idéesd'un homme quecelles de son siècle que nous voudrions exposer pour que- l'intérêt de notre travail, hélas si faible! en soit un peu accru, mais avec quel plaisir, j'allais dire avec quelle passion, ne le ferons-nous
pas
(si,
à rencontre del'historien,
il était permis au vulgaire écrivain d'être de quelque tempset dequelquepays) lorsqu'il
s'agit dece xvid siècle, notre xviifisiècle, qu'àjuste titre 011 a pu nommer le « nœud de la médecine », parce que, reliant lestemps
passés auxtemps modernes,
ilsanctionne en même temps l'oubli de cepassé, détruit l'autorité desAnciens,
au moinsen tant que critérium de la vérité et crée presque de toutespièceslaméthodeexpérimentale, l'expérimentation
rai- sonnée,scientifique.
NepasvoirenDescartesl'undespremiers
promoteurs, bien plus peut-être, le créateur de cette nou¬velle méthode, serait, sinonl'indice d'une
injustifiable
mau¬vaise foi, du moins la preuve d'une ignorance presque grossière. Cen'estpoint,
d'ailleurs,
uneapologie quenousen¬treprenons « Errare humanum est », et nous nechercherons jamais àcacher ou à déguiser les erreurs de notre
physiolo¬
giste; non, le sentiment qui nous a poussé à commencer ce travail est tout autre : c'estl'obscurité et la défaveur quecer-
tainsauteurs, mêmede
grand
renom,ont essayé de jeter sur
l'infortunéDescartespar
l'injustice et la partialité de leurs jugements: oserai-je dire même, par l'inconvenance parfois
Choquante
de leurs expressions!... Heureux serons-nous si
nous parvenons
à faire restituer
auphilosophe ce nom de
physiologiste qu'on
avoulu lui ravir et si nous laissons en¬
trevoir que ce
n'est point
un1sacrilège de le comparer à Har-
vey ou
Lavoisier.
LePlan de notre travail sera
simple
:après
uneesquisse
rapide de
l'histoire de la physiologie, et particulièrement de
la
physiologie du système
nerveuxjusqu'au xvne siècle, nous
exposerons
aussi clairement qu'il nous sera possible les
idées de Descartes sur la question,
et cette étude, après
un petitchapitre consacré
aux «esprits animaux», qui ont joué
un si grand rôle dans
l'ancienne physiologie, et à 1' « Em¬
bryologie »
telle
quela concevait obscurément Descartes,
comprendra les
trois subdivisions suivantes
:Du mouvement, De la sensibilité.
Des facultés do l'âme,
qui nous
ont semblé réunir et résumer assez bien les idées
de notre auteursur les fonctions
du système
nerveuxet
sur lapsychologie, qu'il faut étudier aujourd'hui avec la physio¬
logie. Nous
terminerons enfin
par unaperçu sur l'évolution
et les destinées de ces théories
cartésiennes, les transforma¬
tions qu'elles ont
subies
peuàpeu et lés vestiges qu'on en peut
encore trouver dans la
philosophie et la physiologie
mo¬dernes.
CHAPITRE PREMIER
Quelques notions
surl'histoire de la Physiologie.
I/histoire de la
physiologie est absolument calquée
sur celle de toutes les sciences,de tous les arts:créée,
eneffet,
presque
de toutes pièces
parles Anciens, elle reste, durant
toutle moyen-âge,
absolument stationnaire
pourreprendre,
àla Renaissance, un éclat tout nouveauet
définitivement
s'engagerdansla voie qu'elle n'a plus quittée depuis. C'est
dire qu'on
peut diviser cette histoire, comme toutes les
autres, en trois grandes époques: L'Antiquité;
LeMoven-Age;
La Renaissance et les Temps Modernes.
Sans remonteraux origines mêmes de
la physiologie.
sans même remonter, comme l'usages'en est trop répandu, jus¬
qu'au
géant Hippocrate, dont les écrits, paraît-il, contiennent
toutela science médicale
passée
età venir,
nousvoudrions
résumeren quelques
lignes les notions de physiologie ner¬
veuse que
possédaient les Anciens
:c'est dans les ouvrages
du dernier et du plus
grand médecin de l'antiquité, Galien,
que nous les trouverons.
Aen croirecertains auteurs, il n'y avait
plus rien à trouver
déjà
après Aristote. Celui-ci avait,
eneffet, pressenti les fonc-
— 12 —
tlons
du cœur et du cerveau, préparé la découverte tardivede la
circulation,
en faisant du cœur le point dedépart
etl'aboutissant
de tous lesvaisseaux...,
et tant d'autres choses qui tendraientà prouver que les savants de notreépoque
ne sont guère que les habiles commentateurs des Anciens. Il est vrai que nous sommes redevables de bien des choses à cette Ecoled'Alexandrie,
par exemple, qui brilla d'un si vif éclat et dont la renommée nes'éteignit
que sous le poids de bien des siècles. C'est làqu'Hérophile fonda,
pour ainsidire, l'Anatomie,
scienceabsolument inséparable
de laphysiolo¬
gie, dont elle
prépare
les voies etexplique
les progrès. C'est là qu'ildisséqua,
pour lapremière fois, des cadavres humainset put se livrer àses études préférées sur les systèmes ner¬
veux et sanguin : cette passion de l'étude l'entraîna même parfois un peu
trop loin;
c'est à lui, en effet, que le roid'Egypte
livrait deux ou trois fois paran des condamnés à mort, surlesquels
il selivrait à des expériences de vivisec¬tion. Nous lui
devons,
en tous cas, ladescription
détaillée et presqueexacte del'encéphale,
oùquelques
parties portentencore son nom.
Erasistrate
complète sonœuvre, ébauche pour la première fois une théorie des esprits animaux et fait connaître suffi¬
samment la
topographie
des centres nerveux.Tous leurs ouvrages sont d'ailleurs perdus, et le
mérite des compila¬
teurs du 111e
siècle,
tels qu'Oribase ouAlexandre
deTralles,
est de nousen avoir
légué
la copie. Le môme mérite, maisce n est alors plus le seul, se retrouve chez Galien qui les cite bien souvent tout aulong.
C'est chez ce
dernier,
eneffet,
que nous trouvons à la fois les résumés de la médecine grecque, decelle de l'Ecole
d'Alexandrie,
et enfin de lamédecine
romaine.Expérimen¬
tateur vraiment
habile,
mais se laissanttrop
facilement leurrer pardebrillantes hypothèses,
il ne lui amanqué qu'un peu de méthodeet de calme
scientifique
pour ne rien laisser à faire à tous sessuccesseurs. Le cerveau était
déjà
pour lui le siège del'intelligence
et dumouvement,
et accessoire-— 13 —
ment, une glande
chargée de la sécrétion du phlegme, qui
s'écoulait à travers les trous
delà lame criblée de l'etlnnoïde.
L'esprit
animal
seformait uniquement dans le cerveau et
plus
particulièrement dans le troisième ventricule, où il arri¬
vaità son dernier degréde
perfection; de là, passant jusque
dans le
quatrième ventricule et la moelle, par ce qui devait
être
l'aqueduc de Sylvius, il
serépandait dans toute l'écono¬
mie, à travers
les nerfs et les muscles.
A côté de ces théories, il
connaissait parfaitement l'action
d'un
hémisphère cérébral
surle côté opposé du corps et
soupçonnait l'entre-croisement de la moelle allongée. La
moelle épi
ni ère était
pourlui
unorgane de conduction, mais
ici n'existait plus
l'action croisée. Il établissait, entre les
nerfs moteurs et sensitifs, des
différences de couleur et de
consistance,
découvrait les deux racines des nerfs rachi-
diens, sansen
expliquer bien nettement l'usage. 11 se livrait,
pour ses
études, à
unnombre considérable d'expériences et
de vivisections de toutes sortes;
la moelle fut,
parlui,
cou¬péeà
toutes les hauteurs et les phénomènes de paralysie, con¬
sécutifsà ces sections, parfaitement
étudiés. Il
nousdonne
la mesure de son habileté
lorsqu'il parvient à sectionner longitudinalement,
sur unanimal vivant, la moelle épinière
dans toute sa hauteur, sans
avoir à noter de troubles
sérieux.
Pourlui, la vie était
la résultante de trois forces
:La
première
a pourcentre le cerveau, et, par l'intermé¬
diairedes nerfs,
préside à l'intelligence, à la sensibilité, au
mouvementvolontaire.
La seconde siège dans
le
cœuret régit,
parles artères,
toutes les fonctions vitales: passions,
chaleur animale, pouls
artériel.
Ladernière, enfin, dans
le foie, dirige les fonctions de la
nutrition générale.
Cette
physiologie régna
ensouveraine jusqu'au xviesiècle.
Le
moyen-âge,
eneffet,
secontenta de garder les décou¬
vertes des Anciens et encore ne
le fit-il
pastoujours avec le
soin nécessaire. Les
Arabes,
entreautres, qu'on vante tant commegardiens de lacivilisation,
à partquelques
décou¬vertes
d'Avicenne,
bien minimes encore, et l'introduction enmédecine de bon nombre de
drogues extraordinaires,
accep¬tent, sans les
discuter,
Panatomieet laphysiologie
deGalien,
entravés qu'ils sont dans leur velléité d'étudespar leslois de
l'Alcoran,
proscri-vant toute dissection de cadavres humains.En France et dans toute la
chrétienté,
mêmedéfense,
d'ou¬vrir des corps humains : il faut arriver
jusqu'en
1398 pour voir Mundimus de Luzzi obtenir du pape la permission dedisséquer
deuxfemmes,
à condition cependant qu'onenterre¬raitensuite leursdébris enterre sainteetqu'une grand'messe seraitchantéeen leurhonneur.C'était lapremière
fois, depuis Erasistrate,
que l'on se servait duscalpel
pour une dissec¬tion humaine :
déjà
cependant Louisd'Aragon
avait tenté de permettreauxchirurgiens
deMontpellier
la dissection d'un criminel par an.Cette Ecole de
Montpellier
était alors dans tout son éclatet cet éclat devait durer sixsiècles; cependant,
tout n'était alorsquedemi-science,
on était même fort en retard sur les Anciens. Il y avait en médecine autant de place pour la magie et la sorcellerie que pour le reste, et l'ons'occupait
bien plus des esprits que des corps. On était pourtant alors dans labonne voie: après bien des
tracasseries
envers lesanatomistes,
après même les rigueursde
l'Inquisition,
leSaint-Siège
ferme les yeux sur lesdissections;
la première eut lieu à Paris, en 1478, et presque à la mêmeépoque
en Italie. Enfin, en 1556, àMontpellier, Rondelet,
chancelier de la Faculté,inaugure
le premieramphithéâtrefrançais
d'ana- tomieMaisen ydisséquant
l'un de ses propres enfants.nous sommes déjà ici en pleine
Renaissance,
et deux hommes vont donnerle signal de la marche en avant : Para- celse et Rabelais. Le premier, avec son esprit bizarre et vio¬lent, resteplutôt un
révolutionnaire
qu'un novateur; il s'in¬
surge contre la tradition et s'efforce de ruiner la sorcellerie
en cherchant
l'explication
de ses secrets clans les forcesseules de la nature. Etpourtant,
malgré lui, il subit
encore l'influence de tout, cequ'il cherche à combattre et
saphysio¬
logiese
ressent de
sesétudes de magie. L'autre, plus mo¬
deste enapparence,
mais infiniment plus fort, est novateur
ausens propre
du mot
:l'autorité des Anciens est ruinée
;oncesseenfin de les copier, et, en
grande partie,
cerésultat
est dû au finTourangeau qui,
aussi bien
queBacon,
pour¬rait être surnommé le «moine
admirable». Cette ère glo¬
rieuse dela Renaissance est alorscommencée, et
les grandes
découvertes vont sesuccéder sans repos
Vésale refait à
nouveau l'anatomie, suivi et
secondé
parFallope, Eustachi,
Pecquet,
Sylvius, Ambroise Paré. A chacun de ces noms se
rattachentquelques
souvenirs anatomiques et
nosTraités
modernessont encore tout pleins
d'eux. C'est alors qu'on
voit ces savants courir la nuitaux gibets pour y
décrocher
les cadavres, malgré les soldats
du guet et les ordres du roi.
Cesaffamés d'étude et de science n'ont point
gaspillé leur
temps, etles rivalités, les jalousies qui éclataient si souvent
entre eux nefaisaientqu'augmenter
leur émulation et mettre
aujour de
nouvelles découvertes.
La
physiologie compte parmi
sesnombreux représentants :
Michel Servet, Columbo Réaldo,
Césalpin, Fabrice d'Aqua- pendente qui préparent la voie à Harvey et contribuent à
cette découverte de la circulation du sang,
qui attira, dès
son apparition,
tant de controverses et tant de haines, tant
de sarcasmesà son auteur, même de la part
des plus grands
esprits,
tels
quel'anatomiste Riolan. Enseignée déjà par
Harvey en
1619, elle fut publiée seulement
en1628, et ce n'est
pas l'un
des plus petits mérites de Descartes d'avoir accepté
et défendu ces idées malgré l'autorité des
Anciens et le mé¬
pris de
la Faculté. A partir de cette époque, d'ailleurs, ces
malheureux Anciens voient leur
dernière planche de salut
se renversersurleur tète et se noient
définitivement dans le
fleuve de l'oubli. Rappelons encore
les
nomsd'Aselli, de
Rudbeck dont les travaux sont
universellement
connus;celui de Fernel, qui, le
premier, introduisit la méthode dans
— 16 —
l'enseignement
oral
etécrit et mérita d'être comparé à Des¬
cartessous ce rapport; de
Baillou qui fit
pourla première
fois intervenir en médecine l'idée du milieu : de Van
Hel-
mont enfin, esprit bizarre,
renchérissant
encore surles
bizarreries de Paracelse et faisant du corps humain une sorte de gouvernement
où chaque
organe,confié à la garde
d'un Archée-ministre devait, à tout instant, rendre ses comptes
à l'Archée-monarque établi dans le
cerveau.C'est en tous cas, à partir de cette époque
qu'on reconnaît
enfin
inséparable
dela physiologie et absolument nécessaire
à son étude la connaissance des lois physiques, chimiques
et mathématiques. Jamaisces
deux sortes d'études
neseront
désormais séparées, et l'on aura
même, plus tard, le tort de
les'confondre. Deux Ecoles vont naître immédiatement de
ces idées :
Lesiatro-chiinistes Et les iatro-mécaniciens,
essayant, l'une, d'expliquer
uniquement les fonctions vitales
parla chimie,l'autre uniquement
parles lois physiques.
Toutes deux compteront dans
leur sein quelques hommes
degénie; toutes deux seront
la
causede bien des décou¬
vertes, mais l'une et l'autre, trop exclusives, seconfondront
dans la suite, etl'intervention perpétuelle des lois physiques
et chimiques sera reconnue
nécessaire,
mais non toujours suffisante, à l'accomplissement des diverses fonctionsde
l'organisme.Déjà au commencement du xvnR siècle, l'iatro-chimie,
vieille decent ans, voyaitcontreelleuneréaction formidable
se produire et NicolasGuibert, aprèsquarante ans d'études chimiques, proclamer le néant de ses connaissances. A la tête du mouvement nous trouvons Guy-Patin, Sanctorius et Descartes; et c'est
après
l'exposé des idées dece dernierque noustracerons unelégère esquissede cette Ecole iatro-mé- canicienne dont il fut le véritable promoteur.CHAPITRE II
Physiologie de Deseartes
(système
nerveux)
Les
esprits animaux.
Il n'entre point dansnos
intentions de refaire
unefois de
plus cechapitre si important de l'ancienne physiologie et de
renchérir sur toutcequi a été
dit et écrit à
cesujet
;mais l'importance
touteparticulière, le rôle de premier ordre
qu'attribuaitDescartes à
ces «esprits
»et surtout l'idée toute
spéciale que,
selon
nous,il
yattachait,
nousforcent à
en parler quelquepeu.C'est dans les ouvrages d'Era si strate que pour
la première
fois le mot « esprit» est
nettement employé dans le
sensde
vapeursubtile,
quoique purement matérielle, imprégnant et
animant tout le corps
auquel elle arrive
parles artères qui,
elles-mêmes, l'ont
puisée
dansle ventricule gauche du cœur.
Le cœur lui-même la recevait des poumons
où l'acte de la
respiration lafaisait pénétrer
enpremier lieu. Et c'est tout :
on ne trouverajamais
dans
aucunauteur de définition plus
exacte etplus
explicite de
«l'esprit
».Ce
seratoujours une
« sorte de venttrès subtil » Se
dépouillant
peuà
peude tout
Mul •
â
ce.qu'il pouvait
contenir,
àl'origine,
dematériel,
et deve¬nant ainsi
quelque
chosed'intermédiaire
entre le corps et la pensée, jouant dans tous les phénomènes de mouvement, desensibilité, d'intelligence,
un rôle prépondérant.Galien avaitencore
compliqué
la question en supposant trois sortesd'esprits
dont les derniers seuls, lesplus parfaits, espritsanimaux,
naissaient directement du cerveau. Les autres, esprits naturels et esprits vitaux,naissaient,
les pre¬miers dans le
foie,
les seconds dans le cœur, et pouvaient à l'occasionse transformer les uns dans les autres, selon les besoins del'être,
pour aboutir à l'état parfaitd'esprits
ani¬maux. Inutile de dire queces trois
espèces d'esprits
ne sedistinguaient
entre elles que par la diversité de leur lieud'origine
etles différents nomsqui leur étaient donnés. Avecquelques modifications de détail sans
importance,
les théo¬ries de Galien
régnèrent
pendant quinze sièclesjusqu'au
jourune où la thèse deThéophile
Bordsu tua par leridicule,
à époque où le ridicule tuait encore enFrance,
les esprits animaux qui semblaient s'être rendus siindispensables
à toutephysiologie. Haller,
découvrant quelques années plus tard que la contractilité était une propriétéinhérente;
aux muscles et l'excitabilité une autre propriété inhérente auxnerfs, leur porta le dernier coup et
depuis
cetteépoque
per¬sonne n'a été tenté de les
ressusciter;
on n'en aplus'parlé
que dans les Traités
historiques.
On peut s'étonner que
Descartes,
avec son esprit d'obser¬vation et son goût pour les
expériences,
ait accepté d'embléeces
hypothèses
bizarresléguées
par lesAnciens.
Il est vrai que cethomme,
habitué à tout trancher d'un seul coup et à expliquer même ce qu'il ne pouvait comprendre, se complai¬sait au milieu des
hypothèses
les plusinvraisemblables,
et que souvent, dans ses ouvrages, il nous faut assister auxétranges divagations
de ce grand esprit; qu'iln'y
aurait parconséquent
rien d'étonnant à ce qu'il ait embrassé avecenthousiasme les théories les plus
risquées, lorsqu'elles
expliquaient
ou croyaient expliquer quelque chose. Mais les— Ul
hypothèses
qu'il
nousdéveloppe
avectant de complaisance
aucours de ses ouvrages, sontà lui, bien à lui; lui seul en est l'auteur, et c'est alors pour satisfaire un
penchant géné¬
ral de l'esprit humain, par une sorte
de vanité d'auteur, qu'il
nous enparle si longuement et veut
nousles'fa ire
accepter comme
vraies.
Lesraisonnements des autres, bien
au contraire, il s'en défie sans cesseet, quand il ne s'appli¬
que pas
à les réfuter, il les
passe aumoins
soussilence
; vanité d'auteur toujours,cherchant à mettredans
son œuvre le plusqu'il
peutde lui. Et voilà pourquoi il n'a accepté aussi
cette théorie des esprits animaux qu'en
la modifiant profon¬
dément, en la faisant sienne, pour ainsi dire.
D'abord, la classification de
Galien, il la rejette, de même
que,
rejetant l'idée d'une substance intermédiaire entre le
corps etla pensée,
il donne à
cesesprits animaux
uneexis¬
tence toute matérielle. C'est dans le cœur, sous l'influence
de la chaleur contenue .dans cet organe, « de ce feu sans lumière », comme il l'appelle, que
lo
sang,bouillonnant
ainsi qu'un
liquide versé brusquement dans
un vasedéjà
chaud, abandonne une sorte de vapeur,
de vent subtil qui
tend à s'élever en
ligne droite, verticalement. C'est là tout
justementla direction des carotides, et c'est
parelles
que cette vapeurarrive
au cerveauoù elle achève de
setransfor¬
mer définitivement en esprits. Non
seulement le
cerveau reçoit lesesprits du
cœur,mais lui-même peut
enformer de
toutes piècesaux
dépens du
sang quelui charrient
sesdiffé¬
rents vaisseaux. Ajoutons que les esprits
animaux
sont toujours enmouvement, qu'il
ensort
parles
poresdu
cer¬veau à mesure qu'il en arrive de nouveaux par
les carotides
et qu'ilen retourne
d'anciens déjà
parles nerfs. Descartes
Considère en effet lecerveau comme formé par un entrecroi¬
sement inextricable de fibresorganiques laissant entre
elles
des vides ou « pores » par
où peuvent s'engager les esprits
: la dimension decespores variantdans la même proportion
que celle
des esprits, il
seproduit, quand ceux-ci veulent
entrerou sortir, une sorte de
bousculade, chacun cherchant
— 20 —
une porte appropriée à ses
dimensions,
éminemment propre à entretenir leurs mouvements et leur agitation. Retenons de toutceci, qu'abstraction faite de ces pores du cerveau, il avait parfaitement vu rénormequantité de fibres qui entrent dans la composition del'encéphale
; la place nous manque¬rait si nous voulions citer tous les passages où il compare le tissu du cerveaù à celui d'une étoffe aux nombreux fils enchevêtrés en tous sens... Il lui restait seulement à savoir que l'intervalle de ces fils était rempli par autre chose que des esprits animaux et que leur agencement n'était pas livré
au hasard commeil le supposait.
Les esprits, sortis du cerveau,
s'engagent
directement dansles nerfs, pour, de là, êtretransportés jusqu'aux
mus¬cles; et Descartes nous arrête un instant surl'idée, grossière peut-être, maisexacte en tous cas, qu'il se fait de la consti¬
tution des nerfs; trois choses y
sont à
considérer :1° Les peaux qui les
enveloppent
et qui sont comme de petits tuyaux en continuité avec les « peaux » du cerveau ; elles arriventjusqu'aux
extrémités les plus déliéesdesnerfs;2° Des espèces de filets distincts, qu'il appelle lamoelle des
nerfs, séparés
entre eux par lesprolongements
des peaux cloisonnant tout le tuyau qui lescontient;
3°Les esprits
animaux,
circulant dansl'espace
laissé libre entre lesenveloppes
et les filets de lamoelle;
car, l'un des premiers, il ne fit pas circuler les esprits dans l'intérieur même des filets nerveux, supposant, non sans raison, qu'il n'existait dans ces filets aucune cavité, si petite fût-elle.Telle est, brièvement exposée, cette théorie des esprits : nousaurons à y revenir cependant d'un bout à l'autre de notre travail, pour
l'explication
de presque tous les phéno¬mènes vitaux. Reconnaissons déjà cependant que dans le système de Descartes ces esprits avaient une signification
très positive : cherchantà débarrasser lessciences,
physiques
et même
biologiques
de touteinterprétation
mystérieuse pour fairehommage
de tous leursphénomènes à la mécani¬que, les esprits animauxsont, à sesyeux, cet agent matériel
sous l'influence
duquel s'accomplissent tous les mouvements
automatiques, sans que
lame
ycontribue de quelque façon
que ce
soit;
car,selon ses propres expressions: « Il n'est
rien en nous que nous
devions attribuer à notre âme sinon
nos pensées. »
Et maintenant, il est une
autre explication des esprits ani¬
maux, la moinsconnue
de toutes et la plus hasardée peut-
être, qui nous
donnerait la clef de cette espèce de religion que
professait
pour euxDescartes. Nous lisons, en effet, dans le
Traité des Passions : « Ce que
je nomme ici des esprits,
ne sont que descorps,
et i 1
sn'ont point d'autres propriétés
sinon quece
sont des
corpstrès petits et qui se meuvent très,
vite ainsi queles
parties de la flamme qui sort d'un flam¬
beau; en sorte
qu'ils
11es'arrêtent en aucun lien et qu'à
mesure-qu'il
enentre quelques-uns dans les cavités du cer¬
veau il en sort quelques
autres
parles pores qui sont en sa
substance;
lesquels
poresles conduisent dans les nerfs
et de là dans lesmuscles, au moyen
de quoi ils meuvent le
corps en
toutes les diverses façons qu'il peut êtremù ». Pour
([lie
Descartes consente à appeler ces esprits « des corps », lui
qui fait
entre la matière et l'esprit une différence si absolue,
pour que,
si formellement, il les range dans la catégorie
« matière »et leuraccorde ses
deux propriétés fondamenta¬
les : à savoir, l'étendue et
le mouvement, il faut que ces
esprits
soient tombés
sousl'un quelconque de ses sens; qu'il
lesait, pour
ainsi dire, surpris à l'oeuvre. Il nous redira dans
son Traité de VHomme :
«Quant à
ce quej'ai dit de la
façon que
les artères apportent les esprits au-dedans de la
tête, et de la
différence qui est entre la superficie intérieure
' du cerveau etle milieu de sa
substance,
on enpourra aussi
voir àVœil assezd'indicespour
n'en pouvoir douter si on y regarde
unpeude près
».Et voilà pourquoi certains ont
supposé, non
peut-être
sansraison, qu'il avait, au micros¬
cope, aperçu
dans
unepartie quelconque du cerveau, des
corps
très petits,
eneffet, et toujours en mouvement qui n'é¬
taient autres quedes
globules sanguins.
22
Le
microscope,
eneffet,
dontMalpiglii
se servit en 1661 pourdécouvrir
lacirculation capillaire,
avait ététrouvé,
dès1590,
parun opticien deMiddelbourg, Zacclïarias
Jansen. Iln'y
aurait riend'étonnant
à ce ([ne, dans sesnombreux voyages,
Descartes
aitrencontré l'un de ces grossiers Instru¬
ments etque,
cherchant
aussitôt àsurprendre la vie
l'organe
même delà pensée, il ait vu ces danscorpuscules,
petitset
mobiles,
que, sans plusréfléchir,
il accepta comme vérifi¬cation de Tune de ses
hypothèses
les plus chères: les esprits animaux.Ce n'est ni à
Malpiglii, niàLeuwenhoëck
que nousvoulons enlever de la gloire : c'est à
Descartes
que nousvoulons en
ajouter un peu en lui
donnant
unepart dans ces
immor¬
telles
découvertes
decirculation
capillaireet deglobules
san¬guins. Ce ne serait
d'ailleurs
pas lapremière fois que la dé¬
couverte d'un fait ne
mènerait
point, tout d'uncoup et tout
droit,
à savéritable interprétation. Chaque
découverte
est lé fruit delongues années,
delongs
sièclesd'expériences
mal faites ou malcomprises,
et lesobscures descriptions
de lacirculation
dues àFabrice
d'Aquapendente,
àCôsalpin,
Réaldo
Colombo
ou MichelServet, n'enlèvent
pas unatome de gloire à
l'immortel Iïarvey.
Ne voyons-nous pas,
d'ailleurs,
le mêmeDescartes,
dansson
Discours
de laMéthode,
exposantpendant toute une
longue
page commenton pourraitappliquer l'algèbre
à l'é¬tude delà
géométrie,
ne pas même se douter de ladécouverte
qu'il venait de faire et de toutes les
heureuses
conséquences
qu'on en tirerait après lui?
En tous cas, cette
hypothèse séduisante
duphilosophe
dé¬couvrant au
microscope
lesglobules sanguins, quelque
in¬vraisemblable
qu'elleparaisse ne présente en
elle-même
aucune
impossibilité
: nous n'envoulons
point, toutefois,
assumer la
responsabilité,
cardéjà
nous avonseu le regret de dire qu'elle ne nous était pas
personnelle.
De
l'embryologie du système nerveux.
L'embryologie est,
pourainsi dire, une science née d'hier,
maisellea déjà
rendu tant de services et expliqué tant de
choses que
l'usage s'est répandu de l'invoquer à propos de
tout, souvent à propos
de rien. Ce chapitre n'est point à la
gloire
de Descartes, et, facilement, il pouvait être passé sous
silence s'il n'avait
aussi contenu
en germel'une des décou¬
vertesles plus
fécondes de l'histologie moderne. Descartes y
considère, en effet,
le corpsdesanimauxetdesplantescomme
formé parla
réunion de petites particules de matière,arron¬
dies parla
force de la chaleur, vivant chacune d'une vie pro¬
pre,
animées de mouvements particuliers et tous de même
senspourles
particules d'un même organe: c'est la première
idée de la cellule
élémentaire, vivante, qui devait être dé¬
couverte
quelque trente
ansplus tard.
Ktmaintenant, toute son
embryologie n'est qu'hypothèse
et chimère;
torturé
par cebesoin, cette passion du mouve¬
ment
qui le possédait, il forge ces fameux « tourbillons » que
devait détrôner bientôt la
découverte de la gravitation uni¬
verselle. Ces
particules de matière, pareilles à la boule lancée
par un
joueur
ouà la terre se mouvant dans l'espace, sont
animéesde deux sortes de
mouvements
:un premier sur
elles-mêmes,
destiné
à lesarrondir et les échauffer, et un
secondqui les
transporté d'un point à l'autre et leur permet
d'allercoloniser un peu
partout
pourformer les divers or¬
ganes. Le
premier résultat de ce double mouvement est de
réunirun grand
nombre de
cesparties pour former autour
du fœtus cequ'il
appelle
«la tunique ronde
».Cette enveloppe
une fois formée, les
parties de la
semenceréagissent l'une
sur l'autre. Les semences
mâle et femelle sont d'ailleurs de
même natureet, pour
réagir ainsi,
« cesdeux liqueurs n'ont
pas
besoin d'être fort diverses ; car comme on voit que la
— 24 —
vieille pâte peut faire enfler la nouvelle et que l'écume que jette la bièresuffit pour servir de levain à d'autre
bière,
ainsi il est à croire que les semences des deux sexes se mêlant ensemble servent de levain l'une à l'autre ».Descartes
com¬prend,
d'ailleurs,
qu'en cetteliqueur
mal connue, tout l'être futur est contenu en puissance. « Si on connaissaitbien, dit-il,
quelles sont toutes les parties de la semence de quel-qu'espèce
d'animal enparticulier,
par exemple del'homme,
on en pourrait
déduire,
de cela seul,pardes raisons entière- mentmathématiques
e,tcertaines,
toute lafigure
et confor¬mation de chacun de ses
membres ». De
même,
011 pourraitdéduire
de laconformation
d'un êtrequelconque
les parti¬cularités de sa semence.
Ce sont la deux
principes
qui n'ont pas vieilliet il était tout juste de les
indiquer
ici.Le premier organe qui apparaît chez
l'embryon
est le cœur : ce que croyait aussiHarvey montrant,
toutému,
au roiCharles,
1epunctum saliens. Le sang naît en mêmetemps
à un pôle opposé à celui du cœur,se metsans tarder en mou¬
vement et pénètre
jusque
dans ses cavités.La chaleur dont cet organe est la sourcele fait alors
bouillonner
et sedilater;
la
réaction
se produitaussitôt;
le cœur lutte contre la pres¬sion que
supporte sa surface
intérieure
et se met à battre. Le cycle estformé,
et c'est de cesang, envoyé par le cœur en toutes les
directions,
que naîtront lesdifférents
organes. Etd'abord,
montant en ligne droite autantqu'il le peut, il va
former la boîte osseuse du crâne
à la partie la plus élevée de
l'embryon
:trouvant
alors larésistance
de latunique
ronde quienveloppe
le « fruit » de toutes parts, ilrétrograde
ettrace,
endescendant,
«l'épine
du dos » etles organes de la génération.
Viennent ensuite les
esprits animaux qui, nés
dans le cœur pendant que le
sang
accomplissait
cespremières péré¬
grinations,
se mettent à leur tour enbranle.
Suivant laroute qu'avait
précédemment
suivie le mêmesang, ils vont
remplir la cavité du crâne en
formant
lecerveau, redescendent
etremplissent de même la cavité de l'épine en y formant la
« moelle del'épine » : un
bon nombre s'échappent à travers
les trous de
conjugaison et les trous de la base du crâne;
c'est l'origine
du système nerveux périphérique et des orga¬
nes dessens. Les
parties accessoires du cerveau : membra¬
nes, sinus,
tissus choroïdes et même glande pinéale, cona-
rium, sont, comme
le crâne, formées aux dépens du sang et
de plusun peu aux
dépens de la tunique des artères.
Descartes
oublie cependant de nous dire à quel moment
l'âme commence
à habiter ce corps vivant uniquement jus¬
qu'alors
de la chaleur développée dans son cœur ; cette cha¬
leur suffît
d'ailleurs, d'après lui, nous y reviendrons,à expli¬
quer
et à conserver la Aie; c'est à la fois la raison et le
principe de tous les phénomènes organiques.
Du
Mouvement
Retenons d'abord
que « la cause de tous les mouvements de nos membres est que
quelques
muscless'accourcissent
et que les opposés
s'allongent
;et la seulecausequi fait qu'un muscle
s'accôurcit
plutôt que sonopposé est qu'il vient tant soit peu plus
d'esprit
du cerveau verslui que vers l'autre. »
Voilà,
endeuxphrases,
toute sa théorie du mouvement : à travers les pores ducerveau correspondant au territoire d'un nerfou d'un muscle
déterminé
et ouverts par une causequelconque,
les espritsanimaux, toujours
en mouvement ettoujours en quête d'uneissue se sont
précipitéscnavalanchc.
Suivantleurchemin
ordinaire,
entre les filets nerveux et les peaux qui lesentourent,
ils sontallés, forçant
et franchis¬sant les
petites valvules situées à la
terminaison
dons lesmuscles de ces tubes
périnerveux,
faireirruption
dans lamasse musculaire
excitée,
la gonfler et laraccourcir à la
façon
d'une outre danslaquelle
oninsufflerait
unliquide
ou un gazquelconque. Explication incomparablement
facile àcomprendre et à retenir de la
contraction musculaire : il manquait à son auteur de savoir que le muscle ne
change
pas de volume en se contractant et que ces
petites valvules
terminales
des nerfsn'existaient
que dans sonesprit...
On oublie
d'ailleurs
et l'on excusebien vite la
bizarrerie
de cettehypothèse
en examinant les théories non moins origi¬nales que l'on a
édifiées,
dans la suite, sur la contraction musculaire. On a faitsuccessivement
du muscleune réu¬
nion de petits
bâtonnets
seprésentant
de file oude front selon son état de repos ou de travail : une collection de petites boîtesrempliesd'un
liquide s'accumulent
àleurs pôles supérieur etinférieur
pendant lerepos, sur leurs côtéspen¬
dant la contraction. Et tout cela pour en
arriver enfin à dire que la contraetilité n'est que la
manifestation
d'unepro-