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Vénus dans la nuit sauvage.

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Vénus dans la nuit

sauvage.

« Vénus in furs » par le VELVET UNDERGROUND

Dossier-récit (1965-)

Lou Reed, John Cale, Moe Tucker, Nico, Sterling Morrison.

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Pochette de l’album-culte (1967) contenant « Vénus in furs » en piste IV.

Le « Velvet underground with Nico » contenant « Venus in furs » est de nos jours souvent désigné comme le plus grand album pop de tous les temps. Et pourtant une semi-obscurité n’a jamais vraiment lâché ce band essentiellement actif dans la seconde moitié des sixties. Tout le monde pourrait citer au moins trois tubes des Beatles, deux succès des Stones, un titre d’album de Pink Floyd. Tenterais-je un micro-trottoir avec le V.U ? Qui se la pète à les déballer au « couple-ami » une fois fait pareil avec les chips ou même au pousse-café ? Pas élitistes comme on le laisse croire, trop antipathiques ils demeurent pour les convoquer quand le poisson rouge a rendu l’âme. Maintes formations à leur suite nous ont servi toute une panoplie contextuelle malsaine, morbide et décadente qui remet « étrangement » d’aplomb (la fameuse « catharsis), le V.U. ne soulage rien ni personne ou bien peu. Non que le principe du « s’attacher des ailes pour fuir dans le rêve » de Masoch ne répondît présent. Or, une fois lâché dans le vide seulement on sera prié de regarder si on a eu les ailes. Le Velvet rend ainsi dérisoire tout ressenti personnel. Mieux qu’une pop sans public pop, une pop dit franchement « oui » à ce qu’elle est et tout se déroule comme « à côté ». On est déjà dans l’univers d’un écrivain tel que l’a analysé Deleuze-et qui nous ouvre « au-delà du donné un nouvel horizon non donné » ? De réaliser que je ne me suis pas attaqué à une « song ». A un astre, à une constellation…

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Live Foreground du V.U. le 1er avril 1966.

Quand ? A quel moment l’hymne au cuir noir du soleil fétichiste hyperboréen, la fleur du mal de la fourrure, fut-il entendu pour la première fois? On peut au moins remonter jusqu’à juillet 1965 puisque nous disposons aujourd’hui d’une version jouée par les « membres historiques » (Lou Reed, John Cale, Sterling Morrison et Angus Mac Lise- remplacé quelques mois plus tard à la batterie par Moe Tucker) dans leur loft de Ludlow street à Manhattan. La formation a été créée la même année ou plutôt a choisi son appellation définitive après celle de « The primitives » (signe prémonitoire,

« V.U. » équivaut au titre d’un ouvrage d’investigation sur les perversions sexuelles aux U.S.A. prêté à Reed par son voisin, l’artiste d’avant-garde Tony Conrad). Ceux qui eurent la chance de les entendre dans les salles new-yorkaises où ils se produisirent rapportent qu’ils auraient eu le chic de se rendre détestables. Hautains. « Intellos ». Non-communicatifs. Plus tard on les louera d’avoir les premiers assumé totalement en toute autonomie leurs orientations artistiques (Mac Lise, plus extrémiste, démissionne dès que l’opportunité de toucher 75 dollars en une soirée leur est offerte -l’art et l’argent en aucun cas ne devant, estime-t-il, copuler). Altiste, Cale s’accroche à sa formation de musicien classique, révisant aux antipodes son point de vue sur le rock qu’il méprisait, Reed, lui, est féru de littérature et de poésie. Dans « Paroles de la nuit sauvage » il rapportera, sous celles de la chanson, les avoir écrites après une lecture d’un livre homonyme.

« …promet en tant que sa maîtresse de se montrer aussi souvent vêtue d’une fourrure, en particulier lorsqu’elle sera cruelle… »

L’œuvre, brutale et stylisée, abondant en citations poétiques, a dû sans mal impressionner ce jeune guitariste ténébreux, un temps étudiant à l’université de Syracuse. Lamentation aride, proche du folk.

Telle est l’impression des premiers auditeurs. En avril 1966, seconde prise, plus dynamique, au

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Scepter Studios de New-York. Après, ce sera Hollywood, les studios T.T.G. Onze titres enregistrés jusqu’à l’automne vont former « l’album des débuts », la production officiellement assurée par Warhol qui les a déjà embauchés pour son light show controversé « Exploding Plastic Inevitable ». A cette époque, le nom de ce dessinateur publicitaire puis peintre, associé depuis les années 5O aux courants artistiques d’avant-garde les plus radicaux, sent le soufre. « Drella » ainsi qu’on le

surnomme au V.U. en un mixe heureux de ses origines slaves, de son côté vampirique et de son goût du travestisme, n’a pas encore fait de sa « Factory » une société-type à l’américaine où les people se feront portraiturer à 25OOO dollars le coucou (pour ça, il faudra l’attentat de Solanas). Ses rapports de « manager » avec le groupe ne survivront pas à l’aventure mais pour l’heure Andy tient assez les choses en mains pour leur imposer sur trois titres (dont «Femme fatale ») la présence d’un

mannequin blond au timbre glacé: la teutonne Nico.

Le 33 tours à la fameuse banane dessinée par le chef de file du « pop art » sort le 12 mars 1967-et va faire un bide. Il est jugé gratuitement choquant et agressif, inaudible! La belle excuse. Va pour le conter fleurette de l’infantilisme hippie mais que le rock ne se mette pas dans l’idée de faire

« adulte», de parler d’homosexualité, de décrire les aspects les plus sordides de la seule cité martyre homologuée au siècle suivant. Les dieux seuls savent à ce moment combien 67 sera L’année

charnière dans l’histoire conceptuelle du rock. Des déboires juridiques achèvent de couler le disque.

Ca n’empêchera pas le groupe de retourner en studio dès l’année suivante pour un second volume plus noir et violent « White light, white head ».

Le chevalier de Sacher-Masoch n’a pas atteint les soixante ans quand à Lindheim en Allemagne il s’éteint en 1895 aux côtés de son Hilda qui lui a permis de terminer ses jours dans un relatif apaisement après les tumultes avec son ex-épouse Wanda, double de l’héroïne de son livre culte.

« Presque tous ses romans, écrit Daniel Leuwers, suivent la progression d’un venin pervers et dévastateur qui s’insinue au cœur de l’homme ; érotique érosion doublée de vertige suicidaire. Les héros ne peuvent atteindre à la jouissance que par des souffrances auxquelles président des femmes qui se métamorphosent en terrifiantes « batteuses d’hommes » ».

Paru en 187O, « La Vénus à la fourrure » demeure célèbre notamment pour sa fameuse déclaration contractuelle:

« Je m'oblige, sur ma parole d'honneur, à être l'esclave de Mme Wanda de Dunajew, tout à fait comme elle le demande, et à me soumettre sans résistance à tout ce qu'elle m'imposera. ».

Fils d’un préfet de police affecté en Galicie, docteur en droit, prof d’histoire à l’université de Graz avant de gagner sa vie par la plume, Masoch est autrichien d’origine mais de cœur « petit-russien » (ukrainien). Tournant le dos au romantisme, il va s’intéresser à des sphères sexuelles peu explorées jusque là. Pas d’obscénité : tout réside dans l’attente de la jouissance (quitte, de celle-ci, à devoir revoir le sens). La gloire de Masoch de son vivant n’est guère liée à ses « déviances» qui passionnent déjà les scientifiques (Krafft-Ebing forge le terme de « masochisme » en citant en particulier la

«Vénus » en 189O). La bourgeoisie libérale le salue comme un auteur sain, dépaysant, éducatif (l’appellerions-nous « alternatif » ?), chantre du monde rural mais anti-traditionaliste. Défenseur des petites communautés, inquiet de la montée des puissances d’argent, cet aristocrate rêve d’un gigantesque bouleversement sociologique. Le retour au matriarcat lui apparaît inéluctable.

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Prophète ? Fort peu dans son pays! C’est la France qui l’adule, pour des raisons pas toujours littéraires, hélas ! Elle se cherche son « bon allemand » après Sedan (Masoch déteste le deuxième Reich). Paris l’accueille triomphalement- légion d’hon-neur ! Très prolifique, il passe néanmoins assez vite de mode, le supporte mal. Ses éditeurs l’ont constamment floué. Notons que Masoch n’est pas comme on le prétend mort « fou » des influx de son œuvre sur son vécu (il fut juste victime de problèmes d’irrigation du cerveau corrélatifs à ses ennuis cardiaques). Chose encore rare pour l’époque, il exige des funérailles dénuées de tout service religieux. Douze personnes au total lui rendent hommage après un parcours à pied invraisemblable…de douze kilomètres. Il est peu de choses chez Masoch qui n’aient, fût-ce malgré lui, une résonance biblique. Pour Markos Zafiropoulos, sa quête esthétique d’un « homme nouveau sans sexualité » n’y est pas étrangère. Il cherche à s’exonérer du « vouloir meurtrier » dans la destinée humaine, du fratricide originel (Freud, lui, a parlé du « meurtre du père »).

Léopold von Sacher-Masoch chez lui.

Quarante-cinq ans après, se prononcer musicalement sur le V.U. semble plus hasardeux que jamais.

Crier au génie à tous les coups : absurde !, chercher des titres sans un infime intérêt sur le plan de la couleur sonore, de l’instrumentation, du chant : vain ! Toujours impassables en radio, très difficiles à proposer à qui n’en a pas fait le choix individuel, ils échappent à tout consensus. Les dire

« classiques » passe mal, les trouver datés ne tient pas la route. Si nous nous contenterons, et ce n’est pas rien, de citer le punk (lequel retint du bâclage de l’opus I le primat de l’impulsion sur la finition), le monde musical le plus actif, innovant, éclectique depuis la fin des sixties a rendu

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vérifiable la formule attribuée à Eno. Mille acheteurs initiaux, une misère ? Qu’importe !, tous « ont ensuite créé un groupe » ou fait quelque chose en musique. Et mieux que tout autre titre y compris

« Héroïn », la musique de « V.I.F. » étend son emprise sur l‘espace environnant aussi puissamment qu’elle propulse l’auditeur dans un rêve intégral.

Le Velvet ne peut être crédité d’aucun tube. Pourtant, aucun autre groupe, sinon les Beatles, ne peut à ce point prétendre incarner un mythe

Affiche d’une adaptation filmique libre néerlandaise de 1995 de Maartje Seyferth et Victor Nieuwenhuijs Plus d’un siècle après sa mort, Masoch est passé dans l’usage oral quotidien. « T’es maso ? ». Maso ou pas, tout amoureux de la fourrure a lu son livre ou en a eu vent et la flagellation dans ses attributs ou pas, toute femme portant avec brio la fourrure aura droit, sans rien de péjoratif, à la

comparaison, à sa petite part dans la constellation. Le reste de la production masochienne (contes, nouvelles, récits) en pâtit. Dommage. Dans une préface, l’une des meilleures à la « Vénus à la

fourrure », Daniel Leuwers dit que « Sacher-Masoch a apporté un souffle d’étrangeté et de modernité à la littérature allemande du XIXè siècle ». Et s’il n’était pas « porno », il a désinhibé dans l’esprit pas mal d’auteurs modernes…

L’écrivain n’approuvera pas la récupération de son patronyme par Krafft Ebing dans ses « recherches dans le domaine de la psychopathologie sexuelle ». Rien n’y fera. Les débats s’enchaîneront,

frénétiques : La fourrure (le fétiche) est « l’image ou le substitut d’un phallus féminin, c'est-à-dire un moyen par lequel nous dénions que la femme manque de pénis » (Freud). Le fétichisme conduit au bout du compte par le biais de cette « dénégation » à « une neutralisation du réel, protectrice,

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idéalisante » (Deleuze-qui ajoute : « Pas de masochisme sans fétichisme »).

Sacher-Masoch s’indignant n’a pu réaliser comment son œuvre allait lui échapper, fusant dans la science comme dans l’imaginaire des hommes sans rien qui soit dirimant à sa fortune, ce qu’entrevoyait sans doute encore Deleuze même écrivant : « la façon dont Masoch définit son idéalisme ou supra-sensualisme revient à s’ouvrir à un idéal suspendu dans le fantasme ». Il faut comprendre une vision esthétique « où chaque pose… devient une œuvre d’art » !

Durant très longtemps, les écrivains s’inspiraient de mythes préexistants. Sacher-Masoch, fait remarquer Bernard Michel, « est l’un des rares écrivains à être devenu lui-même un mythe ».

Illustration de couverture des Editions Autrement pour « Le testament insensé » (AKG-Images).

Alors, faut-t-il chez l’un et chez les autres souligner outre-mesure leur fascination commune pour les sexualités « de marge », faisant fi des différences de caractère (loin il y a du vocabulaire cru, sans concession, de Reed à la prose suggestive, parfois d’un cocasse irréalisme de Sacher-Masoch !) ? Faut-il aligner les similitudes entre la noirceur de l’auteur du « Legs de Caïn » et celle d’un petit-fils d’immigrés juifs de Long Island dont d’autres ont beaucoup mieux parlé que je ne pourrais le faire, et qu’à l’instar d’une jeunesse sordide et tourmentée, la souffrance, la solitude et l’abîme de ses textes,

feront surnommer le « prince de la nuit et des angoisses » ?...

Nous avons saisi à ce stade pourquoi ces mythes étaient faits non pour se rencontrer, mais pour, abolissant un siècle de « distance », fusionner.

Toujours j’ai pensé que cette chanson (dans laquelle il m’arrivait de puiser des mantras à des moments « critiques ») se prêtait plus visuellement à l’art photographique qu’au cinéma ou au film d’animation- mon enquête chez les cinéphiles révèle en parallèle qu’aucune adaptation de Sacher- Masoch n’aurait encore répondu à l’attente. « La Vénus» a ceci de particulier de déployer ses fourrures, plus qu’en l’héroïne désignée, en une multitude de visions rêvées ou picturales

engendrant un état second, quand elle ne s’étiole pas dans divers personnages « secondaires ». Le

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fétiche il est vrai incarnerait un processus, nous l’avons dit et répété, de suspension du réel. « L’un des apports créateurs de Masoch au roman » selon Deleuze consiste en cet art du « suspens »

comme « ressort romanesque (…) La femme-bourreau prend des poses qui l’identifient à une statue, à un portrait ou à une photo. Parce qu’elle suspend le geste d’abattre son fouet ou d’entrouvrir ses fourrures ». Pourquoi ? « Le fétiche ne serait nullement un symbole mais un plan fixe et figé, une image arrêtée, à laquelle on revient toujours » pour faire apparaître « un pur fondement idéal ». Il serait, consécutive à la neutralisation de la connaissance du monde réel, une unité-idéal comme on mesure le temps en secondes, etc. Reed inconsciemment ou non, en a fourni la transposition musicale la plus adéquate dans le son de sa Guitare Ostrich accordée avec les cordes à vide…sur la même note ! La percussion minimaliste de Moe Tucker (qui avait aussi ceci de singulier de taper sur ses peaux tendues debout) reflète l’attente hypnotique chère à l’écrivain, d’un plaisir ajourné aux limites du supportable. Dans cette marche à l’échafaud, dans cette rythmique tribale, pressentons- nous l’avènement immanquablement cruel de l’ère nouvelle, de la Vénus Imperatrix ?, « ce

renversement d’idéal » tant souhaité de Masoch. Difficile de ne pas entendre l’irruption de l’alto de Cale comme le glissement de cette « virilité fragile, sensible, maladive » appelée désormais à s’allier à « une féminité robuste, épanouie, dominatrice ». Le recours à l’alto (électrique), plus rigoureux que le violon trop arbitrairement associé dans le collectif aux effusions sentimentales répond à la

démarche antiromantique de Masoch. Enfin, l’interprétation vocale de Reed rend compte comme il en va du texte (non un résumé de l’histoire de Wanda et Séverin, mais une succession d’instantanés faits mots) d’une lecture intense, attentive à toutes les dimensions de l’œuvre-son processus d’identification spontanée à la victime (elle est déjà rédigée à la première personne) rendu à chaque intonation. L’expérience d’une passion extrême-idéalisante- de plusieurs années que venait de vivre le chanteur pour une nommée Shelley ne put qu’influer sur la réussite du morceau.

Froideur sentimentalité, cruauté, voici des constantes le triptyque du chevalier Léopold Ritter. Il n’est rien dans ces 5’ 1O’’ qui ne s’y mire. Qu’est-ce qui dans l’œuvre de Masoch, s’interroge Markos Zafiropoulos, est « suffisamment universel pour déchiffrer ce qui, dans le miroir qu’il nous propose, fait effet de vérité au point que notre langue l’ait communément adopté » ? De fait, ce miroir, celui qui toute sa vie ressembla à un jeune loup baroque le propose avant tout à son lecteur.

Pour s’interroger sur sa propre destinée de loup (et/ou d’agneau ?), la Femme, sa sexualité, et Dieu.

Y renvoie indirectement à mon sens une autre chanson de l’album interprétée celle-là par Nico «I’ll be your mirror » pour laquelle Warhol avait envisagé (idée abandonnée pour raison de budget) une griffe sur le vinyle au mot « miroir » qui en nous forçant à réagir, nous aurait nous-mêmes intégrés au disque, à sa symbolique et au processus créatif !

Mieux que coïncidences ou pas ? Le disque est mis dans les bacs un 12 mars, dans le populaire rural, monde de prédilection de Masoch, « jour où l’on tord le coup à l’hiver ». Lequel ? Dans le calendrier républicain français, on célèbre le « persil », plante curative. Pour le christianisme de rite oriental (pratiqué par Warhol) c’est la Saint-Théophane, protecteur…des images saintes. Une « théophanie », manifestation du divin a comme pendant pour le mythe, la « hiérophanie ». La chanson en est une…

Nous avons vu que l’échec de l’album à sa sortie était lié à un rejet de normes morales. Toute évocation de la subversion sixtisienne fait (tristement) sourire en cet âge que la philosophe Chantal Delsol appelle celui du « renoncement »-le nôtre. Pourtant- et sur cette autre dimension commune nous terminerons- les thématiques sexe du Velvet, elles-mêmes en marge dans leur époque (et somme toute, encore aujourd’hui ?), rejoignent l’opposition au mode de normativisation sociale de

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Sacher-Masoch, voire son rejet de l’organisation sociale dominante à propos duquel Zafiropoulos dans son livre récent vous entretiendra bien mieux que votre humble et dévoué : « le masochisme ne va pas (ou pas immédiatement) avec la recherche de la plus-value du corps de l’Autre (…) le sujet se présente comme totalement offert à la jouissance d’un Autre, alors que la norme sociale voudrait-du point de vue de l’utilitarisme-que le sujet ne cherche rien d’autre que son profit ou sa propre

jouissance ».

Hors-texte de Suzanne Ballivet pour un tirage limité à 992 exemplaires de la « Vénus » de Sacher-Masoch aux éditions Maurice Gonon (1954).

http://auroraelibri.com/ressources/img/Sacher-Masoch_Ballivet_V%C3%A9nus_aux_fourrures.jpg

Sacher-Masoch et le Velvet ont vu l’une de leurs créations (leur fusion suffit à le démontrer) s’attacher des ailes, prendre le large, se muer dans les étoiles en catalyseuses d’énergie. Laissons maintenant les astres et les constellations pour nous souvenir… d’un homme-ma fibre sensible !- : Sacher-Masoch connut de son vivant la gloire puis la déchéance. Le Velvet d’abord raillé, bafoué, a fini par atteindre à la reconnaissance unanime (les avoir vu jouer une fois tient d’une grâce). La pop dans « V.I.F. », a rendu son meilleur hommage à la littérature-même si d’autres se défendirent rudement (Syd Barrett et James Joyce, Kate Bush et Emily Bronté). Ne serait-il pas justice qu’elle nous incite à replonger dans l’œuvre-sur la plus large étendue des voluptés qu’elle nous réserve- du grand fourreur ès lettres de l’imaginaire fantasmagorique occidental… ?

Juin 2O12.

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LYRICS

Couverture de magazine contemporaine des années Velvet.

http://fashionbloglife.com/60sfashion/

Shiny, shiny, shiny boots of leather Whiplash girlchild in the dark

Clubs and bells, your servant, don’t forsake him Strike, dear mistress, and cure his heart

Downy sins of streetlight fancies Chase the costumes she shall wear Ermine furs adorn the imperious Severin, severin awaits you there

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I am tired, I am weary

I could sleep for a thousand years

A thousand dreams that would awake me Different colors made of tears

Kiss the boot of shiny, shiny leather Shiny leather in the dark

Tongue of thongs, the belt that does await you Strike, dear mistress, and cure his heart

Severin, severin, speak so slightly Severin, down on your bended knee Taste the whip, in love not given lightly Taste the whip, now plead for me

I am tired, I am weary

I could sleep for a thousand years

A thousand dreams that would awake me Different colors made of tears

Shiny, shiny, shiny boots of leather Whiplash girlchild in the dark

Severin, your servant comes in bells, please don’t forsake him Strike, dear mistress, and cure his heart

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PAROLES

Luisantes, luisantes, luisantes bottes de cuir Femme-enfant fouettant dans l'obscurité

Clubs et grelots, votre servant, ne l'abandonnez pas Frappez, chère maîtresse, et guérissez son coeur

Les péchés veloutés des caprices nocturnes citadins Poursuivent les costumes qu'elle portera

Des fourrures d'hermine ornent l'impérieuse Severin, Severin vous attend là

Je suis fatigué, je suis las

Je pourrais dormir pendant mille ans Un millier de rêves qui me réveilleraient Différentes couleurs faites de larmes

Embrassez la botte de cuir luisant, luisant Cuir luisant dans l'obscurité

La langue de cuir, la ceinture qui vous attend Frappez, chère maîtresse, et guérissez son coeur

Severin, Severin, parle si doucement Severin, à bas sur tes genoux fléchis

Goûte le fouet, dans un amour qui n'est pas donné légèrement Goûte le fouet, maintenant supplie moi

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Je suis fatigué, je suis las

Je pourrais dormir pendant mille ans Un millier de rêves qui me réveilleraient Différentes couleurs faites de larmes

Luisantes, luisantes, luisantes bottes de cuir Femme-enfant fouettant dans l'obscurité

Clubs et grelots, votre servant, ne l'abandonnez pas Frappez, chère maîtresse, et guérissez son coeur

Edition en traduction albanaise du livre de Sacher-Masoch.

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DES SOURCES ?

La curieuse statue de Sacher-Masoch à Lviv (Leumberg) devant l’entrée d’un grand hôtel.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/85/Masoch.jpg

SUR SACHER-MASOCH

SUR LUI : La vie de Sacher-Masoch a très tôt fait l’objet de biographies et d’études. LA somme historique et littéraire (à se procurer en occasion) est due à Bernard Michel : « Sacher-Masoch, 1836-1895 » chez Robert Laffont (1989). L’étude réputée de Gilles Deleuze (1967) est accessible en poche aux Editions de Minuit:

« Présentation de Sacher-Masoch : le froid et le cruel » (2OO8). Des pages d’écriture magnifiques. Réclame toutefois des notions en psychanalyse. « L’œil désespéré par le regard » (Arkhé, 2O1O) de Markos

Zafiropoulos est très important pour nous autres « fétichistes » (et/ou « masochistes ») par le regard idéologique positif nouveau qu’il entend nous proposer. Pour qui voudrait aller y voir, les Krafft-Ebing ont été réédités après une longue absence en poche chez Payot : « Les formes du masochisme» (2O1O) et

« Sadisme de l’homme, sadisme de la femme » (2O11).

DE LUI : Les classiques écrits par Masoch « Vénus à la fourrure » et « Les Batteuses d’hommes » sont

constamment réédités chez Pocket, Mille et une nuits, Rivage, Cercle, Musardine, etc. Au rayon « érotique », je vous recommanderai d’être vigilants aux autres recueils mis sur le marché car ils ont tendance à regrouper autour d’un bref texte inédit (ou rare) des nouvelles des deux livres-bateaux. Ainsi de « Puissance du

masochisme » (2O11) dans la Petite Bibliothèque des Ombres, sous ce titre racoleur inventé pompeusement ne pointant pour toute surprise que « La pantoufle de Sapho ». Gare aux doublets, donc, et triplets (pour ne pas dire à l’arnaque). Les initiatives éditoriales plus que louables de ces dernières années : « La femme

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séparée » et «Textes autobiographiques » chez Léo Scheer (2OO4) et le roman « Le testament insensé » chez Autrement (2OO9). « Les contes juifs » sont de nouveau disponibles au Sandre depuis 2OO7.

La majorité sinon l’intégralité de la production de Sacher-Masoch mériterait d’être rééditée dans notre langue. Cependant, la fixation autour de la « Vénus » et de son brevet d’excellence (sans rien dire du malentendu médiatique sur « Masoch auteur érotique ») ne me donne guère d’illusion. Le fouineur en bouquinerie ou sur le Net mettra la main sur des merveilles : « La mère de Dieu » (Champ Vallon, 1993) et

« L’esthétique de la laideur » (Buchet Chastel, 1967), et plus rare « Le lit de l’impératrice » édité par l’éditeur anversois Walter Beckers en 197O. Pour vous procurer d’autres ouvrages, en éditions d’époque, ...bonne chance !

Cale à l’alto.

http://sunglassesonstage.com/tag/sunglasses-onstage/

SUR LE V.U.

Il existe une abondante littérature sur le Velvet Underground et ses membres fondateurs. Je proposerai sur le plan purement informatif l’ouvrage de Paul Hogan, « Velvet underground » paru en 2OO8 en français chez Tournon. Très riche mais d’une lecture aussi agréable que celle d’un bottin téléphonique (« de la rigueur »-je sais, mais trop c’est trop et le rock permet je crois un peu de légèreté). Plus personnalisé le « Velvet

Underground, up-tight » (2OO4) de Viktor Baukris et Gérard Malanga (félicités par Sterling Morrison) chez l’éditeur « Camion-Blanc » dont j’apprécie le choix des ouvrages, généreux, actuels, stimulants (mais coûteux).

Vous trouverez avec le texte original et la traduction française de « Vénus in furs » toutes les paroles écrites par Reed pour le Velvet et en solo dans le recueil « Paroles de la nuit sauvage », réédité en 2OO2 chez 1O/18. « Traverser le feu » (Seuil, 2OO8) présente l’intégrale de l’artiste la plus récente, soit 3O albums.

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VERSIONS EN SOLO PAR SES CREATEURS DE « VENUS IN FURS »:

Par John Cale :

Sur « Circus Live » (2OO7) Piste 1.

La meilleure selon moi après l’original. Efficace, droit au but, chatoyante, fidèle aux proportions initiales du morceau. Cale plonge d’entrée l’assistance dans le bain moussant de « furs » comme dans les ajoncs de sa terre natale, avec l’avantage écrasant de disposer de l’alto de

l’enregistrement mythique qui passe ici à l’action dès l’ouverture. Les interprètes sont là comme à une fête aux accents immémoriaux. Le Sacher-Masoch rural, traditionnel, plus fantasmagorique que fantasmatique l’emporte sur le nouvelliste aux utopies torturées. Une rencontre plus vraie que nature entre bardes gallois et galiciens ? Sommes-nous de retour dans la grande lande des païens ? Ce qui est sûr, c’est que tout est désormais sous contrôle.

Au vibrato plus large et ample que le violon, l’alto est un instrument réputé pour impulser de la vie intérieure. Sa tessiture l’apparente dans les aigus extrêmes au cor anglais qu’utilise Wagner dans

« Tristan » pour exprimer la plus extrême déréliction dans le drame amoureux tandis que dans les graves il fait songer au basson dont les compositeurs modernes ayant subi la dictature et la guerre font le stigmate d’un monde d’oppression, dévasté… Entre la passion et la soumission…la peur :

« the man’s best friend » chantera Cale en solo.

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Par Lou Reed :

Sur « Animal serenade » (2OO4), Piste 12 Disque 1

Une optique diamétralement différente. Reed au midi de son show, avec accompagnement minimaliste, y plaque son « chanté-parlé » s’aidant de la guitare puis cède la place à la

violoncelliste Jane Scarpantoni pour un long solo hard à la Chostakovitch comme s’il voulait cette fois extraire du chef d’œuvre le point de non-retour, un paroxysme du mal existentiel (d’autres estiment que la virtuose « masturbe » plutôt -royalement- son instrument) puis le prince de la nuit et des angoisses revient achever la besogne comme de rien ! Tout Reed est là. Ca passe ou ça casse. Et si tu trépasses ?-ça aussi, passera. Surtout, ne jamais proposer cette version à quelqu’un à qui l’on désire faire découvrir « Vénus in furs ».

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REPRISES DE « VENUS IN FURS »:

Il en manque (sans garantir l’absence d’erreurs, je m’efforce d’être le plus précis n’indiquant que des versions que j’ai pu entendre). La liste chronologique permet d’apprécier l’incroyable

constance du rythme des reprises depuis la fin des années 8O.

Paul Gardiner (single, 1981)

Debbie Harry (Live à New-York, 1989) Limbo (« My whip, your flesh », 1989)

The Melvins (« Here She Comes Now/Venus in Furs » (split single with Nirvana), 1991) Paul Roland (« Srtychnine », 1992)

Chritian Death (« Path of sorrows », 1993) The Ukrainians (« Vorony », 1993)

Smashing Pumpkins, (« Mashed potatoes », 1994) Rosetta Stone (« Hiding in waiting », 1996) Miłość (« Talkin' About Life and Death », 1997) Psychopomps (« Fiction Non-Fiction », 1997)

Bettie Serveert, (« Plays Venus in furs and other Velvet Underground songs», 1998) The Creatures (« Zulu », 1999)

Jim O’Rourke (« Rabid chords OO2-VU Tribute », 2OOO) Hugh Cornwell (« Footprints in the Desert », 2OOO) Dave Navarro (« Trust no one », 2OO1 )

Trash Palace (« Positions »., 2OO2)

Amon Tobin (« Solid steel presents Amon Tobin »,2OO4) Monster Magnet, (« Monolithic baby », 2OO4)

Krieg (« The Black House », 2OO4) Niagara- (« Beyond the pale », 2OO5)

De Votchka (EP « Curse your little heart », 2OO6) Chuck Dukowski Sextet (« Eat my life », 2OO6)

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Ordo Rosarius Equilibrio (« Apocalips », 2OO6)

Risqué (Myl Morgen), (« Tie me up, tie me down », 2OO7) Eden House (« Looking glace », 2OO9)

Beck (Website, 2OO9)

Savannah Pryor, (« Experiences »,2OO9 )

Gary Numan and Little Boots (Team Up For Brilliant BBC 6 Music Live Session, 2OO9) Dafné (« Some Tales », 2O12)

« Aphrodite en fourrure » d’Eugène Leliepvre.

http://www.eugeneleliepvre.com/

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Léopold Von SACHER-MASOCH (1836-1895)

Références

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