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Lettre à François Hollande Michel Husson,

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Lettre à François Hollande

Michel Husson, L’Humanité-Dimanche, 28 juin 2012

Monsieur le Président,

Vous venez d’être élu par des citoyens dont le premier sujet de préoccupation est l’emploi.

Vous serez donc jugé en grande partie sur les résultats en la matière. Votre projet pourrait au fond être résumé ainsi : renouer avec la croissance, le seul moyen à vos yeux de faire reculer le chômage, créer des emplois aidés et mettre en place un contrat de génération favorisant l’embauche des jeunes et l’emploi des seniors.

Il n’est malheureusement pas sûr que ce projet soit proportionné à l’ampleur de la crise. La croissance ne se décrète pas, et d’ailleurs, de quelle croissance s’agit-il ? Celle d’une relance par la demande ou celle des « réformes structurelles » chères à Angela Merkel ou Mario Monti, qui signifient en pratique une nouvelle flexibilisation du marché du travail ? Votre objectif de réduction du déficit public à 3 % dès l’année prochaine vous interdit de jouer sur la dépense publique, et comme vous n’envisagez qu’un petit coup de pouce au Smic (6 euros par mois ?) vous vous privez toute politique de relance keynésienne. Les (petites) recettes tirées d’une taxation bienvenue des dividendes seront consacrées au seul équilibre budgétaire et non au soutien de l’activité.

« Pendant toute la période de 1997 à 2002 (...) deux millions d’emplois ont été créés (...) une rupture majeure pour une économie qui, dans le siècle qui précédait – de 1896 à 1997 – n’avait créé que trois millions d’emplois ». Voilà ce qu’écrivait au début de cette année le député socialiste (et économiste) Pierre-Alain Muet dans un ouvrage publié par la Fondation Jean-Jaurès (Contrevérités et tristes réalités des années Sarkozy). Pourquoi ne pas renouer avec cette expérience ? Un tel projet irait bien plus loin que la suppression des mesures de défiscalisation des heures supplémentaires, que vous avez raison d’envisager. L’expérience passée montre que les emplois aidés ne sont qu’un remède provisoire et que les nouvelles exonérations de cotisations prévues par votre contrat de génération susciteront plus d’effets d’aubaine que d’embauches.

Si vous repreniez le cours de la tendance séculaire de baisse du temps de travail, interrompu par la droite, vous pourriez découvrir qu’une autre répartition des revenus est le complément nécessaire à cette autre répartition du temps de travail, et que les créations d’emploi ainsi réalisées peuvent impulser un autre type de croissance.

Vous pourriez même, Monsieur le Président, franchir un pas supplémentaire en renversant le lien entre activité économique et emploi. Aujourd'hui, un emploi ne peut être créé que s’il est rentable. Et si vous preniez les choses à l’envers ? La société devrait pouvoir choisir ses priorités et créer ensuite des emplois là où sont identifiés les besoins. L'objectif serait que tout le monde soit employé de la façon la plus efficace, en mesurant cette efficacité par l'utilité sociale et non par la rentabilité dégagée.

L’ampleur de la crise appellerait un tel changement de perspective. Il est clair que vous ne l’envisagez pas. Vous pariez sur la possibilité de satisfaire aux exigences de l’extrême rigueur européenne et, en même temps, de faire reculer le chômage. Nous sommes beaucoup à penser que ces deux objectifs sont rigoureusement incompatibles, et cela nous inquiète profondément. Nous craignons que les mesures symboliques sur la taxation et la régulation de la finance ne servent que de contrepartie dérisoire à l’acceptation du nouveau Traité européen. Allez-vous renouveler l’erreur de Lionel Jospin qui avait ratifié le très libéral traité d’Amsterdam en échange de concessions virtuelles ? Ne serait-ce pas au contraire un acte politique fort que de donner la parole au peuple en soumettant ce nouveau Traité à référendum ?

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