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Recevoir 50 000 visiteurs par an, en étant caché dans les montagnes lozériennes et en s'appuyant sur l'art contemporain…
Ce pourrait n'être qu'un fantasme de consultant, c'est une réalité au Vallon du Villaret, ouvert depuis douze ans à Bagnols-les-Bains, en bordure du Parc National des Cévennes.
Po u r c e r t a i n s , q u i e n r e t i e n n e n t l e caractère ludique, ce drôle d'endroit est un " parc d'attractions sans manège ni frite ni hamburger ", pour d'autres c'est un jardin contemporain, et pour d'autres encore, un centre d'art qui a présenté des œuvres d'une centaine d'artistes parmi lesquels de grands noms comme Ben, Goldsworthy, Mike Kelley, Nils Udo, Ernest Pignon-Ernest, Viallat, Combas, et bien d'autres. L'association l'Enfance de l'Art qui porte le projet culturel du Vallon est p a r a i l l e u r s i m p l i q u é e d a n s d e nombreuses actions en milieu scolaire dans le domaine de l'art contemporain.
Le Vallon est donc à la fois un lieu culturel et un lieu touristique, l'un des plus visités du département le moins peuplé de France. C'est une initiative privée, gérée par deux structures privées, mais qui n'a pu se réaliser que grâce à un partenariat étroit avec les collectivités.
P r o fe s s i o n n e l l e m e n t , j e v i e n s d e s sciences humaines et de la pédagogie.
J'ai donc été amené au fil du temps à m ' i n t e r r o g e r s u r l e s r a p p o r t s q u i s ' é t a b l i s s e n t , d a n s n o t r e m o n d e occidental, entre le public et la nature, et j'en suis arrivé à des hypothèses que j e v o u s p r o p o s e i c i , e t q u i s o n t à considérer plus comme une peinture, qui s'accorde le droit de la subjectivité, que comme un exposé scientifique.
Une précision idéologique : je sais qu'en entendant " nature ", certains entendent
" r e to u r " à l a n a t u r e , r é t r o g r a d e , archaïque et que d'autres, à l'opposé,
entendent " simplicité naturelle ", saine équilibrée et paisible. Je précise que je ne me situe dans aucun de ces deux camps.
L'homme construit son rapport à la nature de la même façon qu'il construit sa sexualité ou ses relations aux autres : les expériences de la petite enfance laissent une empreinte d'autant plus durable qu'elles marquent l'inconscient.
Je vois sept expériences, sept chocs fondateurs de la petite enfance qui vont déterminer les bases de la relation que l'homme entretient avec la nature.
Le regard de Dieu.C'est une expérience qu'on vit, le plus souvent, un jour de grand soleil et vent léger, alors qu'on est au sommet d'une montagne qui surpasse.
On est si haut qu'on ne voit ni route ni maison. Sentiment de plénitude, on est le maître d'un monde harmonieux, celui qui connaît la terre d'avant et d'après les hommes. Grandiose, on pense qu'on ne redescendra jamais de l'état atteint.
La puissance de la nature.Elle est ressentie devant les inondations, orages, incendies, avalanches, chutes de sérac, coulées de boue... elle nous amène à l'idée que nous ne sommes qu'une petite crotte, et que certains des éléments sur lesquels nous a p p u y o n s n o s i m a ge s d e s é c u r i té , montagne, maison... sont aussi solides qu'une coquille d'escargot. Angoisse, mais dans le même temps, fascination très excitante pour cette démonstration de puissance.
Les elfes.L'expérience a lieu généralement dans un sous-bois ombragé, moussu, près d'un tout petit ruisseau. Le minéral est présent, et des rayons de lumières traversent les feuillages. C'est un monde en miniature, si complet qu'il est inimaginable que personne ne vive en cet endroit. Il y a donc des êtres cachés, à l'échelle du paysage, donc très petits et forcément aussi sympathiques et bienfaisants que ce micro- univers. C'est l'imaginaire joyeux.
Le marécage.Ce peut-être la mare, les sables mouvants, la vase, la tourbière, le
CE N'EST PAS BIDUL'LAND
Un jardin contemporain, espace culturel et parc de loisirs qui ne ressemble pas à n'importe quel parc d'attraction !
Il permet à un public néophyte de découvrir la culture contemporaine.
Guillaume Sonnet, le Directeur du vallon de Villaret a présenté dans son site plus d'une centaine d'artistes connus ou moins connus.
Par Guillaume SONNET
Dans le chemin de filets (Robin/Ravard)
SurSur le sentiment “hortésien”le sentiment “hortésien”
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SurSurle sentiment le sentiment “hortésien”“hortésien”
taillis sombre... C'est le trou noir, mais pas le gouffre qu'on peut voiret donc éviter. C'est le trou qui s'ouvre sous les pieds et se referme sitôt après nous avoir absorbé.
C'est la terre qui avale, au lieu de nourrir, la décomposition. C'est l'imaginaire glauque.
L'animal sauvage.La première rencontre avec l'animal sauvage dans son milieu. Elle est plus marquante avec un animal à poils. On l'a vu, de ses yeux vu, il est déjà parti, mais il était bien là. C'est à la fois l'ouverture sur l'imaginaire et c'est pour de vrai. Conscience que sur un même territoire il y a réellement des univers parallèles ayant chacun espace et temps p r o p r e s . E x p é r i e n c e p r o p i c e à l a projection de soi, je pourrais être et même je pourrai être.
Être perdu.Souvent vécu dans une forêt, le moment était banal, et puis tout d'un c o u p , ç a b a s c u l e , u n a u t r e m o n d e . Changement radical, on croit reconnaître un indice connu, mais non, erreur ! Et chaque nouvelle impression erronée d'avoir retrouvé le chemin le confirme : jamais on ne pourra accéder au monde ordinaire, on est condamné à errer sans fin. C'est le constat de l'impossible, ça ne peut pas être et pourtant c'est.
Tuer/manger.Voir un animal vivant, le tuer, le dépecer, le cuire puis le manger.
Expérience plus puissante avec un animal à poils ou à plumes, différemment vécue s e l o n q u e l ' a n i m a l e s t s a u v a ge o u domestique. C'est l'expérience ultime du petit d'homme acteur de la nature. C'est u n e p l o n g é e v e r s l ' h o m m e d e l a préhistoire, une " incarnation " des concepts de mort et de vie... À un degré moindre, il y a " semer, arroser, récolter, manger " et tous les jeux d'aménagements,
barrages sur les ruisseaux, cabanes, fabrication de mares etc.
Ces sept chocs, qui ne sont pas forcément tous expérimentés par chacun, sont les repères majeurs à partir desquels l'enfant, puis l'adulte, va construire ses images de nature, entre angoisse et jubilation, i m a g i n a i r e e t r é e l , p u i s s a n c e e t impuissance. Il y a quantité d'adultes qui ne dépassent pas ces expériences, et pour qui la rencontre avec la nature c o n s i s te à te n te r d e r e v i v r e , o u a u c o n t r a i r e d ' é v i te r, c e s e x p é r i e n c e s premières.
Le visiteur est aussi dans le fantasme : Tintin, au pays des châtaignes, attend que Sigourney Weaver quitte ses gorilles pour venir tourner dans les gorges du Tarn un remake des aventuriers du buron perdu dont il sera le héros…Yeah !
Mais il serait ridicule de vouloir enfermer le visiteur dans ces seules dimensions. Il y a d'autres hypothèses que le fantasme, la fuite ou la répétition.
Le s s i x p r e m i e r s c h o c s é v o q u é s constituent en fait le cadre, le paysage émotionnel, dans lequel s'exerce le s e p t i è m e , c e l u i q u e j ' a i a p p e l é
" tuer/manger ", qui est l'homme acteur, en interaction avec son milieu.
C'est à cet "acteur", plutôt qu'à un
"visiteur" que nous tentons de nous adresser au mieux. Et c'est probablement ce qui fait l'originalité et le succès du lieu.
Quelques exemples.
• Le Vallon n'est pas un endroit " pour enfants ", parents et grands-parents y pratiquent, ou y retrouvent, le plaisir du jeu. Ce partage de la découverte entre
l e s g é n é r a t i o n s e s t l ' u n e d e s caractéristiques du lieu.
• Pas de manège, ces machines qui offrent, certes, des sensations rares, mais dans lesquelles, installés ou attachés sur un siège, on n' a rien d'autre à faire que d'attendre les effets fournis par la mécanique. Pas non plus de score, de compétition…et pas non plus de mascotte. Nous préférons le jeu, au sens de ce que peut être l'improvisation en musique.
• Pas de discours univoque sur les artistes que nous présentons : ce que chacun en perçoit est au moins aussi important que l'intention de l'artiste.
• Pas d' "animateurs" proposant leur regard, chacun découvre le lieu à "son"
rythme.
Tous ces éléments indiquent que nous cherchons à favoriser le développement des points de vue personnels. Sans prétendre " refaire le monde ", nous e s s a y o n s d ' ê t r e c o h é r e n t s d a n s l'articulation de nos objectifs culturels, éducatifs et commerciaux. Cela nous permet d'ouvrir l'éventail des niveaux de l e c t u r e p r o p o s é s : d e m a n i è r e s différentes, le lieu est appréciable autant p a r d e j e u n e s e n fa n t s q u e p a r d e s professionnels de l'art, du paysage ou du tourisme.
GUILLAUMESONNET
Directeur du Vallon du Villaret 48190 Bagnols-les-Bains www.levillaret.fr www.capnemo.fr
