Intensité de l’investissement privé en R&D dans les pays de l’OCDE :
Impact et complémentarité des aides financières à la R&D Benjamin Montmartin ∗
Résumé
Les aides financières à la R&D privée se sont multipliées depuis les années 1980 dans les pays de l’OCDE. Peu d’études mesurent l’impact macroéconomique de ces aides sur l’investissement privé en R&D. L’objectif de cet article est d’analyser l’effet individuel ainsi que la complémentarité interne et externe des aides directes et indirectes à la R&D privée. En utilisant une base de données couvrant 25 pays de l’OCDE sur la période 1990-2007, nos estimations en panel dynamique montrent que seules les aides indirectes influencent significativement l’intensité de la R&D privée.
Si un effet de substitution apparaît entre les aides directes et les aides indirectes au sein d’un pays, une certaine complémentarité apparaît entre ces mesures internes et les mesures mises en place par d’autres pays.
Business-funded R&D intensity across OECD countries : impact and complementarity of financial support for R&D
Abstract
R&D financial support policies have proliferated since the 80’s in the OECD countries. Few studies measure the macroeconomic impact of these policies on private investment in R&D. The objective of this paper is to analyze the individual effect and the internal and external complementarity of direct and indirect financial support for private R&D. Using a database covering 25 countries of OECD over the period 1990-2007, our dynamic panel data results show that only indirect support affects significantly the business-funded R&D intensity. If a substitution effect appears between direct and indirect support within a country, a certain complementarity appears between these measures and those implemented by other countries.
JEL classification : H25, 031, 038
Keywords : private R&D, R&D policies, efficiency, panel data, OECD countries
∗
Université de Lyon, Lyon, F-69007, France ; CNRS, GATE Lyon Saint-Etienne, Ecully, F-69130, France ; Université Jean Monnet, Saint-Etienne, F-42000, France, e-mail : benjamin.montmartin@univ-st-etienne.fr
Remerciements : L’auteur remercie Nadine Massard, Pierre Mohnen, Thierry Madiès ainsi que
l’ensemble des participants de la 18
thInternational Panel Data Conferences et des Journées de
l’AFSE 2012 pour l’ensemble de leurs commentaires qui ont permis d’améliorer substantiellement
cet article.
1 Introduction
Dans l’ensemble, la théorie économique justifie la mise en place d’aides finan- cières à la R&D privée par l’existence de nombreuses défaillances de marché qui conduisent les firmes à sous-investir dans ce domaine. Cependant, ces mesures doivent être à même de produire des effets incitatifs suffisants sur les décisions d’investissement des firmes pour être (vraiment) justifiées. Or, certains éléments théoriques et empiriques mettent en doute la capacité de ces aides à produire de tels effets. La littérature (David et al. [2000]) évoque par exemple les effets d’aubaines que ces mesures peuvent engendrer pour les entreprises, les distorsions qu’elles in- duisent entre firmes et secteurs, ou encore les tensions qu’elles peuvent créer sur le coût des inputs. Par ailleurs, les pays de l’OCDE dont l’investissement privé 1 en R&D est le plus élevé (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Finlande, Suède) sont des pays où les aides financières à la R&D sont loin d’être les plus élevées.
Si la littérature empirique évaluant l’impact de ces mesures sur l’investissement privé en R&D est riche 2 , elle a deux principales spécificités. D’une part, la grande majorité des études évaluent la capacité d’un instrument spécifique à exercer un effet d’additionalité sur l’investissement privé en R&D. D’autre part, ces études sont essentiellement menées au niveau microéconomique. Au final, à notre connais- sance, il n’existe aujourd’hui que trois études analysant l’impact de plusieurs aides financières à la R&D au niveau macroéconomique 3 . Pourtant, les études macroé- conomiques analysant l’effet de différents instruments sont utiles à de nombreux égards. Elles permettent notamment d’apporter une idée de l’efficacité globale des différentes mesures et de tester l’existence d’effets de complémentarité ou de sub- stitution entre celles-ci. Dans ce cadre, nous réalisons une étude macroéconomique sur un échantillon de 25 pays de l’OCDE couvrant la période 1990-2007 en distin- guant les aides directes (contrats et subventions) des aides indirectes (incitations fiscales) qui reposent sur des mécanismes incitatifs très différents. L’objectif de cet article est d’apporter de nouveaux éléments concernant l’efficacité des différentes aides en analysant leur capacité à augmenter l’investissement privé en R&D sous trois angles : (1) leur effet individuel interne, (2) leur complémentarité interne et (3) leur complémentarité externe. La complémentarité interne renvoie à l’absence d’effets de substitution entre les différentes mesures internes à un pays alors que la complémentarité externe renvoie à l’absence d’effets de substitution entre les me- sures mises en place dans chaque pays. Si la littérature empirique est assez riche sur l’effet individuel de ces mesures, elle est presque absente sur les questions de complémentarité interne (Guellec et al. [2003]) et externe (Wilson [2009]) qui sont pourtant essentielles.
Nos résultats font apparaître une différence nette dans la capacité des aides di- rectes et indirectes à augmenter l’intensité de l’investissement privé en R&D. Alors
1
L’investissement privé en R&D représente les dépenses de R&D financées par le secteur privé.
2
Cf. les revues de David et al. [2000], Hall et Van Reenen [2000] et Bérubé et Mohnen[2009].
3
Cf. Guellec et al. [2003], Shin [2006] et Falk [2006].
que les aides indirectes augmentent significativement l’investissement des firmes en R&D, nos résultats montrent une relative neutralité des aides directes. Cette différence d’impact apparaît d’autant plus importante que ces deux types d’aides semblent être des substituts pour augmenter l’intensité de la R&D privée. Concer- nant la complémentarité externe, nos résultats semblent invalider l’idée d’une in- fluence significative des aides extérieures sur l’investissement privé en R&D d’un pays.
La suite de cet article est organisée de la façon suivante. La section 2 introduit les modèles empiriques testés et les données mobilisées. La section 3 présente la stratégie d’estimation retenue et nos résultats. Finalement, les conclusions de cet article constituent la dernière section.
2 Modèles empiriques et présentation des données
Pour analyser l’effet des aides directes et indirectes à la R&D sur l’intensité de l’investissement privé en R&D, nous nous inspirons des modèles empiriques déve- loppés par David et al. [2000], Guellec et al. [2003] et Falk [2006]. Plus précisément, nous retenons un processus d’ajustement partiel afin de tenir compte des caractéris- tiques spécifiques des investissements en R&D, notamment en termes d’irreversibi- lité et de durée qui génèrent d’importants coûts d’ajustement et limitent la capacité de réaction des firmes aux changements de l’environnement économique. Afin de corriger d’éventuelles variables omises, de tenir compte des spécificités nationales et des effets du cycle économique, nous ajoutons des effets fixes individuel et temporel.
Cela nous conduit à formuler le comportement macroéconomique d’investissement des firmes en R&D comme suit :
Y i,t = β i + ρY i,t−1 + β
0X i,t 1 + τ t + e i,t (1)
où l’indice i renvoie au pays i et l’indice t renvoie à l’année t. Y représente le logarithme des dépenses de R&D financées par le secteur privé en pourcentage du PIB 4 . X 1 représente une matrice de variables supposées exogènes, telle que X 1 = [lnR,lnCREDIT,lnP RD,lnSU B,lnBIN DEX ], et β représente le vecteur des coefficients mesurant les élasticités de court terme. Dans la matrice X 1 , R représente le taux d’intérêt à long terme et CREDIT le montant de crédits accordés au secteur privé exprimé en pourcentage du PIB. Ces deux variables financières sont intégrées à notre modèle empirique afin de tenir compte des conditions de financement sur l’investissement des firmes en R&D. P RD représente les dépenses de R&D exécutées par le secteur public (hors enseignement supérieur) exprimées en pourcentage du PIB. La présence de cette variable se justifie pour contrôler l’organisation public/privé des systèmes nationaux de R&D. Enfin, SU B représente le montant des aides directes perçues par les entreprises exprimées en pourcentage
4
L’ensemble des données financières sont exprimées en dollars PPA constant de 2000
du PIB et BIN DEX représente une mesure de la générosité du système fiscal à la R&D, tenant compte des différentes incitations fiscales. Cet indicateur développé par McFetridge et Warda [1983] mesure le rendement actualisé avant impôt nécessaire pour qu’un investissement additionnel en R&D devienne rentable. Une baisse du B- index renvoie à une augmentation des incitations fiscales et en calculant (1-Bindex), on obtient la subvention fiscale moyenne par euro investi en R&D. Nous décalons cette variable d’une période pour tenir compte du temps d’application de ce type de mesure.
Un des objectifs de cet article est de tester la présence d’effets de complémenta- rité ou de substitution entre aides directes et indirectes. Pour ce faire, nous étendons une première fois le modèle (1) de la façon suivante :
Y i,t = β i + ρY i,t−1 + β
0X i,t 2 + τ t + e i,t (2)
où X 2 = [X 1 , IN T ERACT ] et IN T ERACT =lnSU B*lnBIN DEX est une variable croisée de la mesure des aides directes et de celle des aides indirectes.
Face à l’internationalisation croissante des activités de R&D (Hall [2011]), on peut penser que les firmes réalisant de la R&D dans un pays ne vont pas uniquement réagir aux aides accordées par ce pays mais également à celles accordées par les autres pays. Afin de tester l’existence d’une complémentarité externe entre aides à la R&D mises en place dans différents pays, nous étendons cette fois le modèle (1) de la façon suivante :
Y i,t = β i + ρY i,t−1 + β
0X i,t 1 + γ
0Z i,t + τ t + e i,t (3) où Z = [W SU B, W BIN DEX ] et W est une matrice de pondération spatiale normalisée qui mesure l’intensité des relations d’un pays i avec les autres pays j 6= i. Afin de tester différentes notions de proximité, nous définissons et utilisons trois mesures distinctes. La première matrice définit la proximité entre le pays i et le pays j comme la moyenne relative de leurs relations commerciales bilatérales sur la période T , c’est-à-dire :
W ij = 1 2 | T |
X
t∈T
X ij t X
j
X ij t + M ij t X
j
M ij t
où X ij t représente le montant total des exportations du pays i vers le pays j à la
période t et M ij t représente le montant des importations du pays i en provenance
du pays j. La seconde matrice définit la proximité entre le pays i et le pays j
par l’intensité relative moyenne de leur collaboration dans les demandes de brevets
internationaux PCT au cours de la période d’étude, c’est-à-dire :
W ij = 1
| T | X
t∈T
b t ij
X
j
1
| T | X
t∈T
b t ij
où b t ij représente le nombre de collaborations dans les demandes de brevets PCT entre le pays i et j à la période t. La troisième matrice définit la proximité entre le pays i et j par l’inverse de la distance à vol d’oiseau entre leur centre géographique respectif, c’est-à-dire :
W ij = 1 d ij
X
j
1 d ij
où d ij représente la distance à vol d’oiseau entre le centre géographique du pays i et celui du pays j.
La base de données utilisée couvre 25 pays de l’OCDE 5 sur 18 années (1990-2007).
Les données de chaque variable proviennent de l’OCDE et du FMI, à l’exception de celles concernant le B-index qui ont été collectées à partir de l’article de Thomson [2009] 6 . Cependant, pour l’ensemble des variables, à l’exception du B-index, des données étaient manquantes. Après traitement, nous disposons d’un panel non cy- lindré où T = 17.1 ; c’est-à-dire qu’en moyenne, nous disposons des données pays sur 17,1 années, sur un total de 18 années ce qui signifie que le non cylindrage est faible. Concernant, les données relatives aux matrices de proximité, elles ont été collectées à partir (1) de la base STAN de l’OCDE pour le commerce bilatéral, (2) de la base REGPAT de l’OCDE pour les demandes de brevets PCT et (3) de la base EuroBoundaryMap de la société Eurogeographics concernant les données sur la distance géographique.
3 Methodologie et résultats
3.1 Stratégie d’estimation
Nickell [1981] a montré que l’estimation d’un modèle dynamique sur données de panel par les estimateurs OLS (Ordinary Least Squares) et LSDV (Least Squares Dummy Variable) est biaisée lorsque N → ∞ et T fixe car la variable endogène
5
Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Corée, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grêce, Hongrie, Irlande, Italie, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni et Suède.
6
Nous avons utilisé la mesure du B-index calculée par Thomson [2009] car, contrairement à
celle fournie par l’OCDE, elle propose une estimation de la subvention fiscale effective moyenne
par dollar investi en R&D et non une estimation de la subvention fiscale maximale.
décalée est corrélée avec le terme d’erreur. Comme le souligne Bond [2002], l’estima- tion du coefficient de la variable décalée (ρ) est biaisée à la hausse pour l’estimateur OLS et à la baisse pour l’estimateur LSDV. Par conséquent, l’estimation prélimi- naire du modèle à l’aide de ces estimateurs est importante car elle permet d’obtenir des bornes de valeurs de ρ.
La littérature économétrique a développé de nombreux estimateurs consistants qui utilisent les méthodes des variables instrumentales et des moments généralisés (Anderson et Hsiao [1982], Blundell et Bond [1998]). Ces estimateurs ont pour avantage de proposer une estimation efficace des modèles dynamiques en présence de variables endogènes. Cependant, ces estimateurs ont de bonnes propriétés lorsque N → ∞, T est fixe, et que les instruments utilisés ne sont pas faibles ou en trop grand nombre. Une autre voie pour fournir une estimation efficace des modèles dy- namiques sur données de panel consiste à corriger le biais de l’estimateur LSDV.
L’avantage de cette méthode est double puisque, d’une part, l’estimateur LSDV a souvent une variance plus faible que les autres estimateurs et, d’autre part, une cor- rection du biais de l’estimateur LSDV permet de fournir une estimation consistante pour l’ensemble des dimensions de panels. D’ailleurs, les simulations Monte-Carlo réalisées par Kiviet [1995] et Bruno [2005] montrent la supériorité de l’estima- teur LSDV corrigé (LSDVC) par rapport aux estimateurs IV et GMM que ce soit en termes de biais ou de RMSE (Root Mean Squared Error). Cependant, contrairement aux estimateurs précédents, qui permettent une estimation efficace en présence de régresseurs endogènes, les estimateurs LSDVC supposent à minima une exogénéité faible.
Ainsi, les estimateurs potentiels ont tous, a priori, des avantages et des in- convénients étant donné la dimension de notre panel et de notre objet d’étude.
Afin d’éliminer les estimateurs non efficaces, nous avons réalisé des estimations du modèle (1) par les estimateurs OLS et LSDV afin de déterminer les bornes de ρ.
Nous avons ensuite estimé le modèle (1) avec les estimateurs d’Anderson et Hsiao [1982] en différence et en niveau, les estimateurs GMM d’Arellano-Bond [1991] et de Bundell et Bond [1998] ainsi que l’estimateur LSDVC de Bruno [2005] puis réa- lisé des tests d’autocorrélation des erreurs, de sur-identification, ainsi que des tests d’endogénéité pour chaque variable explicative 7 . Sur les cinq estimateurs candidats, seuls deux fournissent une valeur de ρ comprise dans l’intervalle des possibles, à savoir l’estimateur GMM de Blundell et Bond [1998] et l’estimateur LSDVC de Bruno [2005]. Les tests de sur-identification effectués sur l’estimateur GMM ne nous permettent pas d’être certains de la qualité des instruments alors que les tests d’endogénéité montrent qu’aucune des variables explicatives n’est endogène. Cet ensemble de résultats nous conduit donc à retenir l’estimateur LSDVC pour réaliser nos estimations.
7
Les résultats des estimations citées mais non présentés dans cet article peuvent être obtenus
sur demande.
3.2 Résultats
La colonne 1 du tableau 1 ci-dessous présente l’estimation du modèle (1). De nombreux tests de robustesse ont été effectués pour valider les résultats présentés.
Comme la théorie le suggère, il apparaît une forte persistance de l’intensité des dépenses privées de R&D au cours du temps. La capacité d’ajustement à court terme de l’investissement privé en R&D est estimée à environ 9% (1 − ρ) ce qui montre une réactivité potentielle limitée à court terme. Ce résultat implique que l’impact à court terme des aides financières à la R&D sur l’investissement privé en R&D sera beaucoup plus faible que leur impact à long terme. Ainsi, l’instabilité d’un système d’aides financières à la R&D est un frein à son efficacité.
MODEL (1) (2) (3-1) (3-2) (3-3)
VARIABLES SPATIAL MATRIX
Y Y Y
WCOM
Y WBREV
Y WDIST
L.Y 0.913*** 0.904*** 0.911*** 0.912*** 0.921***
(0.026) (0.025) (0.025) (0.025) (0.024)
CREDIT 0.017 0.010 0.012 0.015 0.015
(0.016) (0.016) (0.016) (0.017) (0.016)
R -0.068*** -0.056*** -0.071*** -0.066*** -0.060***
(0.022) (0.021) (0.021) (0.022) (0.021)
PRD 0.004 -0.005 0.001 0.003 0.004
(0.029) (0.028) (0.030) (0.031) (0.029)
SUB -0.007 -0.034** -0.006 -0.007 -0.009
(0.012) (0.015) (0.011) (0.011) (0.011)
L.BINDEX -0.114* -0.145** -0.137** -0.117* -0.122**
(0.062) (0.063) (0.063) (0.064) (0.061)
INTERACT 0.585***
(0.206)
WSUB 0.150 -0.019 0.339*
(0.178) (0.116) (0.176)
L.WBINDEX -0.233 -0.254 0.097
(0.344) (0.653) (0.427)
Observations 402 402 402 402 402
Estimator LSDVC LSDVC LSDVC LSDVC LSDVC
Time dummies yes yes yes yes yes
Robust standard errors in parentheses
*** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1
Tableau 1 : Estimations des modèles (1) à (3)
Les estimations montrent un contraste concernant l’influence des aides directes et indirectes sur l’intensité de l’investissement privé en R&D. En effet, alors que l’impact des aides directes est non significatif, celui des aides indirectes est positif et significatif. Ces résultats sont assez proches de ceux de la littérature concernant les aides indirectes mais plus éloignés concernant les aides directes 8 . Plusieurs éléments peuvent être à l’origine de cette différence concernant l’effet des aides directes. Le premier est statistique puisqu’en utilisant une mesure relative des aides directes
8
La plupart des études macroéconomiques existantes rendent compte d’un effet significative-
ment positif des aides directes.
(exprimée en pourcentage du PIB), nous contrôlons mieux l’effet-prix 9 de ces aides sur les inputs de la R&D. Cet effet-prix biaisant à la hausse l’estimation de l’impact des aides directes (Falk [2006]). Le second est lié au fait que, sur la période d’étude, on observe une diminution structurelle de l’utilisation des aides directes (au profit d’aides indirectes). Cette tendance pourrait expliquer un effet macroéconomique plus faible des aides directes par rapport à celui observé dans les études antérieures.
En termes économiques, l’absence d’influence des aides directes signifie que ces dernières ne se substituent pas au financement privé de la R&D sans pour autant générer un effet de levier. Autrement dit, un euro d’aide directe n’influence pas l’investissement privé en R&D mais augmente d’un euro l’investissement global en R&D (privé et public). Concernant les aides indirectes, nos résultats montrent qu’une baisse de 1% du B-index engendrerait une hausse de 0.114% de l’intensité de l’investissement privé en R&D à court terme et de 1.31% à long terme. En termes d’effet marginal moyen 10 , ces résultats impliquent qu’une augmentation d’un centime de la subvention fiscale moyenne par euro investi en R&D augmenterait de 0.016 point de pourcentage l’intensité de l’investissement privé en R&D. Même si le B-index ne donne pas une mesure directe du BFTB 11 , une élasticité au B-index supérieure à 1 fournit une indication positive sur la capacité des aides indirectes à générer un surcroît d’investissement en R&D supérieur aux pertes de revenu fiscal (Falk [2006]).
Concernant les variables de contrôle, le taux d’intérêt à long terme influence si- gnificativement l’investissement privé en R&D ce qui montre l’importance de condi- tions de financement favorables pour le développement de la R&D privée. La variable mesurant le volume de crédits accordés au secteur privé n’a pas d’effet significatif sans doute parce que la plupart de ces crédits sont accordés pour d’autres activités.
Le niveau d’investissement public en R&D ne semble pas avoir non plus avoir un effet significatif. Cela suggère à la fois de faibles externalités de la R&D publique et une absence d’effet de substitution entre R&D publique et privée.
Pour les autorités publiques qui utilisent un mix d’aides directes et indirectes, une question importante est celle de leur complémentarité pour augmenter l’inves- tissement privé en R&D. Puisque ces aides reposent sur des mécanismes incitatifs différents, on pourrait imaginer qu’ils rentrent en conflit les uns avec les autres.
La colonne 2 du tableau 1 présente l’estimation du modèle (2) qui introduit la va- riable croisée des aides directes et indirectes nommée INTERACT. Notre estimation confirme le résultat de Guellec et al.[2003] selon lequel les aides directes et indirectes sont des substituts pour dynamiser l’intensité de la R&D privée. En effet, il apparaît
9
Nous faisons ici référence à la pression que peuvent exercer les aides directes sur la demande de chercheurs et leur salaire.
10
L’effet marginal moyen θ se déduit de la façon suivante : θ = δ [Y /BIN DEX] où δ représente l’élasticité de long terme au B-index, Y représente la moyenne des dépenses privées de R&D en 2007 et BIN DEX la valeur moyenne du B-index en 2007.
11