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D’après Rorty, une cause majeure de notre engouement pour l’image de la connaissance à laquelle il s’opposait est notre allégeance malavisée à ce que les philosophes appellent «

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Texte intégral

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D’après Rorty, une cause majeure de notre engouement pour l’image de la connaissance à laquelle il s’opposait est notre allégeance malavisée à ce que les philosophes appellent « réalisme », c’est-à-dire, en gros, à la conception d’après laquelle la vérité ne dépend pas de nous mais de la façon dont sont les choses dans le monde.

Comme Robert Brandom l’a noté, l’idée maîtresse de Rorty est que le réalisme est la religion laïque du philosophe. Comme la religion proprement dite, elle constitue une incarnation du « pathos de la distance », c’est-à-dire du sentiment qu’il y a une réalité non humaine vis-à-vis de laquelle nos pensées et nos affirmations ont des comptes à rendre.

Comme la croyance en Dieu, qui encourage souvent l’idée que seuls les prêtres peuvent nous dire des vérités importantes à propos du monde, Rorty considère que le réalisme encourage l’idée que « la science est la mesure de toute chose », pour reprendre les mots de Sellars. Rorty formule ce point ainsi :

De nos jours, le rôle joué autrefois par les défenseurs de la croyance religieuse est joué par les défenseurs du réalisme […] qui croient que les sciences naturelles sont en contact avec la Nature Intrinsèque de la Réalité, et que peut- être aucune autre partie de la culture ne l’est. Pour eux, ceux qui n’acceptent pas cette idée détruisent la civilisation telle que nous la connaissons […]. Ils manquent d’humilité, ils manquent de respect pour la réalité non humaine. Avoir cette humilité, c’est accorder aux affirmations de connaissance du chercheur en sciences naturelles une caractéristique spéciale : l’ « objectivité » ou « la vérité objective ». (Richard Rorty, « Response to Williams », in Rorty and its critics, R.B. Brandom(dir.), Cambridge, Blackwell, 2000, p217.)

La réponse de Rorty à cette image réaliste de la vérité et de la science est de rejeter l’idée de vérité « objective » en tant que chimère. Pour Rorty comme pour Dewey et James avant lui, nos croyances sont meilleures ou pires que d’autres non pas en vertu de la façon dont elles s’accorent avec la réalité, mais en vertu de la façon dont elles nous aident à atteindre nos objectifs. Comme nous l’avons vu au chapitre 3, Rorty embrasse, avec Kuhn et Foucault, une image de la science qui en fait « une activité humaine de plus, plutôt que l’endroit où les êtres humains se heurtent à une réalité « dure » non humaine ».

Il ne s’agit évidemment pas de dénigrer la science ; Rorty est un naturaliste et non un stupide contempteur de la science. La sciences est certes une activité humaine, mais une activité humaine extrêmement importante et précieuse, qui peut nous aider à atteindre plusieurs de nos buts bien mieux que toute autre méthode. Mais les buts que la science nous aide à atteindre ne doivent pas être décrits comme consistant à «  nous rapprocher de la vérité » ou de « la nature de la réalité » :

Aucun domaine de la culture et aucune période de l’histoire ne capturent la Réalité plus correctement que tout autre. La différence entre les ères et les époques est leur efficacité relative dans la réalisation de divers objectifs. (Richard Rorty, « Response to Ramberg », in Rorty and its critics, R.B. Brandom(dir.), Cambridge, Blackwell, 2000, p375.)

Ainsi que Rorty voit les choses, nous ferions beaucoup mieux de renoncer à notre sens de l’humilité face à une réalité non humaine, ainsi qu’à l’idée associée selon laquelle nos idées sont vraies lorsqu’elles correspondent à cette réalité. Abandonne le pathos de la distance, c’est abandonner l’idée que l’humanité frissonne dans une grotte dont seul l’Autre - qu’il s’agisse du Bien, de Dieu, ou de la Réalité en soi - peut nous libérer.

Abandonner la conception réaliste de la vérité est donc un acte libérateur, un progrès dans

le développement de l’homme au sein du monde historique. Faire cela signifie que nous

pouvons cesser de nous préoccuper de la question de savoir lesquelles de nos croyances

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atteignent la vérité objective et commencer à nous soucier plutôt de la question de savoir lesquelles d’entre elles sont utiles pour faire de nous de meilleurs êtres humains. Faire cela signifie que nous devenons adultes et acceptons la pleine responsabilité de nous- mêmes, que nous ne nous abaissons plus devant l’autorité illusoire du non humain.

M.P Lynch, Eloge de la raison, Agone, 1998, p173-175

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