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Institutions et prestation de services dans un état développementaliste

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Academic year: 2022

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Note d’orientation de la CEA

Institutions et prestation de services dans un État développementaliste

1. L’émergence des États

développementalistes en Afrique

Après l’échec des programmes d’ajustement structurel appliqués dans les années 1980 et 1990, est apparu un groupe de dirigeants africains déterminés à réfuter l’idée largement répandue selon laquelle tout espoir était perdu pour l’Afrique sur les plans social et économique.

Ces nouveaux dirigeants, rassemblés au sein d’un groupe restreint mais efficace, ont pris des mesures radicales prenant le contrepied du concept néoclassique de développement dominant. Ils étaient convaincus que la transformation économique, objectif prétendument visé par le programme d’ajustement, ne résulterait pas des seules forces du libre marché et que l’État avait un rôle essentiel à jouer dans l’allocation des ressources et dans la coordination des principales activités économiques. Selon leur point de vue général, l’approche néolibérale existante du développement n’offrait plus de solution viable au déclin économique et social continu du continent. C’est en recherchant un modèle plus viable et plus solide capable d’extirper rapidement de la pauvreté la majorité de la population du continent, qu’ils ont été amenés à s’intéresser de plus près à l’expérience de l’Asie de l’Est.

Tout l’enjeu pour la nouvelle génération de dirigeants était de comprendre comment reprendre et adapter ces expériences à la fois aux réalités de l’Afrique et aux expériences uniques des divers pays du continent.

Affirmant l’importance du rôle de l’État dans le processus de

développement, ils ont mis l’accent sur la signification de sa nature démocratique. Les nouveaux dirigeants semblaient avoir conscience que pour réaliser un développement social durable et inclusif, le rôle de l’État devait se fonder sur des principes démocratiques, notamment un système politique démocratique caractérisé, entre autres, par le respect des droits politiques et des libertés civiles, des pouvoirs et des contre - pouvoirs, la primauté du droit;

la tenue d’élections libres et pluralistes régulières; la responsabilité et la transparence, ainsi qu’une société civile vigoureuse. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) définit un tel État comme celui qui a les moyens de faire usage de son autorité, de sa crédibilité et de sa légitimité avec force exécutoire pour élaborer et appliquer des programmes et politiques de développement visant à promouvoir la transformation et la croissance et à mettre en valeur les capacités humaines.

Si chaque pays africain a suivi sa propre voie développementaliste, les pays partagent néanmoins les pratiques et les caractéristiques communes détaillées ci- après.

Tout d’abord, l’État développementaliste démocratique favoriserait la transformation structurelle en vue de refaçonner la base économique axée sur la monoculture et les produits de base primaires, notamment à travers l’industrialisation.

Ensuite, une caractéristique notable de l’État développementaliste démocratique est une équipe dirigeante politique visionnaire, soucieuse du développement et s’appuyant sur une base sociale. Grâce à la formulation et à l’application de politiques, les dirigeants pourraient susciter le soutien des citoyens ordinaires au

Tendances de l’IDH No. ECA/16/103

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niveau local. Plus important encore, ils s’appuieraient sur cette base de soutien dans la mise en œuvre du programme de développement, notamment face à l’opposition.

La troisième caractéristique réside dans la construction d’une idéologie du développement. Autrement dit, les États africains doivent avoir une vision des produits finis du développement, à savoir la fourniture de « biens publics » qui contribueraient à améliorer les conditions de vie matérielles des citoyens. De plus, la vision devrait inclure les institutions, les processus et les règles servant de creuset à la production et à la fourniture de « biens publics ».

De plus, des citoyens engagés sont un attribut important.

Les citoyens des États africains devraient manifester un intérêt non seulement pour les avantages tirés de l’« État développementaliste démocratique », mais également pour la reddition des comptes du gouvernement en matière d’élaboration et de mise en œuvre politiques. Une action citoyenne engagée durablement serait nécessaire pour institutionnaliser le « modèle d’État développementiste démocratique » en tant que cadre à long terme du développement en Afrique.

Enfin, l’État devrait être doté des compétences administratives, de gestion et de l’expertise techniques nécessaires à la mise en œuvre de sa vision du développement et veiller à assurer l’autonomie et l’efficacité des institutions.

2. Institutions prestataires de services dans un état développementaliste

Suite au malaise et à la marginalisation économiques des années 1990, les analystes du développement et certains dirigeants sont convenus de l’importance vitale de disposer d’institutions solides à l’appui du développement durable et de la lutte contre la pauvreté structurelle. Ils ont estimé que de bons fondamentaux macroéconomiques étaient nécessaires, mais ne suffisaient pas pour promouvoir la croissance et le développement durable. « Etablir de bonnes institutions » était une expression devenue populaire dans les années 1990 chez les spécialistes du développement qui ont souligné leur rôle fondamental dans la stabilité socioéconomique et la réalisation des objectifs de développement prioritaires. La théorie traditionnelle de la croissance économique a mis l’accent sur des facteurs tels que le travail, l’accumulation du capital physique et humain et l’évolution technologique. Dans la mesure où ces théories n’expliquent pas complètement pourquoi certaines sociétés parviennent à croître et à se sortir de la pauvreté plus rapidement que d’autres, la recherche

explore de plus en plus le rôle des institutions. Le lien positif entre le développement économique et le succès institutionnel est largement documenté, mais toutes les institutions ne sont pas des facteurs de croissance, tout comme il n’existe pas de configuration institutionnelle unique pour garantir la croissance.

Le service public, en tant qu’institution d’un État développementaliste démocratique, cible non seulement la prestation de services, mais jouent aussi un rôle primordial dans le développement socioéconomique. Il contribue au développement en assurant la disponibilité des services et des infrastructures de base essentiels nécessaires au développement socio-économique. La réglementation, l’administration, l’exécution, la médiation, l’investissement et la prestation de services liés à la construction, aux opérations et à la maintenance sont les principaux moyens utilisés.

Dans un État développementaliste, le service public donne la priorité au rendement, mais doit être tout à fait consciente des résultats et, ce faisant, procurer des services de manière efficace, veiller au respect de la dignité des citoyens et de leurs droits. Ainsi pourra-t-elle susciter l’adhésion des citoyens.

En ce sens, le service public, dans la réalisation de son mandat, se place à l’intersection entre la société contemporaine et ses défis, d’une part et l’héritage du passé, d’autre part. Il doit donc ajuster son mandat et son orientation stratégique pour tenir compte simultanément des défis du présent et de l’avenir.

Il y a un nombre croissant d’États africains qui ont choisi la voie développementaliste pour assurer leur développement, notamment l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Rwanda et la République-Unie de Tanzanie.

Des données récentes fournies par le Programme des Nations Unies pour le développement dans son Rapport sur le développement humain, 2015 ont clairement montré que ces pays ont enregistré des avancées considérables dans les domaines de la lutte contre la pauvreté et du développement humain (voir figure 1 ci-après).

L’Indice de développement humain (IDH) compte parmi les meilleurs indicateurs des progrès réalisés en matière de prestation de services au fil du temps. C’est une mesure sommaire des réalisations moyennes dans les principales dimensions du développement humain, à savoir, la santé et la longévité, le niveau d’éducation et le niveau de vie décent. L’indice est la moyenne géométrique d’indices

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normalisés pour chacune des trois dimensions. La dimension de la santé est évaluée par l’espérance de vie à la naissance, et la dimension de l’éducation est mesurée par la durée moyenne de scolarisation des adultes âgés de 25 ans et plus et la durée attendue de la scolarisation des enfants en âge d’entrer à l’école. La norme relative aux conditions de vie est mesurée par le revenu national brut par habitant.

Figure 1: Rapport sur le développement humain, 2015

Source : Rapport sur le développement humain 2015.

Dans l’ensemble, les tendances de l’Indice de développement humain montrent que les cinq pays mentionnées ci-dessus, ont réalisé des avancées significatives, notamment en matière de santé, d’éducation et de revenus, par rapport à la moyenne africaine. Par exemple, comme le graphique l’indique, en 2000, la plupart des cinq pays avaient des résultats inférieurs ou égaux à la moyenne africaine en termes d’espérance de vie (voir figure 2). Cependant, depuis 2006, à l’exception de l’Afrique du Sud, tous ont dépassé la moyenne.

Figure 2: Rapport sur le développement humain, 2015

Source : Rapport sur le développement humain 2015.

Un autre bon indicateur d’une meilleure prestation de services, est l’accès à des installations sanitaires. Comme illustré par le graphique ci-après, les cinq pays mentionnés ont tous enregistré des résultats encourageants au cours des 10 ou 15 dernières années.

Figure 3: Rapport sur le développement humain 2015

Source : Rapport sur le développement humain, 2015.

D’autres secteurs de l’industrie des services, tels que l’eau, l’énergie et les infrastructures de transport, montrent tous des signes d’améliorations importantes.

3. Mettre en place des institutions publiques pour améliorer la

prestation de services en Afrique

La première étape pour la mise en place d’institutions efficaces est de recenser les lacunes institutionnelles. Il faudra, ensuite, concevoir des institutions appropriées, en tenant compte de la demande et de l’offre et harmoniser les incitations des acteurs du marché en vue de produire les résultats escomptés. Il existe quatre approches principales pour le renforcement des institutions appliquées dans tous les pays et secteurs :

• Compléter les institutions existantes : il est parfois nécessaire de mettre en place des institutions complémentaires, à l’exemple de lois favorisant la transparence et l’application des lois. Plusieurs autres facteurs doivent être pris en considération, tels que les coûts des dispositions institutionnelles, la qualité du capital humain et l’application de normes techniques.

• Innover pour recenser les institutions qui fonctionnent : à travers le transfert institutionnel, des innovations peuvent compenser les disparités entre les pays.

Les décideurs peuvent adopter des innovations locales, mais ils doivent faire preuve de suffisamment de souplesse pour abandonner les innovations infructueuses.

• Relier les communautés à travers les flux d’information et les échanges : l’ouverture commerciale peut stimuler une demande pour des institutions fortes à l’appui des marchés et elle est significativement corrélée à l’efficacité des institutions. Le renforcement des flux d’information peut améliorer la qualité des institutions et accroître la demande d’institutions fortes.

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• Promouvoir la concurrence entre les juridictions, les entreprises et les particuliers : la concurrence influence le niveau d’efficacité des institutions en modifiant les incitations des agents. Parfois, il peut être souhaitable d’établir des institutions limitant la concurrence, par exemple, pour promouvoir la stabilité ou faciliter l’adoption de nouvelles technologies.

Enfin, il est important de prendre en compte les forces politiques, les pressions sociales et les chocs. L’existence d’une institution dépend en partie des avantages tirés par certaines circonscriptions et de l’appui qu’elles lui apportent.

L’analyse économique peut plaider en faveur d’une certaine conception, mais il faut considérer les réalités politiques et sociales. Les questions de la détermination de l’influence des institutions sur le processus de développement, ainsi que de l’effet direct des politiques de réforme sur l’amélioration de la gouvernance, sont au cœur du renforcement des institutions. Deux critères principaux devraient informer les effets et l’efficacité globale des institutions impliquées dans la gouvernance du développement. Tout d’abord, la qualité des résultats de l’institution doit être mesurable à travers une confrontation avec la mission officielle de l’institution. Ensuite, l’engagement des citoyens devrait également être un facteur déterminant, étant donné que les citoyens et toutes les autres parties prenantes doivent participer activement au processus de prise de décision pour les institutions publiques.

4. Défis et perspectives de la

prestation de services publics dans un État développementaliste

Le plus grand défi pour la construction d’un État développementaliste sur le continent est peut–être de redéfinir la nature même des États postcoloniaux africains.

Les États africains sont souvent caractérisés comme anti- peuple, anti-développement et anti-démocratie. Dans une forme extrême, leur rôle est décrit comme favorisant un environnement propice à une accumulation prédatrice par l’élite dirigeante.

De plus, malgré une amélioration à certains égards, les conditions socioéconomiques de base en Afrique constituent un fondement fragile pour le secteur public et sa capacité de procurer des services de qualité. Une base de ressources humaines efficaces est cruciale pour les États développementalistes. De telles ressources humaines sont nécessaires pour l’exécution des fonctions administratives, techniques et de gestion de l’État développementaliste démocratique. Le niveau global de pauvreté crée des besoins considérables pour l’amélioration de la performance du secteur public, tout en limitant la

disponibilité des ressources humaines et financières nécessaires. Par conséquent, le secteur public en Afrique continue à être marqué par une bureaucratie de faible qualité, des mécanismes de responsabilisation fragiles et, comme on l’a souvent noté, une forte corruption.

5. Conclusions

Un contrôle des institutions publiques doit être mené afin de déterminer, entre autres choses, le niveau d’harmonisation avec les différentes fonctions et projets d’un État développementaliste démocratique.

Autrement dit, sur la base de la vision et du programme de développement élaborés par un État africain, il faut établir des institutions publiques appropriées pour la mise en œuvre développementaliste. Par exemple, si l’éducation compte parmi les biens publics à procurer, il faut créer les institutions publiques nécessaires pour gérer ce secteur.

Le renforcement des capacités des différentes institutions publiques impliquées dans la gouvernance du développement est essentiel au bon fonctionnement d’un État développementiste. Il peut être assuré par divers moyens, notamment le recrutement de personnel compétent et la mise en place de programmes de formation qui permettent aux employés d’améliorer leurs compétences, de façon régulière.

Les institutions publiques doivent établir des partenariats avec les organisations de la société civile et les entreprises appropriées. Par exemple, les institutions chargées des aspects économiques de la gouvernance du développement, ont besoin de travailler avec les organisations de la société civile et les entreprises ayant une base économique. Un élément essentiel dans la constitution de ces partenariats est la nécessité, pour ces institutions, en tant que représentants de l’État, de définir de nouvelles perspectives de participation, de responsabilisation et de respect mutuel.

La mise en place d’une fonction publique professionnelle est indispensable à la fois au fonctionnement efficace des institutions publiques et plus largement, à l’État développementaliste démocratique.

L’élaboration d’une base économique solide pour le financement du développement, devrait être érigée en priorité essentielle. Plus précisément, pour établir la base économique, il faut prendre en compte la diversification économique. Cela permettrait de résoudre le problème récurrent de la dépendance vitale des économies africaines à l’égard d’une ou de deux matières premières principales.

Contribuépar:

Gamal Ibrahim et Matfobhi Riba Division de la politique macroéconomique

Commission économique pour l’Afrique

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