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Le sens métaphorique argumentatif des proverbes

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35 | 2000

Sens figuré et figuration du monde

Le sens métaphorique argumentatif des proverbes

The metaphorical meaning of proverbs : an argumentative function

Irène Tamba

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/praxematique/2889 ISSN : 2111-5044

Éditeur

Presses universitaires de la Méditerranée Édition imprimée

Date de publication : 2 janvier 2000 Pagination : 39-57

ISSN : 0765-4944

Référence électronique

Irène Tamba, « Le sens métaphorique argumentatif des proverbes », Cahiers de praxématique [En ligne], 35 | 2000, document 2, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 01 mai 2019. URL : http://

journals.openedition.org/praxematique/2889

Tous droits réservés

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Irène TAMBA

EHESS, CRLAO, Paris Irene.Tamba@ehess.fr

Le sens métaphorique argumentatif des proverbes

Toutes sortes d’idées reçues ne méritent pas qu’on y croie, mais on a d’un autre côté de bonnes raisons d’y croire.

Raymond Boudon, L’art de se persuader, Préface.

Introduction

Il existe une étonnante dissymétrie dans l’étude des proverbes et des métaphores. Alors que les travaux parémiologiques dans leur ensemble accordent une place de premier plan à la dimension métaphorique des proverbes, ceux consacrés à la métaphore ne s’intéressent que rarement aux proverbes. Faut-il voir là un effet de l’incorporation de la compo- sante métaphorique dans la structure proverbiale, ainsi qu’y invite H. Meschonnic (1976 : 427) en affirmant : « ce n’est pas comme méta- phore qu’un proverbe est proverbe, c’est comme proverbe qu’un pro- verbe est métaphore » ?

On ne saurait élucider cette énigme sans préciser d’abord ce que l’on entend par proverbe métaphorique. On commencera donc par un bref examen des modes de définition des proverbes métaphoriques, qui nous permettra de dégager une forme prototypique alliant une maxime générale à son illustration conventionnelle. Puis, on montrera comment la valeur essentiellement explicative de cette structure sémantique engendre une métaphore argumentative qui sert à renforcer la valeur d’évidence du proverbe plutôt qu’à construire sa référence.

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1. Proverbes de sens littéral et de sens métaphorique

1.1. Sens métaphorique ou figuré

Norrick (1985 : 50) remarque que la qualification de métaphorique est foncièrement ambiguë. Elle s’applique tantôt à une espèce parti- culière de figure et tantôt aux figures en général, sans distinction entre synecdoque, métonymie, personnification, hyperbole, etc.. En ce qui concerne les proverbes, l’opposition courante entre métaphorique et littéral montre qu’il s’agit du sens générique de figuré. C’est donc cette acception large que nous retiendrons pour explorer les différentes ana- lyses des proverbes métaphoriques.

D’autre part, il est indispensable d’identifier la construction et les termes qui permettent d’établir une relation métaphorique. Pour les proverbes, il existe trois cadres d’analyse courants. Soit on se place dans le cadre de la phrase proverbiale et l’on observe les relations métaphoriques qui se nouent entre ses termes constitutifs. Soit, et plus généralement, on situe la métaphore dans le rapport entre les deux niveaux d’organisation sémantique, compositionnel et conventionnel, des proverbes. Soit, enfin, on situe la composante métaphorique d’un proverbe dans son rapport à un contexte d’usage. Nous allons rapide- ment passer en revue ces différentes approches.

1.2. Cadrage rhétorique : mise en relation métaphorique des termes de la formule proverbiale

Une première approche emprunte la voie de la rhétorique classique.

Elle considère les relations métaphoriques qui interviennent entre certains termes de la formule proverbiale dans le cadre de la phrase. En examinant suivant cette optique un corpus d’une centaine de proverbes anglais, Norrick (1985 : 117-125) dégage trois schèmes récurrents de métaphorisation, qui transfèrent d’un prédicat à son argument nominal l’un des trois traits humain, animé ou concret. Ce qu’on peut illustrer aussi bien avec des exemples de proverbes français tels que :

— (1) un clou chasse l’autre

— (2) la vengeance est un plat qui se mange froid

Le prédicat verbal chasser confère à clou un trait animé, tandis que la vengeance acquiert un trait concret en recevant le prédicat être un plat qui se mange froid.

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Conformément à la prévision de Taylor (1931 : 141) : « une appli- cation des règles et des subdivisions rhétoriques classiques n’amènera à la lumière rien d’intéressant ou d’important », car ce type d’analyse ne capte aucune caractéristique propre au mécanisme métaphorique du proverbe. C’est là, nous semble-t-il, une première raison de « l’oubli » des proverbes dans les études de la métaphore d’inspiration rhétorique.

1.3. Cadrage sémantique : la métaphore comme relation entre les sens compositionnel et conventionnel des proverbes

La plupart des analyses des proverbes se fondent sur une structure sémantique à deux paliers, articulant un sens compositionnel phrastique à une signification conventionnelle codée de maxime générale. Et c’est au niveau des rapports entre ces deux organisations sémantiques que l’on définit la dimension métaphorique ou littérale des proverbes. Si le sens global compositionnel de la formule proverbiale et celui qui lui est attaché conventionnellement concernent un même champ référentiel, on parle d’interprétation littérale. Dans le cas contraire, le proverbe est dit métaphorique. Ce mode de définition, nous allons le voir, sous-tend la majorité des approches sémantico-lexicales et pragmatiques.

1.3.1. Approche sémantico-lexicale

Considérons, par exemple, les trois proverbes suivants : (3) toute vérité n’est pas bonne à dire

(4) qui a bu boira

(5) chat échaudé craint l’eau froide

Le premier est défini dans le Dictionnaire des Expressions et Locutions figurées (désormais DELF) par la glose suivante : « il vaut mieux parfois s’abstenir de dire la vérité, quand elle peut blesser inuti- lement autrui, produire des effets regrettables, etc. ». Il y est donc bien question de « vérité qui n’est pas bonne à dire » en général. Et ce sens générique va se spécifier en s’appliquant à des occasions déterminées où il vaut mieux ne pas dire telle ou telle « vérité » précise. Le sens conventionnel codé du proverbe coïncide avec celui construit par la lettre du proverbe. Il se produit simplement une association entre le jugement général enregistré proverbialement et la situation contingente, à propos de laquelle il est cité. Le mécanisme référentiel en jeu est

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comparable à celui qui permet de passer du sens mémorisé d’un lexème hors contexte à son interprétation dans un emploi particulier. Il s’agit alors de proverbes de sens littéral ou, plus exactement compositionnel, étant donné qu’on a affaire non à une unité lexicale mais à une phrase dont la signification résulte du sens de ses termes et de sa structure syntaxique. Par commodité, nous parlerons de sens phrastique.

Le proverbe (4) reçoit cette définition du DELF : « on retourne toujours à ses anciennes habitudes, on recommence les mêmes actions ». On n’y trouve aucune référence au fait de boire en tant que tel. Mais celui-ci est le parangon imagé de toute habitude irrépressible.

Le sens codé du proverbe renvoie à un stéréotype comportemental humain tandis que le sens phrastique de la formule proverbiale se rap- porte au cas enregistré comme prototypique et qui en présente, de ce fait, l’illustration exemplaire. Le proverbe dit métaphorique ou figuré cumule donc une double signification. La première, compositionnelle ou phrastique, dénote un jugement à propos d’un certain type de situa- tion. Elle renvoie à des expériences ou à des observations empiriques, attachées à des domaines spécifiques. La seconde, conventionnelle, désigne une règle générale induite à titre de principe justificatif du comportement humain. Comme il s’agit de l’interprétation standard attachée à la forme fixe du proverbe, on l’appellera sens formulaire. Un tel sens étend la portée référentielle du proverbe au-delà des limites que lui assigne son sens phrastique et permet l’usage d’un proverbe dans une grande variété de situations, sans exclure celle que décrit son sens phrastique. Ainsi pourra-t-on citer le proverbe qui a bu boira non seu- lement à propos de quelqu’un qui se remet à boire mais, plus largement, à propos de toute personne qui retombe dans une mauvaise habitude, selon que le contexte amène à privilégier le sens phrastique ou le sens formulaire.

Le proverbe (5) couple un sens phrastique, statuant sur un compor- tement remarquable des chats, à un sens formulaire codé relatif aux humains : « on craint jusqu’à l’apparence de ce qui a fait souffrir » ; plus généralement « une expérience douloureuse rend très méfiant » (DELF : 180). Et c’est la correspondance symbolique entre conduite animale et conduite humaine que scelle la double signification compo- sitionnelle et conventionnelle de la formule proverbiale.

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Pour Dumarsais (1730, II, 12), ces structures proverbiales à double sens relèvent de l’allégorie, « qui a beaucoup de rapport avec la méta- phore », dans la mesure où le sens propre qu’elle donne à percevoir « ne sert que de comparaison, pour donner l’intelligence d’un autre sens qu’on n’exprime point ». Ainsi « les proverbes allégoriques ont d’abord un sens propre qui est vrai, mais qui n’est pas ce que l’on veut princi- palement faire entendre ». Espèces de fables condensées ou de micro- allégories, ces proverbes allégoriques toutefois ne fonctionnent que comme partie d’énoncés qui, en les intégrant, leur confèrent une dimen- sion sémantique contextuelle.

1.3.2. Approche sémantico-pragmatique

Dans une perspective sémantico-pragmatique, la relation métapho- rique est placée à la charnière du proverbe et de son contexte d’usage, tout en s’appuyant sur le rapport métaphorique intrinsèque entre le sens phrastique et formulaire du proverbe. Soit, par exemple, cet extrait d’un entretien avec Hervé Le Bras :

(6) Dans un grand nombre de phénomènes migratoires, les individus s’adaptent rapidement aux lieux. Ils arrivent seuls ou en petit groupe, et ils cherchent à se comporter comme les autres habitants du lieu. Un proverbe sénégalais dit que quand on arrive dans un village où tout le monde marche sur une seule jambe, le mieux est de se mettre à marcher aussi sur seule jambe. (Sciences Humaines 107, juillet 2000 : 41) Le caractère métaphorique du « proverbe sénégalais » est d’abord perçu comme une rupture thématique. Le proverbe inséré par le biais d’une citation introduit un référent extérieur à l’isotopie du discours.

Pour le raccorder au propos, on fait appel au sens formulaire du proverbe, qui proclame la capacité d’adaptation de tout homme désireux de s’intégrer à une communauté. Le fait de présenter deux types de situations empiriques — celle des migrations de populations qui est au centre de la discussion et celle de Sénégalais nouveaux venus dans un village — comme relevant d’une même raison proverbialement reconnue, confirme le bien fondé du principe explicatif évoqué et augmente d’autant sa puissance de persuasion.

On voit par là que des proverbes tirés de champs d’expérience diversifiés sont interchangeables pour vérifier une règle générale, tout

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comme différents exemples peuvent servir à illustrer une même idée.

Leur équivalence toutefois est d’ordre argumentatif et ne se situe donc pas au niveau d’une relation lexicale de synonymie.

Mais il n’est pas nécessaire de poursuivre plus avant dans cette voie, qui conduit à étudier les codifications historiques et socioculturelles dont relèvent les proverbes métaphoriques dans l’usage populaire ou savant et littéraire1. Il nous suffit d’avoir montré que sémanticiens et pragmaticiens identifient les proverbes métaphoriques en fonction de la relation qui lie leur sens phrastique et formulaire. Un proverbe est considéré comme métaphorique quand son sens phrastique fournit une image exemplaire de la règle générale ou de l’ordre du monde qu’enre- gistre son sens formulaire. D’où les emplois synonymiques de proverbe métaphorique, imagé ou figuré pour désigner ce type de proverbes.

1.4. Bilan

On comprend mieux à présent le déséquilibre entre les études pro- verbiales et métaphoriques. Si les parémiologues insistent sur la composante métaphorique des proverbes, bien qu’elle soit facultative, c’est qu’elle est une caractéristique typique de la forme proverbiale. En revanche, les études sur la métaphore se désintéressent des proverbes, parce que ces derniers constituent à bien des égards de mauvais exem- plaires métaphoriques. Il est en effet difficile d’appliquer aux proverbes la plupart des grilles d’analyse mises en place par les différentes théo- ries de la métaphore. Ainsi, en faisant dépendre l’interprétation méta- phorique des proverbes du rapport entre leur double sens phrastique et formulaire, les soustrait-on d’emblée au domaine de définition propre à la rhétorique qui situe le processus métaphorique dans le décalage entre

1 Cf. par exemple F. Loux et P. Richard (1978 : 253) qui, à partir de 4718 proverbes régionaux français ayant trait à la santé et à la maladie, opposent les « proverbes de conseil » aux « proverbes d’état » et montrent que les proverbes littéraux tendent à

« organiser l’univers et le monde autour du corps » tandis que les proverbes méta- phoriques servent à « mettre en rapport deux champs d’action distincts, le corps et autre chose (richesse, éthique) ». Ou encore, C. Leguy (2000) qui décrit l’usage criti- que ou polémique des proverbes chez les Bwa (Mali, Burkina Faso) et dégage « le pouvoir argumentatif » que l’énoncé proverbial tire du « fait qu’il manifeste et entre- tienne le lien entre l’individu et le groupe ».

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la signification compositionnelle et la visée référentielle effective d’un énoncé.

Or, les proverbes qui associent un exemple à une règle ou un prin- cipe général sont précisément les plus représentatifs des formes prover- biales métaphoriques2. Comme le rappelle Norrick (1985 : 102), Seiler dès 1922 a distingué une catégorie de « proverbes totalement métapho- riques décrivant une scène concrète qui demande à être comprise comme illustrant une vérité générale ». Et, à sa suite, de nombreux auteurs ont érigé ces « proverbes scéniques » en « archétype prover- bial ». Point de vue qu’adopte à son tour Norrick pour deux raisons. La première est d’ordre quantitatif. Avec 75 items, cette variété de pro- verbes représentent 68 % de son corpus de 111 proverbes figurés. Le second est d’ordre fonctionnel. Ces proverbes s’avèrent « les plus utiles parce qu’ils peuvent s’appliquer à un large éventail de situations exi- geant différents degrés de généralité » (Norrick, 1985 : 142-143). Le choix spontané et quasi-exclusif de ce type de proverbes dès qu’il s’agit de donner un exemple de proverbe métaphorique corrobore d’ailleurs son caractère de proverbe par excellence.

Cette forme prototypique nous semble donc fournir un cadre appro- prié pour une étude plus approfondie du fonctionnement métaphorique des proverbes figurés.

2 Cf. Norrick (1985 : 83), qui oppose nettement le sens littéral et figuré des énoncés libres à ceux des formules proverbiales codées. « Une phrase construite librement est considérée comme littérale quand on peut lui assigner une lecture cohérente au moyen des mécanismes standards pour l’interprétation de structures directement compositionnelles sur la base de la lecture lexicale de ses éléments constitutifs et de leurs relations syntaxiques. Une phrase construite librement est considérée comme figurée quand on peut lui assigner une lecture cohérente seulement en la reliant à d’autres phrases (bien formées) (...) ou en s’aidant de dispositifs interprétatifs tels que le transfert de trait (...) en plus des mécanismes précédents. (...) Par contraste, un proverbe est généralement considéré comme littéral quand la lecture que lui assi- gnent les mécanismes standards pour l’interprétation de structures directement compositionnelles est la même que son interprétation proverbiale standard (SPI). Un proverbe est considéré comme figuré quand la lecture que lui assignent ces méca- nismes standards n’est pas identique à son SPI ».

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2. Métaphore et structure sémantique des proverbes

2.1. Sens proverbial et métaphore argumentative

En tant que composante des proverbes, la métaphore dépend du sens global de celui-ci. Or, quelle que soit leur dénotation particulière, les proverbes ont toujours une valeur argumentative constante : ils énon- cent une « raison » communément admise. Il est courant dans la conversation familière de citer un proverbe pour renforcer la crédibilité d’une explication ou le bien fondé d’un conseil. Cette fonction argu- mentative apparaît donc comme le principe d’unification qui commande la structuration sémantique globale du proverbe en déterminant le rôle propre de chacun de ses constituants. Si certains éléments obligatoires s’avèrent indispensables à l’élaboration de ce sens argumentatif, ceux qui, comme la métaphore, sont facultatifs ne doivent pas moins y ajou- ter leur quote-part. Ce qui revient à se demander en quoi la relation métaphorique qui lie les deux sens du proverbe contribue à l’interpré- tation argumentative de celui-ci.

Les proverbes figurés unissent, rappelons-le, une généralisation de type inductif à un cas d’espèce qui en présente une illustration concrète incontestable. Ce couplage transfère à la règle proverbiale le caractère avéré de la proposition phrastique. Or, la projection d’une caution fac- tuelle sur un principe explicatif de droit peut être taxé de métaphorique, dans la mesure où elle établit une correspondance entre des représenta- tions de niveau de généralité différent. L’alliance métaphorique des deux sens proverbiaux a pour effet de garantir la justesse d’une règle générale par l’évidence d’une régularité empirique qui la vérifie cons- tamment. Il apparaît ainsi que l’assimilation métaphorique ne porte pas sur le contenu dénoté par les sens phrastique et formulaire de ce type de proverbes mais sur leur degré de fiabilité. On a donc affaire à ce que l’on appellera une métaphore argumentative. Sa caractéristique est de rendre encore plus convaincants les proverbes qui expliquent certains états de chose par un principe communément admis.

Voyons à présent les conséquences qu’entraîne cette interprétation argumentative de la métaphore proverbiale dans l’analyse sémantique des proverbes, en examinant sous ce nouvel éclairage leurs trois pro- priétés définitoires : la dimension allégorique de leur dispositif référen- tiel, leur caractère générique et leur forme implicative.

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2.2. Métaphore argumentative et double référenciation allégorique du proverbe

Comme le rappelle F. Soublin (1988 : 278), la tradition rhétorique latine considère que « tout propos à double sens relève de l’allégorie, qui forme donc un vaste genre aux multiples espèces ». Dumarsais (1730 : 150), nous l’avons vu, y rattache les proverbes qu’il qualifie d’allégoriques en raison de leur double sens. Toutefois, il les dissocie des apologues, paraboles ou fables morales qu’il taxe seuls de fictions, dont les « charmes » et la « folle persuasion » entraînent à croire à des illusions. Le mécanisme métaphorique proverbial n’en met pas moins en jeu une argumentation fallacieuse, en établissant un parallélisme non vérifiable entre les deux sens phrastique et formulaire d’un proverbe.

De ce point de vue, un proverbe figuré possède bien l’ambivalence de l’allégorie, telle que la décrit Fontanier dans son Commentaire raisonné sur les Tropes de Dumarsais (1818 : 180) :

L’allégorie la plus courte présente nécessairement d’un bout à l’autre un double sens absolu, un sens littéral et un sens figuré. Il faut même, pour la justesse de l’allégorie, que la chose soit également vraie dans les deux sens, quoique cependant, d’après les circonstances, on ne doive l’entendre que dans le sens figuré, et que le sens littéral ne paraisse même que pour amener l’autre et le faire mieux ressortir.

Mais la fonction argumentative de la métaphore proverbiale permet de faire un pas de plus en précisant que l’illusion inhérente à l’ambivalence du proverbe allégorique ne porte que sur la validité conjointe des deux jugements génériques qu’il imbrique.

Par ailleurs, tout en considérant que « l’allégorie est comme la métaphore une sorte de comparaison abrégée et tacite qui se fait dans l’esprit »3, Fontanier les différencie par leur processus de référenciation spécifique :

3 À la lecture de ce passage et de bien d’autres textes de la même veine, on en vient à se demander quelles connaissances de la rhétorique classique a effectivement G.

Lakoff, lui qui ne cesse d’affirmer que « dans les théories classiques du langage, la métaphore était considérée comme une question de langue et non de pensée » (Lakoff, 1992). On reste d’autant plus perplexe qu’il ne précise pas ce qu’il entend au juste par « théories classiques du langage ». Le flou de la désignation amalgame

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Dans la métaphore, la comparaison est transformatrice, identificative ; elle voit les deux objets, les deux termes comme n’en faisant qu’un seul, et elle les confond l’un dans l’autre. Dans l’allégorie, au contraire, la comparaison est purement assimilative et, quoiqu’elle n’énonce qu’un seul objet, elle en fait voir à l’esprit deux distincts, deux divers et les lui fait voir l’un hors de l’autre, l’un à côté de l’autre.

Le proverbe figuré implique assurément, comme l’allégorie, la visée de deux référents distincts à partir de l’énoncé explicite d’un seul mais par un trajet interprétatif différent. Selon Dumarsais (1730 : 147), dans l’allégorie, c’est la comparaison des « idées accessoires » qui dévoile le

« véritable sens qu’on veut exciter dans l’esprit ». Dans les proverbes, l’interprétation formulaire est standardisée. Constituant un préjugé, au sens étymologique du mot, elle n’a donc pas à être déduite du sens compositionnel explicite. Elle n’en est pas moins motivée, d’où la liaison de ses deux sens par un certain type de rapport, qui a été analysé suivant quatre optiques différentes. Dans la perspective logico- référentielle d’Aristote, le proverbe figuré est « une métaphore d’espèce à espèce » (Rhét. III, 1413a 17-19). Dans la perspective rhétorique classique, il s’agit plutôt d’une « synecdoque de l’espèce au genre », ainsi que le rappelle Norrick (1985 : 107), qui parle de « complete scenic species-genus synecdochic proverbs ». Dans la perspective cognitive de Lakoff, (Lakoff et Turner 1989 : 165), un rapport de concept-source spécifique à un concept-cible générique est à la base d’une métaphore dite « generic is specific ». Enfin, dans la perspective sémantico-lexicale de Kleiber (2000), c’est une relation d’hyponyme à hyperonyme qui règle la « montée abstractive » en fonction du niveau de généralité requis par l’implication proverbiale.

Mais, à y regarder de plus près, la connexion entre les deux sens du proverbe ne correspond qu’en partie à chacune de ces relations. Le

des conceptions irréductibles les unes aux autres. Comme le montre F. Soublin (1988 : 49) à propos du traité Des tropes : en se plaçant « dans la mouvance de l’empirisme anglais », Dumarsais intègre « deux courants porteurs de savoirs anciens bien distincts : la tradition grammaticale des tropes, (...), centrée sur la signification des mots et requise par l’enseignement de la langue et des auteurs latins ; et la tradi- tion scolastique des paralogismes (...) centrée sur le sens des propositions et requise par les controverses religieuses avec les jésuites de Rome ».

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proverbe répond bien à la conception aristotélicienne de la metaphora, à condition d’admettre, comme nous le soutenons (Tamba et Veyne 1979 : 84-85), que ce terme « désigne non le translatum, c’est-à-dire le résultat, mais la translatio, c’est-à-dire l’opération de pensée qui consiste à apercevoir le semblable »4. On peut le vérifier sur l’exemple de locution proverbiale donné par Aristote :

si quelqu’un appelle un autre à son aide dans l’espoir d’en recevoir du bien et subit un dommage, c’est, dit-on, comme l’habitant de Carpathos avec son lièvre, car tous deux ont éprouvé le même mécompte. (Rhét.

III, 1413a)

En revanche, il paraît abusif d’assimiler le sens formulaire du pro- verbe au genre qui réunit par une identité partielle les deux espèces de cas que représentent la situation contextuelle et celle exprimée par la phrase proverbiale. Non seulement, en effet, ces « deux cas d’espèce » ne sont pas sur le même plan, puisque l’un est lié sémiotiquement au

« genre » à titre d’illustration exemplaire, tandis que l’autre renvoie à une situation discursive contingente variable. Mais encore, on voit mal la raison de recourir à une relation métaphorique censée aider à décou- vrir allusivement un genre qui « donne une connaissance », alors que ce genre est déjà fixé par l’interprétation standard du proverbe.

Quant aux trois autres relations, elles dérivent de modèles ontologi- ques de l’univers supposant un système hiérarchique de catégorisation, que reflète l’organisation verticale du lexique des langues. Lakoff et Turner (1989 : 166-17) posent explicitement l’existence de ce qu’ils appellent the Great Chain of Being, pour justifier la projection sur le

4 Levin (1977 : 86) remarque également qu’Aristote « en se focalisant sur le transfert décrit le processus conceptuel » sous-jacent à la production d’une métaphore. D’où un classement fondé sur les quatre trajets réguliers qui guident et orientent les trans- ports métaphoriques, de genre à espèce, d’espèce à genre, d’espèce à espèce et par un rapport d’analogie. Il oppose cette démarche à celle de Quintilien qui, « en se focali- sant sur la substitution décrit le processus linguistique » dans son résultat :

« Quintilian describes the mechanics of metaphor, Aristotle its mechanism ». Dans un tout autre domaine, celui des mathématiques chinoises classiques, K. Chemla (1994 : 69) relève de manière analogue le « parti pris de donner aux divers nombres des noms qui laissent voir les procédures qui les construisent et, partant, qui montrent comment opérer sur elles ».

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domaine humain de connaissances relatives aux êtres et choses de ce monde : « la Grande Chaîne est un modèle culturel qui concerne les sortes de choses et leurs propriétés et les place sur une échelle verti- cale ».

Mais, comme l’ont signalé diverses critiques, la relation conven- tionnelle qu’établit un proverbe entre une règle et son illustration exemplaire ne relève pas directement de telles hiérarchies. Ainsi, Krik- mann (1994 : 123) fait observer que, quand Lakoff et Turner (1989) analysent « les interprétations référentielles et axiologiques potentiel- les » d’un proverbe, ils « n’interprètent pas les assertions, estimations et exhortations comme des liens avec quelque intégrale “Great Chain of Pragmatical Being” ». De son côté, Norrick (1985 : 105-106) reprend l’analyse faite par Barley (1972) du proverbe anglais The leopard cannot change his spots et remarque qu’on ne peut en dériver le sens général, « les êtres animés ne peuvent pas modifier leurs caractéristi- ques naturelles » en « remontant l’arbre classificatoire des traits séman- tiques à la Katz et Fodor ». Car, le trait caractéristique naturelle n’appartient pas à « la définition usuelle en traits sémantiques de spot ».

C’est le schéma du scénario évoqué par la phrase proverbiale tout entière qui assure la médiation entre les deux sens du proverbe. La même critique s’applique à la « montée hyperonymique abstractive » que Kleiber (2000) pose comme principe permettant de régler « le niveau de vérité où l’implication se révèle valide ». Il n’est pas étonnant que le statut de dénomination qu’il attribue au proverbe étaie cette hypothèse, dans la mesure où systèmes ontologique et lexical sont étroitement liés.

En postulant un fonctionnement argumentatif qui fait porter la métaphore proverbiale non sur l’ordre général des choses mais sur le degré de certitude de l’explication qui associe un principe invariant à une régularité empirique, on évite une telle impasse ontologique. On objectera peut-être que la métaphore ne rend plus compte alors du fait que les proverbes concernent essentiellement les hommes, leurs connaissances et leur maîtrise du monde environnant. Sans doute, mais l’on peut poser cette caractéristique proverbiale comme un trait défini- toire indépendant du mécanisme métaphorique, puisque des proverbes relatifs aux humains — par exemple, charbonnier est maître chez lui —

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peuvent selon leur contexte d’usage référer à quelque charbonnier ou à une personne quelconque.

2.3. Métaphore argumentative et double généricité proverbiale

Le caractère générique des proverbes est bien connu. Mais, comme nous l’avons montré (Tamba 2000), son analyse est souvent perturbée par des interférences fallacieuses entre la généricité observable au niveau de la phrase proverbiale et celle qu’implique la règle donnée par le sens formulaire du proverbe. Aborder la métaphore sous un angle argumentatif prévient ce genre de confusion. Car on prête au processus métaphorique un effet de renforcement de la généricité, qui résulte de l’union de deux niveaux nécessairement dissociés : celui où se produit une généralisation empirique et celui, abstrait, où l’on postule un prin- cipe explicatif général.

Par ailleurs, le fait qu’il soit codé confère à cet appariement une force persuasive fondée sur le renversement de la démarche inductive.

Celle-ci « consiste moins à généraliser des observations singulières qu’à vérifier concrètement une proposition universelle donnée à l’avance », comme le note judicieusement J. Brunschwig à propos de l’induction dans les Topiques d’Aristote (I, 100a, 105a). Aux yeux d’Aristote, explique-t-il, l’induction amplifiante n’a pas la solidité logique de la déduction. Car l’induction « passe sans nécessité contraignante des propositions singulières ou spéciales qui constituent ses prémisses à la proposition générale qui constitue sa conclusion ; c’est seulement en sens inverse que s’établit entre ces propositions un lien de nécessité logique ». On est alors plus près d’un raisonnement abductif qu’in- ductif, comme dans la plupart des explications causales courantes (cf. Jayez 1994 : 272)5.

Cette réversibilité de la métaphore argumentative explique en outre que l’on puisse, selon le point de vue qu’on adopte, partir du cas d’es- pèce auquel renvoie le sens phrastique pour monter vers le sens formu-

5 La déduction est une opération qui permet, à partir d’hypothèses, de tirer des conclu- sions en appliquant des règles (de déduction). L’induction consiste, à partir des hypothèses et des conclusions, à proposer des règles qui permettraient de passer des unes aux autres. L’abduction consiste à remonter aux hypothèses à partir des règles et des conclusions. Ces termes sont souvent utilisés dans le domaine de la causalité, où l’abduction revient alors à remonter des effets aux causes (les règles causales étant supposées connues et stables).

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laire de principe général ou l’inverse. Par exemple Norrick (1985 : 106) relève que Zolkovsky (1978) par rapport à Barley (1972). « renverse la direction de l’analyse. C’est-à-dire, qu’il travaille en allant de l’idée générale à l’image concrète dans le proverbe »6.

On comprend dès lors l’embarras de Lakoff et Turner (1989), relevé par Krikmann (1994 : 21), pour orienter la métaphore Generic is specific. Si la cible est le principe général visé à partir du domaine source qu’est l’illustration exemplaire, le principe général en tant que médiateur sémantique joue à son tour le rôle de source dans l’interprétation de la cible discursive. Ce qui ne va pas sans contradic- tion.

La force d’évidence que le proverbe tire d’une métaphore tient donc au couplage fixe de deux généralités de niveau différent et à la réversi- bilité de la liaison entre, dans un sens, un principe et les cas concrets qui en relèvent et, dans l’autre sens, entre une régularité empirique et la cause qu’on lui attribue. Aussi, comme l’a montré Anscombre (1994, 1995), un proverbe métaphorique a-t-il la valeur argumentative d’un stéréotype ou d’un topos. « Leur caractère commun est de pouvoir se prévaloir directement ou indirectement d’une autorité collective qu’il n’est pas du pouvoir d’un individu de récuser sans risque », comme l’indique J. Brunschwig, dans la Préface des Topiques d’Aristote (p. XXXVII).

2.4. Métaphore argumentative et double schéma implicatif

L’implication est une autre caractéristique fondamentale des pro- verbes largement reconnue, comme le rappelle Kleiber (2000), qui reprend, mais en la modifiant notablement, la thèse de la structure implicative. Il pose en effet que le proverbe met en œuvre « une impli- cation entre deux situations engageant les hommes » et que cette implication joue non pas au niveau du sens de la phrase proverbiale mais à celui de la valeur gnomique qu’on en infère. À ses yeux

« l’erreur des défenseurs de la thèse implicative a été de vouloir retrou-

6 On trouve chez Balzac une orientation descendante analogue dans Ursule Mirouët :

« Dans les arts, nous devons recevoir des âmes qui servent de milieu à notre âme autant de force que nous leur en communiquons. Cet axiome qui régit les affections humaines a dicté les proverbes : Il faut hurler avec les loups. Qui se ressemble s’assemble » (éd. Gallimard, poche, 1981 : 160).

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ver dans le sens littéral à tout prix une implication ». Or, cela n’a rien de nécessaire, même si les formes proverbiales prototypiques, telles que qui dort dîne reposent sur un « pivot implicatif » conformément à l’analyse de Riegel (1987).

Ce que montre par là Kleiber, c’est que l’expression canonique d’une règle causale est une formule conditionnelle qui pose l’enchaîne- ment d’un antécédent à un conséquent : « si P alors Q ». Son affinité avec le sens gnomique d’un proverbe va donc de soi. Cela explique que ce « moule sémantique » soit indépendant de la composante métapho- rique du sens proverbial. Et l’on comprend aussi qu’il ne soit pas exclusif d’autres structures, également aptes à véhiculer une règle ou un précepte telles que celles à modalité déontique (il faut) souvent néga- tive7, (il ne faut pas), axiologique (il vaut mieux) ou évidentielle (il y a/

il n’y a pas). Par exemple, le sens formulaire de l’habit ne fait pas le moine sera couramment donné sous la forme d’un principe négatif : « il ne faut pas se fier aux apparences », plutôt que comme une inférence implicative : « si on se fie à l’apparence, on est induit en erreur ».

Mais si l’on restreint l’implication au sens formulaire, comment expliquer son impact sur la relation métaphorique qui intervient, elle, dans la mise en relation des deux sens du proverbe ? Le caractère pro- totypique reconnu aux proverbes dont le sens phrastique présente une structure homologue à de leur sens formulaire, qu’elle soit implicative ou modale, nous met sur la voie d’une solution. Le processus métapho- rique va jouer sur l’assimilation des patrons formels sur lesquels sont bâtis les deux sens proverbiaux. Par leur appariement analogique, elle cautionne la validité « formelle » de l’explication proverbiale qui entraîne, illusoirement, celle de la liaison causale entre leurs référents respectifs. Elle tire sa force de persuasion d’un principe de surenchère argumentative, en vertu duquel deux preuves valent mieux qu’une.

C’est ce qu’on peut vérifier, par exemple, sur l’association métaphori- que mettant en jeu la similitude de deux schémas implicatifs. Le sens phrastique du proverbe, d’une part, garantit sa validité à partir de celle intrinsèque de sa « forme logique ». R. Boudon (1990 : 32) souligne en effet ce qu’il y a de fascinant dans cette forme qui « est universellement

7 Cf. Hamm (1988) qui relève 214 proverbes négatifs sur un corpus de 800 proverbes anglais.

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valide, quel que soit le contenu de P et Q et quelle que soit la nature des entités désignées par P et Q ». D’autre part, l’identité de leur patron implicatif est un argument supplémentaire en faveur de la liaison des deux sens proverbiaux. Enfin, le phénomène général que dénote le sens phrastique du proverbe prête son assise concrète, empiriquement attes- table, au principe d’autorité ou à la croyance invérifiable que véhicule le sens formulaire. C’est en cela que réside l’effet figuratif que le sens phrastique projette sur le sens formulaire auquel il est couplé par convention. On en trouvera une confirmation dans les différentes façons qu’ont mises au point les dessinateurs pour « imager » des proverbes.

Par exemple, un livre japonais associe systématiquement à une légende proverbiale, accompagnée de son sens formulaire usuel, deux dessins qui représentent, le premier, le référent correspondant au sens composi- tionnel de la phrase, le second, un référent discursif possible (Takeda 1992).

Conclusion

L’étude des rapports entre interprétation métaphorique et prover- biale met au jour un fonctionnement argumentatif de la métaphore, dont les différentes théories du sens figuré ou métaphorique ne captent qu’imparfaitement le mécanisme et les effets. C’est que la métaphori- sation proverbiale porte sur l’approbation véritable que suscite une explication proverbiale et non, comme les métaphores discursives, sur la représentation vraisemblable d’un référent. D’où les concordances et les discordances que l’on observe entre ces deux régimes métaphori- ques.

Les proverbes couplant une illustration exemplaire à une règle sont bien des métaphores dans la mesure où leur interprétation met en jeu un couple de représentations. Mais leur particularité réside dans la nature des termes unis par une relation métaphorique. Ce sont, en effet, les deux sens phrastique et formulaire que comporte par définition un pro- verbe et non des constituants d’une phrase. Et, bien que cette alliance d’un double sens rapproche le proverbe de l’allégorie, il s’en différencie en ce que le sens phrastique du proverbe persiste à côté de son sens formulaire, alors que le sens dénotatif d’un énoncé tend à s’effacer au profit de celui, allégorique, auquel il conduit. Comme le remarque

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justement Meschonnic (1976 : 427) « Un proverbe, même s’il fait ou contient une métaphore, est aussi une anti-métaphore, en ce qu’il dit un concret tel qu’il est ».

En second lieu, le proverbe métaphorique met en jeu, comme la métaphore, un appariement analogique. Mais celui-ci diffère en partie des mécanismes de rapprochement décrits par les principales concep- tions métaphoriques (cf. Tourangeau et Sternberg, 1982). Il ne suppose pas la découverte d’une ressemblance, conformément à la théorie comparative de la métaphore, puisque les deux sens proverbiaux font l’objet d’une association collective stable. Son codage exclut aussi la thèse de l’anomalie sémantique. Pour la même raison, il ne relève pas non plus, à proprement parler, d’une thèse interactive. Il ne répond pas davantage à l’orientation qu’exige la théorie conceptuelle de la méta- phore.

Enfin, s’il satisfait en partie « au programme d’assimilation » a posteriori que postule la théorie de la pertinence (Jayez 1994 : 246), le proverbe métaphorique s’en éloigne à la fois par l’a priori de l’asso- ciation codée de ses deux sens et par la portée strictement modale de l’assimilation qu’il déclenche. Ainsi en s’appuyant sur la seule homo- logie des formes logiques sous-jacentes à la double interprétation phrastique et formulaire des proverbes, sans prendre en compte leur valeur référentielle, la métaphore proverbiale projette sur le stéréotype explicatif du proverbe la solidité à toute épreuve d’une évidence empi- rique. Cette jonction métaphorique donne l’illusion d’une plus grande certitude.

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