La crise économique, politique et sanitaire, sans précédent, qui frappe le Liban

La crise économique, politique et sanitaire, sans précédent, qui

frappe le Liban

Afif DAHER

Rotary International - District 1650

Club de Dinan

Trois périodes récentes à retenir:

1- L’explosion du port de Beyrouth le 04 août 2020

2- L’épidémie de la Covid-19 depuis le mois de mars 2020

3- Le soulèvement populaire qui a démarré le 17

octobre 2019

Première période:

EXPLOSION DU PORT DE BEYROUTH

4 AOÛT 2020

L’explosion dramatique du port de Beyrouth, le 04 août 2020, a mis à nu toute la classe politique libanaise.

2 750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées depuis plus de six ans « sans mesures de précaution ».

192 morts, 6 500 blessés, plus de 300 000 beyrouthins sans abri et de très nombreux sinistrés.

Tentative des autorités d'enterrer d'éventuelles preuves

en lien avec l’explosion, pour cacher quelque chose […].

Cri de colère des libanais :

chute du pouvoir d’achat de 70%; chômage massif (plus de 40%); épargne des libanais, bloquée dans les banques,

Réserves de la Banque du Liban en dollars au plus bas;

vasion de millions de dollars au profit de l’oligarchie dominante…

Des Libanais parmi les plus vulnérables "risquent de mourir de faim en raison de cette crise » (M. Bachelet)

Risque de basculer dans ce qui peut ressembler à une

Deuxième période: de mars à nos jours Mourir de la Covid-19 ou mourir de faim?

L’épidémie de la Covid-19 a mis à rude épreuve le système hospitalier libanais.

Des mesures sanitaires tardives, peu contrôlées; les trois confinements ont été à peine respectés.

Nombre accru des malades, sur fond de manifestations

et de répressions violentes.

Troisième période : démarrage le 17 octobre 2019 d’un mouvement de contestation transversal,

Mouvement unitaire et intergénérationnel.

Partis politiques dépassés: tentative de diviser le mouvement, de faire croire qu’il est téléguidé par un complot de l’étranger, notamment par les américains .

Une campagne de répression contre ceux qui dénoncent

la corruption.

Aspiration à un vrai changement, pour mettre fin:

à la corruption, au confessionnalisme politique, aux passe-droits, à l’évasion fiscale, au gaspillage, aux trafics illégaux,

aux problèmes chroniques de l’électricité, de l’eau, des déchets, de la pollution,

à une administration sclérosée…

à une justice aux bottes du pouvoir…

Pourquoi et comment en est-on arrivés là?

Tarissement progressif des capitaux étrangers,

Incidence des sanctions américaines sur l’Iran et par conséquent sur la communauté chiite au Liban.

Incidence de la chute du prix du pétrole sur les investissements au Liban.

Incidence des conflits en Irak et en Syrie sur la stabilité de toute la région.

Endettement excessif de l’Etat, précipitant la chute

vertigineuse de la livre libanaise.

Résultat:

Crise de confiance du secteur financier.

Le Liban, un pays en cessation de paiement.

Entreprises fermées; taux d'inflation : entre 60% et 400%;

viande et légumes devenus des denrées inaccessibles etc.

ONG débordées par les demandes à l’aide des Libanais,

50% de la population ne peut plus faire face aux besoins essentiels,

Emigration massive, notamment les jeunes,

Situation préoccupante des travailleurs étrangers et des

réfugiés .

Incurie des gouvernements successifs et de l’oligarchie régnante: partage du gâteau restant!

Aspirations au changement des centaines de milliers de manifestants.

Issue incertaine: poids des allégeances religieuses

et politiques et surtout la dimension géopolitique

du positionnement du Hezbollah dont les craintes

sont nombreuses!.

Craintes de Hezbollah, seul parti armé, financé par l’Iran qui le téléguide, représentant de la communauté chiite:

1. La perte de sa position dominante,

2. L’affaiblissement de la position de l’Iran,

3. La remise en cause de son rôle de « résistant » à l’occupation israélienne.

4. La perte de ses sources de financement.

Embarras patent de Hezbollah face à une population en détresse, y compris sa base chiite,

Victoires éphémères du mouvement de protestation, stoppé par la Covid-19:

démission du gouvernement HARIRI, puis celui de DIAB…

La suite attendue, en fonction de l’impact du bras de fer irano-américain sur la scène libanaise.

Le mal du Liban est beaucoup plus profond et chronique.

Les maux chroniques dont souffre la Liban:

Allégeances des communautés et des partis libanais aux puissances régionales et internationales: «suivisme légendaire»,

Dégâts considérables causés par la tutelle syrienne et de la stratégie des Assad: annexer le Liban.

Déplacement du jeu des influences vers l’Est et le Sud Est,

Mainmise de l’Iran sur le Liban par l’intermédiaire de Hezbollah, accès aux frontières avec Israël...

Constat: lien étroit entre la géographie et l’histoire du Liban

d’une part et les allégeances aux puissances étrangères

I- Première dimension : la géographie du Liban

Le Liban est un petit pays :

• Une largeur de 40 à 80 kms pour une

longueur de 215 kms

• Une superficie totale de 10 452 kms ² , un peu plus du tiers de la superficie de la

Bretagne

Trois constats :

1. Le tracé des frontières entre le Liban et Israël est contesté: argument majeur de Hezbollah,

2. 2008 : instauration des relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban au lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri.

3. Les ressources hydrauliques au Sud Liban, et les

gisements de gaz et de pétrole au large des côtes

libanaises, un enjeu majeur notamment pour Israël et pour

l’occident.

II- Deuxième dimension : la mosaïque

communautaire du Liban, atout et source de fragilité

Les 12 communautés chrétiennes (dont 6 rattachées à Rome) :

• La communauté Arménienne catholique

• La communauté Arménienne orthodoxe ou apostolique

• La communauté Chaldéenne

• La communauté Copte orthodoxe

• La communauté Grecque catholique (melkite)

• La communauté Grecque orthodoxe

• La communauté Latine (catholique romaine)

• La communauté Maronite, la plus nombreuse

• La communauté Orientale assyrienne orthodoxe (nestorienne)

• La communauté Syriaque catholique

• La communauté Syriaque orthodoxe (jacobite)

• La communauté Évangélique protestante

La communauté israélite, très peu nombreuse Les 5 communautés musulmanes :

• La communauté Alaouite

• La communauté Chiite (jaafarite)

• La communauté Druze

• La communauté Ismaélite

• La communauté Sunnite

L’État libanais reconnaît officiellement 18 communautés religieuses dites historiques :

Le Liban: seul pays arabe où les chrétiens exercent un véritable pouvoir politique,

Liens étroits entre chaque communauté et les autorités religieuses et politiques étrangères, Conflits d’intérêts divers, volonté d’avoir un protecteur étranger:

tensions paralysant les institutions,

Corruption, népotisme et clientélisme devenus inhérents au fonctionnement de l’Etat,

Répartition, entre Les responsables

politiques des milliards provenant des

aides internationales, devenues des

III- Troisième dimension : la nature hybride du régime politique libanais

Le Liban: une république

parlementaire.

Répartition égalitaire des pouvoirs politiques entre chrétiens et musulmans.

128 députés répartis à égalité entre

chrétiens et musulmans, dans les 9

régions administratives.

Les partis politiques libanais : une stratégie politique à finalité confessionnelle (1)

1- Les partis sunnites

• Le Courant du Futur (Saad Hariri)

• L’Organisation des Frères Musulmans

2- Les partis chrétiens

• Le Parti des Forces

Libanaises (Samir Geagea)

• Le Parti des Phalangistes – Kataëb (Amine Gemayel)

• Le Parti des Nationalistes Libres (Dory Chamoun)

• Le Bloc National (Carlos Eddé)

• Le Mouvement du

Renouveau Démocratique (Antoine Haddad)

• Le Mouvement du

3- Le parti chiite

• Le Courant Chiite Libre

4- L’exception druze

• Le Parti Socialiste Progressiste (druze et socialiste) (Walid

Joumblatt). Il a quitté le Mouvement du 14 mars.

Le Mouvement du 14 Mars (hostile aux régimes d’Assad, d’Iran et à Daech) :

Les partis politiques libanais : une stratégie politique à finalité confessionnelle (2)

1- Les partis chiites

• Le Hezbollah (Hassan Nasrallah)

• Le Mouvement Amal (Nabih Berri)

• Le Parti Alaouite (branche chiite) : une branche du parti Baas syrien

2- Les partis chrétiens

• Le Courant Patriotique Libre (Michel Aoun)

• Le Parti Al Marada (Sleiman Frangié)

3- Les partis sunnites

• Al Mourabitoun

• Le Parti du Dialogue National

• Le Mouvement du Peuple

• L’Association des Projets Charitables Islamiques

• Le Mouvement de l’Unicité Islamique

• Le Parti Al-Tahrir

4- Les partis druzes

• Le Parti

Démocratique Libanais - Druze (Talal Arslan)

• Le Courant Al- Taouhid - Druze (courant de

"l'unification") (Wiaam Wahhab)

5- Les 2 exceptions non-confessionnelles

• Le parti communiste

• Le Parti National et Social Syrien

L’Alliance du 8 Mars (alliés de la Syrie et de l’Iran) :

IV- Quatrième dimension : l’impact sur le Liban des conflits

géopolitiques au Moyen-Orient: des faits et des périodes majeurs

• Défaite des Arabes en 1947 et 1967 face à Israël,

• 1969: autorisation de la présence palestinienne armée dans les camps au Liban (Accord du Caire),

• La guerre d’octobre 1973 et les accords de paix signés à Camp David entre l’Egypte et Israël en 1978,

• La montée des mouvements révolutionnaires palestiniens: des exactions et un Etat dans l’Etat déclenchant la guerre civile libanaise en 1975,

• L’ère du pétrole,

• La naissance de la République Islamique d’Iran en 1979,

• L’invasion du Liban par Israël en 1982,

Constat:

- L'économie libanaise est à plat.

- La crise provoquée par l’arrivée massive des réfugiés syriens, un défi pour la stabilité du Liban,

- Retombées désastreuses au Liban des sanctions américaines sur l’Iran,

- Poursuite du partage du « gâteau » entre les ténors de l’oligarchie politique et religieuse…

Pendant la guerre syrienne, une ligne rouge avait été tracée par les « parrains » arabes et occidentaux du Liban:

1. préserver le pays de la fournaise syrienne (pari relativement gagné),

2. retenir les réfugiés syriens afin qu’ils ne débarquent pas sur les côtes européennes (pari gagné),

3. soutenir la livre libanaise: pari perdu.

Soutien de la France au Liban notamment à travers le projet Cèdres (2018), voulu et organisé par le président E. Macron, dans le cadre de négociations avec le FMI (11 milliards de dollars pour réformer son économie, sous certaines conditions).

Poursuite du bras de fer entre Trump et Khamenei : raidissement des positions de Hezbollah à l’intérieur, laissant craindre une possible guerre à la frontière avec Israël: Risque de disparition du Liban? (Jean-Yves Le Drian).

La perche tendue par Emmanuel Macron au nom de l’occident:

deux visites, une troisième était prévue au mois de décembre

dernier, stoppée ou retardée par la Covid-19 ayant affecté le

président Macron.

S’agit-il de sauver la classe politique ou de sauver le Liban?

L’opposition se méfie du scénario français!

Existe-t-il un autre scénario réalisable? NON, à court terme.

L’opposition est très jeune et plurielle, non structurée, manque de cohésion.

Classe politique libanaise coriace et dirigeants jouant sur la peur des habitants.

Constat: échec de la première tentative de former un gouvernement de mission, Hezbollah et le mouvement chiite

« Amal » voulant garder la main sur le ministère des finances et une minorité de blocage au sein du gouvernement!

Volonté de torpiller l’initiative française?

Objectifs plus larges de la médiation française :

1 ^er objectif: Impliquer l’Iran, en grande difficulté en raison des sanctions américaines, dans un compromis donnant donnant;

L’Iran est seul capable de tempérer la mainmise du Hezbollah sur le Liban.

Le marché iranien, une carte économique majeure!

2 ^ème objectif: E. Macron veut consolider la présence française au Liban et au Moyen-Orient.

3 ^ème objectif: Contrer l’avancée de la Turquie (sunnite) vers le sud (Liban,

Libye…) au détriment des alliés du Golfe de la France, notamment les saoudiens

(également sunnites): Erdogan, en grande difficulté à l’intérieur, souffle sur

Que se passe-t-il dans les coulisses parallèlement à l’initiative française?

Les américains ont imposé des négociations sur le traçage des frontières maritimes entre le Liban et Israël, refusé jusqu’ici par Hezbollah!

Ils ont orchestré la normalisation des relations entre Bahrein, les Emirats Arabes Unis, le Maroc et Israël jusqu’ici l’ennemi juré!.

Ils ont utilisé le gourdin en aggravant les sanctions sur l’Iran. Vont-ils les poursuivre sous le président Biden? L’avenir nous le dira!

Message américain reçu 5/5 par l’Iran et Hezbollah:

Ils préfèrent négocier directement avec les USA: gagner du temps, faire valoir le rapport de forces sur le terrain, par des méthodes violentes et guerrières…

Ils ont fait avorter l’initiative française au Liban, tout en se déclarant prêts à la soutenir, peu importante la détérioration vertigineuse de la situation économique et financière des libanais.

Lot de consolation pour la France: l’Iran a libéré provisoirement la chercheuse

franco-iranienne, Fariba Adelkhah, placée sous bracelet électronique.

Constat:

Le Liban, dans une impasse absolue.

Difficile de prévoir le chemin qu’il va prendre.

La France continue à jouer sa carte au Liban, bénéficiant d’une procuration limitée pour agir au nom de l’Europe.

Emmanuel Macron n’est pas parvenu, pour l’instant, à sortir le Liban de l’abîme dans lequel la classe dirigeante l’a poussé.

Peine perdue ! Dirigeants libanais sourds préférant

Pire: Hezbollah et l’Iran scrutent les orientations du président Biden; ils observent le front qui se dresse face à eux et à la Turquie, regroupant Israël, les pays arabes du Golfe et le Maroc.

Le Liban, une scène sur laquelle s’exprimera en premier lieu cet affrontement.

La France fera ce qu’elle pourra. Les USA auront le dernier mot.

La géopolitique libanaise restera le vecteur de toute

solution à venir!

Quelle que soit la solution à terme, le Liban nous appelle aujourd’hui au secours, notamment sa jeunesse de milieu modeste; elle mérite notre soutien et notre solidarité.

Merci pour vos dons et pour votre soutien à l’action-tablettes

Je vous remercie de votre attention