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LA POLYPHONIE ET LE FRAGMENT TEXTUELS DANS L ÉCRITURE DJEBARIENNE : LE CAS D ORAN, LANGUE MORTE. Résumé :

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Academic year: 2022

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LA POLYPHONIE ET LE FRAGMENT TEXTUELS DANS L’ÉCRITURE DJEBARIENNE :

LE CAS D’ORAN, LANGUE MORTE

Prof. LatifaSARIMOHAMMED UNIVERSITE DE TLEMCEN

Résumé :

L’écriture dans cette œuvre correspond à une blessure profonde que l’on veut dévoiler. Le texte d’Oran, langue morte se présente en pièces mimant la déchirure qui frappe le pays de la narratrice « Isma » et sa propre difficulté à trouver une harmonie entre la paix en France et les événements sanglants dans son pays. La fragmentation et le chaos apparents dans le texte d’A. Djebar semblent la résultante de ses conditions allant de pair avec une tourmente ancrée dans le quotidien, dans l’espace culturel et existentiel de l’auteur ou de la narratrice. Cette structure en fragments est une forme qui assemble différentes séquences narratives et différents thèmes sans souci de constituer un enchaînement. Une organisation qui dérange le sens et le perturbe et qui se refuse même à combler les failles, parce que loin à vouloir dissimuler les raccords, elle les exhibe.

Mots-clés : éclatement, désordre, fragment, incohérence, polyphonie textuelle, corps morcelé.

Abstract :

The writing in this collection of short stories represents a deep wound that we want to expose. The text of "Oran,langue morte" presents pieces mimicking the tear affecting the country of the narrator "Isma" and her own difficulty finding a harmony between peace in France and the bloody events in her country.

Fragmentation and chaos apparent in the text of A. Djebar seem the result of living conditions coupled with a storm anchored in everyday, in the cultural and existential space of the author or narrator. This fragmented structure is a form that assembles different narrative sequences and themes without regard to form a chain. An organization that disturbs and disrupts the sense and refuses

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even to close loopholes, because it far waiting to hide fittings, but it showing off her.

Keywords : burst, disorder, fragment, incoherence, textual polyphony, fragmented body.

Le contact entre l’écrivain moderne et le mot n’est plus un acte pacifique, mais un échange agressif et conflictuel. La rupture est immanente et tenter de la révéler est un des moyens pour comprendre ce qu’est l’écriture et son rapport tragique avec le réel. C’est dans cette optique qu’on peut inscrire l’écriture d’Assia Djebar. Son monde est perçu dans une pluralité de morceaux disjoints, mis en scène dans une œuvre criblée de trous. Comme si l’auteur préfigurait dès le début le symbole de la fragmentation et de la vision éclatée. Cette fragmentation est pour Assia Djebar comme une forme de l’existence.

C’est toute une dimension tragique qui se dégage lentement de cette écriture brisée et qui est consciencieusement analysée en une lamentation existentielle.

Notre sujet s’articule autour de l’écriture fragmentée et la polyphonie textuelle. On s’est appuyée pour cela sur un corpus constitué d’une suite de textes pour la plupart de l’Algérie violente et sanglante d’aujourd’hui.

Oran, Langue morte d’Assia Djebar, écrit en 1997 et édité chez Actes Sud, est un texte ayant trait à la violence et au désastre. Ce sont sept fragments d’un présent éclaté dont l’ordre de présentation n’est pas chronologique, mais dont quatre nouvelles y compris un conte et un récit évoquent la tragédie.

Tel est le schéma sur lequel repose Oran, langue morte, sans doute l’écrit le plus profond de l’œuvre d’Assia Djebar.

Dès l’entrée, le texte pose la problématique de sa propre énonciation qui nous mène à cet éclatement de voix, d’espaces et de

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temps et à cette lecture déstabilisée, due à ces blancs et à ces silences qui marquent la fragmentation du texte unitaire.

Dans une approche de discontinuité et d’hétérogénéité, et par la dynamique qu’elle suppose, l’écriture dans ce texte, trace son chemin sur une chaîne de signifiants chaque fois interrompue, marquée par des ruptures et déstabilisée par rapport au mouvement dans lequel elle essaie de s’harmoniser. Assia Djebar rapporte dans ce recueil les itinéraires, la souffrance et la mort des femmes, nouvelles femmes d’Alger. Ce texte est écrit pour célébrer ce douloureux effort de reprendre les récits des autres, de les dire autrement et d’en faire sa propre histoire.

À travers cet article, nous nous proposons d’examiner les questions suivantes : comment, dans cette écriture et dans ce combat d’idées, la fragmentation se dessine-t-elle et qu’est-ce qui motive l’auteur à adopter cette voie ? Quelles sont les conditions qui ont fait naître cette écriture décousue et cette polyphonie textuelle ?

Nous nous demandons, si la romancière accorde une prééminence aux préoccupations esthétiques au détriment des préoccupations thématiques. Le thème n’est-il alors qu’un pré-texte à l’expression ? La violence qui préside à l’écriture ne masque-t-elle pas le malaise de la romancière à dire une réalité qui la torture et qui déchire son pays natal ?

Assia Djebar tient à se situer, en tant qu’écrivaine identiquement acculturée en français et mue par la même recherche d’identité à la fois individuelle et collective, dans un horizon politiquement déchiré par les luttes sanglantes, mais c’est une parole de femme qu’elle fait entendre. À travers la parole singulière, s’entendent les voix collectives de ces femmes à la fois cloîtrées et fugitives dont A. Djebar se veut le porte-parole : J’écris contre la mort, contre l’oubli…dans

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l’espoir de laisser une trace, j’écris pour encercler les jours cernés…ces missives en langue française tentent de circoncire l’enfermement1.

Cette pratique fragmentale permet à l’auteur d’exprimer son propre dépassement face à un présent marqué par l’horreur et le désordre qui touchent l’Algérie. Ce désordre qui est aussi textuel, est le résultat d’une subversion et d’une violence sociales que subit son pays et qui influe sur l’écriture. L’histoire vole alors en éclats (fragments) d’où l’idée de la discontinuité et de l’incohérence.

En effet, le retour de l’auteur à l’écriture n’a été rendu possible que par son acquiescement à l’incohérence et au compromis. Le mode d’existence de l’écriture est devenu pour elle comme par nécessité une activité de démolition. Une écriture qui coule soudain et par moment explose. Mais cet éclatement ou cette explosion ne pourraient arriver que par rapport à ce qui l’a généré. C’est une prise de parole combattante, au nom d’une réalité tragique que vit la société algérienne, comme elle le précise dans « Ces voix qui m’assiègent »: J’écris à force de me taire…j’écris contre la mort, contre l’oubli ; j’écris pour encercler les jours cernés.2

Nous allons tenter dans cette étude de voir les conditions qui ont fait naître cette structure éclatée et cette non-linéarité du récit. On va lire aussi dans cette écriture de la violence, la polyphonie textuelle, les perturbations des règles du genre et les causes de ce désordre scriptural.

Oran, langue morte s’offre ainsi, récits de blessures témoignant qu’il y a impossibilité d’éviter les conflits et l’indifférence. L’écriture, dans ces nouvelles, est la métaphore de la dispersion d’un peuple et du désordre qui marquent la vision du monde actuel.

1

- Jeanne-Marie Clerc, A. Djebar, Ecrire, transgresser, résister, Paris, L’Harmattan, 1997, p.

26.2

Assia Djebar, Ces voix qui m’assiègent, Paris, Albin Michel, 1999, p. 62.

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En ce sens, la dispersion narrative inscrit les différences et le processus conflictuel de l’être. Le génie de la narratrice dans cette œuvre opère des bouleversements dans le sol de la langue de l’Autre, l’implante sur des racines étrangères, organise des phrases sans fin, des traces de poésie, des courants différentiels dans le discours, tente de séparer la langue de la langue : le français, l’arabe et le berbère.

Dans cette perspective, nous citerons J.F. Lyotard qui, au nom du Différend assigne comme tâche à l’écriture : « Le différend est l’état instable et l’instant du langage où quelque chose qui doit pouvoir être mis en phrases ne peut pas l’être encore […] c’est l’enjeu d’une littérature : témoigner des différends en leur trouvant des idiomes»1.

Pour Assia Djebar, que ce soit le français, l’arabe dialectal ou coranique, ou le berbère, l’enjeu est de faire éclater l’écriture pour pouvoir broder son art. Elle tresse dans cette œuvre plusieurs langues, plusieurs voix et plusieurs littératures écrites ou orales, tout en mêlant à la fois les cartes, les mots et la mémoire.

En effet, les récits dans cette œuvre ne se limitent pas du tout à la période en principe concernée, les intervalles entre les temps racontés et le temps de l’écriture sont modifiés par l’évocation d’épisodes intermédiaires ou antérieurs. Les plans du récit sont constamment bouleversés au point qu’il est possible de voir dans la fracture la loi d’organisation du texte. Nous pourrons lire dans certains passages comment se produit l’enchâssement d’un fragment dans l’écriture et comment il est travaillé par le contexte : les anachronies narratives utilisées dans la première nouvelle nous montrent comment la narratrice raconte les drames que traverse le pays, et au milieu de cette instance narrative, elle suspend le récit pour retourner au passé

1 Jean-François Lyotard, Le Différend., Paris, Les Editions de Minuit, 1983, p. 98.

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en évoquant le drame de ses parents morts en 1962, en disant que « La mort revient par cercle » :

Les attentats, ils se passent aussi dans ta ville, la mort revient par cercle, elle revient en danseuse hagarde, et je me suis souvenue, moi qui parle si rarement de ma ville. Moi, des années durant, je tremblais, je hoquetais chaque 02 février. Le reste du mois, je traversais les journées en muette. J’ai imaginé les deux tombes où ils furent (mes parents) couchés la même nuit du 02 février. (Oran, langue morte. pp. 13-14).

Le passage est un rappel d’un morceau du passé que la narratrice évoque en essayant d’illuminer des zones assombries d’un passé amer.

Le 02 février de chaque année, elle se rappelle la mort tragique de ses parents.

Ces souvenirs sont des fragments d’un passé enfoui dans la mémoire. Ils sont essentiellement fragmentaires parce que, non seulement, l’histoire se présente en alignement de morceaux ou en ligne brisée, mais surtout ces fragments sont les éclats d’un passé sans l’ombre d’une totalité constituante. Et si le récit erre, se cherche et se brise sans arrêt, il se rejoint également par le biais de la mémoire qui a le pouvoir de juxtaposer et de rassembler les faits les plus éloignés.

Tous ces procédés (anachronies narratives, juxtapositions d’espaces et d’époques) brouillent l’image du texte pour la rendre ambiguë et polysémique. On perçoit nettement dans cette œuvre que les codes s’entremêlent et le lecteur perd rapidement ses points de repère habituels : temps, espaces, personnages, voix narratives, lieu d’énonciation : Cette stratégie du brouillage est renforcée par le

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travail intertextuel qui mélange les tons, les registres, les styles, les codes oraux et écrits1.

C’est alors que s’approfondit la spécificité d’une réflexion sur le métissage de l’écriture que le texte littéraire acheminera vers un dépouillage existentiel. Ce qui caractérise l’aventure poétique dans ce recueil, c’est cette polyphonie textuelle qui opère une inversion transgressive de l’écriture. Elle adopte le procédé de l’enchâssement et de la variation de perspectives. De manière générale, les affinités de l’écriture dans ces nouvelles se situent essentiellement dans le crédit accordé à l’éclatement de la pensée et ses incidences sur la déconstruction scripturaire. Les investissements inaugurés par l’écriture fragmentée sont plus particulièrement célébrés par la quête de l’ambiguïté discursive, notamment à travers une multitude de récits qui poussent au pluriel des narrateurs et à la confusion des voix qui sèment le désordre et se confinent dans la dérobade discursive.

L’ambiguïté est redoublée par la simulation/dissimulation agrémentée d’un surcroît d’investissements symboliques : éclatement, morcellement, brouillage.

La présence de ce procédé immobilise d’une part le récit initial pendant des pages, et de l’autre, il communique au lecteur une série de faits ordonnés sous la forme d’un récit fragmentaire. Nous citons en exemple le narrateur Armand/Karim (dans la dernière nouvelle : Le corps de Félicie). Ce dernier suspend le récit sur les troubles actuels et les événements sanglants en Algérie, plus précisément à Oran, pour retourner au passé et relater, en fragments, les mêmes faits. En plus des anachronies narratives, nous trouvons aussi la juxtaposition d’espaces et d’époques. Armand/Karim vit actuellement

1 Nora Kazi Tani., Le Roman africain de langue française au carrefour de l’écrit et de l’oral, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 200.

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à Paris, et à partir de cet espace il fait un retour en arrière pour nous raconter son enfance pendant la guerre d’Algérie, en évoquant des événements tragiques qui ont eu lieu dans sa ville natale, Oran. Assis au chevet de sa mère (qui est dans le coma dans un hôpital à Paris) Armand / Karim lui parle dans le silence de la chambre : Je te parle dans ces soirées mouillées de Paris, et je te demande cette nuit, si tu étais retournée là-bas, dans Oran de la guerre d’hier […] chez-nous, les événements à nouveau, Hier, souviens-toi de l’époque…. le commando Delta de l’O.A.S… Combien de Commando ont réapparu maintenant à Oran, un de ces groupes extrémistes, tous arabes… (Oran, langue morte. pp. 243-250).

Le fragment temporel est considéré ici comme un instrument de reconquête du passé et dès lors ce passé ne peut être appréhendé qu’en rupture avec la continuité. Ainsi, dans ce passage, les événements actuels sont séparés des événements de la mémoire par un blanc qui marque la discontinuité.

Dans ce genre d’écriture, le récit est chaotisé et donne lieu à des micro-récits qui font appel à la mémoire en provoquant des anachronies qui troublent le récit d’un itinéraire social avec ses tensions et ses conflits, à travers l’histoire du pays et son espace socio- politique. Cet appel à la mémoire provoque l’éclatement du récit unitaire.

D’autre part, cet éclatement pluriel du récit et la mise en scène de l’hétérogène dans le discours manifeste le conflit qui se tient au cœur même du texte, il permet de déjouer les structures normatives et d’introduire dans le texte écrit, l’oralité, comme nous le constatons dans l’écriture djebarienne : il n’existe pas de récit à l’état pur. La fragmentation offre ici le plaisir de la reconstruction. Comme l’histoire d’une unité qui a fait place à l’éclatement, puis cet

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éclatement produisant des fragments, s’est ordonné en un rassemblement. Le rassemblement, c’est l’unité repensée, c’est à dire recréée par la fragmentation. Ce processus de création par fragments nourrit chez l’écrivain une réflexion sur la figuration démultipliée et sur l’effet produit par l’éclatement. Paradoxe d’une construction qui tire sa force de sa faiblesse même, de son caractère discontinu, car c’est la brisure et la fragmentation qui assurent l’harmonie de l’œuvre.

Ainsi, parmi les genres qui relèvent de l’oralité et qui figurent aussi dans le texte : le conte qui, dans son origine est un récit oral. Mais les outils esthétiques du conte ne peuvent pas justifier le caractère hybride du récit que l’auteur adopte dans son écriture. À travers la mosaïque de tons et de discours, à travers les chocs produits par leurs rencontres, et à travers la fragmentation incessante de l’axe syntagmatique, on reconnaît une des techniques d’écriture des textes de la modernité. Dans ce recueil, il s’agit d’un conte intitulé : « La femme coupée en morceaux ». Dans ce texte, l’auteur assure la relève de la voix. Et dans une symphonie vocale, elle laisse fuser des voix mythiques et des voix du présent qui, chacune à son tour se fait entendre et camoufle la source principale de la narration. Elle mêle la voix d’Atyka, personnage principal dans ce récit avec celle de Schéhérazade. La structure de ce texte nous rappelle celle des Mille et une Nuits, œuvre à laquelle Assia Djebar ne cesse de se référer. Ces multiples références correspondent aux articulations qui relient la trame narrative du récit. En fait, dans ce fragment d’imaginaire, il est question de deux récits analogues mais dont l’espace, le temps et les personnages sont différents. La première histoire est un conte extrait des Mille et une Nuits, dont le titre initial est « La malle sanglante »1.

1 René Khawam, « La malle sanglante », in Les Mille et une Nuits, Paris, Albin Michel, 1965. p. 229.

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En effet, le récit djebarien met en place une architecture énonciative qui témoigne d’un usage subversif. Soulignons cependant que loin d’être une énonciation fondée sur un seul discours, cette architecture énonciative fonctionne comme une dialectique basée sur le dialogisme et la polyphonie, capables de faire dialoguer les différents discours qui se rencontrent à l’intérieur d’un texte.

Sur le plan discursif, cette mise en relation des discours est obtenue par le recours aux figures appartenant aux récits mythiques et légendaires (Les Mille et une Nuits), ainsi qu’à d’autres formes de parole libre que l’énonciateur inscrit dans le récit à travers l’intertextualité. Or cette présence dans le récit principal d’autres textes, d’autres genres, d’autres voix, en somme cette forme d’hétérogénéité relève de l’intertextualité.

Comme nous le savons, celle-ci désigne la manière dont un discours peut introduire un autre tout en le mentionnant et en le réalisant. Dans le présent travail, elle nous intéresse dans la mesure où elle intervient dans le processus de signification à travers la fragmentation du texte. L’intertextualité qui est présente dans notre corpus sera donc envisagée dans cette subdivision en lien avec la forme fragmentée du texte.

Dans un premier temps, c’est par le refus du « silence ancestral » et la revendication d’une parole propre que cette recherche d’une voix des femmes est transmise aux lecteurs. Cette voix qui émerge de « la nuit algérienne » se caractérise par cette oralité. Et par un jeu intertextuel, la voix des femmes algériennes se mêle à celle, mythique et littéraire, de Schéhérazade. La voix de la conteuse des Mille et une Nuits se confond avec celle d’Atyka, professeur de français, dans « La femme coupée en morceaux ».

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Dans un second temps, cette voix féminine se nourrit de sa propre découverte et exprime les expériences multiples des Algériennes.

Ainsi, l’auteur donne une nouvelle audibilité à ces voix, par le biais de l’écriture épistolaire. Enfin, c’est par la multiplication des langues narratives que les voix féminines deviennent médiatrices et rendent compte des femmes dans l’histoire de leur pays. De plus, la multiplicité des formes textuelles du recueil (nouvelles, contes, récits) fait écho à la multiplicité des voix des personnages, qui sont toutes des femmes.

La conteuse première est bien sûr Schéhérazade dans Les Mille et une Nuits. Mais dans la nouvelle « La femme coupée en morceaux », c’est Atyka qui est la seconde narratrice de l’histoire. À Alger, cette jeune enseignante (Atyka) raconte à ses élèves fragment après fragment le récit de « La femme coupée en morceaux ». Cependant derrière la voix d’Atyka, il y a une autre voix narrative dans le texte et c’est elle qui termine le récit en disant : Schéhérazade, la Sultane des aubes, la conteuse mythique, elle déroule des cercles concentriques dévidés à travers temps et générations et dans un espace chatoyant.

(Oran, langue morte. p. 201).

Atyka, la nouvelle conteuse se demandait si elle finirait le lendemain, le récit imaginé par Djafar le Vizir, elle, qui est à la fois là-bas à Bagdad où s’agitaient le Vizir et son maître Haroun El Rachid, mais aussi dans ce présent tumultueux de sa ville d’Alger. À travers ce conte, l’auteur se donne les moyens de remodeler, de façonner les récits : celui de « La femme coupée en morceaux » à Bagdad dans le passé et celui d’Atyka qui vit à Alger et qui a subi le même sort que cette femme, dans le présent.

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Toujours dans le cadre du bri-collage,1 l’auteur réussit à tisser une fine dentelle de sens et de sensualité dans les discours établis. En fait, dans ce type d’écriture, l’écrivain moderne (Assia Djebar) renoue avec la tradition arabe : avec l’art du conte, certes à l’enseigne de Schéhérazade, mais plus encore avec l’art vocal (oralité), avec les pouvoirs de la voix qui s’exerce dans l’espace du dire.

Toutes ces formes donnent naissance à des fils narratifs se rattachant de manière fragmentaire au récit principal. Mais l’espace de ce récit est, dans l’organisation narrative, un motif prétexte servant la tentative de reconstruction historique. Ainsi par de surprenants raccourcis, nous lisons dans ce recueil l’histoire du personnage qui se trouve confondue avec l’histoire de la communauté et par- delà avec celle du pays.

La fragmentation et l’intertextualité apparaissent ici comme autant de moyens qui orchestrent et mettent en scène la symphonie des voix.

Des formes de dialogisme et de polyphonie s’installent ainsi dans le discours, au niveau de l’énoncé, mais aussi au niveau de l’énonciation brisant le monologisme de la voix unique. Et c’est là que la fragmentation, avec ses deux modes de manifestation, de la discontinuité et du collage, acquiert de l’importance. Tout d’abord elle s’oppose à la forme lisse et plate ; ensuite elle introduit de la complexité et brouille le message ; enfin, elle a pour visée d’incorporer et de faire participer le lecteur au processus de la construction de la signification.

1 Le bri-collage, selon Antoine Compagnon est une façon d’envisager l’intertextualité comme collage en prenant l’exemple de Joyce et de Proust. Cité par Samoyault Tiphaine in

« L’intertextualité, Mémoire de la littérature », Paris, Nathan, 2001. pp. 24-25.

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La représentation fragmentée de ces discours prévoit pour le lecteur un travail de construction et de mise en évidence des réseaux de sens ainsi constitués. Il faut souligner que dans ce cas la position du lecteur n’est pas celle d’un témoin qui assiste passif à une histoire qu’un narrateur lui raconte. Au contraire, il s’agit d’une position active, qui évalue, assume, rejette certains discours au profit de certains autres, car la fragmentation impose une place au lecteur, lequel n’est pas simplement un narrataire à qui un narrateur raconte une histoire. Des compétences autres que narratives lui sont nécessaires afin de construire la cohérence des récits fragmentés, car la polyphonie que ces derniers mettent en place consigne au lecteur des stratégies énonciatives différentes.

En lisant les nouvelles d’Oran, langue morte, on est sensible aux perturbations des règles du genre. L’œuvre concentre un ensemble de genres, de tons et de discours, le comique est effacé par un ton tragique, l’oral et le scriptural se confondent. Cette liberté sur le plan des moyens d’expression montre que le premier moule formel choisi par l’auteur est celui de la satire ménippée qui lui sert dans son entreprise de dévoilement des mécanismes sclérosés de la société passant selon une syntaxe du dis-continu d’un niveau à l’autre, de la prose à la poésie, du réel à l’imaginaire. L’ambigu n’est-il pas le mélange des genres ? Le mouvement de leur rencontre est la tension qui en résulte dans une perpétuelle déstabilisation des frontières du dire figé. Encore une fois, l’intertextualité sera plus féconde dans le jeu des textes avec des discours non littéraires. Comme auteur acculturée, Assia Djebar sait transformer le jeu carnavalesque avec des références fondatrices en cette ambiguïté signifiante dans 1laquelle réside une des caractéristiques de son écriture : On parle d’éclatement

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quand il s’agit d’une littérature hantée non seulement par l’imaginaire mais aussi par celui des autres écritures écrites et orales.1

Djebar se sert de l’héritage oral pour alimenter son écriture. Nous remarquons cette dualité dans ses productions littéraires, notamment dans ce recueil, une écriture utilisant le français comme langue d’usage qui se ressource dans la tradition orale comme elle le souligne : Mon écriture de langue française. Je tente d’ancrer cette langue dans l’oralité des femmes traditionnelles. Je l’enracine ici.2

En intégrant l’oral dans le texte écrit, l’auteur crée, de cette manière une forme de superposition des deux codes : le dialectal et le classique. La greffe orale apparaît ici au même titre que l’écrit. Djebar revalorise la tradition orale et lui attribue une forme équivalente de l’écrit. Elle permet ainsi de rappeler qu’on travaille, qu’on est travaillé par l’interlangue. Car, introduire des mots du dialecte est une manière de perturber le rythme de la phrase classique. L’exemple est plus apparent dans la première nouvelle du recueil où l’orpheline d’Oran dit : « Ma tante que j’ai toujours appelée Mma, ma mère en arabe oranais … Alors qu’elle me relatait si longtemps après, cette nuit funèbre, Khalti m’a remis deux plaques maculées de sang (…) Chère Olivia, je devrais un jour t’apprendre l’arabe, ou tout au moins mon dialecte qui se rapproche du parler marocain de Fès et de Tétouan… En arabe , vois-tu, la tante maternelle se dit Khalti et ce - kha - qui se prononce en chuintement du fond du palais est en opposition radicale avec – amti -, la tante paternelle qui, elle, a droit comme première consonne, à un « ayn » qui est émis avec rudesse, de l’arrière-fond du palais. » (Oran, langue morte, pp. 25-35).

1 Tiphaine Samoyault, L’intertextualité. Paris, Nathan, 2001. p. 10.

2 Pierre Laurette, Poétiques et Imaginaires, Paris, L’Harmattan, 1995. p. 11.

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Toujours dans la trame du brouillage, la narratrice dans la deuxième nouvelle « La fièvre dans les yeux d’enfant », passe d’un mode d’expression à un autre mode, en glissant l’écriture parfois vers une sorte de journal intime qui dévoile les secrets de l’âme de la narratrice Isma et donne à l’instance narrative une multiplicité liée à chaque moment d’énonciation en transformant souvent la narration en discours et même en monologue intérieur. Isma relate son aventure amoureuse avec le musicologue Somalien dans son cahier personnel avec l’idée d’établir un dialogue avec son amie Nawal qui est déjà morte il y a six mois. Et dans ce monologue, elle entraîne avec sa voix, d’autres voix ensevelies, et le chant démarre amer, révolté, incontrôlable.

Dans cette nouvelle, Isma (la narratrice) évoque la mort tragique de son amie Nawal : Il y a six mois, son corps a été déchiqueté par une bombe, on l’a ramassé en multiples morceaux… Je me suis réveillée hantée par ce corps fracassé…Nawal explosée, disloquée… (Oran, langue morte. p. 75).

Il s’agit désormais pour la narratrice d’accepter le présent avec des mots enracinés dans le vide. Des mots qui sont aptes à laisser parler le silence et couturer la rupture. La narratrice tente de surmonter la déchirure et de chercher non plus des mots pour le dire, mais plus profondément, plus difficilement, plus douloureusement, chercher un dedans de la parole pour pouvoir se dire, d’où l’idée fondamentale chez Assia Djebar que : La vérité de l’être ne s’exprime que dans les fractures, les paroles brisées, les pertes de la voix, les cris sans voix1.

1 Mireille Calle Gruber, Résistances de l’écriture ou l’ombilic de l’œuvre, Presses Universitaires de Montpellier, 1993. p. 287.

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1. Ce corps disloqué (le corps de Nawal/corps-écriture) ne trouve son lieu que dans l’éclatement. Cette dislocation manifeste une évolution apparente, les éléments du récit se désintègrent, l’espace signifiant est démantelé, l’écriture évolue selon un processus de discontinuité comme en témoigne Barthes :

2. Aujourd’hui, écrire n’est pas raconter, c’est dire que l’on raconte et rapporter tout le référent, ce qu’on dit à cet acte de locution ; c’est pourquoi une partie de la littérature n’est plus descriptive mais transitive, s’efforçant d’accomplir dans la parole un présent si pur que tout le discours s’identifie à l’acte qui le délivre1.

3. Cette dislocation au niveau de l’écriture est le lieu et l’enjeu d’un conflit social et historique. En choisissant un thème social, l’auteur doit s’adapter aux nouvelles exigences de l’époque. Le contact entre l’écrivain moderne et le mot n’est plus un acte pacifique, mais plutôt un acte agressif. Et si l’œuvre d’Oran, langue morte a été livrée dans le désordre comme ce « corps disloqué », c’est pour faire surgir les fragments qui émanent de cet éclatement du corps et qui correspondent profondément à la structure même de la pensée de la narratrice. Cette fragmentation, ce chaos apparent dans le texte d’Assia Djebar sont peut-être la résultante de ses conditions allant de pair avec une tourmente certaine qui est ancrée dans le quotidien, dans l’espace culturel et existentiel de l’auteur ou de la narratrice.

Cette fragmentation est prise comme un commencement d’une histoire subjective, celle d’une blessure qui se situe entre sujet et objet.

Elle est formulée en termes de faille, de silence, d’absence ou de manque comme dit Borges : Tout texte fragmenté est hanté par le

1 Roland Barthes, Analyse structurale du récit ou l’aventure sémiologique, Paris, Seuil, 1985, p. 104.

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rêve de lire des textes inextricables où les mots se confondent, où tout devient un labyrinthe de lettres1.

Ces ruptures continuelles qui figurent dans cette œuvre, correspondent à des pistes qui se perdent, à des questions qui se parcourent et ne se répondent pas :

La nouvelle de mort qui giclait en éclair … sa violence invraisemblable, disait Isma (dans « La fièvre dans les yeux d’enfant »), pourquoi l’évoquer et pourquoi prendre la plume ? Désespoir de survivre, dégoût de parler ou de dire ? … mais d’écrire ? (Oran, langue morte. p. 71). Pourtant la narratrice veut écrire pour revivre, écrire pour Nawal, (morte explosée), pour elle et pour les autres. Ecrire pour revivre sa fièvre dans une ville gelée : […] oui j’écris et cette trace d’histoire, au moins restera dans ce cahier qui traînera… dix ans après, c’est sûr je ne serai plus là, en fuite, en exil ou finalement abattue, dissipée tel un rêve. Ces quelques pages réapparaîtront… mes dernières lignes, mon récit (…) aide-moi Nawal à rendre compte de ces jours bousculés (Oran, Langue morte. pp. 78- 106).

En rapportant la mort tragique de Nawal, l’auteur pense à ce peuple opprimé, mais hélas, même dans ce mot, elle voit le sang gicler, alors que la terre natale s’éloigne et qu’elle se fond dans les méandres des langues tressées, celle qui se dit et ne s’écrit pas, celle qui se parle et fuit la verve des discours, celle qui élargit le silence et creuse sa révolte puis la panse :

Cette écriture qui sort et surgit, puis coule et par moment explose tel un rythme, telle une scansion, un mouvement intérieur, un martèlement sans mots, ou en deçà de la langue, ou plutôt en amont

1 Cité par Naget Khadda, La modernité textuelle chez Kateb Yacine, ouvrage publié à l’ILE d’Alger 1989, p. 15.

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obscur de la langue, comme une nécessité d’inscription qui, en tâtonnant, s’affirme1.

Le lecteur se trouve lui-même tellement impliqué dans la gestation narrative que la fiction fond dans le réel. Le texte d’Oran, langue morte est hétérogène, divers, composite. Rien n’est jamais dit ou raconté de manière neutre. Le récit peut introduire en son sein divers types de fragments, comme nous l’avons déjà démontré plus haut.

Dans son récit, la narratrice déplace le centre d’intérêt en le transformant en d’autres récits. Ce procédé d’écriture s’apparente à une syllepse thématique ou ce que Georges May appelle un récit intercalaire qui interrompt le récit principal et marque une pause pendant laquelle il continue un autre récit. Pour Georges May, ce genre de récit « rappelle opportunément les tiroirs du roman picaresque »2.

La présence de ce procédé immobilise d’une part le récit initial pendant des pages, et de l’autre, communique au lecteur une série de faits ordonnés sous la forme d’un récit fragmentaire.

L’orientation du discours parmi les énoncés et les langages utilisés, comme aussi tous les phénomènes et toutes les possibilités qui sont relatés, prennent dans le style du texte une signification littéraire. La plurivocité et le fragment textuels entrent dans le texte et s’y organisent en un système littéraire et harmonieux.

Ainsi, les parties se joignent les unes aux autres afin de produire une unité organique. Le seul effort totalisant passe par la possibilité offerte au lecteur de reconstituer une réalité plurielle et disloquée.

L’essentiel est que ces parties restent morcelées, fragmentées, sans que rien ne leur manque, parties éternellement partielles pour faire valoir

1 Assia Djebar, Ces voix qui m’assiègent, Paris, Albin Michel, 1999. p. 25.

2 Georges May, L’Autobiographie, PUF, 1979. p. 89.

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un droit à l’inachèvement, aux coutures et aux rapiéçages. Ce n’est pas le style qui garantit l’unité d’une œuvre en fragments.

Mais le problème est de savoir sur quoi repose cette structure formelle, et comment elle donne aux fragments et au style une unité qu’ils n’auraient pas sans elle.

La nouvelle convention linguistique, la structure formelle de l’œuvre, est donc cette ligne invisible qui traverse toute la phrase, qui va d’une phrase à une autre, d’un chapitre à un autre dans tout le texte et qui même unit le livre. Chaque fragment est à part, et tous communiquent transversalement. Et c’est bien cette voix invisible, présente et absente à la fois ou omnisciente qui est la dimension du narrateur et qui a la puissance d’être le tout de ces fragments sans les totaliser, l’unité de tous ces fragments sans les unifier.1

Pour conclure, attirons l’attention sur le fait que ces collages sont composés de fragments d’autres textes. Ces fragments ne sont ni introduits, ni démarqués typographiquement. Nous avons donc affaire à un enchaînement d’énoncés hétérogènes. Ces morceaux de collage se démarquent de leur contexte par leur construction formelle. Ce qui les caractérise, c’est l’indétermination du statut énonciatif de nombreux énoncés à cause de leur caractère polyphonique : les voix narratives et les récits sont mêlés, indissociables et non identifiables.

Au terme de cette analyse, il s’avère que les manifestations du désordre de l’écriture, les failles qui ont mené le récit à sa perte : subversion de la chronologie, hétérogénéité, incohérence, discontinuité…sont autant de symptômes du trouble qui affecte le mécanisme de l’écriture initiale. Nous avons évoqué aussi les raisons de ce désordre. En réalité, ce dérèglement micro-structurel répond à

1 Umberto Eco, L’œuvre ouverte, Paris, Seuil, 1965, p. 130.

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un autre désordre macro-structurel qui se rapporte à la situation instable du pays et à la vie même de l’auteur. Cette écriture se transforme en traces éparses, évoquées par bribes ou par fragments, cherchant une voie/voix pour recoudre les fissures.

BIBLIOGRAPHIE

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CALLE GRUBER Mireille, Résistances de l’écriture ou l’ombilic de l’œuvre, Presses Universitaires de Montpellier, 1993.

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DJEBAR Assia, Oran, langue morte, Paris, Actes Sud, 1997.

DJEBAR Assia, Ces voix qui m’assiègent, Paris, Albin Michel, 1999.

ECO Umberto. L’Œuvre ouverte, Paris, Seuil. 1965.

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Références

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