FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DEBORDEAUX
ANNÉE 1900-1901 !»• 47
DES
CHRONIQUES
(Travail de la Clinique ophtalmologique de Bordeaux)
oeCXXQo»
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentéeet soutenue publiquement le 1er Mars 1901
PAR
Pierre-Auguste-Eugène-Armand GUÉRIN
Néà Cognac (Charente), le 10Octobre 1874
MM. BADAL professeur.... Président.
MASSE professe LAGRANGE agrégé.
VILLAR agrégé.
Examinateurs dela Thèse : MASSE professeur...
,J
J LAGRANGE agrégé )Juges.Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE -DIJKAUX — 91 1 901
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS,doyen — M. PITRES, doyen honoraire,
riîoiiissmiis
MM. MICÉ )
DUPtiY > Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
)
Clinique interne Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi-
MM.
\ PICOT.
••••/ PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
que
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
MM.
MORACHE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DK NABIAS FERRÉ.
BADAL.
Médecinelégale Physique Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicalesdes en¬
fants
Clinique gynécologique Clinique médicale des maladiesdesenfants Chimie biologique...
14X BiKC ICK :
ie interne etMédecine légale.) MM. LE DANTEC. '
HOBBS.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGr.S.
Anatomie CANN1EU
Anatomie générale et
hislologie VIAIJLT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
AGIlÉtl É8 10N SECTION DEMÉDECINE (Patholog
MM. CASSAET.
AUCHi^.
SABRAZÈS.
j
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
(MM.
DENUCÉ.
|\ VILLAR I , tMM. CHAMBRELENT
Pathologie
externej
BRAQUEHAYE IAccoucllcrncnts•)
F1EUX(
CHAYANNAZ. |SECTION DESSCIENCES ANATOMIQDES ET PHYSIOLOGIQUES
JMM. PRINCETEAU
| Physiologie MM. PAGHON.' N. | Histoire naturelle BE1LLE.
SECTIONDES SCIENCESPHYSIQUES
Physique MM. S1GALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
COliltS <U O 11I* Bi801110 !%' T A I 11 10 S :
Clinique des maladiescutanéesetsyphilitiques MM. DUBREUILH.
Anatomie.
Clinique des maladies desvoies urinaires.
Maladies du larynx,desoreilles et dunez
Maladies mentales Pathologie interne Pathologie externe Accouchements .Chimie
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologie etMinéralogie Pathologie exotique
Le Secrétaire de la Faculté:
POUSSON.
MOURE.
RciGlS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DU POU Y.
PACHON.
N.
LAGRANGE.
CARLES.
LE DANTEC.
LEM AIRE.
Par délibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émisesdans e Thèsesqui luisontprésentées doiventêtre considérées commepropresà leurs auteurs, qu'elle n'entendleur donner niapprobation ni improbation.
A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE
A LA MÉMOIRE DE MES GRANDS-PARENTS
A MES PARENTS
A MES AMIS
A MONSIEUR LE DOCTEUR LA GRANGE
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX MÉDECIN OCULISTE A L'HOPITAL DES ENFANTS
OFFICIER D'ACADÉMIE
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BAR AL
PROFESSEUR DE CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
AVANT-PROPOS
Nous serions véritablement
bien ingrat si avant d'entrer
dons la noble carrière
médicale
nous neremerciions sincè¬
rement nos maîtres de la
Faculté et des Hôpitaux des ensei¬
gnements et des
conseils qu'ils nous ont prodigués.
Nous avonseule bonheurd'être
pendant
uneannée entière
l'externe deM. le Prof. Badal, et
c'est
sonadmirable ensei¬
gnement qui a
fait naître
ennous l'amour de l'ophtalmo¬
logie, Nous le
remercions respectueusement des aimables
conseils qu'il nous a
toujours donnés.
M. le Prof. Badal a bien voulu
accepter la présidence de
notre thèse. Nousle prions
de recevoir à cette occasion l'ex¬
pression de notre vive et
profonde reconnaissance. Heureux,
sommes-nous,du grand
honneur qu'il nous fait.
C'est à la Clinique
ophtalmologique que nous avons aussi
connuM. leProf, agrégéLagrange.
Il
nousa toujours donné
debonnes leçons, que nous
n'oublierons pas, et montré une
réelle
sympathie dont
noussommes fier à juste titre. Nous
le prions de
vouloir bien recevoir ici le témoignage de notre
trèsgrande reconnaissance.
C'est aux savantescliniques
de M. le Prof. Lanelongue que
nous devons nos modestes
connaissances chirurgicales.
Nous regrettons de
n'avoir jamais été son propre élève, mais
nous nous félicitons d'avoir suivison
service
avecsoin. Nous
n'oublieronsjamais son
admirable enseignement de la chi¬
rurgie.
C'est dans le service de M. le
Prof. Lanelongue
quenous
avons connu M. le Prof, agrégé
Villar dont nous avons été
- 8 —
l'élèvependant quelques mois. Nous remercions cet habile opérateur de la sympathiequ'il nous a toujours témoignée.
Merci à M. le Prof, agrégé Rondot, qui a guidénos premiers pas dans lechemin difficile de la médecine. Mercià cemaître bienveillant dont ledévouementn'a d'égal que la science; la sympathie qu'il inspire à tous les étudiants est la preuve de
sa grande bonté.
Nous tenons à offrir nos profonds remercîments à M. le Dr Henry Goppez (de
Bruxelles),
qui s'est si aimablement mis à notre entièredisposition.
Que notre ami Aubaret, interne de M. le Prof. Badal, reçoive le témoignage de notre grande reconnaissance pour les précieuxconseilsqu'ilnous a donnés pendant l'exécution de ce travail.
Merci, en un mot, à tous nos maîtres; nous les prions de recevoir ici
l'expression
de notre profonde gratitude, car c'estavec dévouement que tous ont cherché à faire éclore en nous les deuxgrandes qualités que tout médecin doitaspirer h posséder: science et bonté.Introduction et
Historique.
L'allure clinique que prennent
habituellement les conjonc¬
tivites pseudo-membraneuses,
dont les variétés augmentent
tous lesjours avec les recherches
bactériologiques, est celle
qui caractérise lesaffections aiguës. Par suite, lorsqu'on
setrouve en présence de fausses
membranes soit de conjonc¬
tivite pseudo-membraneuse grave,
soit de conjonctivite
croupale superficielle,on
s'attend le plus souvent à les voir
évoluer et disparaître dans un
délai relativement court;
cette pseudo-membrane, qui est
l'élément essentiel de l'affec¬
tion,faitrapidement place soit à une
suppuration abondante,
soitaux symptômes terminaux
de la maladie.
Nous avons eu l'occasion de remarquer à la
Clinique de
M. le Prof. Badal, dans le courant
de l'année 1900,
un castout à fait particulier dans
lequel la fausse membrane
aulieu dedisparaître comme
à l'habitude reparaissait malgré
le traitementavec une persistance
et
uneténacité qui nous
ont particulièrement
frappé. L'allure générale de cette affec¬
tion,qui au début avait tous
les caractères d'une conjoncti¬
vitecroupale, s'est peu à peu
modifiée. Elle
a peuà peu
revêtu les caractères d'une inflammation
conjonctivale indé¬
finiment prolongée et
véritablement chronique.
Ce fait singulier nous a
donné l'idée de rechercher s'il
n'existait pas dans la
science des
casanalogues. Les pre¬
miers qui noussoient
tombés
sousles
yeuxsont ceux qui
se trouvent cités parM.
Valude
sousle titre de conjonctivite
pseudo-membraneuse chronique
(Annales d'oculistique,
1894).
Nous avons demandé à M. Henri
Coppez
(deBruxelles),
dont la compétence en matière de
diphtérie
oculaire nepeut être contestée, de vouloir bien nous fournir quelques rensei¬gnements sur la question ; il s'est très aimablement mis à notre disposition en nous adressantson intéressant ouvrage
surles conjonctivites pseudo-membraneuses
(Des Conjonc¬
tivites
pseudo-membraneuses,
Histoire, Formescliniques, Traitement),
ouvrage dans lequel se trouvent réunis tous les documentsquipeuvent servir à l'étude des conjonctivites pseudo-membraneuses en général et de la diphtérie oculaireen particulier. Cetouvrage, qu'il est
indispensable
désormais de consulter pour ceux quis'occupent
de ces questions, ne fait cependant qu'une mention relativement courte des for¬mes
chroniques
de la conjonctivite pseudo-membraneuse.Dans tous les cas, lesquelques observations citées dans cet ouvrage,jointes à celles de M. Valude, n'ont servi qu'à faire
une ébauchede la question.
Nous allons de notre côté essayer, en nous inspirant de
tous les faits que nous avons pu réunir et en y ajoutantle fait recueilli à la
Clinique
de M. le Prof. Badal, nous allons essayer,disons-nous,
de nous rendre compte s'il ne serait pas possible d'assignerà la conjonctivite à fausses membra¬nes
chronique
une place particulière et bien déterminée dans la classification des conjonctivites pseudo-membra¬neuses. Xoustâcherons de faire cette étude aussi
complète
que possible au point de vue clinique,
bactériologique,
en nous basant surtout sur les cas peu nombreux qui se trou¬vent disséminés dans la science. Il nous sera nécessaire de montrer auparavant, dans deux
chapitres
d'introduction, de quelle manière secomportent le plus habituellement les symptômes essentiels des conjonctivites pseudo-membra¬neuses en
général,
et cela dansles formes désormais établies par les travauxbactériologiques contemporains,
à savoir : dans les formes à bacilles de Lôffler, forme diphtéritique proprement dite; dans les formes pseudo-membraneuses à bacilles variés.— 11 —
Dans un
premier chapitre,
nousallons traiter de la con¬
jonctivite pseudo-membraneuse diplitéritique au point de
vue
particulier qui
nous occupe ;nous étudierons de quelle
manière
apparaît la fausse membrane, combien de temps
persistent
les lésions qui l'accompagnent.
Dans le second chapitre, nous
ferons les mêmes recher¬
ches au sujet des
formes de conjonctivite pseudo-membra¬
neuse non
diphtéritique. Nous
verrons,en somme, s'il n'exis¬
terait pas des
conjonctivites pseudo-membraneuses, diphté-
ritiques ounon,
pouvant être cataloguées dans les conjoncti¬
vites
pseudo-membraneuses prolongées. Gela nous permet¬
tra d'aborder le troisième chapitre
relatif à la conjonctivite pseudo-membraneuse chronique proprement dite, que nous
étudierons au point de vue
étiologique, clinique, bactériolo¬
gique et
thérapeutique.
Ainsi nousessaierons de résoudre ces
points importants,
à savoir : la conjonctivite
pseudo-membraneuse chronique
doit-elle être rangée dans
la catégorie des conjonctivites
diphtéritiques
oubien dans celle des conjonctivites pseudo-
membraneuses non
diphtéritiques. Nous essaierons de voir
si le nombre des cas observés et
étudiés
oupoint de vue
bactériologiquesuffit
pour nouspermettre de poser une
telle conclusion,
Quoiqu'il en
soit, il s'agit avant tout d'une nouvelle forme
clinique
à ajouter désormais aux deux formes décrites
depuis de
Grœfe dans les conjonctivites pseudo-membra¬
neuses.
Cette nouvelle forme complétera
la seconde étape de
l'étude de cesconjonctivites.
Sans vouloir en effet refaire l'historique
de cette question,
qui se trouve
reproduit dans tous les mémoires, nous nous
permettrons de
lui assigner trois étapes.
La première ou
période historique est celle des prédéces¬
seurs de de Grœfe, qui
signalèrent des
casde conjonctivite
pseudo-membraneuse.
C'est celle de Béclard, Bouisson,
Chassaignac,
Gibert,Binard.
— 12 —
La seconde ou période
clinique
est celle de de Grœfe etdeses successeurs immédiats. C'est celle de Warlomont et Festelin en Belgique, de Hutchinson en Angleterre, du pro¬
fesseur Quadri, de Naples, et de del Toro en Espagne.
Dans celte période ont été résumées les formes désormais
classiques,
etdepuis
l'on n'a rien ajouté à cesdescriptions,
sauf la forme
chronique
qui se trouvait à peinesignalée
à cetteépoque
et dont nous allons essayer de refaire l'histoire.Enfin, la troisième étape est la période
bactériologique.
C'est celle où l'on essaie
d'entreprendre
des classifications plusscientifiques,
classifications basées sur l'étude des agents pathogènes eux-mêmes. C'est celle des recherchesdeLaboulbène,
de Klebs, de Lôffler, et, plus près de nous, de Sourdille, deValude, deCoppez.A cette dernière période se rattache une transformation importante apportée dans la
thérapeutique
des conjonctivi¬tes
diphtéritiques
parlasérothérapie.
Cette troisièmepériode suit actuellement son cours, et les divers auteurs s'efforcent dedéterminer,
non seulement la variété nombreuse des agents infectieux pouvant donner des pseudo-membranesde laconjonctive,
mais leur virulence et l'action de leur toxine.Un point particulier du débat qui s'élève consiste surtout dans l'identification ou la différenciation des divers bacilles qui constituent la classe des bacilles
diphtéritiques.
Notre étude d'ensemble rassemblera quelques matériaux qui pourront servir et contribuer à la solution des problè¬
mes délicats et difficiles que ce débat vient à peine de sou¬
lever.
Dans tous les cas, il est facile de se rendre compte des progrès accomplis depuis de Grœfe et ses successeurs, puis¬
qu'il est permis dès aujourd'hui d'établir de véritables classifications rationnelles basées sur la
bactériologie
etla connaissance des agentspathogènes.
Dans quelle classe, dans quelle catégorie pourrons-nous faire rentrer les conjonctivites
pseudo-membraneuses
chro¬niques ; c'est ce que nous allons nous efforcer de faire au cours de cette étude.
CHAPITRE PREMIER
De la
Conjonctivite pseudo-membraneuse diphtéritique
Depuis de
Graefe, c'est-à-dire depuis le moment où
adébuté
la période vraiment clinique de cette
affection,
on adivisé
les conjonctivites
pseudo-membraneuses
endeux grandes
formes : l'une interstitielle,
profonde,
grave;l'autre,
super¬ficielle, croupale, habituellement
bénigne.
Connaissait-on à ce moment-là des formes persistantes, soit superficielles, soit
interstitielles?
Non,assurément,
caron faisait rentrernon seulement toute la diphtérie
oculaire
dans ces deux cadres cliniques, mais encore
toutes les
manifestations pseudo-membraneuses de
la conjonctive.
Assurément ce cadre étroit n'a pas
tardé à être
rompu grâce aux travaux bactériologiquesqui l'ont considérable¬
ment élargi. Mais les descriptions
cliniques restaient les
mêmes, invariables. Nous allonsessayerde
les retracer
pour mémoire et afin de mieuxcomprendre combien elles diffè¬
rent des formes dont nous avons l'intention de nous occuper.
On divise lesmanifestationsdiphtéritiques
de la conjonctive
en deuxclassesprincipales :
a) la conjonctivite diphtéritique
pseudo-membraneusesuperficielle; p)
la conjonctivite diphté¬
ritique pseudo-membraneuse
interstitielle.
Ladiphtérie peut
égalementprovoquer une
conjonctivite catarrhale,mais
nousne nousoccuperons que des
formes pseudo-membraneuses.
a)
Forme pseudo-membraneusesuperficielle.
—Nous
allons d'abord décrirela forme
pseudo-membraneuse
super-- 14 —
ficielle ; cette forme présente deux périodes : 1° une période inflammatoire; 2° une période purulente.
La première
période
offre en général au débutles caractè¬res d'une violente ophtalmie catarrhale. Lespaupières sont gonflées, la peau reste saine.
La secondepériode est marquéeparla présence d'une sécré¬
tion muqueuse ou muco-purulenteassezabondante.C'està ce moment qu'au niveau de la conjonctive tarsienne ou de l'un des culs-de-sac apparaît unmince voile fibrineux s'enlevant aisémentavec un tampon de ouate ou unepetite pince.
La durée de la fausse membrane peut être tout à fait tran¬
sitoire, telle est mêmela règle; mais parfois aussi la période
de la formation des membranes peut se prolonger sensi¬
blement et
s'accompagner
d'une exsudation fibrineuse dans le tissu conjonctival même.Cette forme pseudo-membraneuse superficiellene s'accom¬
pagne pas en général de
complications;
le pronostic est bénin, et la guérison s'obtient en quelques joursaprès
ladisparition
des faussesmembranes.p.) Forme pseudo-membraneuse interstitielle. — C'est là la forme décrite surtout par de Grœfe. On peut distinguer quatre périodes à la forme pseudo-membraneuse intersti¬
tielle : 1° période de début ou état vernissé de la conjonctive:
2° période d'infiltration fibrineuse ou stade
diphtéritique;
3° période de suppuration ou stade purulent; 4°
période
de cicatrisation ou stade granulaire.La première ne dure quedeux jours environ.Acemoment on constate seulement une injection de la conjonctive bul¬
baire, une conjonctive palpébrale très rouge ; les paupières
sont légèrement tuméfiées. Il n'y a pendant cette période
aucun produit fibrineux.
Dès le commencement de la seconde période ou période d'infiltration fibrineuse apparaissent les fausses membra¬
nes. Les paupières sont alors très dures, leur
température
est augmentée. La conjonctive présente une énorme épais¬
seur. La conjonctive palpébrale devient rouge jaunâtre ou
— 15 —
rouge
grisâtre. Un fait très curieux à remarquer à cette
période, dit de Grœfe,
«est l'absence de vaisseaux appa¬
rents ». Les fausses
membranes sont très élastiques
;elles
ont unetendanceà se
recoquiller. Déchirées, elles présentent
unesurface de section
très
nette.Elles ressemblent, disait
deGrsefe, « à deux
membranes réunies entre elles ». On ne
peut
arracher
cesfausses membranes, et, en les saisissant
avecdes pinces,
il n'est possible que d'en ramener de très
petits
fragments.
Au bout de
quelques jours les fausses membranes devien¬
nent humides et se
ramollissent
:elles
seraréfient, et le liquidesanieux fait place à
unesuppuration abondante rap¬
pelant
l'ophtalmie blennorragique des nouveau-nés. C'est
là le commencement de la
troisième période
oupériode
purulente,
La
suppuration franchement établie dissout les fausses
membranes qui sont
éliminées
enlambeaux plus ou moins
étendus. La fin de cette
suppuration
marquele début de la
quatrième
période
oupériode de cicatrisation.
La suppuration
tarie, la conjonctive, irrégulière, se tapisse
de nombreuses granulations
semblables aux granula¬
tions.des trachomes,
lesquelles mettent des mois à dispa¬
raître.
Ainsi donc, les
périodes de la forme interstitielle se
succèdentavec un caractère des plus
aigus, et, avant d'exa¬
miner lescomplications
de cette forme, il est bon d'insister
surla formation et la
persistance de
cesfausses membranes.
La fausse membrane
n'apparaît
quelorsque l'exsudat fibri-
neuxest d'une abondance
exagérée; il
seprend
envérita¬
bles couennes, plus ou
moins épaisses, qui recouvrent la
conjonctive bulbaire, la
cornée. Mais entre le simple exsudât
transparent,
véritable voile répandu sur la conjonctive
dénudée de son
épithélium, et la fausse membrane épaissie
constituant unvéritable bloc fibrineux
plastique, il existe
tous les intermédiaires. Quoi
qu'il
ensoit, les observations
de cette forme ne relatentpas que
cet exsudât simple ou ces
— 16 —
fausses membranes, très
épaisses,
aient persisté au delàde la troisième période. Or, si l'on examine la durée des pre¬mières périodes, on voit que cette période dure trois ou
quatre jours environ. Quant à la seconde période, appelée
encore stade
diphtéritique
par Coppez, elle varie habituelle¬mententre troiset huitjours. Généralement l'état purulent
semontre vers lecinquième ou le sixième jour; mais il y a des cas où l'infiltration fibrineuse est très considérableetoù son élimination et le boursouflement de la muqueuse neg"e font que dans le huitième oule dixièmejour.
Quant à la troisième période ou période purulente, qui dure habituellement de huit à dixjours, elle peut à sontour offrirquelques variations.
La suppuration sera plus longue si l'infiltration fibrineuse
a été faible et rapidement éliminée. Si cette infiltration s'est faite au contraire
lentement,
si elle a été abondante, si l'éli¬mination deces produits
plastiques
nes'est faite que diffici¬lement, le tissu conjonctival sera assez altéré pour que la période de suppuration soit peu marquée ; dans les cas
extrêmes lasuppuration n'existe plusou presqueplus, parce que la conjonctive est à peu près détruite ou même en
totalité. La quatrième période ou période de cicatrisation devient alors la période capitale de cette maladie.
Les fausses membranes persistent donc en moyenne pen¬
dant une quinzaine dejours ; mais hâtons-nous de dire que pendant la troisième période une récidive de la seconde peut se faire et une nouvelle exsudation fibrineuse peut
ramener l'affection à la deuxième période (de
Wecker).
Ainsi, comme on le voit, la seule modification pouvant donner un caractère de persistance et de ténacité à la mala¬
die consiste dans une sorte de nouvelle poussée pseudo¬
membraneuse,
survenantlorsque
la seconde période a fait place à la période de suppuration.Dansces cas, ily a récidive et
prolongation
de la forma¬tion
pseudo-membraneuse.
La guérison complète de la forme pseudo-membraneuse
- 11 -
interstitielle est trèsrare, et, le plus souvent,
il existe des
complicationsgénérales et locales.
Les complications
locales
semontrent
engénéral dès la
secondepériode;
elles existent surtout du côté de la cornée.
Les symptômes deces
affections cornéennes sont
asseznets;
la cornée devient terne; l'iris se laisse moins distinguer, et
bientôt la cornée se
sphacèle. Cette nécrose
neserait
pasdue
à un cliémosis énormequi existe le
plus souvent et qui bride
la cornée; elle ne serait pas une nécrose par
ischémie, c'est-
à-dire une nécrose relevant de la gêne
apportée à la nutri¬
tion de la cornée par les
troubles circulatoires, résultant
eux-mêmes de lacompression des
vaisseaux
parl'infiltration
interstitielle de la conjonctiveet du
tissu conjonctival; elle
ne serait pas non plus,
ainsi
quele prétend Sourdille, le
résultat d'infections secondaires dues le plus souvent au streptocoque;
l'altération cornéenne serait due à la toxine
diphtéritique. Cette toxine
diphtéritique peut même
amenerla destruction complète de la
cornée. Cette destruction de la
cornéeestquelquefois
très rapide
;si elle
seproduit dans les
vingt-quatre heures,
l'œil
estinévitablement perdu; il
ya
unevéritable fonte purulente de
l'œil.
Les accidents de la cornéen'apparaissent
d'autres fois
que dans lecours de la troisième oude laquatrième période. A
la troisième période, la
cornée
estexposée
auxmêmes dan¬
gers que dansl'ophtalmie des
nouveau-nés.
Lescomplications dela
dernière période consistent
enbri¬
des cicatricielles seformant entre les conjonctives
bulbaire
et palpébrale. Il peut y avoir
atrophie des culs-de-sac ou bien
xérosis, cequi amène un
dessèchement et
uneopacité totale
de la cornée transparente.
Les anciensauteurs assignaient aux
climats,
auxsaisons,
à la température, une influencesurla
production des formes
croupale ou interstitielle. Depuis les
importantes découver¬
tes
bactériologiques,
et surtoutdepuis l'application de la bactériologie
à l'ophtalmologie,les idées ont complètement changé.
La première opinionémise
parles auteurs fut d'at-
G.
— 18 —
tribuerà tel ou tel microbe telle ou telle forme superficielle
ou interstitielle; mais, aujourd'hui, tous les auteurs sont d'accord pour
dire
quele bacille de Klebs-Lôffier produit les
deux formes
superficielle
etinterstitielle. Cest là, du
reste,une preuve, sinon
de l'identité complète des deux formes,
du moins unepreuve que ces
deux formes
peuventêtre réu¬
nies entre elles par toute une série
d'intermédiaires.
Unenouvelle preuve
de
cetteidentité
est quela forme croupale
peutpasserà
la formeinterstitielle
au coursde l'affection.
La seule question encore pendante est celle de S'avoir pourquoi cebacille produit tantôt uneforme, tantôt l'autre.
Certains auteurs ont attaché une importance au
nombre
plus ou moins considérable de bacilles; d'autres, comme Martin, ont voulu expliquer l'apparition d'une formeplutôt
qued'une autre parles caractèresmorphologiques du
bacille
de Lôffler; ils ont distingué les bacilles longs, courts et
moyens. Chaque forme de bacille avait une virulence plus
ou moins grande. On a encore invoqué les associations mi¬
crobiennes; elles jouent peut-êtreun rôle, mais non un rôle exclusif, comme l'a voulu Sourdille.
Malgré toutesces recherches, on peut dire que ni les
cir¬
constances
extérieures,
ni les propriétés du microbe lui-même isolé ou associé, ni les qualités du terrain, ni les affections préexistantes ne nous expliquent
pourquoi le
bacille de Lôffler produit tantôt la forme superficielle,
tantôt
la forme interstitielle de conjonctivite pseudo-membraneuse diplitéritique.
A cela il nous est permis d'ajouter, dès maintenant, que les recherches
bactériologiques
les plus récentes nepeuvent
expliquerégalement de quelle manière lebacille de Klebs- Lôffler peut persister d'unefaçon
tenace au niveau de la conjonctive. On saitqu'il peut exister avec une virulence même exagérée sur la conjonctive d'un œil sain; par exem¬ple, dans le cas d'une conjonctivite
diphtéritique unila¬
térale,
lorsque
l'autre œil ne présente aucun des signesde
l'affection: les deux yeux contenant du bacille virulent ;
on sait encore qu'il peut se
borner âne provoquer qu'une
simple
conjonctivite cutarrhale. Il nous reste donc à établir
maintenant s'il peut provoquer une
conjonctivite pseudo¬
membraneuse chronique.
Quant à indiquer les raisons
qui
font
quedans certaines conditions le bacille de Klebs-
Lôffler reste
saprophyte
ou provoqueune conjonctivite
croupale,
interstitielle
ouchronique, il s'agit probablement
de
question de virulence, et cette virulence nous essaie¬
rons d'en discuter les
caractères et les variations au cha¬
pitre de
la pathogénie de l'affection pseudo-membraneuse
dont nousvoulons
particulièrement
nousoccuper.
CHAPITRE II
Des
Conjonctivites pseudo-membraneuses
non
diphtéritiques.
Dès le début de ce chapitrenous nous demanderons si
les
conjonctivites pseudo-membraneuses provoquées parlesmi¬
crobes autres quele bacillede Lôfflerou parles agentschimi¬
ques qui provoquent habituellement des fausses membranes ont une allure clinique différente des formes à bacilles de Lôffler. L'examen des observations répond par
la négative.
Dans tous lescas l'examen
bactériologique
seul peut donnerla clef du diagnostic. Une courte étude des conjonctivites pseudo-membraneuses à gonocoques, à bacilles de Weeks,
à pneumocoques, à
staphylocoques,
à streptocoques serviraà montrer les liens rattachant entre elles les conjonctivites pseudo-membraneuses dues au bacille de Lôffler et les conjonctivites pseudo-membraneuses dues à des microbes variés.
La conjonctivite pseudo membraneuseà gonocoques existe réellement. N'oublions pas que Chassaignac faisait de l'oph¬
talmie pseudo-membraneuse unevariété de l'ophtalmie
des
nouveau-nés. Le cas de Legros, dans lequel une
ophtalmie
pseudo-membraneuse se montra chez un sujet atteintd'uré-
trite aiguë, et le fait qu'a signalé Jacobsen, blennorrhée donnant
diphtérie
et diphtérie redonnant blennorrhée, prou¬vent assurément l'existence d'une forme pseudo-membra¬
neusede conjonctivite à gonocoques.
Cette conjonctivite pseudo-membraneuses à gonocoques peut présenter deux formes : une forme superficielle et une
— 21 —
forme interstitielle. C'est ce qui ressort
de l'étude des
cas observés par le docteur Loi' etcités dans le Journal de la
Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, en 1894. Lesquatre cas
qu'observa le docteur Lor présentèrent
dans leur évolution une allure franchement membraneuse
avecexsudation, tantôt
superficielle, tantôt interstitielle
sans quel'on pût invoquer pourexpliquer cette
apparencesoit le
traitement, soit une infection secondaire
(Coppez).
Dans les conjonctivites
pseudo-membraneuses dues
au bacille deWeeks, lespaupières sonttuméfiées, violacées. Les
paupières étant retournées, onconstate
quela conjonctive
estrecouverte d'un exsudât
pseudo-membraneux blanc gri¬
sâtre s'enlevant assez facilement et très peu adhérent
à la
muqueuse. Il existe une légère
sécrétion
aqueused'abord,
puis fibrineuse. Lebacille de
Weeks semble être
uneraison
debénignité pour les
conjonctivites pseudo-membraneuses.
Leplus souvent il ne paraît pas
avoir
uneaction nocive
sur la cornée; malgré cela, desconjonctivites pseudo-membra¬
neuses à bacilles de Weeksavecexsudationinterstitielle ont étéobservées, témoin lecasde Coppez
(1896), qui fut considéré
parcet auteur comme revêtant un aspect
clinique des plus
sérieux et dans lequel la
bactériologie révéla seulement la
présence du bacille de Weeks.
Les conjonctivites
pseudo-membraneuses à
pneumocoques présentent des formes pouvant aller dela bénignité la plus
complète à la malignitéla
plus grande. La forme superficielle
de cette conjonctivite est
caractérisée
parl'apparition de
faussesmembranes trèspeu
adhérentes
;frottée
avecuntam¬
pon sec ou avec un linge celte
exsudation fibrineuse dis¬
paraît.
Morax etAxenfeld ont
rapporté des
casprésentant tous les
caractères de cette forme
superficielle.
Certains auteurs, entre autres
Pichler, ont relaté à leur
tour descasde formefranchementinterstitielle. Les malades observés par cesderniers auteurs
présentaient
unetuméfac¬
tion considérable des
paupières. Ces paupières, renversées,
— 22 —
laissaient
apercevoir
unemembrane gris jaunâtre
recou¬vrant toute la muqueuse
tarsale. Rien
nepouvait être enlevé
de cet exsudât franchement interstitiel. Dans un cas
même
la cornée fut
complètement perforée à
soncentre.
L'examenbactériologique de ces
différents
casfut toujours
faitavec soin etjamais il ne
révéla la présence du bacille de
Klebs-Lôffler. Seule fut constatée la présence du pneumoco¬
que de
Frœnkel.
Le pneumocoque de
Frœnkel peut donc donner lieu
comme le bacille de Lôffler aux formes superficielle etinterstitielle
deconjonctivite
pseudo-membraneuse. Il
enest de même du
staphylocoque. On peutdire
quele rôle du staphylocoque
en pathologie oculaire estbien plus complexe
quecelui des
bactéries
précédemment étudiées.
Làaussi
semontrent
une forme superficielle etune forme interstitielle.Gosetti dit,
en 1895, qu'il a observé 15 cas de conjonctivitepseudo-membra¬
neuse superficielle dans lesquels il n'a jamais rencontré
le
bacille de Lôffler, mais seulement le staphylocoque.
Il est
vrai que l'on n'a pas de renseignements
très précis
surles
observations deGosetti, mais il fautserappeler aussi
l'obser¬
vation de Pes où les fausses membranes ne
persistèrent
que pendant cinq à sixjours seulement sans amener decompli¬
cations et où l'examen bactériologique montra
seulement
unecolonie de staphylocoques.
Lesobservations de Pichler relatant des cas béninsdecon¬
jonctivites pseudo-membraneuses dues au staphylocoque viennent, à l'appui des observations de Gosetti et de Pes, montrer l'existence de la formesuperficiellede
conjonctivites
pseudo-membraneuses duesau staphylocoque.Il existe également une forme interstitielle. C'est ce que tendent à démontrer les troiscasobservés parle docteur Lor.
Ces trois cas présentèrent absolument l'aspect des formes
interstitielles des conjonctivites diplitéritiques. Les pau¬
pières, dures, fortement gonflées, avaient leur muqueuse recouverte par une fausse membrane épaisse et
adhérente.
Des troubles cornéens se montrèrent au cours de l'affection.
- 23 -
En un mot, l'allure
clinique cle
cestrois malades fut des plus
sérieuses; ilyeut
chaque fois
uneinfiltration bulbaire consi¬
dérable. La
cornée
futprise plus
oumoins profondément,
et
cependant les
examensbactériologiques n'ont décelé que
descolonies destaphylocoques.
A cesdeux formes aiguës
interstitielle et superficielle, qui
semblent devoir être
rattachées
auxstaphylocoques viru¬
lents,
certains auteurs, et Valude en particulier, rattachent
uneforme
pseudo-membraneuse chronique. Nous verrons
plus
loin, dans la discussion de la pathogénie de la con¬
jonctivite
pseudo-membraneuse chronique, de quelle ma¬
nière il faut interpréter
à
cesujet le
casde Guibert.
Est-ce
qu'enfin
onrie relate pas dans les conjonctivites
pseudo-membraneuses à streptocoques des formes superfi¬
cielle et interstitielle.
L'observation de Terson père,
dans laquelle les fausses
membranes ne recouvrent que
les culs-de-sac
oules pau¬
pières, sans
s'étendre
surla cornée, relate une forme plutôt
superficielle
;mais le plus souvent les streptocoques sont la
cause de formes interstitielles
véritablement
graves.Il suffit
pour démontrer
cela de citer l'observation de Bourgeois et de
Gaube (1894) :
l'œil de l'enfant atteint de conjonctivite
pseudo-membraneuse
à streptocoques fut complètement
perdu.
Morax, dans une autre
observation, constate des fausses
membranes interstitielles avec
lésions cornéennes graves.
Kaltà son tourcite le cas d'un
enfant qui malgré la guéri-
son portatoujoursun
trouble cornéen.
Enfin Van der Straeten a
rapporté
uncasde conjonctivite
pseudo-membraneuse
à streptocoques où dès le troisième
jour de l'affection la
cornée était opaline et fut détruite en
peu de jours.
Ainsi donc les
conjonctivites pseudo-membraneuses dues
austreptocoque sont
caractérisées
pardes fausses membra¬
nes soit superficielles
mais le plus souvent interstitielles et
semblantavoir une tendance marquée
à envahir la conjonc-
tive bulbaire. La cornée se prend le plus fréquemment au cours de l'affection. En somme, le pronostic est le plus sou¬
venttrès mauvais et la visionseperd dans lamajoritédescas;
En résumé, cet aperçu sur
les
diverses formes de conjonc¬tivites pseudo-membraneuses devant être attribuées à d'au¬
tresagents infectieux que le bacille de Lôffler montre que l'on retrouve leplus souvent des formes aiguës interstitielles
ou
superficielles.
La présence de tel ou tel bacille ne semble pas imprimer
uneallure très caractéristique à l'affection. Seul l'examen bactériologiquea pu éviter la méprise et empêcher de ratta¬
cher à la diphtériedes inflammations conjonctivales à faus¬
sesmembranes qui n'étaient dues qurà des microbes diffé¬
rents. Dans tous les cas, les formes pseudo-membraneuses
dues à ces microbes variés sont rares.
Nous ne pouvons terminercet aperçu relatif aux agents infectieux organisés que sont les microbes dont il vient d'être question sans indiquer d'une façon rapide que cer¬
tains agentschimiques peuvent également donnerlieu à des inflammations pseudo-membraneuses de la conjonctive. En particulier nous citerons
l'ammoniaque,
le nitrate d'argentet même lejéquirity,
etc. Lacaractéristique
de ces ophtalmiesdues à des agents irritants estlasuivante : c'est que ces oph¬
talmies guérissent
lorsque
la substancechimique
cesse son action irritante. On peut naturellement provoquer avec cette substancechimique
des manifestations pseudo-mem¬braneuses, prolongées, artificielles. Nous ne nous en occupe¬
ronspas,car nous avons surtout en vue d'étudierquels sont
lesagents infectieux organisés qui peuvent provoquer des ophtalmies pseudo-membraneuses prolongées, tenaces et chroniques.
Nous avons dû nécessairement passer èn revue les
ophtal¬
miesdues augonocoque, au
staphylocoque,
au streptocoque, etc., au même titreque l'ophtalmie due au bacille de Lôffler parce que nous allons essayer maintenant d'établir si les conjonctivites pseudo-membraneuseschroniques
-doiventêtre classées dans la premièreou la seconde catégorie.
CHAPITRE III
Conjonctivite pseudo-membraneuse chronique.
La conjonctivite
pseudo-membraneuse chronique peut être
définie une affection de la conjonctive,
caractérisée
parla présence
de
faussesmembranes, à apparition plus ou
moins périodique et
à durée plus
oumoins longue.
Cette affection, simplement
mentionnée dans le traité de
de Grœfe et Sœmisch et dans un ouvrage
de Fuohs,
aété
dénommée par Arlt «
conjonctivitis membranacea » et par
Stellwag «
syndesmitis membranosa
»;elle se rencontre très
rarement. Unedouzaine de cas seulement
ont été observés
;encore n'ont-ils pas été
décrits d'une façon bien étendue.
Nous les relatonsdans le chapitre
suivant
en yjoignant le
cas qu'il nous a
été donné de suivre attentivement à la Clini¬
que de M. le
Prof. Badal.
Nous inspirant deces
différentes observations, nous allons
essayer de décrire le
plus complètement possible la conjonc¬
tivite pseudo-membraneuse
chronique.
Nous étudieronsdans ce chapitre
l'étiologie. les symptô¬
mes, la pathogénie, la
marche et les complications de la con¬
jonctivite
pseudo-membraneuse chronique; nous dirons
quel est le pronostic de
cette affection
; nousmontrerons
ensuite les résultats bactériologiques et
anatomo-pathologi-
ques auxquelson est
arrivé jusqu'à aujourd'hui, les modes
d'examens
employés.
Nous yajouterons également les ré¬
sultats de notreobservation et, réunissant ces
divers maté¬
riaux, nous essaieronsde classer la
conjonctivite pseudo-
— 26 —
membraneuse chronique clans un cadre nosologique, à côté des affections pseudo-membraneuses aiguës.
Nous terminerons enfin cechapitre endonnant un aperçu du traitement de la conjonctivite pseudo-membraneuse.
Etiologie.
La conjonctivite pseudo-membraneuse chronique peut ap¬
paraître à tous les âges : elle s'observe aussi bien chez les trèsjeunes sujets de quelques mois quechez des enfants de sept ou huit ans, et si en règle générale elle se montre chez les enfants, il n'en est pas moins vrai qu'elle peutapparaître également chez des sujets âgés. Tels sont le malade de Ter- son, âgé d'une trentaine d'années, et le malade de Heyman.
Ce dernier malade, âgé de cinquante-trois ans, eutune con¬
jonctivite pseudo-membraneuse récidivant plusieurs fois.
Les malades atteints de conjonctivite pseudo-membra¬
neuse chronique ne semblentpas avoir dans leurs antécé¬
dents héréditaires des causes directes capables d'engendrer
cette conjonctivite. Les antécédents des malades observés ne
présentent aucuneaffection oculaire ; ils neprésentent pas
non plus d'affections à faussesmembranes ; seule l'observa¬
tion de Guibert relate que la mèreet les frères de la petite malade observéeont été atteints
d'angines
à fausses mem¬branes.
Dans les antécédentspersonnels on trouve le plus souvent
des affectionsoculaires semblant avoir une influence sur la production de la nouvelle conjonctivite. C'est ainsi que les maladesde Arlt et de Ilulme, quoique très jeunes, âgés à peine de quelques mois, ont présenté avant
l'apparition
deleur conjonctivite pseudo-membraneuse
chronique
soit des catarrhes légers, soit une véritable conjonctivitepurulente.
Les enfants desept à huit ans et les adultes examinés onteu
depuis leur naissance soit des conjonctivites légères, mais à
répétition,soit,
comme la petite de Guibert,« des peauxetdu
pus dons
l'oéil depuis
leur naissance ». La malade que nous— 27 —
avons observée chez
M. le Prof. Badal, quoique étant encore
trèsjeune, a eu
depuis
sanaissance trois ou quatre atteintes
de
conjonctivite simple.
Ces
conjonctivites multiples et plus ou moins graves exis¬
tant dans lesantécédents
personnels des malades semblent
donc être de véritables causes
prédisposant à l'apparition de
la
conjonctivite pseudo-membraneuse chronique. Dans les
antécédents
personnels de la malade de Guibert on constate
aussi la présence
d'angines répétées.
La
conjonctivite pseudo-membraneuse chronique peut
apparaître aussi à la suite de diverses pvrexies exanthéma-
tiques,
notamment de la rougeole; témoin le malade de
Mason qui fut
atteint d'ophtalmie pseudo-membraneuse
chronique
à
lasuite d'une rougeole.
Faut-il,dansl'étiologie de
la conjonctivite pseudo-membra¬
neusechronique,
faire jouer
unrôle
auclimat et à la saison?
Nous nepouvons
relever dans les observations aucun détail
biencaractéristique à ce
sujet. Le point important nous pa¬
raît êtrele suivant. Existe-t-ildans
le voisinage des malades
desmanifestations
pseudo-membraneuses ayant un carac¬
tère épidémique, comme
la diphtérie à certaines périodes et
en
particulier
auprintemps? Dans notre observation l'affec¬
tion a débuté à cette époque,
mais il n'existait dans le voisi¬
nage aucun cas
d'angine à fausses membranes.
Symptômes.
Les symptômes
locaux de la conjonctivite pseudo-mem¬
braneuse chronique sont
les suivants : ou début, au cours
d'un catarrhe purulent
plus
oumoins intense, mais dont
la sécrétion tend à seprolongerau
delà du temps ordinaire,
on voit sedévelopper
à l'intérieur des paupières, dons le
fond des culs-de-sac et même sur
la conjonctive bulbaire
une fausse membrane d'un gris
jaunâtre, épaisse de plu¬
sieurs millimètres et assezadhérente
à la muqueuse. Quel¬
quefois cette apparition