IS
iCO
Barré, Pierre Yves
Le mariage de
Scarron
fftodUt ,^^0YvtctUu^
Q ^C^uc^acviLcU U <>wuv\oy\. a
mi.
LE MARIAGE DE S C A R R O M,
COMÉDIE
En un
acte eten
prose,mêlée
de vaudevilles3 ParP.Y.Barré,J.B.Radet etF.G.Desfontaines.Représentée
pour
la première foisau
théâtredu Vaudeville,
le 19 floréal,an 5^
(8 mai
1797, v. st.)
Prix, 24 s.
A PARIS,
Miôneret,Imprimeur,rueJacob.N.d
nS6l
LeLibrairedu,théâtre duVaudeville$
pi ) Desenne, LiHraire, palais Egalité
* ;
Huet, Libraire > rue Vivienne 5
Brunet
, Libraire
,'ruedu.Coq;
Vente> Libraire
, boulevard desItaliens,
An
6.— 1797.
*"*Personnages. A CTEURS.
SCARRON,
C.««Carpentier, LE MARQUIS DE VILLARCEAUX ,Juhen.
MÉNAGE
,Du chaume.
G
IR A U L T
, valet-de-chambre deMénage,
Hypolite.
M AU G IN
, valet de Scarron,Chapelle.
UN NOTAIRE, Fiche
t.M.»*
D'AUBIGNÉ,
p.»«Sara.
NINON DE L'ENCLOS
, Blosseville.BABET,
jeunefille ,Fleury.
La Scène
està Par
Isjau Marais
>chezScarron,LE MARI A G E DE S C A R R O N,
COMÉDIE.
Le Théâtre
représenteun
Salon.SCENE PREMIERE.
MAUGINwb/,'
iljettelesyeuxsurunependule.Ah
! ali !.... déjàneuf
heures !...Monsieur
l'Abbé
ne
tardera peut-être pas à sortirdu
lit,c'est-à-dire, àvouloir
que
je l'en sorte; car, sansmoi
, il y resteroit long-temps
;mais
il attendmademoiselle d'Aubigné
5 il seramatinal. Préparons-lui toutesses petites affaires... sa table...{Il laplace surledevant de
la scène.) ses livres.... {Illes arrange*) . seslettres...ladernière épreuvede
Jodelet.Jodelet ! c'estça
une
bellecomédie
îcomme
tout le inonde
y
court !que
d'argent elle rapporteaux comédiens
!Aussi, cesmessieurs4 LE MARIAGE
sont ils
venus en
députation priermonsieur
Scarron de leur en faireune
autre , toute pareille.Air :
Non
,je neferaipas.Ladéputation étoit bien honorable
,
Et jamais écrivain n'en aura de semblable
,
D'autantqu'en touslescas, c'esttoujoursaux auteurs D'aller rendre visiteà messieurs les acteurs.
Mais
il faut passer cette petite inconsé-quence
àces messieurs; s'ilsont
bien voulu se transporterchez mon
maître, c'est qu'ils avoient besoinde lui, etqu'ilsne
pouvoient pas le faire venir chezeux
, attendu qu'ilne marche
pas...Eh
!puis,quand un homme
d'église,
un chanoine
, fils d'un conseillerau
parlement , Fait tantque
d'être auteur,on
sent bienque
ce n'est pasun
auteurcomme un
autre, (Voyant que
tout est ar- range'.) Voilà ceque
c'est...Quand
jel'aurai roulé là, il aura tout sous sa main...Voyons maintenant
si je n'ai rien oubliéde
sescommissions
Relisons sa petite note.( II
met
ses lunettes et lit surun
papier.)
Les
vers àmademoiselle
d'Hautefort...jeles ai remis, et le pâté qu'elle
m'a donné
est à l'office...Un
exemplairedu
Virgile travesti àmonsieur
le surintendant... il l'a, et c'estun ouvrage
bien placé :monsieur Fouquet
est reconnoissant, il sait ce
que
vautune
dédicace.
Chez
lecommandeur
de Souvré...j'y ai été , et j'en ai rapporté
un
panierde
vin muscat.... Passerchez mademoiselle
DE SCARRON.
Ninon de
l'Enclos... j'en viens, etnous
laverrons ce matin... Savoir des nouvelles
de
messieurs Segrais , Pelisson , Voiture, Sar- razin,etcœtera...toutcela estfait.Monsieur
l'Abbé peut sonnerquand
il voudra. (//va pour
sortir, )SCENE II.
MAUGIN, M. DE VILLARCEAUX.
M A U G
I N.£jh ! c'est
monsieur
de Villarceaux !M. DE VILLARCEAUX.
Lui-même
,mon
cherMaugin.
MAUGIN.
Si
matin
ici!M. DE VILLARCEAUX.
Tu
vas savoirpourquoi.MAUGIN.
Je sors
de
chez quelqu'unde
votre con- noissance, etj'ai été bien surprisde ne
pas vousy
trouver,vpus qu'onytrouvetoujours.M. DE VILLARCEAUX.
Écoute-
moi.
MAUGIN.
Vous
faitesbien d'aller là\
mademoiselle
Ninon
estune dame
bien aimable.°
L E M A R?AGË
M. DE VILLARCEAUX.
Sans doute
; mais. . . .M A U G
I N.Aussi, tout le
monde
l'aime , et ,comme
ditla
chanson
decemonsieur
qu'elle aimoit avant vous. . . .M. DEVILLARCEAUX.
De
grâce î . ..M A U G
I N.Elle est
bonne
cette chanson-là.M. DEVILLARCEAUX.
Mais
enfin. ...M A U G
IN
(préludant.)Tra,
la, la, la, la, la...Jelasaispar cœur.M. DE VILLARCEAUX.
Je le crois; mais. ...
M A U G
I N.Air :
Eh
!zon, zon, zon.En
attraits, enbeauté Célimène estparfaite;On
en est enchanté, Et pourtant on répète :Eh! non, non, non, Ce n'estpas làNinette;
Eh ! non, non, non1
Ce n'estpas là Ninon.
M. DE VILLARCEAUX.
Laisse-là ta chanson.
DESCARRON.
7M A U G
I N.Pourl'esprit, le bongoût,
On
vanteJuliette ;On
la cherchepar-tout,Etpourtant on répète:
Eh! non, non,non, etc.
M. DE VILLARCEAUX.
Il
ne me
fera pas grâce d'un couplet.M A U G
I N.D'Aurore on suitlespas: Elle esttendreetcoquette;
On
cède à ses appas,Etpourtanton répète:
Eh ! non, non, non, etc.
M. DE VILLARCEAUX.
Qu'il m'impatiente !
M A U G
I N.Comme
tout lemonde
a chanté cela!M. DE VILLARCEAUX.
As-tu fini f
M A U G
I N.Oui
,monsieur
;mais vous
avezletemps
:monsieur
l'Abbé n'est pas levé.M. DE VILLARCEAUX.
Ce
n'estpas à Scarron
que
j'ai affaire;c'est à toi.
M A U G
I N.A moi, monsieur
de Villarceaux !...ah!
8 LÉ MARIAGE
si j'avois
pu
le prévoir, je n'aurois pas chanté lachanson; au
reste, je n'en suis pasfâché : vous êtestoujoursbien aisequ'onvous
parle demademoiselle Ninon.
M. DE VILLARCEAUX
(avec mystère.) Il s'agitde mademoiselle
d'Aubigné.M A U G
I N.Notre
voisine !... ellearriva hierdeSaint-Maur,
et doit venir ici ce matin.M, DE VILLARCEAUX.
Je sais qu'elle
y
vient souvent.M A U G
I N.Tous
les jours,quand
elle est à Paris.M. DE VILLARCEAUX.
Ton
maître reçoitbeaucoup de monde
?M A U G
I N.La cour
et la ville; des quatre coinsde
Parison
vient an maraispour
le voir.M. DE VILLARCEAUX.
Eh!
dis-moi,Maugin; dans
lanombreuse
société qui setrouvechez lui,
mademoiselle d'Aubigné
n'a-1-elle pasdistinguéquelqu'unde nos
jeunes courtisans?M A U G
I N.Non, monsieur, mademoiselle d'Aubigné
ne
distingue personne;mais
çane
veut pas direque personne ne
la distingue.DE
9M. DE VILLARCEAUX.
Il
y
adonc
quelqu'un.. ..M A U G
I N.Oui, monsieur,
quelqu'un quiesttoujoursici
quand
elley
vient.M. DE VILLARCEAUX.
Toujours
ici?M A U G
I N.Il n'en sortpas.
M. DE VILLARCEAUX.
Il est
donc
bien épris?M A U G
I N.Ah
!monsieur,
cettefemme-là
lui tourne latête; iln'estoccupé que
d'elle, ilen
parle9
il
en
rêve, iln'est bien qu'avecelle.M. DE VILLARCEAUX.
Il la suit par-tout?
M A U G
I N.Non
,monsieur,
ilne
la suit pas...oh
! ce n'est pasun amoureux.
..comme
vous, parexemple.
M. DE VILLARCEAUX.
Que veux
-tu dire ?M A U G
I N.Air : Pourhéritage, Quandd'une belle
Il désire
approcher, C'est
toujourselle Quis'en Tientlechercher,
io
LE MARIAGE
Il ne vapas
Au
devant deladame, Etjamais auprès d'une femmeIlneperdsespas. *
M. DE VILLARCEAUX.
Qu'est-ce
que
celasignifie?de
qui veux-tu parler ?MAUGIN.
Vons ne
devinez pas ?M. DE VILLARCEAUX.
Du
tout.M A U G
I N.C'est
de monsieur
l'Abbé.M. DE VILLARCEAUX.
Scarron !
M A U G
I N.Lui même.
M. DE VILLARCEAUX.
Scarron amoureux de mademoiselle
d'Au- bigné !M A U G
I N.Comme un
fou ;au
pointque
souvent ilen
esttriste,lui quine
l'a jamais été,même
en
perdant son procès, safortune, sa santé, sesïambes
, safigure, sa taille.... car il a
perau
tout cela.M. DE VILLARCEAUX.
Je le sais.
M A CAR U G
I N.Mais
vousne
savez peut-êtrepascomment
cela lui est arrivé?
M. DE VILLARCEAUX.
Eh
! qu'importe!M A U G
I N.Oh
ï c'estune
drôled'histoire... Il étoità son canonicatdu Mans, un
jourdecarnaval;on
couroitlesmasques
,ilvouluts'enmêler...M. DE VILLARCEAUX.
Oui
, il se déguisaen
sauvage.M A U G
I N.Non, en
oiseau.M. DEVILLARCEAUX.
Il avoit
perdu
l'esprit.M A U G
I N.Il avoit à
ménager
ledécorum
d'un cha-noine
quine
peut pas semasquer comme un
autre.Air : Viens
,puisqu'ildoiten ces lieux»
Enmiéléy puis emplumé,
Ils'élance dansla rue
5
On
l'entoure, on estcharmé;Il faitcrier la cohue :
Ah
! le beloiseau, vraiment!
L'un applaudit, l'autrehue.
Ah
! le bel oiseau, vraimentî
Qu'ilestlaid! qu'il estcharmant î
12
LÉ MARIAGE
M. DEVILL ARCEAUX.
Quelle extravagance !
M A U G
I N.Air :
Où
s'en vontcesgais bergers? Chacunveutdu bel oiseauEmporter une plume 5
Il paroit d'autantmoins beau ,
Que
plus on le déplume 5Il fuitjusqu'au pont, et... v'ian ï Chacunreste en arrière....
Où
doncest le chanoine volant? Ilestdans la rivière.M. D E V
IL L A R C E A U
X.D'où
il est sortidans
l'étatoù nous
levoyons.
{A
part. ) Si je n'ai pointd'autre rival ,me
voilà bien tranquille. (Haut.
)Et que
ditmademoiselle d'Aubigné
des soupirsde son Adonis
?M A U G
I N.Je
ne
sais pas , monsieur...mais
écoutezdonc
, d'après toutes vos questions ,ne
seriez-vouspasvous-même... oh
!non,
c'est impossible.M. D E V
IL L A R C E A U
X.Quoi donc
?M A U G
I N.Air: Vaudevilledes Veuves.
Aimé delabelle Ninon, '
Vousn'enpouvez aimerune autre5
Vous avezplaisiret renom, Voyez quelbonheur est le vôtre;
DESCARRON.
Toujours éprisde sa beauté
,
Soyez constant, soumis ettendre :
Sur-tout, point d'infidélité
,
{parelle estfemmeàvouslarendre.
M. DE VILLARCEAUX.
Tu
crois?MAUGIN
(voyantentrerNinon.)Demandez-le
lui plutôt, la voilà.M. DE VILLARCEAUX
{àpart.)Ninon
! quelcontre-temps
!v ' — — i . ' . i, . ..,,,., ^
SCÈNE III.
Les mêmes, NINON.
NINON.
JM a
ufîiN, estii jourchez ton
maître?MAUGIN.
Non
,mademoiselle
, il n'a pas encoresonné
;mais
voilàmonsieur de
Villarceaux qui vous feracompagnie.
(// sort. )
SCÈNE IV-
NINON, M. DE VILLARCEAUX.
NINON.
Ah
!ah
!vous
voilà,monsieur
?ï4
LE MARIAGE
M. DE VILL ARCEAUX
{embarrassé,)Oui
,madame
, c'estque
....NINON.
Après
trois jours d'absence, il faut venirici
pour vous
rencontrer !M. DEVILLARCEAUX.
Madame
, j'alloisme
rendre chez vous.NINON.
Chez moi
!Air f
De
JYeick.Vous n'êtes pas très-empressé.
M. DE VILL ARC EAUX,
Qui, moii Ninon, soyez bien sûre...
NINON.
Pourquoi cet airembarrassé?
M. DE VILL ARCEAUX.
Embarrassé ! non, je vousjure.
NINON.
'
Quelobjetpeut vous occuper? Allons, vousdevez meconnoître5 Je suis trop franchepour tromper;
Maisj'ai de
trop bonsyeuxpourl'être.
M. DE VILLARCEAUX.
Que
dites-vous?... jene comprends
pas..*NINON.
Et moi
, jecomprends
fortbienque vous
ne m'aimez
plus.DE SCARRON.
M. DE VILLARCEAUX.
Moi
,madame
!NINON.
Ah
ï c'est très-fâcheux;mais
cela est. ..Oui,
vos distractions, vos froideurs, vos absences, vos assiduitésdans
lesmaisons où
vamademoiselle d'Aubigné
,que
sansdoute vous
espérez rencontrer iciM. D E V
IL L A R C E A U
X.Mademoiselle d'Aubigné
!vous
prétendez...NINON.
Air :
De
Weich.Pourquoi ces détours superflus?
Votreconduite a sum'instruire i
Eh !
mon
cher, quand onaime plustTout bonnement il fautle dire. (Bis»)
Tenez , je parlefranchement , J'abhorreun amantinfidèle
; (Bis.)
Maisje pardonne à l'inconstant:
L'inconstance est si naturelle. (Bis»)
M. DE VILLARCEAUX.
Ah
!Ninon
, croyez qu'il m'est affreuxde
mériter vos reproches.NINON.
Des
reproches!...vous
connoissez bienpeu Ninon. Eh! pourquoi
vous ferois-jeun
crime
decequine dépend
pasde
vous! tout passedans
la vie , et sur-tout l'amour... ce qui vous arrive aujourd'hui pouvoit m'arri- verdemain.
16
LE MARIAGE
M. DE VILLARCEAUX
{àpart.)Que
luirépondre
?NINON.
Tenez, mon ami
, sidans
cequ'onappelle rupture , inconstance ,on
écoutoitmoins
l'amour propre ,on
se trouveroitmoins d'amour, on
verroitmoins
de justice à ses plaintes, à sesemportemens,
etTon
secou- duiroit tout aussisagement que moi.
M. DE VILLARCEAUX
(âpart.)Je suis
confondu.
NINON.
D'ailleurs, je
ne vous
épouserois pas, carj'ai bien résolu
de ne
jamaisme donner un
maître; vous,mon
sieur,ilfautque
vous vous mariiez, etmademoiselle d'Aubigné
estun
partiqui
vous
convient soustouslesrapports;
ellea
de
la naissance,de
la beauté, del'es- pritjpointde fortune ,àlavérité;mais
vousen
avezbeaucoup,
et le plus bel usageque vous en
puissiezfaire, estdelapartager avecelle.
M. DEVILLARCEAUX.
Et
c'estvous
quime
leconseillezîNINON.
Bienplus:j'aurailecourage
de vous
servir,de
sacrifierl'amourà l'amitié.M. DEVILLARCEAUX,
Vous, Ninon
!ij
NINON.
Jem'oublierai
pour
votrebonheur. Vous
connoissez
mes
liaisons avecmadame de
Neuillant , la protectrice demademoiselle d'Aubigné
; dès aujourd'hui, jeveux
Palier trouver à Saint-Maur,
et je suis sûre d'en rapporterson consentement
à votreuniûm
M. DEVILLARCEAUX.
Est-il possible !
Duo Du
Sourdguéri.Ah
! Ninon , quelle ame !Contremoi point de courroux !
Eh
! quelle autre femme Penseroitcomme vous!N
IN O
N.Toujours d'accord, toujours unisj Sans être amans, soyons amis.
Ensemble.
Toujoursd'accord, etc*
NINON*
Aux
amansvulgairesLaissonsles tristes débats
,
Lesplaintes amères Quine nous iroientpas.
M. DE VILLARCEAUX.
Toujoursd'accord, toujours unis, Jusqu'au tombeau soyonsamis.
Ensemble.
Toujoursd'accord, etc.
18
LE MARIAGE
NINON
(appercevantmademoiselle aVAubigné,) Àîi !mademoiselle
d'Aubigné.M. DE V ILLARGE AUX
{àpart.) Ciel ! tâchons defairebonne
contenance,SCÈNE V.
Les mêmes, M."* D'AUBIGNÉ.
NINON.
jVLa chère
amie
,vous
arrivez bien à pro- pos :nous
parlionsde vous
avecmonsieur de
Viilarceaux.M."»
D'AUBIGNÉ.
Avec monsieur de
Viilarceaux!NINON.
Il vous
rend
bien justice....M.
11* D'A U B
IG N
É,Auprès
de vous, peut-on s'occuperde moi?
NINON.
Air : Femmes, iwulez-vous éprouver?
Ilaime en vous cettebeauté Quide vousseule estinconnue; Cette aimablesimplicité
,
Cettemodeste retenue:
Ilaime votreairnobleet doux, Votre grâce, votredécence; Et dans tout ce qu'ildit devous,
Ilen ditbien moinsqu'il n'en pense.
19 M."* D'
A U B
IG N
É.Il
ne manque
à ce portraitque
d'être ressemblant.M. DE VILLARCEAUX.
(avecembarras.)Ah
! mademoiselle,quand on
aLébonheur de
vousvoir, de vous entendre,on
estforcéde
convenirque
la nature n'a rien faitde
plus accompli, de plus dignede nos hom- mages.
M»"« D?
A U B
IG N
É.Monsieur, de
grâce. . . .M. DE VILL ARCEAUX,
Et
l'admiration , le respect. . . .NINON (k
à Villarceaux.)Mon
cherami, vous
n'avez pas le senscommun.
M. DE VILLARCEAUX
(àpart.) C'est vrai.N
IN O N
(idem.)Vous
êtes tropamoureux pour
savoir ceque vous
dites j allez-vous-en , et laissez-moi
parlerpour
vous.M. DE VILLARCEAUX
(bas àNinon, etvoulant luibaiserlamain,, )Ah
!ma
chèreNinon
î. . .N
IN O N
(retirantsa main.) Saluez>mademoiselle d'Aubigné.( Il faitune révérenceprofonde à
M.
ll! d*Aubignê,qui la lui rend froidement et les yeux baissés;
ensuiteilsort. )
ao
LE MARIAGE
SCENE VI.
NINON, M.ne D'AUBIGNÉ.
NINON.
JLe
pauvre garçon étoitbienmal
àson
aise !Eh
quoi !ma
chèreamie
,vous
voilà toute déconcertée ?M.»* D'
A U B
IG
tf É.J'ai lieu
du moins
d'être surprise»NINON.
Il faut pourtant
vous accoutumer
à ce langage;on
n'estpas aussibelle sans attirerles regards et les éloges.
M> D'AUBIGNÉ.
Je
ne
les cherche, nine
les mérite.NINON.
Ma
chèreamie
, parlons sérieusement :avec
un nom
illustre ,mais
saris fortune,
combien
jusqu'à ce jourvous
avezétémai- heureuse
îM.ne
D'AUBIGNÉ.
Oui
, je n'aiconnu que
des peines.Née dans
lesprisonsde
Niort,où
se trouvoientmes
parens persécutés ,menée
à l'âgede
trois ans
en Amérique,
laissée sur le rivage par la négligence d'undomestique
, prêteDE
à
être dévorée parun
serpent ,embarquée
àdouze
ans, attaquée d'une maladie vio- lente, regardéecomme morte,
etau mo- ment
d'être jetée àlamer
,rendue
àla^vie ,
ramenée en France
, orpheline etsans sien, je n'y trouvede
ressourceque dans
les bienfaits d'une parente , à qui jene
sensque
tropque
je suis à charge.NINON.
"Votre sort doit
changer
:on
ne revient pasde
si loinpour peu de
chose ; mais prenez-y garde.Air :
L'équipage.
A
votreâge,,Fille laplussage Est , sans y songer,
Exposée au danger:
On
l'assiège,Et souventle piège Qu'ellenevoit
pas,
Se trouve soussespas.
Malgré vous,sensible ettimide,
Il fautquevotre cœurse décide
$
Sansparens, sans fortune
, sansguide,
11n'estde ressource pour vous Quele choix d'un époux.
A
votre âge, etc.
M.ne D'
A U B
IG N
É.Eh
! croyez-vousdonc
lemariage
une
perspective si agréable
pour moi
?22 LE MARIAGE
NINON.
Mais
ilme
semblequ un hymen
avantageux.,.,^
D'A U B
IG N
É.Seroit peut-être
un malheur
de plus.NINON.
Que
dites-vous?M.»* D'
A U B
IG N
É.Air :
Maman
vous a dit9 danssix ans,A mon
mari n'apportantrienQue
ma
naissance etma
misère7
Je luidevrai, je lesens bien,
Mon
existence"touteentière:Mais , hélas ! un pareil lien,
Malgré moi, de loin m'inquiète.
Celle qu'onépouse, sans bien Estune esclave qu'on achète.
NINON.
Cela se voit quelquefois: mais il estaussi des
hommes
tropgénéreux
, trop délicats ,pour
croireque
jamais leur fortune puisse pav»r les qualités de celle qu'ilsépousent ,et, plus
que
toute autre, vousêtesfaitepour
rencontrerun
pareilmari.M."e D'
A U B
IG N
É.Vous m»
flattez,Ninon
, et votre amitiévous
aveugle.NINON.
Non, ma
chère d'Aubigné. ....Mais ne
trouvez-vouspas singulier
que
ce soitNinon
quivous
presse de prendreun époux
?M.ne D'
A U B
IG N
É.Effectivement,
personne ne
s'endouteroit.NINON
(la mainsur son cœur.) C'estque personne ne
sait ce qui sepasseAir:
De
Weicht.On me
cherche, on m'aime, on m'adore ? Surjmoi par-touton alesyeux ;Et je puis dire plus encore,
On
m'estime, et celavautmieux: (Bis.) Toutme sourit , tout meseconde ,
Je jouis d'un brillant destin
5
Mais si
je rentroisdans le monde
,
Jeprendrois unautre chemin.
M.*le D'
A U B
IG N
É.Mais quand
je seroisassezheureuse pour
trouverun mari
quime
convînt , et qui voulût bien réparer enmoi
les tortsde
la fortune,vous
savezque
jedépends de ma- dame de
Neuillant.NINON.
Qui
n'auroitaucune
raisonde
s'opposer à votrebonheur.
Je vais la voir cematin
,et je
me
charge de lapressentir là-dessus; ensuite le
mari pourra
se présenter d'unmoment
à l'autre.M.
11*D'AUBIGNÉ
(souriant.)Vous
croyezta4 LE MARIAGE
NINON.
J'ensuis sûre5 mais
Scarronneparoîtpas.
M.** IT
A U B
IG N
É.Je l'attends ici ; il
m'a
faitdemander un
entretien particulier,
NINON.
Un
entretienparticulier !...en
cecas-là , jene
le verraique
ce soir.... Il a bien del'amitié
pour
vous, Scarron.M.
1^ D'A U B
IG N
É.Chaque
jour ilm'en donne
des preuves f et jene
sait*comment
reconnoître les ser- vices qu'ilne
cesse deme
rendre,NINON.
Oh
! il alecœur
excellent...Ce
soir,vous
serez des nôtresfM.»* D'
A U B
IG N
É, Je l'espère.NINON,
A
ce soirdonc
, et j'auraivu madame de
Neuiliant.(Elle sort. )
SCÈNE VII.
M.
le D'AUBIGNÉ
seule.L'attachement que Ninon
apour moi,
l'éclairésurles
désagrémens
dema
position.L'hymen
estdonc mon
seul espoir. ,.Eh
!quel espoir !
Air : Vaudevilled'Abuzard*
D'unépouxilfaudra tenir Et
mon
étatetma
fortune !Ah
î combien untel avenir Et m'épouvante etm'importune! Pour tous ceux qui semblent s'offrir,Je n'ai que del'indifférence
;
Et l'amourseul peut adoucir Lepoids de la reconnoissance.
SCÈNE VIII.
M.
lleD'AUBIGNÉ, MAUGIN, M A U G
I N.IVIademoiselle
,monsieur
l'Abbéne
peut se dispenserde
recevoirmonsieur Ménage,
qui veutabsolument
lui parler à l'instantmême
5 c'est ici qu'ils vont causer. . .M.
lleD'AUBIGNÉ
(voulantse retirer.)Eh
bien !je reviendrai.
MAUGIN
(la retenant. )Non
pasî. . .Monsieur
l'Abbé vous priede
passerun moment dans
lejardin$ cela
ne
sera pas tang.M.
lle D'A U B
IG N
É.Sais-tu ce qu'il peut
me
vouloir ?*6 LE MARIAGE
M A U G
I N.Non
:maïs
il paroîtque
cela est fortim-
portant5 car, aprèsmonsieur Ménage,
sa porte sera ferméepour
tout lemonde.
M.
11*D'AUBIGNÉ
(passantdan»lejardin.)Je vais
donc
attendre.MAUGIN
(la suivant desyeux. )Promenez-vous
là-bas, sous le berceau...Entrez
,monsieur
Ménage... (àMénage
qui paroît)mon
maître esten
voiture, je vaisvous Tamener.
(Ilsort. )
SCÈNE IX,,
MÉNAGE
seul.Lnfin
, je saurai si cequ'on m'a
dit est vrai, et simon
diable de fou a tout-à-faitperdu
la tête. ...Le
voici.SCÈNE X.
MÉNAGE, SCARRON.
.SCARRON
(dans unfauteuil roulant, conduit parNLaugin. )Air : Roulant
ma
brouette,a
lace àl'équipageDe
monsieur Scarron:Salut à Ménage, L'ami
d'Apollon.
DE SCARRON.
27(
A M
augin. )Toi qui va derrière
,
Allons
,
mon
cocher,
Une
allure fière,Ke
vas pas broncher.Eh \ là, là
, là
, là,
M'y voilà.
Sanstrouver d'ornière,
On
arrive là.MÉNAGE,
Toujours
lamême
gaîté.SCARRON.
Cela
ne
doit pas te surprendre.La dou*
leur qui pique les autres
hommes, ne
faitque me
chatouiller, fBas à Maugin.
) Veiiie à ceque mademoiselle d'Aubigné ne
s'impa- tiente pas.MAUGIN
{sortant.)Oui
, monsieur.SCÈNE XI.
SCARRON, MÉNAGE.
SCARRON,
ui
tu étois àma
place ,mon
cherMénage,
tu feroïs de
beaux
cris, tu jurerois d'une belle force, toi qui n'es pas endurant.MÉNAGE.
Ah
!chacun
a sonhumeur.
s8 LE MARIAGE
S C
A R R O
N.Et
la tienne est aigre....Mais
sachons quelle est lagrande
affaire qui t'amène et quine
pouvoit se remettre.MÉNAGE.
C'est
une
chose qui te regarde particuliè-rement
, et qui tedonne un
ridicule.SCARRON.
Un
ridicule ! tantmieux;
il est très-jolide n'enavoir qu'un.
MÉNAGE.
Laissons la bouffonnerie.
SCARRON.
Je
ne
lepeux
pas,mon ami
, c'est tout ce quime
reste; mais aufait, je suispressé.MÉNAGE.
Air :
A
liez-vous -engens de lanoce.Ilcourt certains bruitsdans laville\
SCARRON.
C'est quelque sottisede plus: Mauvaispropos enmauvaisstyle, Par mauvaises gens répandus ,
Bien entendus, Bienretenus, Bien saugrenus:
Toutça necourtquetropla ville, . Voilà pourquoi je n'y cours
plus.
MÉNAGE.
Il n'estpas question
de
plaisanter.29 S
C A R R O
N.C'est
donc
bien sérieux?MÉNAGE.
On
dit,mon
cher, qu'oubliant ta tour-nure
, ton état, tes infirmités.". .SCARRON.
Cela n'estpas vrai3 carvoilà
un
petit cha- touillement quim'en
fait souvenir. . „mais
ce n'est rien. Continue.. .on
ditdonc.MÉNAGE.
Que
tu songes à te marier.SCARRON.
On
dit celadans
la ville?MÉNAGE.
Tu
conçoiscombien un
telpropos
adû me
paroître absurde.SCARRON.
Sans
doute; d'autantque
cela n'est pas encore tout-à- fait décidé.MÉNAGE.
Comment?
ilen
seroit question?SCARRON.
Il
ne manque
plusque
leconsentement de
la future.MÉNAGE.
Tu me
tranqui[lises;carj'espèrequ'aucune
femme ne
consentira à t'épouser.3o LE MARIAGE
S
C A R R O
N.Jel'espèreaussi}
mais
simalheureusement
il s'en trouvoit
une
qui lûtcapable.. .
MENAGE.
Elle
ne
se trouvera pas.SCARRON.
Que
sait-on? en
faitde
mariage ,on en
voit de si extraordinaire ! Jene
parle pas des mariages sous la cheminée.Air: Vaudeville de la Soiréeorageuse.
D'abord, mariaged'argent, Mariagede convenance, Mariage de sentiment , Mariage de circonstance$ Puis, mariage d'opéra, Mariage decomédie î
Le mien, monsieur, s'appellera i Mariage de fantaisie.
MÉNAGE.
Monsieur
Scarron,avecune
pareille fantai- sie,, vousirez toutdroitàl'hôpital des fous*S^C
A R R
N.Je n'irai pas;
on m'y
portera.MÉNAGE.
Eh
!malheureux impotent
! ce n'est pasun
contratde mariage
qu'il te faudroit faire , c'est ton testament.SCARRON.
Ilestfait,
monsieur
;
mon
épitapheaussi...DE
Vous
êtes connoisseur , je vaisvous en
ré- galer , écoutez. {Illit*)« Celui quici maintenant dort,
r> Fitplus de pitiéque d'envie,
» Etsouffritmille foislamort,
» Avantque deperdre la vie.
» Passant
, ne fais icide bruit,
» Prends garde qu'aucunne l'éveille; x> Carvoici la première nuit
» QuelepauvreScarron sommeille, -a
MÉNAGE.
Quel
assemblagede
philosophie et d'ex- travagance !Au
surplus , je suisvenu
icipour
affaires , etnon pour
tedonner
des conseils.SCARRON.
Je
ne
t'endemande
point.MÉNAGE.
Quand
tum'en demanderois
, jene
t'en donnerois pas.Les amans
sontcomme
lesauteurs.
SCARRON.
Ils sont fort bien.
MÉNAGE.
Air: Ilfaut aimer, c'est la loideCytlière, L'amant charmé del'objet qui l'engage,
Sursonhymenconsulte sesamis 5
L'auteur content de sonpetitouvrage,
En
le lisant, demande des avis
5
Maisl'un etl'autre
, avant qu'on lesconseille,
Ontdéjà prisleur résolution; Et consulter , enaffaire pareille, C'est exiger uneapprobation.
3a LE MARIAGE
SCARRON.
Je
compte
sur la tienne.MÉNAGE.
Oh
! tu t'en passeras fort bien.Mais
tume
fais pitié :pour
la dernière fois ,mon
ami
Scarron, je t'en prie, je t'en supplie,songe aux
dangersque
tu cours.SCARRON.
Je
ne
crainsrien.MÉNAGE.
Les femmes.
...SCARRON.
Je suis sûr
de
lamienne.
MÉNAGE.
Air de Persico.
Oh
! oui, l'hommeleplusparfait Estsouventtrompé parsa belle; Et toi, maladeet contrefait,
Tu
veux trouverfemmefielelle!SCARRON.
Mais sans doute, avecmesappasi Jetrouverai cette merveille:
Un
mari, comme onn'envoit pasy Doittrouverfemme sanspareille.MÉNAGE
(d'un airmogueur.)« Oui, tuvas épouser l'infanteAHihua,
•» Qui te varéjouir commeun alléluia. a*