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Troubles dissociatifs :

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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C. Damsa C. Lazignac R. Pirrotta A. Andreoli

INTRODUCTION

Dans le domaine des neurosciences, les notions de trauma et de dissociation restent parmi les plus ouvertes à de nombreux changements et débats depuis plus d’un siècle dans les champs cliniques, nosologiques, thérapeutiques et depuis une ving- taine d’années au niveau neurobiologique. La dissociation se définit comme un trouble de l’identité, de la mémoire, de la conscience et de la perception de l’environnement (fonctions normalement inté- grées). Il s’agit d’une entité transnosographique observée dans plusieurs troubles psychiatriques : troubles somatoformes, troubles anxieux et de l’humeur, troubles de personnalité, dépendances à plusieurs substances. Les phénomènes dissocia- tifs se retrouvent fréquemment lors des crises suicidaires, des difficultés de ges- tion de l’impulsivité, des syndromes douloureux chroniques, des fibromyalgies et dans les troubles épileptiques.

Les troubles dissociatifs sont des entités nosologiques bien définies, grâce aux récents progrès concernant le développement d’outils diagnostiques standardisés (tableau 1). Les études épidémiologiques retrouvent une prévalence des troubles dissociatifs variant autour de 10% dans la population générale et 16% parmi les patients hospitalisés en psychiatrie, avec une prédominance féminine.1Il existe un consensus dans la littérature quant à l’importance du dépistage précoce de ces troubles, afin d’améliorer la prise en charge des patients.2

HISTORIQUE DU CONCEPT

:

DE LA DISSOCIATION VERS LES TROUBLES DISSOCIATIFS

L’histoire du concept de dissociation rejoint à la fois celle de l’hystérie et de l’hypnose avec les travaux de Charcot, Janet et Freud. Dans la suite des travaux de Charcot sur l’hystérie, Janet développe un nouveau concept, celui de la dissocia- tion mentale, comme étant à la base de l’ensemble de phénomènes hystériques.3 Janet postule que la dissociation serait le résultat de la «misère psychologique», qui est un processus pathologique, probablement une pauvreté ou un déficit géné- tique de l’énergie mentale de base qui permet aux personnes saines de combi- Dissociative disorders : clinical,

neurobiological and therapeutical approaches

Dissociation is a dysfunction of normally inte- grated functions like memory, consciousness and perception of environment. This review dis- cusses the clinical and etiological issues of dissociative disorder and highlights the im- portance of differential diagnosis and psychia- tric comorbidities, with special attention for the development of reliable evaluation ins- truments and treatment guidelines. New ap- proaches of dissociative disorder focus on the importance of the integration of anatomical and functional neuroimaging data, combined with endocrinological and biological studies (lipids), in order to develop some specific neurobiological models. Beyond the inherent singularity of psychotherapeutic intervention, the therapeutic approach varies according to frequently associated comorbidities.

Rev Med Suisse 2006 ; 2 : 400-5

La dissociation se définit comme un trouble des fonctions normalement intégrées : l’identité, la mémoire, la conscience et la perception de l’environnement. Dans cet article, nous envisagerons les aspects cliniques et étiologiques des trou- bles dissociatifs, tout en évoquant l’importance du diagnostic différentiel, des comorbidités psychiatriques, ainsi que les développements d’outils diagnostiques standardisés. De nouvelles approches neurobiologiques des troubles dissocia- tifs proposent l’intégration des données de neuroimagerie anatomique et surtout fonctionnelle à des études biologiques (lipides) et endocrinologiques, afin de proposer des modèles neurobiologiques spécifiques. Au-delà de la singularité inhé- rente à la rencontre psychothérapeutique, l’approche théra- peutique varie en fonction des comorbidités fréquemment associées.

Troubles dissociatifs :

aspects cliniques, neurobiologiques et thérapeutiques

mise au point

Drs Cristian Damsa, Coralie Lazignac, Roberto Pirrotta et

Pr Antonio Andreoli

Service d’accueil, d’urgences et de liaison psychiatriques

Département de psychiatrie HUG, 1211 Genève 14 c.damsa@bluewin.ch

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ner les différentes fonctions mentales (sensations, mémoires, volontés) dans une structure psychologique stable, unifiée, sous le contrôle conscient du Moi.

Contrairement à cette perspective de Janet, qui consi- dérait la dissociation comme étant un déficit d’intégration d’un Moi trop faible, ou fragilisé suite à des traumatismes, Freud proposait un modèle conflictuel du fonctionnement psychique, dans lequel un Moi fort essaie de se protéger des expériences traumatisantes par un mécanisme de dé- fense, le refoulement, qu’il associe à la dissociation comme élément fondamental dans l’hystérie. Malgré leurs diffé- rents modèles théoriques de dissociation, Janet et Freud partageaient l’idée de l’importance des événements trau- matiques et de leurs traces mnésiques, en tant que facteurs déterminants pour l’apparition des symptômes dissociatifs.

Toutefois, dans un deuxième temps, Freud abandonna l’idée d’un trauma réel pour un modèle du trauma imaginaire dérivé des fantasmes sexuels, comme étant la source des conflits psychologiques inconscients. Freud resta cependant attaché à la réalité historique des facteurs des conflits et formula de fortes critiques envers la surestimation du rôle des fantasmes dans l’analyse des névroses. Plus tard, il sou- ligna l’importance d’une déformation traumatique de la personnalité liée aux vicissitudes de la sexualité infantile.

Le développement des techniques psychodynamiques et l’attribution de la notion de «dissociation» aux symptômes des troubles schizophréniques (Bleuler) plongèrent pro- gressivement dans l’oubli l’hypnose et les théories de Janet sur la dissociation. Le déclin du concept de dissociation cul- mine avant le milieu du XXesiècle, avec des théories selon lesquelles les phénomènes dissociatifs sont soit des erreurs diagnostiques (se situant entre l’hystérie et la schizophré- nie),4soit des effets secondaires provoqués par des tech- niques hypnotiques mal utilisées.

L’intérêt des chercheurs pour la «redécouverte» des trou- bles dissociatifs est à mettre en lien à la fois avec l’augmen- tation des troubles liés au stress et au trauma et avec cer- tains événements politiques et sociaux aux Etats-Unis (la guerre du Vietnam et la naissance du mouvement féministe dans les années 1960-1970) qui ont permis de reconnaître l’endémie cachée et ignorée d’abus physiques et sexuels d’enfants et d’établir des liens entre les vécus traumatiques, les symptômes post-traumatiques et les symptômes disso- ciatifs.5Dans le début des années 1990, toujours aux Etats- Unis, une réaction s’élève contre l’augmentation des révé- lations publiques d’abus d’enfants avec la création de l’«As- sociation du syndrome de faux souvenirs».5Malgré les efforts de validation du concept de troubles dissociatifs, les contro- Amnésie dissociative Fugue dissociative Trouble dissociatif Trouble de

de l’identité dépersonnalisation Critères DSM-IV (300,12) DSM-IV (300,13) DSM-IV (300,14) DSM-IV (300,6)

DSM-IV TR CIM-10 F 44,0 CIM-10 F 44,1 CIM-10 F 44,81 CIM-10 F 48,1

A. A. A. A.

– Incapacité épisodique – Départ soudain et – Incapacité permanente – Sentiment prolongé d’évocation des souvenirs inattendu (domicile, lieu d’évocation des souvenirs ou récurrent de traumatiques ou stressants de travail) personnels importants détachement (plus qu’une simple – Amnésie rétrograde (plus qu’une simple – Impression d’être mauvaise mémoire !) – Confusion/changement mauvaise mémoire !) devenu un observateur

B. d’identité (partielle ou – Deux ou plusieurs extérieur de son propre

Indépendante de : complète) identités ou états de fonctionnement mental

– Trouble dissociatif de B. personnalités distinctes ou de son propre corps

l’identité Indépendante de : et concomitantes (exemple : sentiment

– Fugue dissociative – Trouble dissociatif de (perception, pensée d’être dans un rêve) – Etat de stress post- l’identité et relation environnement – L’appréciation de la traumatique – Fugue dissociative et soi-même différentes) réalité demeure intacte – Trouble de somatisation – Etat de stress post- – Prennent tour à tour B.

– Substances traumatique le contrôle du Indépendante de :

– Affection neurologique – Trouble de somatisation comportement – Autre trouble mental

ou médicale générale – Substances B. (exemple : schizophrénie,

(exemple : traumatisme – Affection neurologique Indépendante de : panique, stress aigu, crânien) ou médicale générale – Substances (exemple : trouble dissociatif)

C. (exemple : épilepsie alcool) – Substances

– Souffrance cliniquement temporale) – Affection médicale – Affection neurologique

significative C. générale (exemple : ou médicale générale

– Altération du – Souffrance cliniquement crises comitiales (exemple : épilepsie fonctionnement socio- significative partielles complexes) temporale)

professionnel – Altération du – Confabulation infantile C.

fonctionnement (exemple : jeux – Souffrance cliniquement socioprofessionnel d’imagination ou significative

l’évocation de camarades – Altération du imaginaires) fonctionnement socio-

professionnel Tableau 1.Troubles dissociatifs : critères diagnostiques DSM-IV

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verses restent encore nombreuses dans la littérature quand à l’intérêt et à la pertinence clinique du concept, de même que des liens éventuels avec un vécu traumatique réel.

SÉMIOLOGIE DES TROUBLES DISSOCIATIFS

Etats modifiés de conscience ou troubles dissociatifs ?

Dans une revue récente de la littérature, il apparaît qu’il est important d’éviter l’utilisation du terme de dissociation pour des altérations du niveau de conscience (sentiment d’étrangeté, rêve éveillé, ou sens altéré du temps) non re- liées à une expérience traumatique.6Le consensus actuel tend à envisager les altérations de la conscience comme étant des symptômes dissociatifs uniquement s’ils sont reliés à une expérience traumatique, mais pas s’ils accom- pagnent d’autres troubles mentaux.

Les troubles dissociatifs sont regroupés dans plusieurs entités diagnostiques : amnésie dissociative, fugue disso- ciative, trouble de dépersonnalisation, trouble dissociatif de l’identité (personnalité multiple), transe dissociative et troubles dissociatifs non spécifiés (critères diagnostiques DSM-IV,tableau 1).

Une brève comparaison entre les entités nosologiques retenues par la CIM-107et le DSM-IV8est illustrée dans le tableau 2. Les différences entre les deux systèmes de clas- sification traduisent le questionnement clinique actuel concernant la place et la nature du processus dissociatif dans les troubles de conversion et somatoformes. Au cours des dix dernières années, plusieurs auteurs ont sug- géré de mieux reconnaître la nature dissociative des troubles conversifs9et de remplacer le nom des troubles de conversion avec celui de «troubles dissociatifs somato- formes».

Vers le développement d’outils diagnostiques standardisés

L’échelle d’expériences dissociatives (Dissociative expe- rience scale (DES)) est l’échelle de dépistage la plus utilisée,

grâce à sa sensibilité et à sa traduction validée dans plusieurs langues (traduction française).10La sévérité de la dissociation peut être évaluée avec le questionnaire de dissociation (Dissociation questionnaire ou DIS-Q)11(traduction française).12 La Dissociative disorders interview schedule (DDIS) est un entretien structuré qui permet de confirmer le diagnostic DSM-IV pour les troubles dissociatifs. Le Structured clinical interview for DSM-IV dissociative disorders (SCID-D) est un entretien semi-structuré avec une bonne validité et fiabilité interjuges.13Le questionnaire de dissociation somatoforme (SDQ-20) est un autoquestionnaire évaluant la sévérité de la dissociation somatoforme.14

Comorbidités

La fréquence et l’importance de la prise en compte des comorbidités des troubles dissociatifs sont soulignées par de nombreuses études qui insistent sur la place d’une re- cherche systématique des troubles psychotiques, des trou- bles de l’humeur, des troubles anxieux, des dépendances et intoxications à plusieurs substances, des troubles de per- sonnalité, ainsi que de certains troubles organiques (sur- tout neurologiques). Les troubles dissociatifs de l’identité et la dépersonnalisation sont les troubles dissociatifs les plus fréquemment associés avec des comorbidités.15Les comorbidités les plus fréquemment associées sont les trou- bles de personnalité borderline (70%) et les états de stress post-traumatique.15

NEUROBIOLOGIE DES TROUBLES DISSOCIATIFS

Le développement récent des neurosciences nous invite à repenser les liens existant entre le substrat organique et les données cliniques des troubles dissociatifs. Sur le plan bio- logique, la dissociation a été très tôt considérée comme une réaction organique du cerveau et non seulement comme une production psychique.16Les approches évolutionnistes évo- quent un mécanisme de stratégies de «mauvaise adaptation»

(coping) pour faire face à un danger vital, potentiellement trau-

DSM-IV CIM-10

Troubles dissociatifs Troubles dissociatifs (de conversion)

Amnésie dissociative (300,12) Amnésie dissociative (F 44,0)

Fugue dissociative (300,13) Fugue dissociative (F 44,1)

Trouble dissociatif de l’identité (300,14) Stupeur dissociative (F 44,2)

Trouble de dépersonnalisation (300,06) Etats de transe et de possession* (F 44,3) Troubles dissociatifs de la motricité et

des organes des sens (F 44,4 à F 44,7) Autres troubles dissociatifs (F 44,8) Trouble dissociatif non spécifié (300,15) Trouble dissociatif sans précision (F 44,9) Tableau 2.Les troubles dissociatifs dans les classifications internationales

* Lors de l’état de transe dissociative, le patient présente un état modifié de conscience, durant lequel il peut manifester des hallucinations, une reviviscence d’évènements traumatiques, ou la perception d’un état de possession (du corps et de l’esprit) par un «esprit étranger». Dans le DSM-IV le trouble est inclus dans l’appendice B.

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matique. La grande hétérogénéité clinique des troubles dis- sociatifs a stimulé une approche neurobiologique spécifique pour chaque trouble, tout en s’interrogeant, dans un deuxiè- me temps, quant à un processus dissociatif biologique com- mun pour l’ensemble des troubles dissociatifs.

Plusieurs études de neuroimagerie décrivent l’implica- tion de différentes parties du cortex préfrontal (orbito-fron- tal et médiofrontal), des aires sensorielles associatives (tem- porales, pariétales et occipitales) et du système limbique (amygdales, insula, et gyrus cingulaires) dans les phénomè- nes dissociatifs rencontrés dans les troubles de déperson- nalisation, les troubles dissociatifs de l’identité et dans les états de stress post-traumatique(tableau 3).17

Les données biochimiques et biologiques confirment la présence d’indices mesurables modifiés chez les patients souffrant de troubles dissociatifs, comme le rapport déhy- droépiandrostérone sulfaté/cortisol sérique,18ou pour les triglycérides sériques, le cholestérol total, LDL et VLDL, qui apparaissent diminués.19Il a été également décrit une di- minution de la conductance cutanée chez les patients souf- frant de troubles dissociatifs, qui serait un reflet de la dimi- nution de l’activité du système nerveux autonome.20

Plusieurs études ont montré des modifications EEG, ainsi qu’au niveau des potentiels évoqués auditifs, lors des tests cognitifs faisant appel à la mémoire de travail chez des pa- tients souffrant de dépersonnalisation.17Au-delà des mo- difications EEG observées chez les patients souffrant de troubles dissociatifs, il existe un recouvrement partiel entre les troubles dissociatifs, les convulsions dissociatives et les troubles épileptiques, d’où l’importance d’une démarche diagnostique différentielle rigoureuse.21

Il existe également une ébauche de modélisation théo- rique qui postule l’existence de lésions anatomiques et fonctionnelles qui seraient impliquées dans la physiopa- thologie des troubles dissociatifs. Un modèle neurobiolo- gique, proposé par Sierra et Berrios,22avance l’existence d’un système d’activation cérébrale binaire à deux com- posants opposés, l’un inhibant la réponse émotionnelle (cortex préfrontal gauche, l’amygdale et le gyrus cingulaire antérieur) et l’autre stimulant l’état d’alerte (une autre par- tie de l’amygdale, les systèmes cholinergiques et monoami- nergiques ascendants et le cortex préfrontal droit)(figure 1). Le processus dissociatif serait dû à une réponse inap- propriée à un stimulus simple qui déclencherait le méca- nisme cérébral normalement stimulé lors d’une situation de danger vital. Il est suggéré que le cortex préfrontal médial aurait un rôle inhibiteur pour la dépersonnalisation, en empêchant le traitement émotionnel sur l’amygdale, ce qui produit une diminution de l’activité du système sym- pathique et de l’expérience émotionnelle.

TRAITEMENT DES TROUBLES DISSOCIATIFS

Prise en charge urgente des patients souffrant de troubles dissociatifs

Le trajet de la prise en charge des patients présentant un trouble dissociatif aigu nécessitant une prise en charge urgente est schématisé dans lafigure 2. Dans le contexte de l’urgence, il s’agit avant tout de «réveiller» les patients, d’évaluer les risques de passages à l’acte auto ou hété- roagressifs et de diminuer les symptômes dissociatifs aigus en favorisant une réafférentation spatio-temporelle.

Diagnostic Technique utilisée Activité cérébrale

DSM-IV

Dépersonnalisation SPECT 앖cortex fronto-temporal gauche

앗noyau caudé gauche

Dépersonnalisation PET-scan 앗gyri temporaux supérieur, moyen (BA 22, 21)

앖cortex pariétal gauche (BA 7B, 39) 앖cortex occipital gauche

Dépersonnalisation IRMf Stimulus aversif :

nulle dans insula et cortex occipito-temporal Stimulus neutre :

앖dans cortex préfrontal ventral droit et insula

PTSD IRMf 앖cortex préfrontal (BA 47, 10, 9)

앖gyri temporaux supérieur, moyen (BA 38) 앖gyrus cingulé antérieur (BA 24, 32) 앖cortex associatif pariétal (BA 7) 앖cortex associatif occipital (BA 19) Trouble dissociatif de l’identité PET-scan 앗cortex préfrontal médial droit (BA 10, 6)

앗cortex associatif pariétal (BA 7/40) 앗cortex associatif occipital (BA 19) Tableau 3.Etudes de neuroimagerie : l’activité cérébrale dans les troubles dissociatifs Références bibliographiques : Kelley et coll., 2005.17

PTSD : post-traumatic stress disorder ; SPECT : single photon emission computerized tomography ; PET-scan : positron emission tomography scan ; IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ; BA : aires de Brodmann.

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Le recours à une hospitalisation provisoire aux urgences est préférable à une hospitalisation psychiatrique, qui devrait être envisagée uniquement en présence de cer- taines comorbidités (troubles dépressifs avec des symp- tômes psychotiques et/ou des idées suicidaires envahis- santes, anorexie grave, comorbidités somatiques) et en cas d’absence d’alliance thérapeutique. Si une désorien- tation spatio-temporelle est présente, il convient d’envi- sager un diagnostic différentiel somatique avec un exa- men clinique attentif et au minimum une glycémie capil- laire. Après la disparition des symptômes aigus, la psy- chothérapie ambulatoire reste le traitement de choix des troubles dissociatifs.

Psychothérapie et troubles dissociatifs

Il n’existe actuellement pas de traitement psychothé- rapeutique standardisé pour l’ensemble des pathologies du spectre des troubles dissociatifs. Au-delà de la singu- larité inhérente à la rencontre psychothérapeutique, l’ap- proche thérapeutique varie en fonction du type clinique de la dissociation et surtout en fonction des comorbidités psychiatriques. Les techniques psychothérapeutiques les plus utilisées sont d’inspiration psychodynamique (asso- ciations libres, ou à partir des expériences dissociatives), l’hypnose (travail sur des états de conscience modifiées) et plus récemment des techniques cognitivo-comporte- mentales. Certaines approches psychothérapeutiques de groupes et familiales ont également été décrites.

En l’absence de consensus concernant le traitement des troubles dissociatifs, des ébauches de guidelines sont ac- tuellement en cours d’élaboration, notamment à l’initiative de l’ISSD (International society for the study of dissociation).

En complément du site internet tenu régulièrement à jour par l’ISSD (http://www.issd.org), leJournal of trauma and dis- sociation,initié dans les années 2000 comme étant le journal officiel de l’ISSD, offre un forum de discussion pour les dif- férentes approches thérapeutiques et pour les nouvelles données de recherche. Les meilleurs degrés de consensus de la littérature2,23concernant la psychothérapie des trou- bles dissociatifs sont résumés dans letableau 4.

Pharmacothérapie et troubles dissociatifs

L’approche psychopharmacologique dépend avant tout des comorbidités psychiatriques : troubles anxio-dépressifs, utilisation d’anxiolytiques et d’antidépresseurs, ou la pré-

Tableau 4.Approche thérapeutique des troubles dissociatifs

1.Explorer l’étendue des symptômes de dissociation après avoir envisagé systématiquement le diagnostic différentiel somatique et psychiatrique (intérêt des outils diagnostiques validés : DES, DIS, SCID pour DSM-IV)

2.Interroger les facteurs favorisant l’apparition des symptômes dissociatifs

3.Traitement systématique (psychothérapeutique et pharmacologique) des comorbidités

4.Traitement psychothérapeutique en deux temps : – Stabilisation symptomatique, prise en compte du risque suicidaire

– L’exploration, l’assimilation et l’intégration des réminis- cences traumatiques

5.Travailler le transfert en tenant compte des expériences traumatiques et des symptômes de dissociation

6.L’intégration progressive des différents états de personnalité dissociés dans une personnalité unique, stable

7.Consolider et stabiliser progressivement les améliorations thérapeutiques

8.Soutenir le patient en cas de rechute Figure 1.Modèle neurobiologique de la dissociation

Adapté d’après Sierra et Berrios, 1998.22

Figure 2.Prise en charge des troubles dissociatifs Adapté d’après Damsa, et coll., 2005.2

OUI OUI

OUI NON

NON Pas de confusion Pas desymptômes aigus

Risque suicidaire Comorbidité ?

TROUBLES DISSOCIATIFS

Désorientation spatio-temporelle

Dissociation aiguë Psychothérapies ambulatoires :

Psychodynamique

Hypnose

Cognitivo- comportementale

Familiale ? DD somatique ?

Urgences psychiatriques

«Réveiller» les patients

앗aigus 앗Barrières au traitement

Alliance thérapeutique Sécurité du patient

Pharmacothérapie

Pathologies somatiques

Hospitalisation psychiatrique

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sence de certains symptômes psychotiques, nécessitant l’introduction d’un antipsychotique. Plusieurs études phar- macologiques ont questionné l’intérêt de certaines molé- cules (clonidine, naltrexone), pour le traitement des troubles dissociatifs,24mais aucune action spécifique n’a pu être démontrée.

CONCLUSION

L’importance de la connaissance des aspects épidémio- logiques, cliniques, des comorbidités et du diagnostic dif- férentiel des troubles dissociatifs par les cliniciens est illus- trée par le consensus qui existe dans la littérature concernant l’intérêt d’une prise en charge spécifique et précoce de ces troubles, pour améliorer leur pronostic. L’intégration des données neuroanatomiques, biochimiques et endocrino- logiques dans un modèle étiopathogénique des troubles dissociatifs semble un nouveau défi pour les neurosciences.

Sur le plan thérapeutique, il n’existe actuellement pas de

guides thérapeutiques consensuels et validés empirique- ment malgré des efforts de synthèse des données de la littérature, notamment à l’initiative de l’ISSD.

Implications pratiques

Les symptômes dissociatifs sont importants à investiguer systématiquement en médecine générale lors des troubles somatoformes, des syndromes douloureux chroniques, ou en cas de présence d’idées suicidaires

Des guides cliniques peuvent aider les cliniciens dans la démarche diagnostique différentielle et la recherche systé- matique des comorbidités des troubles dissociatifs, surtout dans le contexte de l’urgence

Une prise en charge psychothérapeutique spécifique et précoce des troubles dissociatifs permet l’amélioration du pronostic

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* à lire

** à lire absolument

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