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Vista de Le lexique non conventionnel dans la chanson française contemporaine de Brassens à Renaud.

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Le lexique non conventionnel dans la chanson franfaise contemporaine de Brassens

ti

Renaud

JOSÉ MANUEL TORRE ARCA UNIVERSIDAD DE OvIEDO

CHANsoNs CONST!TUANT LE CORPUS DECET~E ÉTUDE

GEORGES BRASSENS: La mauvaíw réputation - Le parapluie - Lejos- soyeur - Le gorille - Come dA urochs - 1-lécatombe - La cha sse au.x papillons - ini rendez-vaus avec vaus - Les amoureux des bancs publics - Pauvre Martin -

Dra ve Margot - 11 suffit de passer le pont - La cane de Jeanne - Chanson paur l’Auvergnat - La premiére filíe- La mauvaise herbe - Une joliefleur (dans une peau de vache) - Je suis un voyou- Le manvais su/u repenti - P... de taj- Je me suis fait tout perit- Auprés de man arbre -Marinette - Le testament - Les cro- quants - Le nombril des femmes <¡‘agents - Oncie Archibald - Cetui qui a mal taurné - Grand pére- Les lilas - Le pornographe - Comme une soeur - A 1 ‘ombre

<¡u coeur de ma mie - Le cocu- Le vieux Léon - La ronde des jurons -Lafémme

<¡‘1-lector - Funérailles <¡‘antan - Le mécréant - Embrasse-les tous - Le bistro- L’orge - La ballade des cimetiéres - La complainte des filíes dejoie -La jilie ti cent sous - Le temps nejhit rien ti 1 ‘afihire - Tonton Nestor -Le temps passé - La traitresse - Les trompettes de la renommée - Jeanne - Je rejoindrai ma helle- La guerre de 14-18- Les amours <¡‘antan- L’assassinat - Saturne- Vénus Calíipyge

-Les <¡eta oncles- Le grand Pan - Le 22 Septembre- La ron/eatagua/re chan- sons - Les copains d’abord- Le mouton de Panurge- Les quatr’z’arts

JOE DASSIN: A toi- Le café des trois colombes-Les petits pains au chocolat MICHEL FUGAIN: Fais comme 1 ‘oiseau

GILBERT LAFFAILLE: Tango palmé - Le dernier des mohicans- Le bonjaur

<¡‘Alfred- Le yerre d’eau- Le Présidení et i’éiéphant - Le 3e B- Éducation Natio- trate -Sous une ombre végétale -Histoire d’oeil

ilornenaje al Prof J camera.Serv. Publicaciones Universidad Complutense. Madrid, 199?

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484 J. M. Torre Arca MAXIME LEFORESTIER: Dialogue -Mauve GÉRARD LENORMAND: De toi

GEORGES MOUSTAKI: Le météque- IIest trop tard CLAUDE NOUGARO: Toulouse - Amstrong

RENAUD: Ma gonzesse - Sons dcc’ - Chtimi Rock - La rae Charron -i’ai la vie qui m’pique les eux - C’est mo>z dernier hal - Chanson poar Pierrot - Laisse béton -A<¡¡ea, .fiulette - Le séparatiste-Le loubard-La bande dejeunes

ALAIN SOUCHON: Bidon

Comme chacun le sait, ce qu’on appelle communément l’argot occupe une lar- ge place dans le fran~ais parlé contemporain; plus large probablement que dans d’autres langues, méme si ce phénoméne sociolinguistique se répand de plus en plus dans beaucoup de pays it l’heure actuelle. La pénétration de l’argot dans le fran~ais populaire est un fait accompli depuis trés longtemps; il se peut méme que les limi-

tes entre Lun et l’autre n’aient jamais été bien nettes. Ce qui est relativement nou- veau est la pénétration de l’argot, ou plutót du parler vulgaire, dans le fran~ais par- lé des classes élevées.

En espagnol, les classes dirigeantes. cóté masculin, se sont traditionnellement exprimées it grand renfort de gros mots dés qu’on quittait la vie officielle. Mais ce qui caractérise depuis longtemps le franyais parlé par rapport it l’espagnol c’est l’a- bondance de termes d’origine argotique; alors qu’en espagnol, á paft les gros mots, l’introduction de l’argot, el cheli,est beaucoup plus récente.

Rien d’étonnant donc dans le fait que la chanson franQaise contemporaine aftiche un goút trés marqué pour le vocabulaire et les expressions non conventionnels. Jus- tement parce qu’elle reste bien fran~aise, ce qui n’est pas toujours le cas pour la chan-

son espagnole. La chanson fran~aise nc fait en cela que se servir du fran9ais con- temporaintel qu ‘on le parle, c’est bien le cas de le dire, et c’est de ce fait qu’elle retire cette impression d’authenticité que la chanson espagnole ne donne pas souvent.

De Brassens it Renaud nous essayons de montrer la continuité de cette iínpres- sion d’authenticité, qui vient dans une large mesure de l’emploi d’une langue qui est vraiment celle des auteurs. Bien entendu, il nc s’agit pas de véritable argot, au sens technique du mot, mais de la langue familiére, voire vulgaire, enrichie par le génie de ces chansonniers, imagée et expresstve.

Lorsque nous avons dépouillé les paroles des 103 chansons qui forment le cor- pus de notre étude, nous avons constaté que l’emploi de ce qu’on pouvait nommer strictementargot était plutót restreint. La plupart des mots ou des expressions argotiques qui apparaissent daus ces chansons nc sont que du franyais plus ou moins vulgaire, maN aprés tota quotidien, qu’on entend dans la rue et qu’on trouve déjá dans les dictionnaires spécialisés depuis un quart de siécle.

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Le lexique non conventionnel dans la chansonfran~aise contemporaine... 485 Sur les quelques 400 mots non conventionnels que nous avoas relevés dans les- dites 103 chansons des lO auteurs choisis, nous n’avons eu it consulter les diction- naires non conventionnels que pour une cinquantaine it peu prés, et ceux-ci nous ont fourni le renseignement voulu pratiquement dans tous les cas. II restait une petite dizaine pour lesquels

u

nous a fallu avoir recours it des amis fran~ais plus jeunes que nous pour nous tirer d’affaire.

C’est [‘¿tude de quelques-uns de ces mots que nous essayons de présenter ici insérés dans les paroles des chansonníers. Des paroles répétées des milliers de fois par les juke-box et par dizaines de milliers de filíes et de garyons pendant de Ion- gues années, avant et aprés Mai 1968.

Nous nous centrons ici, faute d’espace, sur les mots que les dictionnaires con- ventionnels n’ont pas encore enregistrés, it quelques exceptions prés pour des mots ou des expressions que ces dictionnaires n’ont aceueillis qu’aprés 1982. Pour les autres, nous en avons dressé l’inventaire ailleurs (Torre Arca: en prep.). En ce qui concerne les premiers, il y en a qu’on trouve dans un ou dans plusieurs dictionnaí- res non conventionnels (voir Références Bibliographiques), et il y en a d’autres que nous n’avons pas pu trouver dans ce genre d’ouvrages.

1. Desmots qu’on trouve dans les dictionnaires conventionneis

Quelques mots et expressions argotiques ou vulgaires ou famliiers enregistrés dans les dictionnaires

delaIangue générale aprés 1982

ASSURER: étre ti la hauteur, étre trés bon (Petit Robert 1993): Elle assu re, en planche ti voile!. Ji assure sec au niveaafringues, c’est it dire ilen connatt un boat,

u

est tout ti faitfiable poar ce qai concerne la mode vestimentaire; Cóté loutes, il assure, c’est it direc’est un exceilent dragueur (R. Merle). C’est l’antonyme de CRAINDRE dans l’usage familier du fran~aisbranché (voir mfra).

tous les rockers fran9ais ont carrément flippé 1avec des musicos qui assurent comme des bétes (Renaud,Chtimi Rock)

BASTON:bagarre(Petit Robert 1993)

Quand ~a a dégenéré en baston général (Renaud, C’est man deernierbal)

(FAIRE) CAROUSSE:

Dés qu’un homme vidait les cruchons,1qu’unsac is vin faisait carousse(O. Bras- sens,Le grand Pan)

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486 1M. Torre Arca

Nes! empioyé que dans l’expression vicillie faire carrousse, débauche (Littré).

C’est un archaísme que les dictionnaires les plus usuels ne donnent plus; nous ne l’avons trouvé que chez Littré. Comme c’est le cas d’autres archaysmes qu’on trouve dans telle ou telle chanson de Brassens, it force d’étre musité c’est un mot non conventionnel. rare; c’est pourquoi nous l’incluons ici.

CASTAGNE: bagarre (Petit Robert 1993); it rapprocher de CHáTAIGNE et de MARRON, méme sens. fl’aprés Cellard-Rey. attesté vers 1920.

cl merneles niémés aimentlacastagne(C. Nougaro, Taulause)

et on s’est arraché direction la castagne (Renaud,C ‘est nio,, deernier bol)

CRÉGNOSSE:II s’agit d’unevariante orthographique de CRAIGNOSSE, dérivé argotique du familier CRAINDRE étre núnahie, nc pas tire ti la hauteur (Petit Robert 1993), antonyme actuel du familier ASSURER (voir supra).

iparie quec’est un vraiLevy-Strauss / ¡1est carrérnent pas créguosse (Renaud, Loi.ssebélon)

R. Merle: sans intérét, nul, non avena. ~A CRAINT:faut se méfier. Fait partie, dit Merle, de cette cohorte de néologismes en -os: DEBILOS, CALMOS, CHJCOS CASSOS, TRANQUILLOS, etc.

DIRE MERDE: qul esí dissytnétrique. Le Petit Robert enregistre l’expression bien connue UN OEIL QUI DIT MERDEitL’AUTRE se <¡it de quelqa ‘un qui est strabique. Elle est aussi dans La méihode ti Mimile.

Sil y a des coups de pied aucuí qui se perdent ¡ celoi-lis toucha son but / c’est depuisce temps-lá que le bon apótre la une fesse qui dit merde A lautre. (G. Brassens.

Crand-pére).

MATER: regarder sons tire vu (Petil Robert 1993); épier, guetier, regarder (Caradee). Ce n’est pas tout A fait le sens actuel: obsener attentivement,surveiiler (Rey et Cellard); regarder (Sandry et Carrére). La graphie chez Renaud est erronnée (voir MáTER, avec un accent circonflexe. poarvoir un navire de móts. ¡neitre les móts en place).

yavait une bande de mees1<...) quinous mñtaient A mort (Renaud,Cesí ‘non dernier bal)

D’aprés le Nouveau Petit Robert, c’est un hispanisme algérois, attesté depuis 1897.

jIMORT: beaucoup, énormement (Petit Robert 1993)

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Le lexiquenon conventionnel dans la chanson fran~aise contemporane... 487 y avait une bande de niecs1(...)qui nousmátaient ir mort (Renaud,C’est ,non deernier bol)

Voir aussi les trés intéressants commentaires de P.Merle.

(DU) PEU: ¡Que no es poco!, ¡Que no es poca cosa!, ¡Que no es moco de pavo!

Mimi, de prime abord, payait guére demine, 1(...) / C’étaient me direz vous des gráces roturiéres 1 maisc’étaient mes amours, excusez-moi du peu. (O. Brassens,Les amours dantan).

C’est une expression familiére un peu vielílie et assez peu employée. Nous ne l’avons trouvée que dans le Littré: Iran. Excusez <¡u pca, poar qqch. de trés inrpor- tant, et dans le Larousse bilingue 1967: Excusez <¡u peu, que les auteurs traduisent par ¡Paca cosa!

II. Des ¡notsmi des acceptions que nous n’avons pas trouvés dans les dictionnaires de la langue générale.

Des mots ou des expressions que nous avoas trouvés dans des dietionnaires non conventionnels

AVOINE: correction physique, sévices (Cellard-Rey); volée de coups(Caradec);

FILER une AVOINEcorriger(Sandry-Carrére).

Si tu me dis qu’elle est moche / ...je t’allonge une avoine (Renaud.Ma gonzesse).

(SE) BASTONNER: se battre (Sandry-Carrére)

Cafait un bail qu’on sest plus bastonné (Renaud, Ccximan dernier bal)

~ la BASTON:bagan-e (Caradee)

Je te paie tes bottes ir la baston (Renaud,Laisse béton)

BLANCHECAILLE: blanchisseuse (Cellard-Rey, vers 1935); blanchisseuse (Sandry-Carrére); blanchisseuse, hlanchissage (Caradee); á remarquer le suffixe- CAILLE. argotique.

Moi mes amours d’antan c’était de la grisette1 Margot la blanchecaille et Fajichon la cousette (O. Brassens, Les amours d’antan).

DRAGUER: Le Petit Robert 1982 donnait le senschercher, provenant de l’argot militaire d’environ 1914, puischercher& racolerquelqu’un, ven >960, puis errer

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488 J~ M. Torre Arca

ti la recherche <¡‘une aventure facile. Le Nouveau Petil Robert 1993 donne encore ces seos, mais y ajoutefaire la caur. Parmi les dictionnaires non conventionnels, seul Caradee donne le sens actuel, oú l’idée de prostitation est tout it fait absente, comme dans l’espagnol LIGAR:

et Lambert qui essaye de draguer Man-Jo (6. Laffaille, Histoire <¡‘ocil).

(SE) FENDRE LA POIRE: rire, samaser, se réjouir, comme SE FENORE LA PIPE, LA OCEULE (Sandry-Carrére, Caradee), SE FENDRE LA PéCI-IE (Cara- dee).

Artnstrong,tu te Iends la poire (Claude Nougaro,Armstrong)

GUIGNOL: gendarme. Caradec est le seul it offrir cette acception; les autres die- tionnaires n’enregistrent que marionnelte, puis personne comique ou ridicule.

Les gendarmes mal inspirés ¡ vinrent pour tenter laventure ¡ d’interrompre l’é- chauffourée. (...) Ces furies perdant tout’mesure I se ruérent sur les guignols 1 et donnérení(...) (O. Brassens, ¡-lécatoin be).

MARABOUT: curé, prétre. Seul Caradee l’enregistre avec un sens voisin de celui-ci: aumónier de la marine, d’oú il a pu facilement passer au sens de prétre en général. Le sens avec lequel il apparait encore dans les dictionnaires de la langue générale est celui d’homme saint de l’Islam et, par extension, le tombeau, devenu un lieu de pélerinage.

Tous les samedis je vais ir confesse1 (...) et je promets ferme au marabout (O.

Brassens, Le pornographe).

MUSICO: musicien (Sandry-Carrére, Caradec).

avec des musicos qui assurent comme des bétes (Renaud, Chnimi Rock)

JI est it remarquer ce suffixe -O, trés fréquent, comme dans DICO dictionnaire, PROLOprolétaire,METALLO, PORNO, etc.:

Auxcinoches deCréteil ¡ yjouaient que des pomos (Renaud,C’estman deernier bat) R. Merle, pour sa part, donne l’acception musicien de second ou troisiéme ordre, et il ajoute qu’á la différence de l’argot, en fran9ais branché il doit toujours se prononcer avec un -s final, m&me an singulier. Ce qui est it rapprocher. ajoutons- nous, du suffixe argotique ou familier -os: le CALANDOS le camemberl, CRAJO- NOSSE ou CRÉGNOSSE minable,sans valeur (voir supra).

POURRI: dégradé (Petit Robert), usé, en mauvais état (Caradec):

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Le lexique non con ventionnel <¡ans la chansonfron~aise contemporaine... 489 on fait du rock’n rolí qu’estcarrément pourri (Renaud,Chtimi Rock)

Employé comme adjectif, il était en vogue parmi les jeunes vers 1980: C’est paurri, ton truc, c’est it dire Ce n ‘esí pas acceptable ce que tu naus proposes lti.

Des niots oit des aceeptions que nous n’avous trouvés dans aucun dictionnaire.

Parmi ces mots ou ces acceptions ou ces expressions, il y en a dont le sens est parfaitement clair, soit paree qu’ils sont employés oralement depuis longtemps, soit paree que le contexte ne laisse pas de doute; mais

u

y en a d’autres dont le sens res- te ambigu, au moins pour nous et pour nos informants francophones.

A. Mots, acceptions on expressions dont le sens est parfaitemení clair

BALOCHE: buí, dérivé de BAL au moyen du suffixe argotique bien connu -oche, comme CINOCHE, etc.; aucun des dictionnaires consultés ne l’enregistre, alors qu’il est d’un emploi fréquent:

y aun baloche it Sarcelles ¡ on va y faire un saut (Renaud, C’est mon dernier bal) Au pluriel et ayee deux -11-, au sens de testicules, il est chez Caradee et chez Sandry-Carrére, mais il s’agit d’un autre mot, dérivé de HALLE, comme les BALLOCHARDS les se¡ns.

(COMME DES) BéTES: beaucaup, énormement. II a succédé dans la vogue idio- matique á VACHEMENT, devenu moins expressif it force d’en abuser. Les dic- tionnaires de la langue générale le donnent au singulier, COMME UNE BéTE: sé- clater, jouir comme une béte (Petit Robert 1993), qui est relativement nouveau employé dans ce sens positif. référé it des verbes tels que JOUIR; alors que dans le sens négatit appliqué it des verbes comme SOUFFRIR, il est bien traditionnel: souf- Jrir, travailler comme une béte (Petit Robert 1993). Mais le pluriel n’est pas enre- gistré, encore moins modifiant des verbes comme ASSURER au sens actuel, fami- lier, de s‘y connaítre bien, étre excellent, faire trés bien.

avec des musicos quiassurent cornmedes bétes (Renaud, Chtimi Rock)

CINOCHE: Dérivé de la surapocope CINÉ, ayee le suffixe argotique ou familier- oche. Le Petit Robert l’enregistre avec le sens, banal, de cinéma mais non dans l’emploi métaphorique équivalent it celui qu’ ont CINÉMA et COMÉDIE dans des expressions telles que FAIRE ou JOUER LA COMEDIE, EN FAIRE UN CINÉMA. Caradec donne ce sens figuré de CINÉMA, mais non de CINOCHE,

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490 JiM. Torre A rca

bien qu’il enregistre un ernploi trés voisin de ce dernier, SE FAIRE DU CINOCHE sefaire des illusions, irnaginer.

jel’entends rigoler, c’estsúr quil est au paradis, ¡(...) et moi je continue mon cinoehe (Renaud, Le loubord)

CROQUIGNOL:

cesfones(...) ¡se ruérent sur les guignols1et donnérentje vuos lassure /un specta- cíe assez croqoignol (O. Brassens, Hécatombe)

Les dictionnaires usuels le donnent au férninin comme perit biscuit croquant pútisserie, puis chiquenaude, petir coup dans le nez. C’est peut-étre de It que Louis Forton tira son personnage du ménie nom, Croquignol, l’un des trois Pieds Nickelés, avec Filocharó et Ribouldingue, les héros inoubliables de la bande déssi- née la plus connue du début du siécle. Si Brassens l’a employé dans le sens de comi- que, c’est du personnage de Forton quil a pu s’inspirer. Mais on trouve aussí CROQUIGNOLET mignon dans le Petit Robert et chez Caradee, évolution qui pou-

rrait s’expliquer it partir d’expressions d’affection comme IL EST MIGNON it CROQUER, par exemple. C’est peut-étre l’abrégé de ce mot qui apparait dans la ehanson, ayee ce sens de mignon employé ironiquement, it l’instar de FAS TRISTE qu’on applique souvent pour qualifier des situations pareilles: Q’a pasélé triste, je t assure(voir R. Merle).

on s’est frité ayee1 cétait vrairnent pas triste (Renaud. C’est man dernier bol) DUCATONS: argení. Comme le précédent, ce n’est pas du tout argotique, mais ce n’est pas larnilier non píos, il s’agit plutót d’un de ces archaismes si chers is Bras- sens; c’est pourquoi on nc le trouve pas dans les dictionnaires d’argot. Le Petit Larousse et le Petit Robert ne donnent que DUCAT ancienne monnaie <¡‘or, et le Littré abrégé donne aussi DUCATON ducal <¡‘argení; mais aucun des dictionnaires consultés nc le donne ayee cette acception d’argent en général. équivalant it SOUS, FRIC, POGNON.

II Iui fallait des.: ducatons ¡(...) pournavoir plus de peine(O. Brassens, La paute aux quatre chansoas)

(S’)ENJUPPONNER: lamber amoureux, se lier damoar ti une femme. Le Petit Robert 1993 donne COURIR LE JUPON coarir aprés les femmes, mais non S’EN- JUPPONNER; chez Caradee on trouve JUPONNÉ it’re et dans Cellard-Rey ENJUPPONNEjuge, magistral, avocar, en référence claire it la robe du barreau.

Mais aucune de ces acceptions a rien ir voir ayee le sens attesté chez Brassens:

je réve d’encore une amourette /je réve dencore m’enjupponner (O. Bras,sens,Le t«.sta>iient)

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Le lexique non con ventionnel <¡ansía chanson francaise conteniporoine... 491 (SE) FRITER: se battre. Appartient ir l’argot des jeunes le plus récent, contemporain des nouvelles acceptions d’ASSURER et de CRAINDRE (voir supra), et aucun des dictionnaires consultés ne l’enregistre. Le Petit Roben 1993 et Caradee donnent FRI- TE caup douloareux dans les fesses avec le reveis de la main /avec i’index replié.

Yavait une bande de mees1<...) on s’est frité avec (Renaud,C’est man dernier bol)

LáCHER LA BONDE: se mettre ti pleurer. Ce n’est pas du tout argotique, mais familier, du genre LáCHER LE PAQUET dénoncer avoaer, et moins vulgaire que d’autres expressíons ayee LáCHER telles que LáCHER L’ÉCLUSE uriner, LACHER UNE PERLE péter, LáCHER LA RAMPE inoarir, LáCHER UNE TUtú-

NF donner de ¡‘argení. Accompagné du complément AUX LARMES, ir SF5 LARMES, on le trouve dans des textes classiqoes; le Petit Robert 1982, par exem- píe. cite Rousseau: je l¿2chais la bande ti mes larmes; mais sans ce complément atícun des dictionnaires consultés nc l’enregistre.

La peineétait profonde Ile chagrin láchait la bonde (O. Brassens, La route au.v quatre chansons)

MALABARS:

Les litres Martin mñchaient des rnalabars1et se foutaient de tout (O. Lalfaille,La 3émeB)

On comprend aisément <¡u chewing-gum, mais aucun des dictionnaires consul- tés n’enregistre cette acception, pourtant bien connue, primitivement un nom propre, ccliii d’une marque de chewing-gum. C’est le niéme phénoméne qui a donné des mots conime FRIGIDAIRE ou MOBYLETTE en fran~ais, VESPA en espagnol.

Les dictionnaires, conventionnels ou non, ne donnent que lacception costaud, grand,fra (Petit Robert 1993), grand, fort (Caradee), trés fort (Sandry-Carrére), v¡goureux (Cellard-Rey).

OPINEL: un type de coateau. 4Ta été d’abord une marque de canif, puis par exten- sion un canif queleonque. L’emploi qu’ en fait le personnage de Renaud est ironique, puisqu’il s’agit sans donte d’un gros couteau:

viens faire un tour dans la ruelle. jete montrerai ‘non opinel (Renaud. Laisse béton)

SOUTE:

Parfois je m’engueulc poor une soute qo’est arnooreuse de tonte ma bande (Renaud. La bande dejeunes)

Le sens de .femme, filíe est bien clair, mais aucun des dictionnaires consultés nenregistre cette acception.

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492 J. M. Torre Arco B. Mots, acceptions ou expressions dont le sens

n ‘est pas bat ti/oit clair

(PERDRE SES) BILLES:

Mais se pendait irmon cou ¡ quand je perdais mes billes (U Brassens,Auprés de mon arbre)

Sandry-Carrére donnent BILLES ayee le sens argotique de testicules, et Caradee au singulier ayee le sens de téte, en tant que substantif, et ayee les sens de crétin et d’ivre en tant qu’adjectif. L’expression REPRENDRE SF5 BILLES se retirer <¡‘u- ne affaire, dune entreprise ou dune action collective est enregistrée dans le Petit Robert 1982 et chez Caradee aussi. Mais aucun de ses emplois ne rend compte du sens ayee lequel il apparait dans la chanson ci-dessus.

BOISSEAU:

Je tombaisur un boisseau de punaises desacristie (O. Brassens,Le mécréant) On comprend facilement un petil groupe, un certain nombre, mais aucun des dietionnaires consultés nc donne eette acception. Pourtant il n’est pas argotique, mais archaíque. L’expression familiére METTRE SOUS LE BOISSEAU cacher,

¡tire disparattre n’a aucun rapport ayee l’emploi ci-dessus.

BOYES:

jenai plein les boyes dccc bled (Renaud,Le loubord)

L’expression est sans doute une variante de J’EN Al PLEIN LES BOIlES, mais aucun des dictionnaires consultés nc donne BOYES. Neus estimons cependant qu’il est it rapprocher do mot BOYAUX intestins, et que la phrase en question est done équivalente it TEN Al JUSQU’AUX TRIPES on JUSQUE DANS LES TRI- PES, c’est ir dire J’EN Al .IUSQUE LÁ, J’EN Al MARRE, J’EN Al RAS LE BOL. On trouve BOYAUTER rire aux éclats chez Sandry-Carrére, et BOYAU- TANT trés amusaní, comique, chez Caradec, mais il nous semble que ce verbe et cet adjectif argotiques n’ont aucun rapport ayee l’expression de Renaud, malgré le- xemple de Sandry-Carr’ere, le boyau de Ja rigolade.

CABOT:

C~est le sang d’un voyou qoirévait de millions /j’ai des rnillions d’étoiles au fond de Inon cabot (Renaud,La rue Pierre Charon).

Cellard-Rey donnent le sens cIñen, et Sandry-Carrére ciñen, puis actear pré- tenlieux; Caradec pour sa part donne chien, puis caporal, contrema?tre, puis comé-

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Le lexique non canventionnel dans la chanson fran~oise contemporaine... 493 dien. Mais de toute évidence aucune de ces acceptions ne correspond ir l’emploi de Renaud ci-dessus. II s’agit peut-étre d’une masculinisation de CABOCHE téte qu’on trouve chez Caradee et dans Cellard-Rey, employé depuis 1821 et familier aprés 1860 (Cellard-Rey).

SE PAYER SUR ...BéTE:

Coniprez pías sur oncle Archibald1pour payer les vioions da hal 1 Avos fétes. ¡ (.3 1 Ton temps de dupe est révolo 1 personne ne se payera plus 1 surta béte ¡ Les plait-il maitre auront píos cours1 plus jamaistu n’auras it cour-1 ber ta téte (O.

Erassens,Oncle Archibald).

Brassens joue ici sur les mots en mélant les deux expressions connues SE PAYER LA TSTE DE QUELQU’UN se moquerde luí/elle et SE PAYER SUR LA HéTE directement, sans intermédiai re. Le sens est sans doute plus prés de la pre- miére que de la seconde, comme l’indique dans le vers précédent le mot DUPE et dans les vers antérieurs l’expression PAYER LES VIOLONS DU BAL; mais l’au- teur a voulu éviter le mot TéTE qu’il devait emp]oyer immédiatement aprés dans l’expression COURBER LA TéTE.

MARMITEUX:

La fine tleur de la 1 populace, ¡ tous les marmiteox. /les calamiteux 1 de la place (O.Brassens, Le bistro).

On comprend facilement les misérabies, mais le mot n’est pas dans les die- tionnaires. Le Petit Robert 1993 donne d’un cóté MITEUX chassieux, puis d’ap- parence mnisérable, minable, pauvre, piétre, et d’un autre cété MARMITER bom- barde,, celul-lá vieux, employé ir la fin dii XIXe siécle, dérivé d’ime acception aujourd’hui obsoléte de MARMITE, abus de gros calibre. Nous pensons ir un de ces jeux de mots si chers ir Brassens, mélant ici l’id¿e de ceta qui trafnent la mar- mite et les miséreux, les misérabies, íes miteux.

MECHEF:

voilis mechef¡que derechef 1 voos osátes porter¡(...) (G. Brassens, Tonton Nestor) Aucon des dictionnaires consultés ne le donne. Nous pensons ir une transeription de MON CHEE prononcé conime MONSIFUR: m’sieu, m’chef? II fallait ir J’auteur une rime pour DERECHEF (encore un archaisme chez Brassens) qui n’était pas facile it trouver, et le mot CHEF it liii seul ne faisait pas le poids, puisqu’il manquait une syllabe.

POULPIQUET:

Etre mére de trois poulpiquets ir quolbon ¡ quand elle est mére universelle (O.

Brassens, Jeanne).

(12)

494 J.M. Torre Arco

II est évident qu’il s’agit d’un des trés nombreux synonymes du mot ENFANT, tels que GOSSE, MÓME, MARMOT, mais aucun des dictionnaires consultés ne

l’enregistre. Fst-ce un mot dialectal, propre au parler de Séte, ancien port de pécheurs, dérivé de P0ULPEpieuvre, et employé ici pour désigner íes enfi¡nts, qoi évoqueraient chez l’auteur l’idée quils collení, s ‘accrochent, ti lear mntre, comme

le font les pieuvres ayee leurs ventooses?

PAYER des PRUNES:

Ihabite píus de mansarde. ¡ II peut désormais ¡ tomber des hallebardes, ¡je m’en bats l’oeil.niais ¡ si quelquon monte aux cieux1 moins que moi j’y paie des prones.

(O. Brassens.Auprés de man arbre).

L’expression évoque dans le leeteur une vague idée de prix. en aecord ayee l’idée sous-jacente de concurrence ou de compétition qu’impíique la comparai- son MOINS QUE MOL. Mais les seules aceeptions que nous ayons tcouvées (outre celle de frui, évidemment) ont toutes un sens péjoratif; ainsi Vexpression POUR DES PRUNES paur rien chez plusieurs auteurs, et dans Caradee coup, puis contravention. Nos informants franqais n’ont pas pu nous éelairer non plusir ce sujet.

Les QUAT’Z’ARTS:

Lesquat’zarts avaient fa,t les choses conime il faut. 1 lenterrement paraissaitoffi- ciel.Bravo (O. Brassens,Les quar’z’arr.s).

Nous nc l’avons troové dans aucun des dictionnaires consultés. II s’agit d’une soirée dansante it la mode d’avant-guerre, organisée it ce que nous croyons par les étudiants de Beaux-Arts, lesquels imitaient un enterrement, parmi d’au- tres blagoes oú le gros sel nc faisait pas défaut, par exemple lorsqu’on obligeait

les nouvelles étudiantes de l’École ‘a se deshabiller devant toute le monde.

Dans cette méme chanson il y a une claire allusion ir cette borde plaisanterie:

Ce n ‘éíait pas <¡u buí des filíes en tutu / (...)/et nul nc leur criait: ti poií ti poil ti poil.

SCARABÉE:

Le jour denotre naissance deux scarabées sant morts ¡ dés qu’un enfant rentre dans la vie un vieillard en sort (Renaud,Sons dcc’).

S’agit-il vraiment des insectes nommés ou est-ce plutót un synonyme argotique de VIEILLARD? Aucun des dictionnaires consultés nc donne cene acception et nos informants fran~ais nc la connaissaient pas non plus.

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Le lexique non conventionnel dans la chansonjranQaise contemporaine... 495

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Références

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